TdM


Guy Laflèche, Université de Montréal

TGdM

  • Prologues
  1. Le texte imprimé et le texte électronique
  2. L'« ILE » des simoniaques, un bel exemple
  3. Le copyright et le droit d'auteur, CONTRE !
  4. Historique des sites littéraires sur la toile
  5. Droit de reproduction sur la toile, POUR !
  6. La bibliothèque électronique de Google, POUR !
    1. La République française contre Google
    2. La BNQ /les « BANQ » à l'ère de Google
    3. L'Encyclopédie de la Francophonie contre Wikipédia
    4. Le discours de la République : baroud d'honneur
IMEC / Laflèche
Ref. Cabinet Pierrat (Paris)

Droits de reproduction sur la toile
(copyrights sur le Web)
dans les sites personnels sur les oeuvres littéraires

La bibliothèque électronique de Google (2)


I
La Bibliothèque nationale du Québec
à l'ère de Google

      Ce titre, je dois le reconnaître, est de Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et membre de la rédaction du Devoir. C'est elle qui a géré mon intervention au journal où j'ai adressé, à tout hasard, la conclusion de mon travail : pourquoi la Bibliothèque nationale du Québec ne profiterait-elle pas du programme « Recherche de livres » de Google ? Évidemment, je savais bien que notre institution nationale faisait corps avec le clan rétrograde de la République française et c'est ce que j'ai écrit.

      C'est le premier texte qu'on trouvera ci-dessous : « La BNQ à l'ère de Google ».

      Le Devoir a ensuite donné la parole, comme il se devait, aux responsables de l'institution publique. Le second texte ci-dessous, qu'on trouvera commenté mot à mot : « BAnQ [la Bibliothèque et les Archives nationales du Québec] ne prend [= prennent] pas les mauvais conseils ».

      On trouve pour finir le texte très sobre de ma réplique aux fonctionnaires de la bibliothèque que le Devoir a refusé de publier. La présidente-directrice générale de la Bibliothèque et des Archives nationales du Québec est une ancienne directrice du journal; Elle doit donc savoir, je suppose, qu'elle peut insulter qui elle veut impunément et sans aucun droit de réplique possible au journal le Devoir.

      J'ai donc porté plainte au Conseil de presse du Québec où, au bout d'un an, après un appel de la décision par le journal, j'ai obtenu doublement gain de cause. Le Devoir a été formellement blâmé et pour avoir publié un texte d'opinion insultant à l'endroit d'un professeur et surtout pour lui avoir refusé obstinément un élémentaire droit de réplique, alors que la direction du journal se trouvait en un inique conflit d'intérêts, laissant le dernier mot à l'ancienne directrice du journal. Or, Lise Bissonnette, jusqu'à mieux informé, n'a aucune formation, aucune connaissance (et ses interventions publiques en font la preuve), ni aucune expérience en bibliothéconomie, notamment dans le domaine des bibliothèques virtuelles et électroniques. Peine perdue, le Devoir me refuse toujours le droit de m'exprimer. La direction du journal porte ainsi atteinte à sa devise, Fais ce que dois.

Table

  1. Les BANQ devant Recherche de livres de Google

  2. Le Devoir devant le Conseil de presse du Québec

    1. L'envoi à la Presse (19 oct. 2007)
    2. L'envoi au Devoir (30 oct. 2007)
    3. La réception enthousiaste au Devoir (2 nov. 2007)
    4. Décision du Conseil de Presse du Québec (28 mars et 10 nov. 2008)
    5. Appel du Devoir (14/25 avril 2008)
    6. Réponse à l'appel du Devoir (27 mai 2008)
    7. Droit de réplique demandé au Devoir (16 novembre 2008

La BNQ à l'ère de Google

 

À quand l'entrée de la Bibliothèque Nationale du Québec dans le projet « Recherche de livres » de Google ?

Guy Laflèche
Université de Montréal

Le Devoir, 2 novembre 2007, p. A8.

      La Bibliothèque Nationale du Québec à Montréal est une incontestable réussite. Comme les autres Grandes Bibliothèques, elle rassemble des centaines de personnes par pur plaisir autour des livres, des journaux et des revues, et, finalement, des ordinateurs ouverts au multimédia et aux réseaux internets.

      [C'est une grande réussite, sauf en ce qui concerne son nom, disons-le en passant. La dénomination de Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, les BANQ (voire même les BAnQ, avec un petit n) est copiée sur la BAC, la « Bibliothèque et Archives Canada » (sic), traduction littérale fautive de Library and Archives Canada, LAC. Est-ce que l'amalgame de la bibliothèque et des archives étaient vraiment nécessaire ? Mystère de la Sainte Dualité. Est-ce que l'administration et ses fonctionnaires ne pouvaient pas garder pour eux que la Bibliothèque Nationale et les Archives Nationales étaient un Dieu en deux personnes, au lieu d'en accabler le public ? Passons.] (*)

      La question qui se pose maintenant est toute simple : quelle sera la prochaine étape ? Comment notre Bibliothèque Nationale pourrait-elle favoriser la diffusion universelle de ses collections ? Comment serait-il possible qu'elle mette rapidement et efficacement ses livres à la portée de tous les lecteurs du monde branchés sur l'internet ? Facile. Il lui suffit de rejoindre les treize bibliothèques qui sont aujourd'hui partenaires de la compagnie Google, dans le projet intitulé « Recherche de livres ». Gratuitement et en un rien de temps tous les livres de notre bibliothèque nationale qui sont du domaine public se trouveraient à la portée de ceux qui veulent les consulter ou les utiliser sur la toile.

      Le programme « Recherche de Livres » de Google comprend deux volets. Le premier est un regroupement d'éditeurs qui annoncent leurs livres, en proposent des extraits, voire en laissent consulter quelques pages ou même les textes au complet. À ce jour, plus de dix milles éditeurs participent au projet. Chaque éditeur choisit à sa guise les ouvrages qu'il propose et pour chacun d'entre eux le mode de consultation. Il n'y a aucun contrat d'exclusivité et l'éditeur peut se retirer du programme en tout temps. Cela dit, 10.000 éditeurs, cela fait déjà une banque de pas mal de livres.

