À quand l'entrée de la Bibliothèque
Nationale du Québec
dans le projet « Recherche de
livres » de Google ?
Guy Laflèche
Université de Montréal
Le Devoir, 2 novembre 2007, p. A8.
La
Bibliothèque Nationale du Québec à
Montréal est une incontestable réussite. Comme les
autres Grandes Bibliothèques, elle rassemble des centaines
de
personnes par pur plaisir autour des
livres, des journaux et des revues, et, finalement, des ordinateurs
ouverts au multimédia et aux réseaux internets.
[C'est une grande réussite, sauf en ce
qui concerne son nom, disons-le
en
passant. La dénomination de Bibliothèque et Archives
Nationales du Québec, les BANQ (voire même les BAnQ,
avec
un petit n) est copiée sur la BAC, la
« Bibliothèque et Archives Canada »
(sic),
traduction littérale fautive de Library and Archives Canada,
LAC. Est-ce que l'amalgame de la bibliothèque et des
archives
étaient vraiment nécessaire ? Mystère de
la Sainte Dualité. Est-ce que l'administration et ses
fonctionnaires ne pouvaient pas garder pour eux que la
Bibliothèque Nationale et les Archives Nationales
étaient un Dieu en deux personnes, au lieu d'en accabler le
public ? Passons.] (*)
La question qui se pose maintenant est toute
simple : quelle sera la prochaine
étape ? Comment notre Bibliothèque Nationale
pourrait-elle favoriser la diffusion universelle de ses
collections ? Comment serait-il possible qu'elle mette
rapidement et efficacement ses livres à la portée de
tous les lecteurs du monde branchés sur l'internet ?
Facile. Il lui suffit de rejoindre les treize bibliothèques
qui sont aujourd'hui partenaires de la compagnie Google, dans le
projet intitulé « Recherche de livres ».
Gratuitement et en un rien de temps tous les livres de notre
bibliothèque nationale qui sont du domaine public se
trouveraient à la portée de ceux qui veulent les
consulter ou les utiliser sur la toile.
Le programme « Recherche de
Livres » de Google comprend deux volets. Le premier est
un regroupement d'éditeurs qui annoncent leurs livres, en
proposent des extraits, voire en laissent consulter quelques pages
ou même les textes au complet. À ce jour, plus de dix
milles éditeurs participent au projet. Chaque
éditeur
choisit à sa guise les ouvrages qu'il propose et pour chacun
d'entre eux le mode de consultation. Il n'y a aucun contrat
d'exclusivité et l'éditeur peut se retirer du
programme
en tout temps. Cela dit, 10.000 éditeurs, cela fait
déjà une banque de pas mal de livres.
Or, le second volet du programme
« Recherche de livres » compte
actuellement treize bibliothèques partenaires
extrêmement prestigieuses qui contribuent à la
bibliothèque électronique de Google en y
déposant, chacune, entre cent mille et quelques millions de
livres. Il s'agit d'ouvrages du domaine public qui sont ainsi mis
gratuitement à la portée de l'internet. Et
gratuitement n'est pas le mot, car c'est Google qui assume les
frais
de mise en place, alors que les bibliothèques partenaires,
comme les éditeurs, peuvent présenter, sur leur
propre
site internet, les fichiers scannés par l'entreprise de
Californie.
Comme dit ma mère, à ce
prix-là, tu ne peux pas t'en passer.
Les cinq premières
bibliothèques
à participer au projet de Google furent la très
prestigieuse Bodleian Library d'Oxford en Grande Bretagne et les
bibliothèques de la ville de New York et des
universités de Harvard, de Stranford et du Michigan aux
États-Unis. On compte maintenant parmi les treize
bibliothèques partenaires de Google la Bibliothèque
Nationale de Catalogne, première
du genre
à faire son entrée dans le projet, et la
Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne,
première bibliothèque de langue française.
La Bibliothèque Nationale du
Québec serait donc la première à rassembler
modestement les deux titres, la première bibliothèque
nationale francophone à participer au
programme.
Google ou Europeana ?
Malheureusement, il semble bien que notre
bibliothèque soit
piégée dans le clan rétrograde de la
République française. En effet, le programme de
Google a été entrepris vers
2000 et lancé officiellement à la fin de 2004.
Dès ce moment, la République française s'est
elle-même
lancée dans une croisade hallucinante pour contrer ce projet
« impérialiste » au service de
« l'hégémonie culturelle mondiale des
États-Unis pour les générations
futures » qui « risque de s'imposer aux
dépens de l'héritage de siècles de sages
réflexions ». Les États-Unis (je vous
jure ! ce n'est plus de Google qu'il est question....)
auraient
ainsi pour objectif d'imposer un « idiome
simplifié » comparable au « grec
abâtardi », etc. Heureusement, la France est
là pour sauver la civilisation.
Ce discours paranoïaque est bien celui de
la République française. Le président Jacques
Chirac, le ministre de la culture et de la communication Renaud
Donnedieu de Vabres et le président de la
Bibliothèque
Nationale de France Jean-Noël Jeanneney étaient tous
impliqués dans ce délire. Et ce discours maladif a
été relayé par tous les grands journaux
français. Il suit, évidemment, que de nombreuses
actions judiciaires ont été lancées contre
Google, dont la plus célèbre est celle du Groupe La
Martinière, appuyée par le Syndicat national de
l'édition de la République française.
Le résultat de tout cela est un petit
pet
informatique intitulé de manière très peu
appropriée Europeana. La République française
de proposait de jouer les matamores en réunissant
dix-neuf Très
Grandes Bibliothèques
européennes
pour écraser l'Amérique. Finalement, elle n'a pu
embrigader que deux bibliothèques nationales, celle de
Hongrie
et du Portugal. Et le résultat mathématique est bien
simple, puisqu'il compte tout au plus 12 000 ouvrages. Le
projet
de
Google comprend aujourd'hui des centaine de milliers d'ouvrages et
la question est de savoir quand il passera le cap de son premier
million.
Pour la Bibliothèque Nationale du
Québec, la question est donc fort simple. Est-ce qu'elle
veut
jouer dans la cour des grands ou s'amuser dans la petite ligue
mineure dirigée par la République
française ? Est-ce qu'elle veut refléter ce
qu'elle est, une grande bibliothèque d'Amérique, ou
cautionner le discours nationaliste, patriotard
et chauvin,
clairement anti-états-unien, et proche du racisme, de la
République française ?
Comme dit ma mère, il y a des prix,
même tout petits, que tu ne veux pas payer.
Mais, après tout, peu importe les
projets
de la Bibliothèque Nationale du Québec, qui peut
d'ailleurs en compter plusieurs, dont sa participation à
Europeana qu'elle devrait payer à grands frais.
L'important,
me semble-t-il, serait de ne pas laisser passer la chance de
participer au projet « Recherche de livres » de
Google qui ne lui coûterait rien et lui rapporterait
beaucoup.
Références
http://books.google.com ou http://books.google.fr
Recherche de livres de Google.
http://www.europeana.eu Europeana, bibliothèque
numérique européenne.
[Attention : cette adresse conduit depuis 2008
à la Bibliothèque européenne,
c'est-à-dire
au portail des bibliothèques et musées
européens, conçu en 2000, sur la toile depuis 2005
— et qui a repris ce beau nom pour camoufler gracieusement
les déboires de la République, le nom de la
défute bibliothèque
« numérique » européenne pure
laine française.]
http://mapageweb.umontreal.ca/lafleche/co/pr6b.html La
République française contre Google, par Guy
Laflèche.
(*) Cet alinéa, comme on le lira plus bas,
n'a pas
été publié par le Devoir qui l'a
remplacé par le signe de la coupure : [...]. Les
références n'ont pas non plus été
publiées. — Et je profite de l'occasion pour signaler
le tout naturel lapsus que j'ai souvent
corrigé, mais laissé intentionnellement en place en
tête de la seconde partie de cette analyse : les ABNQ.
En effet, pour qui connaît son français, le sigle BANQ
est également une faute syntaxique. Comme le mot archives
ne peut (généralement) s'employer qu'au pluriel, il
doit donc venir avant le singulier bibliothèque. On
pourrait dire, les « bibliothèques et [les]
archives nationales du Québec », BANQ, si
bibliothèque était mis au pluriel, mais si tel n'est
pas le cas, il faut inverser les deux mots, ce qui, en prime,
respecte l'ordre alphabétique et donne le très
naturel ABNQ en français. Bref, comme sigle et comme
expression, BAnQ ne comprend pas moins de trois fautes. Qui donc
a étudié la question avant son adoption ?
[Les] BANQ ne [prennent] pas les mauvais conseils
Lise Bissonnette, présidente-directrice
générale,
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
(BANQ)
Le Devoir, 8 novembre 2007, p. A6.
Sur les conseils de sa
maman (1) qu'il cite à
répétition (2) (Le Devoir, 2 novembre 2007, « La BNQ
à
l'ère de Google »), un professeur au
département des
littératures de langue française de
l'Université de
Montréal nous reproche (3) de ne pas
nous joindre aux
quelques (4) bibliothèques
universitaires et
patrimoniales qui ont accepté de confier (5) la
numérisation de leurs livres anciens (6) au
géant américain Google. Guy
Laflèche a
tout faux en ces matières qui ne sont visiblement pas les
siennes; j'invite
ici sa maman à lui donner de nouveaux et plus judicieux
conseils (7).
À commencer par la
précaution élémentaire de regarder avant de
traverser la rue.
Il veut se rendre chez nous mais ne connaît même pas
notre nom, sans
doute le dernier littéraire au Québec à
ignorer que la BNQ
n'existe plus depuis deux ans. C'est dire avec quelle
assiduité il
fréquente BAnQ, l'institution qu'il veut chicaner, pourtant
partenaire de
tous les réseaux qui devraient être les
siens (8).
Sa maman aurait pu aussi
lui dire de se
méfier des inconnus, ce que Google est pour
lui (9). Le roman qu'il raconte aux lecteurs du Devoir
à propos
de la générosité du moteur de recherche
américain
mérite le prix du conte de fées. Google, dit-il
sommairement,
numérise gratuitement tous les livres des
bibliothèques participantes
et pousse la générosité jusqu'à leur
permettre de
mettre en ligne sur leur propre site les fichiers ainsi
« scannés » (le terme anglais est de
lui) (10) (11).
Que dirait-on si le Musée national des
beaux-arts du
Québec, dépositaire de nos richesses artistiques
nationales,
annonçait demain qu'il vient de remettre les droits
exclusifs de diffusion
et d'utilisation de ses collections à une
société
privée américaine (12) et
qu'il n'est
désormais autorisé qu'à les exposer en ses
murs ? (13). C'est exactement ce que
M.
Laflèche nous propose en ignorant tout des règles
qu'impose
Google (14).
Les fichiers numérisés demeurent
en effet la
propriété du moteur américain (15), qui
exige d'en devenir l'unique diffuseur commercial, d'en bloquer
l'accès
à d'autres moteurs de recherche et d'ériger diverses
barrières
à la circulation des fichiers, qui sont pourtant des biens
collectifs (16). C'est pourquoi, parmi les
centaines de
bibliothèques nationales du monde, une seule, en Catalogne,
a curieusement
accepté de remettre ainsi à un acteur privé la
propriété virtuelle de collections qui sont des
patrimoines nationaux
rassemblés au cours des siècles par des fonds
publics (17). La diffusion virtuelle de ces collections est
certes l'avenir,
il est impensable d'en remettre la propriété à
une firme
commerciale qui imposerait ses règles à
l'entrée (18). La maman de M.