      Or, le second volet du programme « Recherche de livres » compte actuellement treize bibliothèques partenaires extrêmement prestigieuses qui contribuent à la bibliothèque électronique de Google en y déposant, chacune, entre cent mille et quelques millions de livres. Il s'agit d'ouvrages du domaine public qui sont ainsi mis gratuitement à la portée de l'internet. Et gratuitement n'est pas le mot, car c'est Google qui assume les frais de mise en place, alors que les bibliothèques partenaires, comme les éditeurs, peuvent présenter, sur leur propre site internet, les fichiers scannés par l'entreprise de Californie.

      Comme dit ma mère, à ce prix-là, tu ne peux pas t'en passer.

      Les cinq premières bibliothèques à participer au projet de Google furent la très prestigieuse Bodleian Library d'Oxford en Grande Bretagne et les bibliothèques de la ville de New York et des universités de Harvard, de Stranford et du Michigan aux États-Unis. On compte maintenant parmi les treize bibliothèques partenaires de Google la Bibliothèque Nationale de Catalogne, première du genre à faire son entrée dans le projet, et la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne, première bibliothèque de langue française. La Bibliothèque Nationale du Québec serait donc la première à rassembler modestement les deux titres, la première bibliothèque nationale francophone à participer au programme.

Google ou Europeana ?

      Malheureusement, il semble bien que notre bibliothèque soit piégée dans le clan rétrograde de la République française. En effet, le programme de Google a été entrepris vers 2000 et lancé officiellement à la fin de 2004. Dès ce moment, la République française s'est elle-même lancée dans une croisade hallucinante pour contrer ce projet « impérialiste » au service de « l'hégémonie culturelle mondiale des États-Unis pour les générations futures » qui « risque de s'imposer aux dépens de l'héritage de siècles de sages réflexions ». Les États-Unis (je vous jure ! ce n'est plus de Google qu'il est question....) auraient ainsi pour objectif d'imposer un « idiome simplifié » comparable au « grec abâtardi », etc. Heureusement, la France est là pour sauver la civilisation.

      Ce discours paranoïaque est bien celui de la République française. Le président Jacques Chirac, le ministre de la culture et de la communication Renaud Donnedieu de Vabres et le président de la Bibliothèque Nationale de France Jean-Noël Jeanneney étaient tous impliqués dans ce délire. Et ce discours maladif a été relayé par tous les grands journaux français. Il suit, évidemment, que de nombreuses actions judiciaires ont été lancées contre Google, dont la plus célèbre est celle du Groupe La Martinière, appuyée par le Syndicat national de l'édition de la République française.

      Le résultat de tout cela est un petit pet informatique intitulé de manière très peu appropriée Europeana. La République française de proposait de jouer les matamores en réunissant dix-neuf Très Grandes Bibliothèques européennes pour écraser l'Amérique. Finalement, elle n'a pu embrigader que deux bibliothèques nationales, celle de Hongrie et du Portugal. Et le résultat mathématique est bien simple, puisqu'il compte tout au plus 12 000 ouvrages. Le projet de Google comprend aujourd'hui des centaine de milliers d'ouvrages et la question est de savoir quand il passera le cap de son premier million.

      Pour la Bibliothèque Nationale du Québec, la question est donc fort simple. Est-ce qu'elle veut jouer dans la cour des grands ou s'amuser dans la petite ligue mineure dirigée par la République française ? Est-ce qu'elle veut refléter ce qu'elle est, une grande bibliothèque d'Amérique, ou cautionner le discours nationaliste, patriotard et chauvin, clairement anti-états-unien, et proche du racisme, de la République française ?

      Comme dit ma mère, il y a des prix, même tout petits, que tu ne veux pas payer.

      Mais, après tout, peu importe les projets de la Bibliothèque Nationale du Québec, qui peut d'ailleurs en compter plusieurs, dont sa participation à Europeana qu'elle devrait payer à grands frais. L'important, me semble-t-il, serait de ne pas laisser passer la chance de participer au projet « Recherche de livres » de Google qui ne lui coûterait rien et lui rapporterait beaucoup.

Références

http://books.google.com ou http://books.google.fr Recherche de livres de Google.

http://www.europeana.eu Europeana, bibliothèque numérique européenne.

      [Attention : cette adresse conduit depuis 2008 à la Bibliothèque européenne, c'est-à-dire au portail des bibliothèques et musées européens, conçu en 2000, sur la toile depuis 2005 — et qui a repris ce beau nom pour camoufler gracieusement les déboires de la République, le nom de la défute bibliothèque « numérique » européenne pure laine française.]

http://mapageweb.umontreal.ca/lafleche/co/pr6b.html La République française contre Google, par Guy Laflèche.

(*) Cet alinéa, comme on le lira plus bas, n'a pas été publié par le Devoir qui l'a remplacé par le signe de la coupure : [...]. Les références n'ont pas non plus été publiées. — Et je profite de l'occasion pour signaler le tout naturel lapsus que j'ai souvent corrigé, mais laissé intentionnellement en place en tête de la seconde partie de cette analyse : les ABNQ. En effet, pour qui connaît son français, le sigle BANQ est également une faute syntaxique. Comme le mot archives ne peut (généralement) s'employer qu'au pluriel, il doit donc venir avant le singulier bibliothèque. On pourrait dire, les « bibliothèques et [les] archives nationales du Québec », BANQ, si bibliothèque était mis au pluriel, mais si tel n'est pas le cas, il faut inverser les deux mots, ce qui, en prime, respecte l'ordre alphabétique et donne le très naturel ABNQ en français. Bref, comme sigle et comme expression, BAnQ ne comprend pas moins de trois fautes. Qui donc a étudié la question avant son adoption ?


BAnQ ne prend (sic) pas les mauvais conseils

[Les] BANQ ne [prennent] pas les mauvais conseils

Lise Bissonnette, présidente-directrice générale, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BANQ)

Le Devoir, 8 novembre 2007, p. A6.

      Sur les conseils de sa maman (1) qu'il cite à répétition (2) (Le Devoir, 2 novembre 2007, « La BNQ à l'ère de Google »), un professeur au département des littératures de langue française de l'Université de Montréal nous reproche (3) de ne pas nous joindre aux quelques (4) bibliothèques universitaires et patrimoniales qui ont accepté de confier (5) la numérisation de leurs livres anciens (6) au géant américain Google. Guy Laflèche a tout faux en ces matières qui ne sont visiblement pas les siennes; j'invite ici sa maman à lui donner de nouveaux et plus judicieux conseils (7).

      À commencer par la précaution élémentaire de regarder avant de traverser la rue. Il veut se rendre chez nous mais ne connaît même pas notre nom, sans doute le dernier littéraire au Québec à ignorer que la BNQ n'existe plus depuis deux ans. C'est dire avec quelle assiduité il fréquente BAnQ, l'institution qu'il veut chicaner, pourtant partenaire de tous les réseaux qui devraient être les siens (8).

      Sa maman aurait pu aussi lui dire de se méfier des inconnus, ce que Google est pour lui (9). Le roman qu'il raconte aux lecteurs du Devoir à propos de la générosité du moteur de recherche américain mérite le prix du conte de fées. Google, dit-il sommairement, numérise gratuitement tous les livres des bibliothèques participantes et pousse la générosité jusqu'à leur permettre de mettre en ligne sur leur propre site les fichiers ainsi « scannés » (le terme anglais est de lui) (10) (11).

      Que dirait-on si le Musée national des beaux-arts du Québec, dépositaire de nos richesses artistiques nationales, annonçait demain qu'il vient de remettre les droits exclusifs de diffusion et d'utilisation de ses collections à une société privée américaine (12) et qu'il n'est désormais autorisé qu'à les exposer en ses murs ? (13). C'est exactement ce que M. Laflèche nous propose en ignorant tout des règles qu'impose Google (14).

      Les fichiers numérisés demeurent en effet la propriété du moteur américain (15), qui exige d'en devenir l'unique diffuseur commercial, d'en bloquer l'accès à d'autres moteurs de recherche et d'ériger diverses barrières à la circulation des fichiers, qui sont pourtant des biens collectifs (16). C'est pourquoi, parmi les centaines de bibliothèques nationales du monde, une seule, en Catalogne, a curieusement accepté de remettre ainsi à un acteur privé la propriété virtuelle de collections qui sont des patrimoines nationaux rassemblés au cours des siècles par des fonds publics (17). La diffusion virtuelle de ces collections est certes l'avenir, il est impensable d'en remettre la propriété à une firme commerciale qui imposerait ses règles à l'entrée (18). La maman de M. Laflèche aurait dû lui conseiller également de bien examiner les bonbons que lui proposent des inconnus : il leur arrive d'être empoisonnés.

      Elle aurait pu aussi lui prescrire de bien choisir ses petits copains. Tout en nous mettant en cause (19), le professeur s'en prend surtout à ce qu'il appelle « le clan rétrograde de la République française », envers lequel il n'a pas de mots assez violents pour dénoncer ce qu'il présente comme une croisade solitaire (20) contre le richissime Google qu'il rêve tant de fréquenter. Or, plus tôt cette année, certaines des plus grandes bibliothèques et institutions américaines — Boston Public Library, Smithsonian Institution et un consortium de 19 prestigieuses bibliothèques universitaires et de recherche de la Nouvelle-Angleterre — ont annoncé qu'elles refusaient l'offre de Google et qu'elles exploraient ensemble des solutions coopératives (21) sans restrictions d'accès (22), comme celle qu'offre Open Content Alliance (23), quitte à payer pour numériser leurs fichiers (24).

      Après avoir brièvement flirté avec Google, la très prestigieuse Bibliothèque du Congrès, la plus importante bibliothèque nationale du monde, vient de lancer un projet alternatif avec l'UNESCO, auquel participent d'autres grandes bibliothèques nationales et la célèbre bibliothèque d'Alexandrie (25). Cela fait bien du monde, hors l'Hexagone, à adopter ce que M. Laflèche appelle un « discours paranoïaque » ou encore « patriotard et chauvin, clairement anti-états-unien et proche du racisme » (26), excusez du peu. Sa maman aurait vraiment dû exiger qu'il apprenne ses leçons avant de tenter de les enseigner.

      Nous sommes donc de ce « clan » très large, non seulement européen mais nord-américain et états-unien, plus divers désormais que celui de Google (27). Les collections de BAnQ, comme semble aussi l'ignorer notre imprécateur (28), ce ne sont pas que des livres (29). Ce sont entre autres des journaux et des périodiques, des cartes et des plans, des archives historiques et littéraires, des enregistrements sonores, des manuscrits, des films, un immense tout cohérent qui se présente et se présentera virtuellement dans son entièreté et sa continuité.

      Nous n'avons aucune raison d'en extraire les livres (30) pour en confier la présentation à autrui. Nous avons déjà numérisé des millions de fichiers (31), ils sont disponibles sur notre portail, fréquenté par des centaines de milliers de visiteurs chaque mois, et nous en numériserons encore des millions. Nous sommes parmi les fondateurs du Réseau francophone des bibliothèques nationales numériques et nous y préparons, au Québec, le prototype du futur Portail commun. Avec Bibliothèque et Archives Canada, autre institution de renommée mondiale et autre résistante à Google, nous travaillons à une solution coopérative ouverte et totalement accessible aussi, plusieurs universités canadiennes sont partie prenante de ce développement. Et nous suivons de très près la Bibliothèque Europeana promue par la Bibliothèque nationale de France (32), qui comptera bientôt 100 000 ouvrages et non 12 000 comme le prétend M. Laflèche (33).

      L'ignorance de ce professeur nous sidère (34). Mais sa crise antifrançaise, si furieuse qu'elle va jusqu'à l'expression scatologique, nous mystifie encore plus (35). Sa maman nous dira-t-elle de quelle profondeur surgit ce malaise ? Ou devrons-nous conclure, devant une telle série de faux pas, que M. Laflèche a été mal élevé ? (36).