Laflèche aurait
dû lui conseiller également de bien examiner les
bonbons que lui
proposent des inconnus : il leur arrive d'être
empoisonnés.
Elle aurait pu aussi lui
prescrire de
bien choisir ses petits copains. Tout en nous mettant en
cause (19), le professeur s'en prend surtout à ce
qu'il appelle
« le clan rétrograde de la République
française », envers lequel il n'a pas de mots
assez violents pour
dénoncer ce qu'il présente comme une croisade
solitaire (20) contre le richissime
Google qu'il
rêve tant de fréquenter. Or, plus tôt
cette année,
certaines des plus grandes bibliothèques et institutions
américaines
— Boston Public Library, Smithsonian Institution et un
consortium
de 19
prestigieuses bibliothèques universitaires et de recherche
de la
Nouvelle-Angleterre — ont annoncé qu'elles refusaient
l'offre de Google et
qu'elles exploraient ensemble des solutions
coopératives (21) sans restrictions d'accès (22),
comme celle qu'offre Open Content Alliance (23), quitte
à payer pour numériser leurs fichiers (24).
Après avoir brièvement
flirté avec
Google, la très prestigieuse Bibliothèque du
Congrès, la plus
importante bibliothèque nationale du monde, vient de lancer
un projet
alternatif avec l'UNESCO, auquel participent d'autres grandes
bibliothèques
nationales et la célèbre bibliothèque
d'Alexandrie (25). Cela fait bien du monde, hors l'Hexagone,
à adopter ce
que M. Laflèche appelle un « discours
paranoïaque »
ou encore « patriotard et chauvin, clairement
anti-états-unien et
proche du racisme » (26), excusez du peu. Sa maman aurait vraiment dû
exiger qu'il
apprenne ses leçons avant de tenter de les
enseigner.
Nous sommes donc de ce
« clan »
très large, non seulement européen mais
nord-américain et
états-unien, plus divers désormais que celui de
Google (27). Les collections de BAnQ, comme semble aussi
l'ignorer notre
imprécateur (28), ce ne
sont pas que des livres (29). Ce sont entre
autres des
journaux et des périodiques, des cartes et des plans, des
archives
historiques et littéraires, des enregistrements sonores, des
manuscrits, des
films, un immense tout cohérent qui se présente et se
présentera virtuellement dans son entièreté et
sa
continuité.
Nous n'avons aucune raison d'en extraire les
livres (30) pour en confier la présentation à
autrui. Nous
avons déjà numérisé des millions de
fichiers (31), ils sont disponibles sur notre portail,
fréquenté par des centaines de milliers de visiteurs
chaque mois, et
nous en numériserons encore des millions. Nous sommes parmi
les fondateurs
du Réseau francophone des bibliothèques nationales
numériques
et nous y préparons, au Québec, le prototype du futur
Portail commun.
Avec Bibliothèque et Archives Canada, autre institution de
renommée
mondiale et autre résistante à Google, nous
travaillons à une
solution coopérative ouverte et totalement accessible aussi,
plusieurs
universités canadiennes sont partie prenante de ce
développement. Et
nous suivons de très près la Bibliothèque
Europeana promue par
la Bibliothèque nationale de France (32), qui
comptera bientôt 100 000 ouvrages et non 12 000 comme le
prétend M.
Laflèche (33).
L'ignorance de ce
professeur nous
sidère (34). Mais sa
crise antifrançaise, si furieuse qu'elle va jusqu'à
l'expression
scatologique, nous mystifie encore plus (35). Sa maman nous dira-t-elle de quelle profondeur
surgit ce
malaise ? Ou devrons-nous conclure, devant une telle
série de faux pas,
que M. Laflèche a été mal
élevé ? (36).
Notes et commentaires critiques
Je commente l'opinion de la
présidente-directrice
générale qui se prend pour ma mère sur les
points que je
n'avais pas abordés dans ma réplique refusée
au journal (telle
qu'on la lira ci-dessous). Évidemment, dans une
réplique où
l'espace est compté, ce n'était pas la place pour
mettre une maman
spirituelle à sa place. Ici, oui, la pauvre.
(1) Faux, bien entendu : je suppose que la
présidente-directrice
générale des BANQ s'amuse. Je
l'espère bien pour
elle. Voici les deux phrases incriminées :
« Comme dit ma
mère, à ce prix-là, tu ne peux pas t'en
passer » et
« Comme dit ma mère, il y a des prix, même
tout petits, que
tu ne veux pas payer ». Il s'agit de deux proverbes que
j'attribue
à ma mère avec raison. D'aucune manière,
évidemment,
ma « maman » n'est en cause. Ce sont là
les deux
questions les plus importantes posées par mon intervention.
Premièrement, l'offre de Google aux bibliothèques
participantes est
gratuite : pourquoi la bibliothèque nationale du
Québec n'en
profiterait-elle pas ? Deuxièmement, le projet
Europeana
proposé par la Bibliothèque nationale de France
repose
entièrement sur une croisade
anti-états-unienne : est-ce
qu'à ce compte la bibliothèque nationale du
Québec accepte de
participer à cette entreprise ?
(2) À répétition :
l'expression signifie en
français que l'action est répétée
souvent. Tel n'est
évidemment pas le cas ici. En revanche, la
présidente-directrice
générale des BANQ, elle, va donner avec fureur et
passion dans
la
répétition.
(3) Je voudrais tout de suite éclaircir un
point important.
Mon interpellation est de l'ordre strict du questionnement. Jamais
d'aucune
manière je n'ai fait de reproches ni donné de
conseils. J'ai
posé des questions et donné mon avis sur la question
de savoir
pourquoi la Bibliothèque nationale du Québec ne
participerait pas au
projet « Recherche de livres » de Google. Tout
le vocabulaire
moralisateur de la présidente-directrice
générale des BANQ n'a
rien à voir avec mon intervention. Il en va en particulier
du titre que la
présidente-directrice générale des BANQ a
donné à
son intervention : « BAnQ ne pren[nent] pas les
mauvais
conseils ». J'ai posé une question, elle
répond qu'elle
n'a pas de conseil à recevoir. J'ai demandé
« pourquoi », elle répond
« parce
que ».
(4) Quelques ? Évidente mauvaise foi pour
qui connaît
un tant soit peu les treize bibliothèques partenaires de
Google.
(5) Ces treize prestigieuses bibliothèques
n'ont absolument
rien « confié » à la compagnie de
Californie.
Les partenaires acceptent simplement que Google scanne à ses
frais
(transport et assurance compris) une partie de leur patrimoine.
C'est une
transaction d'abord et avant tout commerciale. La
bibliothèque a les
livres, la compagnie a le savoir faire.
(6) Livres anciens ? La
présidente-directrice
générale devrait peut-être suivre un cours de
bibliothéconomie 101.
(7) Jusqu'à maintenant, si je lis bien comme
tout le monde,
la présidente-directrice générale n'a encore
exposé
absolument aucune idée. En quoi donc aurais-je tout
faux ? En ce qui
concerne l'affirmation que ces « matières [...] ne
sont
visiblement pas les siennes », il s'agit d'une injure qui
est de l'ordre
de la diffamation.
(8) La rédaction du Devoir a
laissé
paraître cet alinéa alors qu'elle avait soustrait le
mien qui portait
précisément sur le nom de la bibliothèque et
le sigle BANQ.
Je pense qu'il faut être gonflé pour agir de la sorte.
Cela dit, la
présidente-directrice générale n'a vraiment
rien à dire
pour prendre ainsi tout un paragraphe, sans aucun rapport avec son
sujet et qui n'a
d'autre objectif que de m'accabler comme imbécile et
ignorant. On
jugera.
(9) Un inconnu, « ce que Google
est pour
lui ». Je ne comprends pas le sens de cette proposition.
Comme elle
veut revenir à répétition sur le
thème fabuleux
de « ma maman », elle finit par ne plus
écrire en
français. Google n'est certainement pas pour moi un
inconnu, puisque je
présente fort correctement son projet « Recherche
de
livres », aussi bien pour les éditeurs que pour
les
bibliothèques, mais peut-être est-ce bien ce qu'elle
veut en effet
affirmer, poursuivant sans raison son entreprise de
dénigrement à mon
endroit.
(10) Oui, c'est exact, bien que ce ne soit pas de
la
générosité. En effet Google prend en main
l'essentiel des
coûts de l'opération. Ensuite, le résultat qui
se trouve sous
le répertoire de Google peut également se trouver,
avec le même
logiciel de recherche, sur le site des éditeurs
participants. Et on sait
que les fichiers appartiennent également aux
bibliothèques.
(11) La pauvre présidente-directrice
générale
! Elle « numérise » sans rire à
tour de bras.
Il va lui falloir aussi un petit cours de français.
(12) « Américaine »
(sic).
(13) Mais que vient faire ici « le
Musée national
des beaux-arts du Québec, dépositaire de nos
richesses artistiques
nationales » ? Il me semble qu'on pourrait fouetter
un chat
à la fois et qu'on a bien assez des livres de la
Bibliothèque
nationale du Québec pour savoir ce qu'il faudrait en dire
« si... ». Car l'affirmation est
fausse :
jamais, absolument jamais, d'aucune manière, Google n'impose
aux
bibliothèques participantes de « droits exclusifs
de diffusion et
d'utilisation de ses collections ». Ce n'est pas
vrai.
(14) Lorsqu'on affirme une fausseté, comme
celle qu'on
vient de lire, on est malvenu de se livrer à l'insulte,
à la
diffamation. Ni les éditeurs, ni les bibliothèques
ne signent aucun
contrat d'exclusivité avec Google lorsqu'ils participent au
programme
« Recherche de livres ». On jugera donc
à son
mérite l'accusation de la présidente-directrice
générale à mon endroit :
« C'est exactement
ce que M. Laflèche nous propose en ignorant tout des
règles
qu'impose Google ». Non seulement je les connais fort
bien, mais toute
mon intervention repose sur la nature même de ce contrat qui
n'engage ni
frais ni exclusivité avec la compagnie de Californie.
(15) « Américain »
(sic),
« moteur américain » (sic).
Google est un
système de recherche états-unien sur la toile, et des
plus connus,
mais pas au point d'être un « moteur
américain ».
Un produit d'American Motor, peut-être ?
(16) Totalement faux. D'où sortent ces
affirmations
saugrenues, sinon des préjugés
développés par la
Bibliothèque nationale de France en réaction
paranoïaque au
projet de Google tout au long de 2005 ? D'ailleurs, ces
fausses affirmations
sont d'autant plus saugrenues qu'elles n'ont aucun sens :
Google,
« unique diffuseur commercial », Google peut
« bloquer l'accès à d'autres moteurs de
recherche » « ériger diverses
barrières à
la circulation des fichiers » ? On voudrait
comprendre. Les
fichiers se trouvent nécessairement sur le serveur
« Recherche de
livres » de Google, c'est pour cela que la compagnie
prend en charge les
frais de mise en place; ce serveur constitue une base de
données,
forcément géré par son logiciel, comme
n'importe quelle base
de données. Comment d'autres systèmes de recherche,
Altavista par
exemple, pourrait y avoir accès ? Je ne comprends pas.