Notes et commentaires critiques

      Je commente l'opinion de la présidente-directrice générale qui se prend pour ma mère sur les points que je n'avais pas abordés dans ma réplique refusée au journal (telle qu'on la lira ci-dessous). Évidemment, dans une réplique où l'espace est compté, ce n'était pas la place pour mettre une maman spirituelle à sa place. Ici, oui, la pauvre.

(1) Faux, bien entendu : je suppose que la présidente-directrice générale des BANQ s'amuse. Je l'espère bien pour elle. Voici les deux phrases incriminées : « Comme dit ma mère, à ce prix-là, tu ne peux pas t'en passer » et « Comme dit ma mère, il y a des prix, même tout petits, que tu ne veux pas payer ». Il s'agit de deux proverbes que j'attribue à ma mère avec raison. D'aucune manière, évidemment, ma « maman » n'est en cause. Ce sont là les deux questions les plus importantes posées par mon intervention. Premièrement, l'offre de Google aux bibliothèques participantes est gratuite : pourquoi la bibliothèque nationale du Québec n'en profiterait-elle pas ? Deuxièmement, le projet Europeana proposé par la Bibliothèque nationale de France repose entièrement sur une croisade anti-états-unienne : est-ce qu'à ce compte la bibliothèque nationale du Québec accepte de participer à cette entreprise ?

(2) À répétition : l'expression signifie en français que l'action est répétée souvent. Tel n'est évidemment pas le cas ici. En revanche, la présidente-directrice générale des BANQ, elle, va donner avec fureur et passion dans la répétition.

(3) Je voudrais tout de suite éclaircir un point important. Mon interpellation est de l'ordre strict du questionnement. Jamais d'aucune manière je n'ai fait de reproches ni donné de conseils. J'ai posé des questions et donné mon avis sur la question de savoir pourquoi la Bibliothèque nationale du Québec ne participerait pas au projet « Recherche de livres » de Google. Tout le vocabulaire moralisateur de la présidente-directrice générale des BANQ n'a rien à voir avec mon intervention. Il en va en particulier du titre que la présidente-directrice générale des BANQ a donné à son intervention : « BAnQ ne pren[nent] pas les mauvais conseils ». J'ai posé une question, elle répond qu'elle n'a pas de conseil à recevoir. J'ai demandé « pourquoi », elle répond « parce que ».

(4) Quelques ? Évidente mauvaise foi pour qui connaît un tant soit peu les treize bibliothèques partenaires de Google.

(5) Ces treize prestigieuses bibliothèques n'ont absolument rien « confié » à la compagnie de Californie. Les partenaires acceptent simplement que Google scanne à ses frais (transport et assurance compris) une partie de leur patrimoine. C'est une transaction d'abord et avant tout commerciale. La bibliothèque a les livres, la compagnie a le savoir faire.

(6) Livres anciens ? La présidente-directrice générale devrait peut-être suivre un cours de bibliothéconomie 101.

(7) Jusqu'à maintenant, si je lis bien comme tout le monde, la présidente-directrice générale n'a encore exposé absolument aucune idée. En quoi donc aurais-je tout faux ? En ce qui concerne l'affirmation que ces « matières [...] ne sont visiblement pas les siennes », il s'agit d'une injure qui est de l'ordre de la diffamation.

(8) La rédaction du Devoir a laissé paraître cet alinéa alors qu'elle avait soustrait le mien qui portait précisément sur le nom de la bibliothèque et le sigle BANQ. Je pense qu'il faut être gonflé pour agir de la sorte. Cela dit, la présidente-directrice générale n'a vraiment rien à dire pour prendre ainsi tout un paragraphe, sans aucun rapport avec son sujet et qui n'a d'autre objectif que de m'accabler comme imbécile et ignorant. On jugera.

(9) Un inconnu, « ce que Google est pour lui ». Je ne comprends pas le sens de cette proposition. Comme elle veut revenir à répétition sur le thème fabuleux de « ma maman », elle finit par ne plus écrire en français. Google n'est certainement pas pour moi un inconnu, puisque je présente fort correctement son projet « Recherche de livres », aussi bien pour les éditeurs que pour les bibliothèques, mais peut-être est-ce bien ce qu'elle veut en effet affirmer, poursuivant sans raison son entreprise de dénigrement à mon endroit.

(10) Oui, c'est exact, bien que ce ne soit pas de la générosité. En effet Google prend en main l'essentiel des coûts de l'opération. Ensuite, le résultat qui se trouve sous le répertoire de Google peut également se trouver, avec le même logiciel de recherche, sur le site des éditeurs participants. Et on sait que les fichiers appartiennent également aux bibliothèques.

(11) La pauvre présidente-directrice générale ! Elle « numérise » sans rire à tour de bras. Il va lui falloir aussi un petit cours de français.

(12) « Américaine » (sic).

(13) Mais que vient faire ici « le Musée national des beaux-arts du Québec, dépositaire de nos richesses artistiques nationales » ? Il me semble qu'on pourrait fouetter un chat à la fois et qu'on a bien assez des livres de la Bibliothèque nationale du Québec pour savoir ce qu'il faudrait en dire « si... ». Car l'affirmation est fausse : jamais, absolument jamais, d'aucune manière, Google n'impose aux bibliothèques participantes de « droits exclusifs de diffusion et d'utilisation de ses collections ». Ce n'est pas vrai.

(14) Lorsqu'on affirme une fausseté, comme celle qu'on vient de lire, on est malvenu de se livrer à l'insulte, à la diffamation. Ni les éditeurs, ni les bibliothèques ne signent aucun contrat d'exclusivité avec Google lorsqu'ils participent au programme « Recherche de livres ». On jugera donc à son mérite l'accusation de la présidente-directrice générale à mon endroit : « C'est exactement ce que M. Laflèche nous propose en ignorant tout des règles qu'impose Google ». Non seulement je les connais fort bien, mais toute mon intervention repose sur la nature même de ce contrat qui n'engage ni frais ni exclusivité avec la compagnie de Californie.

(15) « Américain » (sic), « moteur américain » (sic). Google est un système de recherche états-unien sur la toile, et des plus connus, mais pas au point d'être un « moteur américain ». Un produit d'American Motor, peut-être ?