Mais le plus
extraordinaire est tout de même l'affirmation selon laquelle
les fichiers
pourraient se promener et que Google érigerait des
« barrières » à leur
« libre
circulation ». Jusqu'à mieux informé
— et je ne
demande pas mieux que des explications —, tout cela n'est
qu'un charabia
destiné à sortir le poisson de l'aquarium pour mieux
le noyer. Mais
l'important, il faut bien le dire, est que tout cela n'est pas
vrai. Aucun contrat
d'exclusivité ne lie la bibliothèque participante
à Google et
le résultat de l'opération reste l'entière
propriété de la bibliothèque qui peut
l'exploiter elle-même
si elle le veut et le peut.
(17) Encore faux. Mais d'abord pourquoi dire
qu'« une
seule » bibliothèque nationale fait partie du
projet de
Google ? Une sur treize, c'est déjà
significatif et
considérable. La bibliothèque nationale de Catalogue
est une
bibliothèque nationale et je ne pense pas que la
présidente-directrice
générale de celle du Québec ait
autorité
pour la dénigrer d'un « curieusement ».
Ensuite, encore
une fois, jamais la Bibliothèque nationale de Catalogne n'a
« remis » la
« propriété
virtuelle » (sic) de ses collections à Google. Ce
n'est pas vrai.
Remarquez bien que la phrase est vraiment lyrique :
« C'est
pourquoi, parmi les centaines de bibliothèques nationales du
monde, une
seule, en Catalogne, a curieusement accepté de remettre
ainsi à un
acteur privé la propriété virtuelle de
collections qui sont
des patrimoines nationaux rassemblés au cours des
siècles par des
fonds publics ». Elle est un parfait exemple de mauvaise
foi et de
désinformation. N'y aurait-il pas un
président-directeur
général de la Bibliothèque nationale de
Catalogne ? Ce
« curieux » personnage est manifestement aussi
ignorant que
moi, si l'on comprend bien. En tout cas, il a accepté
« de
remettre ainsi à un acteur privé... ».
— Il y a une
bibliothèque nationale sur treize qui est partenaire de
Google; il y a des
« centaines » de bibliothèque nationales
au monde.
Combien y a-t-il de bibliothèques de par le monde,
comparables aux treize
bibliothèques partenaires de Google ? Un chiffre, qui
se compte en
centaine de milliers. La règle de trois illustre bien la
mauvaise foi et
l'entreprise de désinformation de la
présidente-directrice
générale.
(18) Répétition. Et qu'est-ce donc,
en
français, que « ses règles à
l'entrée » ? À l'entrée sur un
site ? au
début de l'entreprise ? Non seulement l'affirmation,
répétée, est fausse, car Google
n'impose aucun contrat
d'exclusivité, mais elle est répétée de
manière
fabuleusement hermétique, de sorte que le lecteur,
sidéré par
autant de machiavélisme, doit se demander si Google n'est
pas une secte
satanique.
(19) Encore le discours moralisateur : je
n'ai jamais
« mis en cause » la Bibliothèque
nationale du
Québec. Sauf pour les prêcheurs, interroger et donner
son avis ne
sont pas des péchés, à ce que je sache.
(20) Alors là, oui. Et j'ai donné
mes preuves qui
sont accablantes. Europeana, produit de la Bibliothèque
nationale de
France, qui devait rassembler des centaines de milliers de livres
de pas moins de
treize « Très Grandes Bibliothèques
européennes », ne regroupe que deux autres
bibliothèques
nationales, celles de Hongrie et du Portugal, et ne compte que
12 000 livres.
À côté du programme de Google, cette toute
petite
bibliothèque électronique ne fait pas le poids. En
plus, c'est une
copie conforme de son rival. — Cela dit, c'est surtout le
discours
délirant des responsables de la bibliothèque que j'ai
dénoncé et je l'ai fait mot à mot, citations
à
l'appui.
(21) On imagine mal la bibliothèque de la
ville de Boston
et la Smithsonian Institution à la tête de bataillons
de bibliothèques, dans une opération guerrière
contre Google,
comme c'est le cas de la République française. Cela
ferait trop
l'affaire de la présidente-directrice générale
pour que ce
soit la réalité. Elle, en revanche, imagine les
cowboys de Nouvelle-Angleterre
rejoignant les
shérifs de France. Pan ! pan ! Google : t'es
mort !
Aucune de ces bibliothèques n'a
refusé quoi que ce soit de Google, c'est complètement
loufoque. En fait, les fonctionnaires des BANQ recopient mal une
découpure de presse du New York Times du 22 octobre
dernier (2007) où Katie Hafner explique avec quelques
confusions ce qu'on trouve plus clairement indiqué sur le
site de l'OCA : le Boston Library Consortium et le
Biodiversity
Heritage Library, qui regroupent respectivement 19 et 10
bibliothèques (dont la Smithsonian Institution Library parmi
ces dix dernières) se joignent au projet de l'Open Content
Alliance (OCA). Ces bibliothèques n'explorent rien du tout,
comme l'invente purement et simplement notre
Présidente-directrice
générale. Sans compter que cela, pour
l'instant, n'engage à rien ni ne produit rien du tout,
puisque l'OCA n'est toujours qu'un projet. D'ailleurs la
bibliothèque de l'Université de Californie,
partenaire de Google, en fait aussi partie. Ensuite, ces 19 et 10
bibliothèques sont de faux chiffres propres à
impressionner les badauds : la bibliothèque de
l'Université de Toronto, qui est aussi partenaire d'OCA
(avec Xerox et Yahoo!, il ne faut jamais l'oublier), en compte
24 !
(22) Il n'y a absolument aucune restriction
d'accès aux
ouvrages du domaine public versés par les
bibliothèques à
« Recherche de livres » de Google. Seuls les
éditeurs
peuvent restreindre la consultation de leurs ouvrages, selon des
modalités
qu'ils gèrent eux-mêmes. — Pourquoi ces
incessantes pointes
malveillantes sous la plume de la présidente-directrice
générale ?
(23) L'OCA n'est toujours pas active sur la
toile.
(24) « Quitte à payer pour
numériser leurs
fichiers ». Bon, enfin ! La question principale
que j'ai
posée est précisément celle-là :
puisque c'est
gratuit, pourquoi la Bibliothèque nationale du Québec
se priverait-elle
de l'aide de Google ? C'était d'ailleurs l'objet
de mon
intervention : comme dit ma mère, à ce
prix-là, tu ne
peux pas t'en passer. Or, voilà qu'au détour d'une
phrase, à
propos d'un « consortium » de
Nouvelle-Angleterre, la
présidente-directrice générale, responsable
d'une de nos
grandes institutions nationales, qui doit donc être un peu
responsable des
budgets de son institution, j'imagine, nous glisse ce quitte
à payer.
Oui, oui, « quitte à payer ».
« Quitte à payer ».
Rien n'est
plus significatif de la part de la présidente-directrice
générale, responsable d'une de nos grandes
institutions
nationales.
(25) Et puis après ? J'imagine que je ne
serai pas seul
à trouver vraiment bizarre cette
« preuve » par les
contraires et les diversités. Un consortium de
bibliothèques de
Nouvelle-Angleterre met en place un projet commun et, pour sa part,
la
Bibliothèque du Congrès participe à un projet
de l'UNESCO,
avec la Bibliothèque d'Alexandrie... Et voilà le
projet de Google
ainsi dénigré ! Cela étant dit, je ne me
suis pas
adressé à la Bibliothèque de la ville de
Boston, ni à
la Bibliothèque du Congrès.
(26) J'ai cité textuellement le ministre de
la Culture et
de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, et le
président de la
Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël
Jeanneney.
(27) Je ne comprends pas. Je ne vois rien
d'important ni de
« divers » dans les éventuels projets
évoqués ici, l'invention d'un projet
« original » de bibliothèques de
Nouvelle-Angleterre
et l'évocation d'un projet de l'UNESCO. On me trouvera
matérialiste, mais je veux
des faits. En
l'occurrence, je veux l'adresse des sites internets de ces
très
hypothétiques bibliothèques informatiques. Sans
compter que
j'aimerais surtout savoir où la Bibliothèque
nationale du
Québec se situe là-dedans. C'est beau, mais pas
très clair.
Je ne comprends pas.
(28) Vocabulaire de curés et de bonnes
soeurs
(« imprécateur » ne se trouve d'ailleurs
que dans les
dictionnaires ecclésiastiques, section exorcisme). Et on
imagine la
présidente-directrice générale, le goupillon
à la main,
à chasser Satan des caves de Bibliothèque et Archives
nationales du
Québec. Satan, c'est moi. Tout polémiste que je
sois, personne ne
m'avait encore jamais traité d'imprécateur. Wooh,
wooh !
j'espère que je vous fais peur.
(29) Non seulement je
« semblais » l'ignorer,
mais il pourrait apparaître que je l'ignorais
complètement. Je suis
ignorant, on l'a compris depuis longtemps. C'est ma faute, aussi,
de donner cette
triste image de moi, comme professeur, car je suis très
distrait, n'ayant
jamais remarqué les sections manuscrits, cartes et plans,
etc., des grandes
bibliothèques nationales et universitaires où j'ai
travaillé
toute ma vie. Je suis vraiment imbécile.
(30) Je pense qu'il vaut la peine de relire :
« ce ne
sont pas que des livres. Ce sont entre autres des journaux et des
périodiques, des cartes et des plans, des archives
historiques et
littéraires, des enregistrements sonores, des manuscrits,
des films, un
immense tout cohérent qui se présente et se
présentera
virtuellement dans son entièreté et sa
continuité. Nous
n'avons aucune raison d'en extraire les livres ». Quel
argument
accablant contre la participation de la bibliothèque au
projet de
Google ! Ce que j'aime le plus dans cette envolée,
c'est le fragment
qui dit que le tout « se présente et se
présentera
virtuellement dans son entièreté et sa
continuité ».
Je dois l'avouer, ce que je regrette le plus de mon enfance, ce
sont les sermons,
car je me suis toujours beaucoup amusé à les
écouter, alors
que tout le monde dormait.
(31) La question n'est pas là. Avec
« Recherche
de livres » de Google, comme avec Europeana, c'est de
bibliothèque
électronique qu'il est question. Tout cet alinéa
tente de noyer le
poisson. On en est à la fin de l'intervention de la
présidente-directrice générale
et elle n'a encore répondu à
aucune
des questions soulevées par mon intervention. Et la voici
à jouer
avec les millions. Ce n'est vraiment pas sérieux.
(32) Cette longue énumération est de
la plus grande
confusion. De tous ces projets, seul Europeana est une
bibliothèque
électronique. Dans tous les autres cas, il s'agit de
vitrines virtuelles
où les livres sont exposés sur la toile comme dans
n'importe quelle
bibliothèque d'encre et de papier. Et même là,
la
Bibliothèque nationale du Québec n'a absolument rien
de comparable
à Gallica, la formidable bibliothèque virtuelle (et
non
électronique) de la Bibliothèque nationale de France.