(16) Totalement faux. D'où sortent ces affirmations saugrenues, sinon des préjugés développés par la Bibliothèque nationale de France en réaction paranoïaque au projet de Google tout au long de 2005 ? D'ailleurs, ces fausses affirmations sont d'autant plus saugrenues qu'elles n'ont aucun sens : Google, « unique diffuseur commercial », Google peut « bloquer l'accès à d'autres moteurs de recherche » « ériger diverses barrières à la circulation des fichiers » ? On voudrait comprendre. Les fichiers se trouvent nécessairement sur le serveur « Recherche de livres » de Google, c'est pour cela que la compagnie prend en charge les frais de mise en place; ce serveur constitue une base de données, forcément géré par son logiciel, comme n'importe quelle base de données. Comment d'autres systèmes de recherche, Altavista par exemple, pourrait y avoir accès ? Je ne comprends pas. Mais le plus extraordinaire est tout de même l'affirmation selon laquelle les fichiers pourraient se promener et que Google érigerait des « barrières » à leur « libre circulation ». Jusqu'à mieux informé — et je ne demande pas mieux que des explications —, tout cela n'est qu'un charabia destiné à sortir le poisson de l'aquarium pour mieux le noyer. Mais l'important, il faut bien le dire, est que tout cela n'est pas vrai. Aucun contrat d'exclusivité ne lie la bibliothèque participante à Google et le résultat de l'opération reste l'entière propriété de la bibliothèque qui peut l'exploiter elle-même si elle le veut et le peut.

(17) Encore faux. Mais d'abord pourquoi dire qu'« une seule » bibliothèque nationale fait partie du projet de Google ? Une sur treize, c'est déjà significatif et considérable. La bibliothèque nationale de Catalogue est une bibliothèque nationale et je ne pense pas que la présidente-directrice générale de celle du Québec ait autorité pour la dénigrer d'un « curieusement ». Ensuite, encore une fois, jamais la Bibliothèque nationale de Catalogne n'a « remis » la « propriété virtuelle » (sic) de ses collections à Google. Ce n'est pas vrai. Remarquez bien que la phrase est vraiment lyrique : « C'est pourquoi, parmi les centaines de bibliothèques nationales du monde, une seule, en Catalogne, a curieusement accepté de remettre ainsi à un acteur privé la propriété virtuelle de collections qui sont des patrimoines nationaux rassemblés au cours des siècles par des fonds publics ». Elle est un parfait exemple de mauvaise foi et de désinformation. N'y aurait-il pas un président-directeur général de la Bibliothèque nationale de Catalogne ? Ce « curieux » personnage est manifestement aussi ignorant que moi, si l'on comprend bien. En tout cas, il a accepté « de remettre ainsi à un acteur privé... ». — Il y a une bibliothèque nationale sur treize qui est partenaire de Google; il y a des « centaines » de bibliothèque nationales au monde. Combien y a-t-il de bibliothèques de par le monde, comparables aux treize bibliothèques partenaires de Google ? Un chiffre, qui se compte en centaine de milliers. La règle de trois illustre bien la mauvaise foi et l'entreprise de désinformation de la présidente-directrice générale.

(18) Répétition. Et qu'est-ce donc, en français, que « ses règles à l'entrée » ? À l'entrée sur un site ? au début de l'entreprise ? Non seulement l'affirmation, répétée, est fausse, car Google n'impose aucun contrat d'exclusivité, mais elle est répétée de manière fabuleusement hermétique, de sorte que le lecteur, sidéré par autant de machiavélisme, doit se demander si Google n'est pas une secte satanique.

(19) Encore le discours moralisateur : je n'ai jamais « mis en cause » la Bibliothèque nationale du Québec. Sauf pour les prêcheurs, interroger et donner son avis ne sont pas des péchés, à ce que je sache.

(20) Alors là, oui. Et j'ai donné mes preuves qui sont accablantes. Europeana, produit de la Bibliothèque nationale de France, qui devait rassembler des centaines de milliers de livres de pas moins de treize « Très Grandes Bibliothèques européennes », ne regroupe que deux autres bibliothèques nationales, celles de Hongrie et du Portugal, et ne compte que 12 000 livres. À côté du programme de Google, cette toute petite bibliothèque électronique ne fait pas le poids. En plus, c'est une copie conforme de son rival. — Cela dit, c'est surtout le discours délirant des responsables de la bibliothèque que j'ai dénoncé et je l'ai fait mot à mot, citations à l'appui.

(21) On imagine mal la bibliothèque de la ville de Boston et la Smithsonian Institution à la tête de bataillons de bibliothèques, dans une opération guerrière contre Google, comme c'est le cas de la République française. Cela ferait trop l'affaire de la présidente-directrice générale pour que ce soit la réalité. Elle, en revanche, imagine les cowboys de Nouvelle-Angleterre rejoignant les shérifs de France. Pan ! pan ! Google : t'es mort !

      Aucune de ces bibliothèques n'a refusé quoi que ce soit de Google, c'est complètement loufoque. En fait, les fonctionnaires des BANQ recopient mal une découpure de presse du New York Times du 22 octobre dernier (2007) où Katie Hafner explique avec quelques confusions ce qu'on trouve plus clairement indiqué sur le site de l'OCA : le Boston Library Consortium et le Biodiversity Heritage Library, qui regroupent respectivement 19 et 10 bibliothèques (dont la Smithsonian Institution Library parmi ces dix dernières) se joignent au projet de l'Open Content Alliance (OCA). Ces bibliothèques n'explorent rien du tout, comme l'invente purement et simplement notre Présidente-directrice générale. Sans compter que cela, pour l'instant, n'engage à rien ni ne produit rien du tout, puisque l'OCA n'est toujours qu'un projet. D'ailleurs la bibliothèque de l'Université de Californie, partenaire de Google, en fait aussi partie. Ensuite, ces 19 et 10 bibliothèques sont de faux chiffres propres à impressionner les badauds : la bibliothèque de l'Université de Toronto, qui est aussi partenaire d'OCA (avec Xerox et Yahoo!, il ne faut jamais l'oublier), en compte 24 !