Mais c'est
là un tout autre sujet, sans rapport avec le programme
« Recherche
de livres » de Google. Aussi, cette
énumération confuse
ne peut avoir qu'un sens, qui voudrait que la bibliothèque
en fasse beaucoup
pour diffuser ses livres sur la toile et donc bien assez. C'est
répondre
à côté de la question, qui est celle-ci, il
faut le
répéter explicitement pour finir : pourquoi la
Bibliothèque nationale du Québec ne participerait pas
au projet
« Recherche de livres » de Google ? J'ai
expliqué
quels en étaient les avantages; treize grandes et
prestigieuses
bibliothèques et dix milles éditeurs participent
actuellement
à ce projet; et, en plus, il n'en coûterait rien pour
rejoindre ces
partenaires, tandis qu'aucun, absolument aucun contrat
d'exclusivité ne
lierait la bibliothèque à l'entreprise très
efficace de
Californie. Je pense que mes questions sont aussi simples que
claires. Je n'ai
pas de poissons à noyer, je n'ai pas de lecteurs à
embrouiller.
(33) Je ne prétends absolument rien, je dis
ce qui en est;
je parle au présent et non au futur. La
présidente-directrice
générale affirme que la bibliothèque
électronique
Europeana ne compte(ra) pas 13 000, mais 100 000
ouvrages. D'un clic de
souris on voit que ce n'est pas vrai, pour l'instant, et donc tout
court.
Europeana.eu
[Depuis 2008, on le voit d'autant mieux
que le système Europeana de la BNF, qui n'a jamais
dépassé les 13 000 livres, a tout simplement
déclaré forfait (avec la mise à la retraite
forcé du petit copain de Lise Bissonnette). Bref, cette
affirmation loufoque de la présidente était
proprement un beau canard !]
(34) « L'ignorance de ce
professeur... ». Je ne pense pas
mériter cette insulte. Je n'en trouve pas la moindre
justification dans
l'exposé de la présidente-directrice
générale.
Plus encore, je ne pense pas que les
interventions publiques de Lise Bissonnette, à commencer par
celle en cause ici, fassent preuve d'aucune formation, d'aucune
maîtrise, ni aucune expérience en
bibliothéconomie, notamment dans le domaine des
bibliothèques virtuelles et électroniques. Il ne
suffit pas de se retrouver à la tête des BANQ pour
devenir savant en la matière ou simplement pour savoir de
quoi l'on parle.
(35) Le thème de ma critique des
institutions françaises contre le
projet de Google, en 2005, est donné par le titre
« La
République française contre Google », dont
mon intervention
au Devoir reprenait les conclusions, citations à
l'appui. Ma
critique ne saurait être assimilée à une crise,
évidemment. Il s'agit là d'une affirmation sans
fondements. Enfin,
parler de « crise
antifrançaise », c'est
malveillant. Ce n'est pas parce que je critique des institutions
politiques
françaises, et la presse française sur cette question
précise,
que je suis antifrançais. Il y a là un amalgame
inacceptable.
Serait-il interdit pour un intellectuel du Québec de
critiquer la France et
ses institutions ? Je dois malheureusement le
répéter pour
finir, la présidente-directrice générale tient
un discours
moralisateur d'un autre âge. Voir de la scatologie dans la
petite expression
« pet informatique », comme on dit
« pet de
soeur », c'est vraiment de l'ordre de
l'intégrisme.
(36) À la fin, la plaisanterie ayant
décidément trop
duré et tournant manifestement à l'obsession, il est
clair que la
présidente-directrice générale, à
l'instinct tout
maternel, se prend pour une « maman ». En tout
cas, son
discours moralisateur déplacé, aussi bien en ce qui
concerne ses
propos que ceux qu'elle prête aux
« mamans »
(« faire attention quand il faut traverser la
rue »,
« choisir ses copains », « être
bien
élevé », etc.) est extrêmement
significatif de son
imaginaire clérical. Cela se voit aussi dans ces
« faux
pas » que j'aurais faits, belle expression moralisatrice
et vide de sens.
Chose certaine, comme on le constate aux nombreux passages de son
texte
que je souligne
en rouge, manifestement sortie de ses gonds, la
présidente-directrice
générale d'une grande institution du Québec
multiplie les
propos gratuits qui se veulent insultants et blessants à
l'endroit d'un
professeur qui d'aucune manière ne saurait mériter
tant
d'opprobre.
Voici maintenant ma réponse au texte
insultant de la présidente-directrice
générale de la Bibliothèque et des Archives
nationales du Québec. Je l'ai rédigé le jour
même de la parution de son texte, jeudi soir, le 8 novembre.
J'avais pu rejoindre l'assistante de la présidente au milieu
de l'après-midi, mais la présidente-directrice, alors
en avion pour Québec, ne m'a jamais rappelé. J'ai
adressé le texte ci-dessous au Devoir ce jeudi
soir, 8 novembre. Il a fallu moins de temps à la direction
pour me faire savoir qu'il ne serait pas publié qu'il en
aurait fallu pour le lire (quelques minutes !) : il
était manifestement convenu d'avance que je
n'aurais aucun droit de réplique.
La Bibliothèque et les Archives nationales du
Québec ne
répondent pas
Guy Laflèche
Professeur au département des littératures de
langue
française de l'Université de Montréal
La porte-parole de la Direction de la
Bibliothèque et des
Archives nationales du Québec (BANQ), manifestement sortie
de ses gonds,
tente maladroitement de répliquer (Le Devoir, 8
novembre 2007)
à mon interpellation de la semaine précédente
(« La BNQ à l'ère de Google, 2
novembre
2007 »). Insultes, sarcasmes et plaisanteries de mauvais
goût se
succèdent sous la plume de la fonctionnaire.
En tout cas, la Direction des BANQ perd
beaucoup
d'énergie à me dénigrer hors propos. Je
serais le seul au
Québec à ne pas savoir que la BNQ n'existe plus
depuis deux ans et
que, vive les BANQ ! Au cas où la Direction
voudrait
étudier
cette question, voici le second paragraphe de mon intervention que
le Devoir
n'avait pas jugé bon de retenir, avec raison, pour aller
à
l'essentiel :
La Bibliothèque Nationale du
Québec à
Montréal est une incontestable réussite. Sauf en ce
qui concerne son
nom, disons-le en passant. La dénomination de la
Bibliothèque et des
Archives Nationales du Québec, les BANQ (voire même
les
BAnQ, avec un
petit n) est copiée sur BAC, la
« Bibliothèque et
Archives Canada » (sic), traduction littérale
fautive de Library
and Archives Canada, LAC. Est-ce que l'amalgame de la
bibliothèque et des
archives était vraiment nécessaire ?
Mystère de la
Sainte Dualité. Est-ce que l'administration et ses
fonctionnaires ne
pouvaient pas garder pour eux que la Bibliothèque Nationale
et les Archives
Nationales étaient un Dieu en deux personnes, au lieu d'en
accabler le
public ? Passons.
Oui, passons, car je n'ai pas l'intention de
demander raison
des autres pointes et des nombreuses injures, dont celle qui
conclut l'intervention
de la Direction, avec la belle envolée suivante :
« L'ignorance de ce professeur nous
sidère »,
etc. Maintenant qu'ils se sont défoulés,
peut-être que les
responsables des BANQ accepteront de répondre à mes
questions,
pourtant bien simples.
Est-ce que les experts des BANQ ont
été en
contact avec Google pour évaluer la possibilité de
rejoindre les
bibliothèques partenaires du projet « Recherche de
livres » ? Je
pense que non, étant donné les nombreuses
affirmations fausses et saugrenues qui
se trouvent dans la diatribe de la Direction. D'abord, ce ne sont
pas
« quelques » bibliothèques qui sont
partenaires du
projet, mais les treize prestigieuses bibliothèques
suivantes : la
Bodlein Library d'Oxford en Grande Bretagne, celle de la ville de
New York, les
bibliothèques universitaires de Harvard, de Stanford, du
Michigan, de
Californie, de Virginie et du Wisconsin aux États-Unis,
celle de Complutense
à Madrid, celles du Texas et de Princeton aux
États-Unis et celle de
Lausanne en Suisse, et enfin la Bibliothèque Nationale de
Catalogne.
À côté de cela, les
« projets » des autres
bibliothèques électroniques sont tous des
virtualités,
s'agissant de bonnes intentions, tandis que seule la
bibliothèque
électronique Europeana a vu le jour; or, mise en place
tambour battant par
la France, elle ne compte que 12 000 ouvrages (et non
100 000), comme on
peut tous le vérifier sur la toile (www.europeana.eu). On
ne trouve nulle
part actuellement sur la toile la moindre réalisation de
l'Open Content
Alliance et, surtout, je ne connais aucune déclaration de
guerre contre
Google de la bibliothèque de la ville de Boston et de la
Smithsonian
Institution qui auraient pris la tête d'un consortium de 19
bibliothèques de Nouvelle-Angleterre. D'après la
Direction des
BANQ, ces bibliothèques « ont annoncé
qu'elles
refusaient l'offre de Google ». Refuser,
vraiment ?
Les erreurs sont si nombreuses que je ne peux
toutes les corriger ici. C'est le cas des
« livres anciens ». Y a-t-il un
bibliothécaire aux BANQ ? Du point de vue
juridique, en effet, il s'agit de savoir si les livres en question
sont du domaine public. Mais pour un bibliothécaire, il
s'agit de savoir quels sont les livres qui doivent être
scannés en priorité. Curieusement, ce ne sont pas
les livres « anciens », mais les livres du
siècle dernier, je veux dire le XIXe siècle, qui
doivent être protégés (pour des raisons
chimiques), et donc mis prioritairement sur support
électonique, précisément parce qu'ils sont
très fragiles, bien plus que les livres anciens du XVIe et
du XVIIe siècles. Ensuite, d'aucune manière la mise
en orbite
sur l'internet des livres ne saurait impliquer les autres
documents. Je ne serai pas seul à ne pas trop comprendre le
raisonnement : ô Google, vous ne mettrez pas sur votre
site « Recherche de livres » nos livres si
vous ne mettez pas aussi nos périodiques, nos cartes, nos
plans, nos archives, nos manuscrits modernes... Et pourquoi
pas ? Google est bien capable de faire cela. Est-ce que les
BANQ l'ont proposé à Google ?
Enfin, la Direction des BANQ reprend les
allégations
sans fondements des ténors de la République
française en 2005,
le ministre Renaud Donnedieu de Vabres
et le président de la Bibliothèque Nationale de
France Jean-Noël
Jeanneney, allégations reprises par toute la presse
française. Aucun
contrat d'exclusivité ne lie les bibliothèques
participantes au
programme « Recherche de livres » de Google,
c'est faux. La
Direction nous sert l'argument du contrôle exclusif des
ouvrages du domaine
public par une entreprise privée. Ce n'est pas vrai. Bien
entendu, les
bibliothèques participantes s'engagent à ne pas
brader les
résultats du travail de Google en les fourguant à une
entreprise
concurrente, c'est le bon sens qui le dit, mais c'est la
bibliothèque qui
reste propriétaire des fichiers scannés et elle peut
elle-même
les utiliser à sa guise.
La Direction des BANQ
devrait désigner un
spécialiste pour répondre publiquement à mes
questions. Je
dirai à ce sujet que j'ai déjà
présenté depuis
longtemps sur la toile un état de la question des
bibliothèques
électroniques à partir du discours paranoïaque
développé par la République française,
discours que
j'ai étudié mot à mot. Ce fichier se trouve
à
l'adresse suivante, accessible au public.
< http://mapageweb.umontreal.ca/lafleche/co/pr5e.html >
.
Je dirai aussi que les onze livres que j'ai édités
moi-même aux
Éditions du Singulier se trouvent depuis plusieurs
années maintenant
accessibles sur le site « Recherche de livres »
de Google.
Puisque j'y ai inscrit les livres de ma maison d'édition, je
connais donc
les bienfaits de l'entreprise commerciale de Californie qui ne
manque pas
d'envergure intellectuelle. Le Singulier et Google, c'est en
miniature le
partenariat de la prestigieuse Bodlein Library et de l'innovatrice
compagnie
Google.
Sans compter que c'est gratis. Comme dit ma
mère, on
me permettra de la répéter, à ce
prix-là, on ne peut
pas s'en passer. Les BANQ ne peuvent rater la chance de participer
à ce projet.
Je ne voudrais pas terminer cette
réaction sans
préciser que je ne suis pas professeur de français
pour rien. Oublions que Google est un « moteur de
recherche américain », c'est-à-dire un
excellent système de recherche
état-unien parmi d'autres (Altavista, par exemple). La
Direction des BANQ me reproche le vocable scanner
(« le terme
anglais est de lui », écrit-elle) et utilise
sans rire
l'hypercorrection de l'anglicisme digitaliser,
c'est-à-dire
numériser. Pas besoin d'un cours de
mathématiques pour
comprendre que le premier mot renvoie au système binaire, le
second au
système décimal et qu'il n'a rien à faire avec
la photographie
électronique. Le scanneur scanne en cartographie, en
médecine et en
imprimerie depuis un bon demi-siècle maintenant en
français. Ce ne
sont tout de même pas des administrateurs de
bibliothèque
branchés sur la France qui vont m'apprendre à parler
français
au Québec.
Guy Laflèche,
12 novembre 2007
J'ai publé en septembre 2007 la seconde
édition de mon étude sur la réception de
Recherche de livres en France :
La
République
française contre Google.
Bien entendu, la
présidente de la Bibliothèque et des Archives
nationales du Québec, les BANQ, était
impliquée, mais elle toute seule au Québec, à
ce que je sache, dans ce discours délirant et
paranoïaque. Cela dit, la présidente en question est
madame Lise Bissonnette, que je n'ai évidemment aucune
raison d'écraser. Son passage au Devoir, comme
directrice, a été à mon avis d'une grande
efficacité et d'une haute tenue, y ayant
déployé une énergie peu commune. Mais il ne
suffit pas de se retrouver présidente des ABNQ (*) pour devenir
comme par enchantement une bibliothécaire et encore moins
une spécialiste des questions relatives aux
bibliothèques virtuelles et électroniques.
J'ai donc rédigé le texte
incriminé qu'on a lu ci-dessus sans trop savoir où je
pourrais le faire paraître. Ce ne serait certainement pas au
Devoir, évidemment (j'y reviens tout de suite). Je
le propose, à tout hasard, à la Presse le
19 octobre 2007. Comme prévu, ma proposition n'aura pas de
suite. Je compte donc l'adresser à Lettres
québécoises, en le réécrivant de
manière à interroger la place des Américana
dans Recherche de livres, ce qui consistera à dire la
même chose d'une autre façon.
Mais je l'adresse tout de même avant au
Devoir, sur la base d'une petite stratégie innocente.
Je ne l'adresse pas à la rédaction, où je sais
d'avance qu'il sera refusé, mais au journaliste
Stéphane Baillargeon, qui a eu le malheur d'écrire un
papier, comme on dit dans le métier, avec titre et
sous-titre
plutôt incriminants pour la République :
« Numérisation des livres : la France est de
plus en plus isolée en Europe » (le Devoir,
9 mars 2007, p. B2). Le pauvre travailleur de
l'actualité intellectuelle aura droit d'être
mouché vigoureusement par la présidente des BANQ,
la semaine suivante : « la France n'est
surtout pas isolée » (Lise Bissonnette, 16
août, p. A8). Le nez toujours morveux, Stéphane
Baillargeon a tout de même le droit de s'expliquer en queue
de l'intervention de Lise Bissonnette qui le traite implicitement
d'ignorant, pour défendre son petit copain
(« À titre de collègue du président
de la
Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël
Jeanneney... », commence Lise
Bissonnette). Ce sont « Trois objections, trois
réponses », une très modeste
réplique, fort pondérée, à un discours
qui mériterait de figurer ici parmi les porte-voix de la
République. Qu'on en juge :
Jean-Noël Jeanneney selon Lise Bissonnette : « Je ne constate [?] pour ma part que
reconnaissance et estime pour un homme d'action et de haute culture
qui a non seulement lancé un débat nécessaire
mais contribué directement à la mise en place de
solutions durables, intelligentes, inspirantes. Nous sommes
heureux d'avoir inscrit le Québec dans ce
mouvement... ».
Maintenant que Jean-Noël
Jeanneney a été
mis à la retraite forcée, qu'Europea (2007-2008) a
été tout bonnement fermée et que Recherche de
livres de Google passe le cap des sept millions de livres
où, grâce à Lise Bissonnette et Jean-Noël
Jeanneney, la France
et les écrits français sur l'Amérique sont
malheureusement sous-représentés, on ne peut que
sourire de tristesse à ces déclarations grotesques.
Or,
ces affirmations étaient déjà loufoques
à l'époque. Stéphane Baillargeon n'avait donc
pas de peine à rétablir les faits en trois petits
points.
Il suit, c'est la nature humaine, trop
humaine, que Stéphane Baillargeon trouve mon texte d'opinion
vraiment
intéressant et le transmet aussitôt à sa jeune
nouvelle collègue, Marie-Andrée Chouinard,
éditorialiste et responsable de la page
« Idées », qui, tout naturellement,
pense elle aussi, pas trop idiote, que mon intervention est
très très très intéressante,
particulièrement en cette période faste, dit-elle,
d'opinions sur les accommodements raisonnables (un grand
débat d'actualité au Québec à ce
moment). Marie-Andrée Chouinard est vraiment novice, la
pauvre. D'abord, c'est le bon sens qui le dit, on ne publie pas un
texte d'opinion qui peut de quelque manière mettre en cause
Lise Bissonnette, qui a été la directrice du journal
avant le directeur actuel (et qui devrait y revenir ensuite, bien
entendu). Tout le monde sait cela, sauf la jeune novice
Marie-Andrée Chouinard, qui risque, ciel !,
d'échouer son noviciat :
car Lise Bissonnette est toujours, bien sûr, la mère
supérieure
du journal. Ensuite, plus grave encore, la pauvre noviciaire dans
la communauté du Devoir ignore
que tous mes articles ou textes d'opinion sont
automatiquement et systématiquement refusés au
journal depuis que le directeur Bernard Descôteaux a
censuré la publication d'un espace publicitaire que j'avais
acheté pour y publier un texte
d'opinion refusé par son rédacteur en chef,
Jean-Robert
Sansfaçon. Je suis, je crois bien, la seule personne
qui a été victime de ce comportement indigne,
s'agissant du texte d'un intellectuel ainsi censuré sans
raison aucune :
Quatre questions pour les historiens (1995).
Depuis lors, on s'explique facilement que je sois
tout bonnement victime d'ostracisme au journal. Marie-André
Chouinard n'en savait rien, pour sûr !
D'où nos échanges vraiment
bizarres.
Sans explication, Marie-Andrée Chouinard trouve, du jour au
lendemain, que mon
sujet n'est plus aussi passionnant qu'avant la publication de la
réplique insultante et injurieuse de Lise Bissonnette,
c'est-à-dire avant
qu'elle ne se fasse frotter les oreilles par la direction et la
rédaction du journal. La bouche savonnée, comme
Aurore, l'enfant martyre trouve même que... le
débat a bien assez duré ! Un
débat ? quel débat ? — Et ce n'est
pas tout : les bibliothécaires, ceux des BANQ en
particulier, sont des fonctionnaires qui, par profession, sont
soumis au droit de réserve. On comprend que la
« présidente-directrice
générale » de la « Grande
Bibiothèque » peut moucher et savonner à
qui mieux mieux les journalistes de son journal. Jamais je
n'aurai plus droit de parole sur le sujet, ni là ni
ailleurs.
Je décide donc, pour obtenir droit de
réplique, de porter plainte au Conseil de presse du
Québec. J'avais une « bonne cause » et
il est certain que j'aurais raison, pensez-vous ? Erreur. Le
Conseil de presse est une créature de la presse, comme son
nom le dit, c'est-à-dire de la profession. Malgré ce
qu'il répète, le Conseil est
entièrement contrôlé par les organismes de
presse et les journalistes, leurs employés, qui ont
forcément tous les deux, directions et journalistes, un
esprit de corps, face au public et aux
« représentants du public » qui ne font
qu'un tiers de ses instances et comités, même s'ils
constituent la moitié du Conseil d'administration. En plus,
étant donné les règles du quorum, une fois les
comités constitués, ils peuvent très bien
fonctionner avec les seuls représentants des journalistes et
organismes de presse.
Il suit que pour y avoir gain de cause, il faut vraiment qu'un
journal comme le Devoir dépasse les bornes. C'est ce
qui est arrivé dans ce cas où le journal sera
blâmé d'abord pour avoir publié les propos
injurieux et insultants de Lise Bissonnette, mais également
et surtout pour m'avoir refusé ensuite le droit de
réplique.
J'ai porté plainte le 12 novembre 2007
et le Conseil de presse m'a donné raison en blâmant
le Devoir le 2 avril 2008. Or, le Devoir a
porté cette décision en appel les 14/29 avril. Il
faut
savoir que cela est tout à fait exceptionnel de la part des
organismes de presse, du moins de ceux qui n'ont pas qu'une
vocation commerciale. D'abord parce qu'il arrive
rarement (on n'en compte pas un cas par année) que les
décisions soient
renversée en faveur des organismes de presse, pour la raison
que je viens d'expliquer, et surtout parce que ces organismes
savent d'instinct que le Conseil est leur créature —
et
qu'on ne peut moralement y faire appel pour d'autres raisons que
vice de
forme. Il y avait donc de l'acharnement de la part du
Devoir à porter la cause perdue en appel, au lieu de
reconnaître mon droit de réplique et d'y donner suite.
Peut-être aussi voulait-on prévenir, écarter ou
affaiblir une éventuelle poursuite en diffamation de ma part
contre le journal et les BANQ.
En effet, le jugement du Conseil a
été confirmé le 10 novembre 2008, soit un an
après la publication de l'article de Lise Bissonnette, du 8
novembre 2007. Cela dit, jamais je n'avais prévu
qu'après la condamnation du Devoir pour avoir
publié ce texte injurieux et m'avoir refusé sur le
coup, obstinément, un droit de réplique, il me le
refuserait encore. Bernard Descôteaux et la
rédaction du Devoir ne donnaient pas suite à
ma
demande de réplique, du 16 novembre 2008, ni n'en accusaient
même
réception.