(22) Il n'y a absolument aucune restriction d'accès aux ouvrages du domaine public versés par les bibliothèques à « Recherche de livres » de Google. Seuls les éditeurs peuvent restreindre la consultation de leurs ouvrages, selon des modalités qu'ils gèrent eux-mêmes. — Pourquoi ces incessantes pointes malveillantes sous la plume de la présidente-directrice générale ?

(23) L'OCA n'est toujours pas active sur la toile.

(24) « Quitte à payer pour numériser leurs fichiers ». Bon, enfin ! La question principale que j'ai posée est précisément celle-là : puisque c'est gratuit, pourquoi la Bibliothèque nationale du Québec se priverait-elle de l'aide de Google ? C'était d'ailleurs l'objet de mon intervention : comme dit ma mère, à ce prix-là, tu ne peux pas t'en passer. Or, voilà qu'au détour d'une phrase, à propos d'un « consortium » de Nouvelle-Angleterre, la présidente-directrice générale, responsable d'une de nos grandes institutions nationales, qui doit donc être un peu responsable des budgets de son institution, j'imagine, nous glisse ce quitte à payer. Oui, oui, « quitte à payer ».

      « Quitte à payer ». Rien n'est plus significatif de la part de la présidente-directrice générale, responsable d'une de nos grandes institutions nationales.

(25) Et puis après ? J'imagine que je ne serai pas seul à trouver vraiment bizarre cette « preuve » par les contraires et les diversités. Un consortium de bibliothèques de Nouvelle-Angleterre met en place un projet commun et, pour sa part, la Bibliothèque du Congrès participe à un projet de l'UNESCO, avec la Bibliothèque d'Alexandrie... Et voilà le projet de Google ainsi dénigré ! Cela étant dit, je ne me suis pas adressé à la Bibliothèque de la ville de Boston, ni à la Bibliothèque du Congrès.

(26) J'ai cité textuellement le ministre de la Culture et de la Communication, Renaud Donnedieu de Vabres, et le président de la Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël Jeanneney.

(27) Je ne comprends pas. Je ne vois rien d'important ni de « divers » dans les éventuels projets évoqués ici, l'invention d'un projet « original » de bibliothèques de Nouvelle-Angleterre et l'évocation d'un projet de l'UNESCO. On me trouvera matérialiste, mais je veux des faits. En l'occurrence, je veux l'adresse des sites internets de ces très hypothétiques bibliothèques informatiques. Sans compter que j'aimerais surtout savoir où la Bibliothèque nationale du Québec se situe là-dedans. C'est beau, mais pas très clair. Je ne comprends pas.

(28) Vocabulaire de curés et de bonnes soeurs (« imprécateur » ne se trouve d'ailleurs que dans les dictionnaires ecclésiastiques, section exorcisme). Et on imagine la présidente-directrice générale, le goupillon à la main, à chasser Satan des caves de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Satan, c'est moi. Tout polémiste que je sois, personne ne m'avait encore jamais traité d'imprécateur. Wooh, wooh ! j'espère que je vous fais peur.

(29) Non seulement je « semblais » l'ignorer, mais il pourrait apparaître que je l'ignorais complètement. Je suis ignorant, on l'a compris depuis longtemps. C'est ma faute, aussi, de donner cette triste image de moi, comme professeur, car je suis très distrait, n'ayant jamais remarqué les sections manuscrits, cartes et plans, etc., des grandes bibliothèques nationales et universitaires où j'ai travaillé toute ma vie. Je suis vraiment imbécile.

(30) Je pense qu'il vaut la peine de relire : « ce ne sont pas que des livres. Ce sont entre autres des journaux et des périodiques, des cartes et des plans, des archives historiques et littéraires, des enregistrements sonores, des manuscrits, des films, un immense tout cohérent qui se présente et se présentera virtuellement dans son entièreté et sa continuité. Nous n'avons aucune raison d'en extraire les livres ». Quel argument accablant contre la participation de la bibliothèque au projet de Google ! Ce que j'aime le plus dans cette envolée, c'est le fragment qui dit que le tout « se présente et se présentera virtuellement dans son entièreté et sa continuité ». Je dois l'avouer, ce que je regrette le plus de mon enfance, ce sont les sermons, car je me suis toujours beaucoup amusé à les écouter, alors que tout le monde dormait.

(31) La question n'est pas là. Avec « Recherche de livres » de Google, comme avec Europeana, c'est de bibliothèque électronique qu'il est question. Tout cet alinéa tente de noyer le poisson. On en est à la fin de l'intervention de la présidente-directrice générale et elle n'a encore répondu à aucune des questions soulevées par mon intervention. Et la voici à jouer avec les millions. Ce n'est vraiment pas sérieux.

(32) Cette longue énumération est de la plus grande confusion. De tous ces projets, seul Europeana est une bibliothèque électronique. Dans tous les autres cas, il s'agit de vitrines virtuelles où les livres sont exposés sur la toile comme dans n'importe quelle bibliothèque d'encre et de papier. Et même là, la Bibliothèque nationale du Québec n'a absolument rien de comparable à Gallica, la formidable bibliothèque virtuelle (et non électronique) de la Bibliothèque nationale de France. Mais c'est là un tout autre sujet, sans rapport avec le programme « Recherche de livres » de Google. Aussi, cette énumération confuse ne peut avoir qu'un sens, qui voudrait que la bibliothèque en fasse beaucoup pour diffuser ses livres sur la toile et donc bien assez. C'est répondre à côté de la question, qui est celle-ci, il faut le répéter explicitement pour finir : pourquoi la Bibliothèque nationale du Québec ne participerait pas au projet « Recherche de livres » de Google ? J'ai expliqué quels en étaient les avantages; treize grandes et prestigieuses bibliothèques et dix milles éditeurs participent actuellement à ce projet; et, en plus, il n'en coûterait rien pour rejoindre ces partenaires, tandis qu'aucun, absolument aucun contrat d'exclusivité ne lierait la bibliothèque à l'entreprise très efficace de Californie. Je pense que mes questions sont aussi simples que claires. Je n'ai pas de poissons à noyer, je n'ai pas de lecteurs à embrouiller.