Un intellectuel, par définition,
n'entreprend jamais une poursuite en diffamation lorsque ce sont
ses idées qui sont en cause. Il ne demande rien
d'autre que le respect de son droit de parole et en particulier de
son droit de
réplique.
Le Devoir trahit piteusement sa devise
: Fais ce que dois.
19 octobre 2007, rappel du 23 octobre
Forum@lapresse.ca
Sujet : Texte d'opinion sur la BNQ et Recherche de Livres de
Google
Madame, Monsieur,
Je voudrais proposer en exclusivité
à vos pages d'opinion le texte que je vous ai
préparé à l'adresse suivante:
http:// [...] /forum/.
Je l'ai rédigé pour qu'il puisse
paraître en deux numéros de la Presse, mais
vous pourriez le publier en un seul numéro, soustrayant
alors le début de la seconde partie qui fait le point.
Il est possible, probable que la
Bibliothèque et les Archives nationales du Québec
répliquent à ma prise de position. Pourrait-on
convenir, dans ce cas, que je puisse répondre à la
réplique en occupant sensiblement le même
espace ? Évidemment, il faudrait laisser le dernier mot
(ensuite) à la direction des BANQ, s'il prend la forme d'une
courte mise au point. Évidemment — je n'ai pas le
choix ! —
c'est vous qui déciderez de la chose, mais comme
j'écris à titre de professeur, il est normal que
j'envisage les réactions et en particulier la
réaction officielle, si je puis dire, de la Grande
Bibliothèque.
En espérant que vous pourrez publier
mon texte d'opinion, je vous prie d'accepter l'expression de mes
meilleurs sentiments,
__gl>-
Le 30 octobre 2007
Cher monsieur Baillargeon,
Je voudrais proposer à la direction du
Devoir, pour sa page
« Idées », le texte d'opinion qu'on
trouvera à l'adresse suivante sur la toile :
http:// [...] /devoir/.
Ce texte n'est pas du domaine public; on ne
peut y avoir accès sans en connaître l'adresse. Je
pense qu'il sera ainsi plus facile à traiter qu'un fichier
en pièce jointe au présent message.
Si je ne me trompe pas, vous êtes le
dernier (après Mme Doyon) à avoir consigné des
informations sur les bibliothèques
électroniques et vous avez eu droit d'être
rabroué par la Directrice de la bibliothèque. Vous
êtes donc bien placé pour donner votre avis à
la direction du journal sur mon texte d'opinion. J'espère,
évidemment, que votre avis sera favorable et que mon texte
sera publié.
Avec l'expression de mes meilleurs
sentiments,
__gl>-
À la suite de mes remerciements, voici le premier des
messages
enthousiastes de la responsable de la page des opinions des
lecteurs
du journal.
2 novembre 2007
Envoi de Marie-Andrée Chouinard à Guy
Laflèche
Tout le plaisir est pour moi cher monsieur...
Votre texte avait l'avantage de soulever un problème
important, assez inédit, et surtout, parmi une montagne de
textes reçus sur les accommodements raisonnables,
l'identité, la citoyenneté ou la langue, questions
néanmoins toutes capitales, il était des plus...
rafraîchissant.
Voilà !
Au plaisir !
Marie-Andrée Chouinard
Éditorialiste et responsable de la page
Idées
Le Devoir
D2007-11-017 (2)
Le 28 mars 2008
Guy Laflèche contre Marie-André Chouinard et
Josée Boileau du Devoir.
Résumé
M. Guy Laflèche porte plainte contre le
quotidien le Devoir concernant un droit de refus de publier
sa réplique, à la suite de la parution d'une lettre
dans le courrier des lecteurs qui le mettait en cause. Il juge les
propos de la lettre injurieux à son endroit.
Griefs du plaignant
M. Guy Laflèche a fait publier dans
le Devoir du 2 novembre 2007, à titre de professeur
de l'Université de Montréal, un texte d'opinion au
sujet de la Bibliothèque et Archives nationales du
Québec (BAnQ). Son texte proposait que l'institution se
joigne au projet « Recherche de livres », sur
le moteur de recherche de Google. Son texte s'adressait à la
direction de la BAnQ et ne visait pas directement sa
présidente, Mme Lise Bissonnette.
Selon le plaignant, cette dernière a
répliqué en publiant un texte injurieux à son
endroit, en page éditoriale du Devoir, le 8 novembre
2007. M. Laflèche souligne que le texte de Mme Bissonnette
contenait des insultes à son endroit, l'atteignant
personnellement comme personne et comme professeur. Il
dénonce particulièrement la phrase suivante :
« L'ignorance de ce professeur nous
sidère ». Comme le Devoir a refusé
de lui accorder un droit de réplique, M. Laflèche
demande au quotidien de se dissocier explicitement de ces propos
insultants, en page éditoriale, à l'endroit où
ils furent publiés. et de préciser que le journal ne
lui a pas accordé de droit de réplique.
Commentaires du mis-en-cause
Commentaires de Mmes Josée Boileau, directrice de
l'information, et Marie-Andrée Chouinard,
éditorialiste et responsable de la page Idées.
Selon Mmes Josée Boileau et
Marie-Andrée Chouinard, cette plainte ne serait pas
justifiée et elles affirment avoir agi dans les limites de
leurs devoirs et responsabilités.
Les mises-en-cause rappellent certains
principes énoncés dans le guide « Droits et
responsabilités de la presse », à l'effet
qu'il appartient « aux équipes
rédactionnelles des médias le soin de
déterminer l'espace qu'elles choisissent d'accorder à
la publication ou à la diffusion d'information ».
Elles expliquent que le Devoir reçoit quotidiennement
plus d'une cinquantaine de lettres, incluant des textes d'une
longueur appréciable, destinés à la page
« Idées ». Elles concluent qu'il faut
encourager la diversification des signatures, ce qui est l'essence
même de l'existence des tribunes d'opinions. C'est ce qui fut
exposé au plaignant au moment où il demandait une
réplique.
Les mises-en-cause expliquent qu'en plus du
grand nombre de lettres que le journal reçoit, la pratique
journalistique impose de manière générale, de
mettre un terme au débat entre individus après la
publication d'un texte de l'une et l'autre partie. Elles soulignent
que les pages d'opinion ne sont pas là pour prolonger des
débats entre certains protagonistes mais pour permettre
l'expression du plus grand nombre.
Selon elles, la chronologie des
événements fait voir que M. Laflèche a
exprimé son point de vue dans la rubrique « Libre
Opinion » du 2 novembre 2007. Par la suite, Mme
Bissonnette a cru bon d'y répondre dans la même
rubrique, le 8 novembre 2007. Chacun s'étant exprimé,
le débat est clos. La réplique de Mme Bissonnette fut
publiée puisque l'institution qu'elle dirige était
prise à partie. Mmes Boileau et Chouinard affirment que,
comme pour toute opinion, le style d'écriture appartient
strictement à son auteur, à moins de propos
« outranciers, insultants ou
discriminatoires », auquel cas le journal ne publierait
pas. Or, selon le Devoir, le texte contesté ne
relève pas de cette catégorie, bien qu'elles
reconnaissent que le style y est ferme et coloré, tout comme
l'était celui du plaignant.
Elles concluent en soulignant que de
poursuivre l'échange équivaudrait à sombrer
dans la personnalisation du débat et ne répondrait
pas à la mission d'une page
« Idées ».
Réplique du plaignant
M. Guy Laflèche reproche au Devoir de
ne pas avoir pris en considération les
éléments de sa plainte. Selon lui, la réponse
du quotidien ne comprendrait que des considérations
générales.
Il réitère ses griefs, à
l'effet que sa plainte concernait le texte d'opinion de Mme Lise
Bissonnette, qui contenait non seulement des sarcasmes, injures et
insultes personnelles à son endroit, mais constituait une
atteinte publique à sa réputation. Selon lui, le
Devoir n'avait pas le droit de publier de tels propos. Il
portait plainte précisément sur la phrase suivante :
« L'ignorance de ce professeur nous
sidère ». M. Laflèche remet en cause le
refus du journal de lui avoir refusé un droit de
réplique, dans un cas où des propos outrageants ont
été publiés.
M. Laflèche, soulève l'apparence
de conflit d'intérêts, de la direction du
Devoir, à publier une lettre de l'ancienne directrice
du journal. Cette dernière a insulté le plaignant,
porté atteinte à sa réputation et, par la
suite, M. Laflèche s'est vu refusé un droit de
réplique, ce qu'il juge proprement
« inique ».
Décision
Rappelons que le rôle du Conseil de
presse n'est pas de déterminer le degré d'atteinte
à la réputation d'un plaignant ou d'un groupe, cela
relève des tribunaux. Le Conseil a étudié
cette plainte sous l'angle de l'éthique journalistique.
M. Guy Laflèche s'insurge contre le
fait que sa lettre publiée le 2 novembre 2007, dans la
section « Libre Opinion » du Devoir, ait
donné lieu à une réponse qu'il juge
insultante, le 8 novembre 2007, de Mme Lise Bissonnette,
présidente-directrice générale de la
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ),
sans qu'il ait pu en contrepartie y répondre.
Dans un premier temps, le Conseil aimerait
rappeler que les médias sont responsables de tout ce qu'ils
publient ou diffusent et ne doivent en aucun temps se soustraire
aux standards professionnels de l'activité journalistique
sous prétexte de difficultés administratives, de
contraintes de temps ou d'autres raisons d'ordre similaire. Cette
responsabilité englobe l'ensemble de ce qu'ils publient ou
diffusent : les informations journalistiques, la
présentation et l'illustration de l'information, les
commentaires et les informations provenant du public auxquels ils
accordent espace et temps d'antenne.
Après analyse du dossier, le Conseil
considère que les deux parties ont exprimé leur point
de vue et que ces deux lettres ont permis aux lecteurs de se former
leur propre opinion, quant à la diffusion sur Internet, des
collections de la BAnQ. En aucun cas le Conseil de presse ne
pourrait blâmer le Devoir pour avoir voulu confronter
deux avis divergents.
Le grief soulevé par le plaignant,
à savoir la lettre de Mme Bissonnette, qui comprenait de
nombreuses insultes à son endroit, l'atteignant
personnellement comme personne et comme professeur. M.
Laflèche relève plus précisément la
phrase suivante : « L'ignorance de ce professeur nous
sidère ». Le Conseil est à même de
constater que la lettre publiée par la directrice de la
bibliothèque, bien qu'elle explique la position de la
Bibliothèque nationale, utilise un style corrosif, par
lequel elle met en doute les qualités personnelles et les
compétences professionnelles de M. Laflèche, à
transmettre une opinion sensée. Le Conseil dans son guide
déontologique recommande aux médias de rester
respectueux envers les lecteurs qui décident de partager
leurs idées, via leur publication, et ce, sans les
dénigrer, les insulter ou les discréditer. Le Conseil
appelle à la vigilance dans ces cas.
À cet égard la
déontologie du Conseil stipule que les médias et les
journalistes ont le devoir, lorsque cela est à propos, de
permettre aux personnes de répliquer aux informations et aux
opinions qui ont été publiées ou
diffusées à leur sujet. Le Conseil estime, donc ici,
que les mis-en-cause ont failli à la déontologie
journalistique en ne retirant pas les propos constituant une
attaque personnelle sur la compétence de M. Laflèche,
ces éléments n'ajoutant rien au fond de la
réplique de Mme Bissonnette. Le grief est par
conséquent retenu.