(33) Je ne prétends absolument rien, je dis ce qui en est; je parle au présent et non au futur. La présidente-directrice générale affirme que la bibliothèque électronique Europeana ne compte(ra) pas 13 000, mais 100 000 ouvrages. D'un clic de souris on voit que ce n'est pas vrai, pour l'instant, et donc tout court.

Europeana.eu

      [Depuis 2008, on le voit d'autant mieux que le système Europeana de la BNF, qui n'a jamais dépassé les 13 000 livres, a tout simplement déclaré forfait (avec la mise à la retraite forcé du petit copain de Lise Bissonnette). Bref, cette affirmation loufoque de la présidente était proprement un beau canard !]

(34) « L'ignorance de ce professeur... ». Je ne pense pas mériter cette insulte. Je n'en trouve pas la moindre justification dans l'exposé de la présidente-directrice générale.

      Plus encore, je ne pense pas que les interventions publiques de Lise Bissonnette, à commencer par celle en cause ici, fassent preuve d'aucune formation, d'aucune maîtrise, ni aucune expérience en bibliothéconomie, notamment dans le domaine des bibliothèques virtuelles et électroniques. Il ne suffit pas de se retrouver à la tête des BANQ pour devenir savant en la matière ou simplement pour savoir de quoi l'on parle.

(35) Le thème de ma critique des institutions françaises contre le projet de Google, en 2005, est donné par le titre « La République française contre Google », dont mon intervention au Devoir reprenait les conclusions, citations à l'appui. Ma critique ne saurait être assimilée à une crise, évidemment. Il s'agit là d'une affirmation sans fondements. Enfin, parler de « crise antifrançaise », c'est malveillant. Ce n'est pas parce que je critique des institutions politiques françaises, et la presse française sur cette question précise, que je suis antifrançais. Il y a là un amalgame inacceptable. Serait-il interdit pour un intellectuel du Québec de critiquer la France et ses institutions ? Je dois malheureusement le répéter pour finir, la présidente-directrice générale tient un discours moralisateur d'un autre âge. Voir de la scatologie dans la petite expression « pet informatique », comme on dit « pet de soeur », c'est vraiment de l'ordre de l'intégrisme.

(36) À la fin, la plaisanterie ayant décidément trop duré et tournant manifestement à l'obsession, il est clair que la présidente-directrice générale, à l'instinct tout maternel, se prend pour une « maman ». En tout cas, son discours moralisateur déplacé, aussi bien en ce qui concerne ses propos que ceux qu'elle prête aux « mamans » (« faire attention quand il faut traverser la rue », « choisir ses copains », « être bien élevé », etc.) est extrêmement significatif de son imaginaire clérical. Cela se voit aussi dans ces « faux pas » que j'aurais faits, belle expression moralisatrice et vide de sens. Chose certaine, comme on le constate aux nombreux passages de son texte que je souligne en rouge, manifestement sortie de ses gonds, la présidente-directrice générale d'une grande institution du Québec multiplie les propos gratuits qui se veulent insultants et blessants à l'endroit d'un professeur qui d'aucune manière ne saurait mériter tant d'opprobre.


Les BANQ ne répondent pas

      Voici maintenant ma réponse au texte insultant de la présidente-directrice générale de la Bibliothèque et des Archives nationales du Québec. Je l'ai rédigé le jour même de la parution de son texte, jeudi soir, le 8 novembre. J'avais pu rejoindre l'assistante de la présidente au milieu de l'après-midi, mais la présidente-directrice, alors en avion pour Québec, ne m'a jamais rappelé. J'ai adressé le texte ci-dessous au Devoir ce jeudi soir, 8 novembre. Il a fallu moins de temps à la direction pour me faire savoir qu'il ne serait pas publié qu'il en aurait fallu pour le lire (quelques minutes !) : il était manifestement convenu d'avance que je n'aurais aucun droit de réplique.
 

La Bibliothèque et les Archives nationales du Québec ne répondent pas

Guy Laflèche
Professeur au département des littératures de langue française de l'Université de Montréal

      La porte-parole de la Direction de la Bibliothèque et des Archives nationales du Québec (BANQ), manifestement sortie de ses gonds, tente maladroitement de répliquer (Le Devoir, 8 novembre 2007) à mon interpellation de la semaine précédente (« La BNQ à l'ère de Google, 2 novembre 2007 »). Insultes, sarcasmes et plaisanteries de mauvais goût se succèdent sous la plume de la fonctionnaire.

      En tout cas, la Direction des BANQ perd beaucoup d'énergie à me dénigrer hors propos. Je serais le seul au Québec à ne pas savoir que la BNQ n'existe plus depuis deux ans et que, vive les BANQ ! Au cas où la Direction voudrait étudier cette question, voici le second paragraphe de mon intervention que le Devoir n'avait pas jugé bon de retenir, avec raison, pour aller à l'essentiel :

      La Bibliothèque Nationale du Québec à Montréal est une incontestable réussite. Sauf en ce qui concerne son nom, disons-le en passant. La dénomination de la Bibliothèque et des Archives Nationales du Québec, les BANQ (voire même les BAnQ, avec un petit n) est copiée sur BAC, la « Bibliothèque et Archives Canada » (sic), traduction littérale fautive de Library and Archives Canada, LAC. Est-ce que l'amalgame de la bibliothèque et des archives était vraiment nécessaire ? Mystère de la Sainte Dualité. Est-ce que l'administration et ses fonctionnaires ne pouvaient pas garder pour eux que la Bibliothèque Nationale et les Archives Nationales étaient un Dieu en deux personnes, au lieu d'en accabler le public ? Passons.

      Oui, passons, car je n'ai pas l'intention de demander raison des autres pointes et des nombreuses injures, dont celle qui conclut l'intervention de la Direction, avec la belle envolée suivante : « L'ignorance de ce professeur nous sidère », etc. Maintenant qu'ils se sont défoulés, peut-être que les responsables des BANQ accepteront de répondre à mes questions, pourtant bien simples.