En regard de ce qui précède, le
Conseil retient la plainte de M. Guy Laflèche à
l'encontre du quotidien le Devoir et de sa direction.
Analyse de la décision
C08F Tribune réservée aux lecteurs; C08H Lettres
diffamatoires; C09A Refus d'un droit de réponse; C17D
Discréditer/ridiculiser; C17E Attaques personnelles; C17G
Atteinte à l'image.
Appelant
[Appel du Devoir, du 14 avril 2008, reçu au CdP le 29
avril, soit à la date limite du droit d'appel.]
Mme Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et
responsable de la page « Idées »; Mme
Josée Boileau, directrice de l'information et le quotidien
le Devoir
Décision de la commission d'appel
[10 novembre 2008]
Les membres de la commission d'appel ont
conclu à l'unanimité de maintenir la décision
rendue en première instance.
Le
Conseil de presse du Québec gère environ une
centaine de plaintes par année, mais ses statistiques ne me
paraissent pas très claires. Plus du tiers des plaintes
sont écartées, en comptant les désistements.
Environ un quart des dossiers commencent alors à être
examinés
auprès d'un comité restreint,
puis d'un comité régulier, une assez longue vie
administrative; ce sont toutefois les dossiers
à traiter, traitements qui se chevauchent, certains venant
de l'année
précédente, tandis que d'autres iront à
l'année suivante.
Finalement, une cinquantaine de décisions sont rendues
annuellement, dont celles portant sur une douzaine d'appels.
Au cours des cinq dernières
années, 62 décisions ont été
portées en appel. Il est difficile d'en donner les
résultats nets, à cause du fait que les journalistes
et entreprises de presse peuvent parfois constituer les deux
parties, tandis que les plaignants peuvent aussi être des
individus, des compagnie ou des organismes publics. Mais, dans
l'ensemble, on peut représenter la réalité des
appels au Conseil de presse du Québec par les chiffres
suivants.
En cinq ans (2003-2008), on ne compte que six
cas où l'appel a été retenu, tous en faveur
des organismes de presse mis-en-cause, une fois contre un
organisme, une fois contre une compagnie et quatre fois contre des
individus (mais dans deux de ces cas l'organisme de presse reste
partiellement blâmé). Voici les numéros de ces
six
causes :
D2004-03-048,
D2004-04-054,
D2005-04-072,
D2006-02-043,
D2006-11-037 et
D2007-06-096). Pour le reste, on compte de façon claire et
certaine 31
causes où en appel le jugement est maintenu en faveur des
journalistes ou organismes de presses mis-en-cause et 20 où
le
jugement est maintenu en faveur des plaignants. Dans les autres
cas, le jugement est nuancé, sans compter que dans certains
de ces cas les deux parties ont porté appel.
Au cours de cette période, je ne trouve
que quatre plaintes contre le Devoir (sans compter la
mienne) et elles sont toutes rejetées,
c'est-à-dire que le journal a gain de cause
(D2003-01-043, décision maintenue en appel,
D2006-06-099,
D2006-09-021 et
D2007-05-091). En revanche, il existe une cause et une seulement
où le Devoir a porté appel et a eu gain de
cause (D2004-03-048), en faveur de l'un de ses journalistes.
Bref, le Devoir avait en quelque sorte,
sauf erreur, un dossier sans tache au Conseil de presse du
Québec, depuis cinq ans. Il fallait donc de fortes
motivations et pour me refuser mon droit de réplique
lorsque je portais plainte au Conseil et plus encore pour porter la
cause perdue en appel. Il y a un nom pour désigner ce
comportement. Vous le connaissez ?
LE DEVOIR
Montréal, le 14 avril 2008
Mme Nathalie Verge
Secrétaire générale
Conseil de presse du Québec
Objet
Appel des mises-en-cause. Dossier 2007-11-017
/ Guy
Laflèche c. Marie-Andrée
Chouinard et Josée Boileau, le
Devoir.
Après lecture de la décision
rendue par le Conseil de presse du Québec, nous interjetons
appel auprès de la commission d'appel dudit Conseil.
Rappel des faits et décision
Le Conseil de presse blâme le
Devoir pour avoir refusé un droit de réplique
à M. Guy Laflèche.
Sous la rubrique « Libre
opinion », celui-ci a écrit le 2 novembre 2007 un
texte critiquant les décisions de Bibliothèque et
Archives nationales du Québec. Sa
présidente-directrice générale, Lise
Bissonnette, lui réplique le 8 novembre 2007,
également sous la rubrique « Libre
opinion ».
M. Laflèche estime que l'auteure l'a
personnellement attaqué, précisément en
employant la phrase suivante : « L'ignorance de ce
professeur nous sidère ».
Le Conseil retient que les mises-en-cause
« ont failli à la déontologie
journalistique en ne retirant pas les propos constituant une
attaque personnelle sur la compétence de M.
Laflèche » (1).
Appel
Le Devoir conteste cette conclusion.
Nous maintenons le fait que les deux lettres, publiées sous
la rubrique « Libre opinion », contenaient des
opinions affirmées et tranchées. Les deux auteurs ont
utilisé des expressions fortes mais qui ne relevaient ni de
l'injure ni du mauvais goût (2).
Après avoir laissé aux deux
parties l'occasion d'exprimer leur opinion, nous avons mis un terme
au débat, comme nous le faisons toujours afin de laisser
à tous l'opportunité de bénéficier d'un
espace très sollicité (3).
Le professeur Laflèche reproche
à Lise Bissonnette d'avoir mis sa compétence en
doute, notamment en écrivant : « L'ignorance
de ce professeur nous sidère » (4). Le choix du mot
« ignorance », mis en relief (5) avec ceux employés par le professeur
Laflèche lui-même dans sa première missive, ne
relève pas de l'attaque personnelle (6). Le Petit Robert nous renseigne sur la
définition du mot « ignorance » :
« État de celui qui ignore : le fait de ne
pas connaître quelque chose ».
Or, dans sa lettre, Lise Bissonnette
s'évertue justement à rectifier un certain nombre de
faits évoqués par M. Laflèche. Au terme de sa
démonstration, elle conclut à
l'« ignorance » de l'auteur (7), effectuant un rappel de sa propre version des
faits. Soulignons que l'emploi du mot
« ignorance », d'usage courant selon le
dictionnaire par opposition à un terme familier ou vulgaire,
n'a été ni qualifié ni connoté
négativement, ce qui aurait été le cas si
l'auteure avait par exemple employé l'expression
« ignorance crasse ». Nous n'y voyons donc
aucune attaque personnelle (6).
Si le choix du terme
« ignorance » a fait bondir M. Laflèche,
d'autres mots choisis par le professeur dans sa lettre ont en
revanche également fait réagir Mme Bissonnette, qui
en fait le rappel dans sa « Libre opinion » du
8 novembre.
Ainsi, la pdg relève l'usage de
l'expression « clan rétrograde de la
République française ». Le Petit
Robert nous renseigne sur la définition du mot
« rétrograde » : « qui va
en arrière » (8). Mme
Bissonnette insiste aussi sur le « discours
paranoïaque » qu'on attribue à son
établissement (9), une expression
utilisée par M. Laflèche. Sous
« paranoïa », le dictionnaire
évoque le « délire
systématisé » ou les « troubles
caractériels ».
Lise Bissonnette a aussi noté les
qualificatifs « patriotard et chauvin, clairement
anti-états-unien et proche du racisme »,
attribué au discours de la BAnQ (10). Chauvin ? « Admiration
outrée ». Patriotard ? « Qui
affecte un patriotisme exagéré ».
Racisme ? « Théorie de la hiérarchie
des races, qui conclut à la nécessité de
préserver la race dite supérieure de tout croisement,
et à son droit de dominer les autres ».
Réagissant à ces termes,
très chargés sur le plan de la signification ou de la
symbolique, l'auteure a choisi d'employer le mot
« ignorance », ce qui, eu égard à
l'ensemble de l'affaire, peut difficilement être
assimilé à l'attaque personnelle (6), méritant de surcroît un
blâme.
Conclusion
Face à ces deux lettres,
rédigées tant l'une que l'autre par des personnes
reconnues pour leurs opinions affirmées et
tranchées (11); face au choix, tant
dans l'une que l'autre opinion, de mots forts et potentiellement
très chargés; le Devoir estime avoir
laissé les deux parties exprimer un point de vue percutant
mais qui ne relevait en rien ni de l'injure ni de l'attaque
personnelle (6).
C'est pourquoi nous jugeons n'avoir failli
à aucun de nos droits et responsabilités en
matière de déontologie journalistique et interjetons
appel de votre décision.
Bien à vous,
Signature
Marie-Andrée Chouinard
Éditorialiste et responsable de la page
« Idées »
Signature
Josée Boileau
Directrice de l'information.
Quelques précisions critiques
(1) Tout cela n'est pas très clair.
Beaucoup plus simplement, le Devoir est blâmé
d'abord pour avoir publié les insultes, les injures, voire
les
propos diffamatoires de la présidente et directrice des
BANQ,
et ensuite pour m'avoir refusé le plus
élémentaire droit de réplique. Ce n'est pas
compliqué.
(2) Mme Bissonnette n'est nulle part
désignée dans mon intervention et, manifestement, je
m'adresse aux politiques des BANQ. Mme Bissonnette ne s'en prend
qu'à moi dans son intervention, nommément.
« Injure et mauvais goût », cela ne
saurait
s'appliquer ici comme des particules et des anti-particules
à deux textes qui ne sont absolument pas comparables. On ne
trouve aucune « expression forte » dans mon
exposé. Je n'insulte personne, à ce que je sache, en
m'en prenant au discours paranoïaque de la République
véhiculé par ses porte-parole, avec toute la presse
de France.
(3) Les deux parties se sont exprimés dans
un espace très sollicité. Le Conseil de presse a
déjà statué à ce sujet dans cette
cause : l'argument fallacieux de l'espace compté, de
l'espace égal accordé, etc., n'est évidemment
pas recevable en l'occurrence. Mettons les points sur les i. Le
professeur X publie un texte critique sur une institution
nationale. Le président Y de cette institution,
nommé par le gouvernement, sort de ses gonds et insulte,
voire diffame, le professeur en question. Celui-ci n'a pas le
droit de réplique parce qu'il s'est déjà
exprimé et que l'espace est compté ?
(4) Ici commence un hallucinant jeu de mots
croisés sortis du Petit Robert. D'un rare comique.
C'est pour cette raison que je publie ce texte d'une insondable
niaiserie. Oui, je sais qu'il s'agissait de justifier
l'injustifiable pour porter « appel », mais le
texte de cet appel est tellement sot qu'il est vraiment indigne des
deux femmes qui le signent. Cela dit, ce n'est pas parce qu'on en
a honte pour elles que je ne saurais m'en amuser. On ne trouve pas
souvent un tel chef-d'oeuvre d'humour blanc, le comique de ceux
qui ne voient vraiment pas combien ils se ridiculisent
eux-mêmes avec un acharnement rare. Je n'y peux rien. Ce
n'est tout de même pas moi qui donne ces grands coups de
dictionnaires dignes d'un comique rabelaisien.
Côté positif. Le texte de
l'appel est, à partir d'ici, d'un tel comique que ses
auteures devraient proposer leur service au Grand Festival
International de Montréal Juste pour rire.
(5) « Mis en relief avec »
n'est évidemment pas du français. Je ne suis pas
certain qu'il s'agisse d'un anglicisme (to bring something into
relief). Je me suis amusé a corriger discrètement la
faute de français dans ma réplique, comme on le verra
ci-dessous, dans l'emploie correct de la mise en
relief.
(6) « L'ignorance de ce
professeur » : c'est moi, le professeur, Guy
Laflèche. Et ce n'est pas personnel (« Nous n'y
voyons
aucune attaque personnelle », « méritant
un
blâme », etc., etc.)...
(7) ... pas du tout, car Lise Bissonnette s'est
« évertué » à montrer avec
brio que j'étais personnellement et objectivement un
ignorant en ces matières ! En fait, c'est ce qu'elle a dit,
disent-elles, et elle a bien dit. Ah bon.
(8) Là, il y a erreur. C'est même
une importante
édulcoration de ma critique du discours de la
République sur Recherche de livres de Google. Celui qui va
en arrière recule, bien entendu, et je ne vois vraiment pas
pourquoi on le lui reprocherait. Reculer est une démarche
physique, psychologique et socio-économique tout à
fait courante. Or, je maintiendrai toujours que les politiques
rétrogrades de la République, naïvement
appuyées par les politiques des BANQ, n'ont jamais
reculé devant rien, surtout pas devant les impasses du
ridicule. Et dire que nos deux lexicographes n'ont lu que les
quatre premiers mots de l'article du dictionnaire. Avec un peu de
patience et de clairvoyance, elles auraient pu me comprendre
correctement et un peu plus radicalement :
« Rétrograde, qui s'oppose au progrès,
réactionnaire; esprit rétrograde :
arriéré; politique rétrograde :
comportement stupide de gestionnaires complètement
déconnectés de la réalité, scientifique
ou socio-politique, informatique ou
bibliothéconomique ». C'est dans le
dictionnaire.
(9) Faux. Je n'ai jamais prêté ce
discours paranoïaque aux BANQ. Je me cite au texte :
« Ce discours paranoïaque est
celui de la République
française », et j'identifie ses
porte-parole.
(10) Faux. Aucun de ces qualificatifs n'a
été appliqué aux BANQ. Il s'agit du discours
de la République française vers 2005. Je me cite au
texte : est-ce que les BANQ veulent
« cautionner le discours nationaliste, patriotard et
chauvin, clairement anti-états-unien et proche du racisme,
de la République
française ? ».
(11) Angélisme. N'y aurait-il pas une
petite différence entre des opinions et des injures ?
Entre un professeur qui s'exprime sur les politiques d'une
institution nationale, comme la Bibliothèques et les
Archives nationales du Québec, et une responsable,
présidente et directrice générale d'une
institution nationale, qui insulte impunément un citoyen, ce
professeur ?
Si je publie le texte de ma réplique
à l'appel du journal, c'est simplement pour produire tous
les documents relatifs à cette affaire. Il n'ajoute rien de
neuf. Si j'avais mieux connu le fonctionnement du Conseil de
presse du Québec, j'aurais sûrement laissé sans
réponse cet appel ridicule, car la Commission d'appel ne
peut se mettre en frais de développer les décisions
rendues en première instance qu'elle se contente de
reconduire lorsqu'elles sont maintenues. Tant pis. Ma
réplique insistera pour finir sur la profonde
immoralité des dirigeants du Devoir qui ont
utilisé l'espace éditorial du journal à des
fins personnelles contre un professeur simplement critique
vis-à-vis d'une institution nationale. Ce comportement a un
nom, il en a même plusieurs, que je ne vais pas
énumérer, pour épargner les injures, toute
justifiées qu'elles soient, mais dans le cas du
Devoir, celui qui convient parfaitement, c'est, fort
malencontreusement et malheureusement, le
« duplessisme » [de Maurice Duplessis, premier
ministre du Québec aux dernières heures de la Grande
Noirceur, et auquel le courageux et honnête directeur du
Devoir, Gérard Filion, a tenu tête à de
nombreuses reprises].
Pour peu que le Devoir serait
fidèle à ses origines et à son histoire, on ne
demanderait pas de comptes à ces dirigeants indignes, on
exigerait des excuses ou leur démission. Pour ma part, je
demande toujours simplement l'exercice de mon droit de
réplique, de manière stricte, tel qu'on le verra
ci-dessous. C'est la moindre des choses.
Laval, le 27 mai 2008
Mme Nathalie Verge
Secrétaire générale
Conseil de Presse du Québec
Chère madame,
Je suis
rentré la semaine dernière d'un séjour d'un
mois à l'étranger (du 17 avril au 20 mai); j'en
avais averti le Conseil, lui demandant de me transmettre par
courrier électronique un éventuel appel de
l'entreprise de presse le Devoir. J'ai trouvé cet
appel auquel je réponds maintenant dans mon courrier
à mon domicile à mon retour : appel du 14
avril, reçu le 25 avril au Conseil et dont je n'ai eu copie
que le 20 mai.
Si j'avais reçu cet appel dans les
délais, j'aurais moi-même fait appel de la
décision du Conseil. Voici pourquoi, comme je l'ai
déjà expliqué oralement aux responsables du
dossier avant mon départ à l'étranger. Il ne
me paraît pas normal que l'entreprise de presse le
Devoir laisse le dernier mot, quelle que soit la tournure d'un
débat, à un ancien directeur de l'entreprise, soit
à madame Lise Bissonnette. La p.-d.-g. pourrait avoir le
dernier mot dans un autre journal que celui qu'elle a
dirigé, comme on pourrait également laisser le
dernier mot à n'importe quel spécialiste des BANQ,
spécialiste des questions relatives aux bibliothèques
électroniques, chargé de répondre à mon
intervention, mais certainement pas à une ancienne
directrice du journal propre à imposer son point de vue et
son agenda, capable d'obtenir le privilège d'avoir un
« droit de réplique sans réponse
possible », ce qui est proprement inique, s'agissant
d'une très évidente apparence de conflit
d'intérêts. On ne trouve pas souvent plus
évidente apparence de conflit d'intérêts. Cela
est tellement évident en droit qu'il est anormal que le
Conseil ne le dénonce pas explicitement dans sa
décision
Je me permets de préciser que ce fait
se trouvait déjà dans ma plainte, comme dans ma
réponse et qu'il ne s'agit nullement de l'ajout d'un nouveau
motif de plainte. Il me semble que j'ai le droit le plus
élémentaire, devant l'appel de l'entreprise de presse
le Devoir, de signaler à la commission d'appel
qu'elle peut au moins rappeler dans sa confirmation du jugement que
je portais plainte entre autre pour cette raison d'évidence
de conflit d'intérêts.
Par ailleurs, je suis très surpris de
l'insensibilité des mises-en-cause dans leur appel de la
décision du Conseil. Rarement aura-t-on vu se livrer
à un tel détournement de texte à l'aide
d'entrées d'un dictionnaire, comme si le sens des phrases se
trouvait dans les définitions des mots telles qu'on les
trouve au « Petit Robert », hors contexte.
Cette insensibilité est inattendue lorsque pas moins de la
moitié du texte incriminé paru dans le Devoir
du 8 novembre 2007, mot pour mot, consiste à accumuler des
sarcasmes, des plaisanteries douteuses et des insultes, voire des
injures et des propos diffamatoires, visant nommément une
personne et dans son intégrité personnelle et dans sa
réputation de professeur. Or, tous ces propos
inadéquats se trouvent mis en relief dans
la phrase on ne peut plus insultante pour un professeur:
« L'ignorance de ce professeur nous
sidère ».
Cela dit, et c'est bien assez pour rejeter
l'appel, il apparaît clairement au texte de cet appel de
l'entreprise de presse le Devoir que le journal a pris fait
et cause pour son ancienne directrice. Il suffit en effet de
prendre en considération le premier coup de
dictionnaire : car les mises-en-cause écrivent,
« Or, dans sa lettre, Lise Bissonnette s'évertue
justement à rectifier un certain nombre de faits
évoqués par M. Laflèche. Au terme de sa
démonstration, elle conclut à l'ignorance de
l'auteur ». C'est faux, totalement faux, car la
p.-d.-g. des BANQ n'a relevé absolument aucune erreur de
fait dans mon intervention; en plus, ce ne serait
évidemment pas aux mises-en-cause d'en juger; et dans tous
les cas, cela ne saurait justifier le sarcasme, l'injure et dans ce
cas précis la diffamation, puisque mon intervention
n'était manifestement pas celle d'un ignorant.
Par ailleurs et pour finir, l'appel de
l'entreprise de presse le Devoir repose sur une
pétition de principe qui consiste à justifier, c'est
le mot, et la réponse publiée et sa publication sur
une série de jugements de valeur et d'analyses de mon
intervention, soit mon texte paru dans le journal le 2 novembre
2007. Il ne sera pas inutile de rappeler que ma plainte porte sur
des propos qui constituent une attaque personnelle à mon
endroit et mettent en cause ma compétence professionnelle.
On ne trouvait rien, absolument rien de tel dans mon intervention,
alors que l'entreprise de presse le Devoir m'a refusé
le plus élémentaire droit de réplique
après avoir publié ces propos inadéquats.
Je vous prie, madame la secrétaire,
d'accepter l'expression de mes meilleurs sentiments,
__gl>-
Guy Laflèche
Le 16 novembre 2008,
La direction du Devoir,
a/s M. Bernard Descôteau, directeur
Monsieur le directeur,
Devant le refus répété de
publier ma réplique aux propos insultants publiés
à mon sujet, en réponse à une intervention
accueillie très chaleureusement par Mme Chouinard, j'ai
porté plainte au CPQ qui m'a donné raison. Je pense
qu'il y avait de l'acharnement à porter cette
décision en appel. Le CPQ a maintenu sa décision.
Je vous demande donc maintenant de publier ma
réplique, telle quelle, avec le titre que je lui avais
donné et sa date de rédaction, 12 novembre 2007
(attention que vos correcteurs n'y voit pas un lapsus pour 2008).
De même, je vous demanderais de n'apporter aucune coupure
à mon texte, cela va de soi, mais également de n'y
faire absolument aucune correction (en particulier, internet
s'écrit avec une minuscule dans ce texte et les BANQ
s'accordent au pluriel). Puis-je vous demander de voir à ce
que cela soit scrupuleusement respecté ?
Par ailleurs, si vous deviez présenter
ma réplique, je vous demanderais de ne pas nommer madame
Bissonnette, comme je ne le fais nulle part dans ma
réplique. J'estime que madame Bissonnette a
rédigé son texte insultant pour moi sur le coup de la
colère. En revanche, c'est le Devoir qui l'a
publié et, pire, qui m'a empêché d'y
répliquer et qui l'a fait avec un acharnement
inacceptable.
Je vous prie, monsieur le directeur,
d'accepter l'expression de mes meilleurs sentiments,
__gl>-
_____
Le directeur du Devoir, monsieur Descôteau, n'a pas
donné suite à ma lettre ni n'en a même
simplement accusé réception. Bref, Fais ce que dois : l'autruche.
|