      Est-ce que les experts des BANQ ont été en contact avec Google pour évaluer la possibilité de rejoindre les bibliothèques partenaires du projet « Recherche de livres » ? Je pense que non, étant donné les nombreuses affirmations fausses et saugrenues qui se trouvent dans la diatribe de la Direction. D'abord, ce ne sont pas « quelques » bibliothèques qui sont partenaires du projet, mais les treize prestigieuses bibliothèques suivantes : la Bodlein Library d'Oxford en Grande Bretagne, celle de la ville de New York, les bibliothèques universitaires de Harvard, de Stanford, du Michigan, de Californie, de Virginie et du Wisconsin aux États-Unis, celle de Complutense à Madrid, celles du Texas et de Princeton aux États-Unis et celle de Lausanne en Suisse, et enfin la Bibliothèque Nationale de Catalogne. À côté de cela, les « projets » des autres bibliothèques électroniques sont tous des virtualités, s'agissant de bonnes intentions, tandis que seule la bibliothèque électronique Europeana a vu le jour; or, mise en place tambour battant par la France, elle ne compte que 12 000 ouvrages (et non 100 000), comme on peut tous le vérifier sur la toile (www.europeana.eu). On ne trouve nulle part actuellement sur la toile la moindre réalisation de l'Open Content Alliance et, surtout, je ne connais aucune déclaration de guerre contre Google de la bibliothèque de la ville de Boston et de la Smithsonian Institution qui auraient pris la tête d'un consortium de 19 bibliothèques de Nouvelle-Angleterre. D'après la Direction des BANQ, ces bibliothèques « ont annoncé qu'elles refusaient l'offre de Google ». Refuser, vraiment ?

      Les erreurs sont si nombreuses que je ne peux toutes les corriger ici. C'est le cas des « livres anciens ». Y a-t-il un bibliothécaire aux BANQ ? Du point de vue juridique, en effet, il s'agit de savoir si les livres en question sont du domaine public. Mais pour un bibliothécaire, il s'agit de savoir quels sont les livres qui doivent être scannés en priorité. Curieusement, ce ne sont pas les livres « anciens », mais les livres du siècle dernier, je veux dire le XIXe siècle, qui doivent être protégés (pour des raisons chimiques), et donc mis prioritairement sur support électonique, précisément parce qu'ils sont très fragiles, bien plus que les livres anciens du XVIe et du XVIIe siècles. Ensuite, d'aucune manière la mise en orbite sur l'internet des livres ne saurait impliquer les autres documents. Je ne serai pas seul à ne pas trop comprendre le raisonnement : ô Google, vous ne mettrez pas sur votre site « Recherche de livres » nos livres si vous ne mettez pas aussi nos périodiques, nos cartes, nos plans, nos archives, nos manuscrits modernes... Et pourquoi pas ? Google est bien capable de faire cela. Est-ce que les BANQ l'ont proposé à Google ?

      Enfin, la Direction des BANQ reprend les allégations sans fondements des ténors de la République française en 2005, le ministre Renaud Donnedieu de Vabres et le président de la Bibliothèque Nationale de France Jean-Noël Jeanneney, allégations reprises par toute la presse française. Aucun contrat d'exclusivité ne lie les bibliothèques participantes au programme « Recherche de livres » de Google, c'est faux. La Direction nous sert l'argument du contrôle exclusif des ouvrages du domaine public par une entreprise privée. Ce n'est pas vrai. Bien entendu, les bibliothèques participantes s'engagent à ne pas brader les résultats du travail de Google en les fourguant à une entreprise concurrente, c'est le bon sens qui le dit, mais c'est la bibliothèque qui reste propriétaire des fichiers scannés et elle peut elle-même les utiliser à sa guise.

      La Direction des BANQ devrait désigner un spécialiste pour répondre publiquement à mes questions. Je dirai à ce sujet que j'ai déjà présenté depuis longtemps sur la toile un état de la question des bibliothèques électroniques à partir du discours paranoïaque développé par la République française, discours que j'ai étudié mot à mot. Ce fichier se trouve à l'adresse suivante, accessible au public.

< http://mapageweb.umontreal.ca/lafleche/co/pr5e.html > .

Je dirai aussi que les onze livres que j'ai édités moi-même aux Éditions du Singulier se trouvent depuis plusieurs années maintenant accessibles sur le site « Recherche de livres » de Google. Puisque j'y ai inscrit les livres de ma maison d'édition, je connais donc les bienfaits de l'entreprise commerciale de Californie qui ne manque pas d'envergure intellectuelle. Le Singulier et Google, c'est en miniature le partenariat de la prestigieuse Bodlein Library et de l'innovatrice compagnie Google.

      Sans compter que c'est gratis. Comme dit ma mère, on me permettra de la répéter, à ce prix-là, on ne peut pas s'en passer. Les BANQ ne peuvent rater la chance de participer à ce projet.

      Je ne voudrais pas terminer cette réaction sans préciser que je ne suis pas professeur de français pour rien. Oublions que Google est un « moteur de recherche américain », c'est-à-dire un excellent système de recherche état-unien parmi d'autres (Altavista, par exemple). La Direction des BANQ me reproche le vocable scanner (« le terme anglais est de lui », écrit-elle) et utilise sans rire l'hypercorrection de l'anglicisme digitaliser, c'est-à-dire numériser. Pas besoin d'un cours de mathématiques pour comprendre que le premier mot renvoie au système binaire, le second au système décimal et qu'il n'a rien à faire avec la photographie électronique. Le scanneur scanne en cartographie, en médecine et en imprimerie depuis un bon demi-siècle maintenant en français. Ce ne sont tout de même pas des administrateurs de bibliothèque branchés sur la France qui vont m'apprendre à parler français au Québec.

Guy Laflèche,
12 novembre 2007


 II
Le Devoir est doublement blâmé par le Conseil de presse du Québec

      J'ai publé en septembre 2007 la seconde édition de mon étude sur la réception de Recherche de livres en France : La République française contre Google. Bien entendu, la présidente de la Bibliothèque et des Archives nationales du Québec, les BANQ, était impliquée, mais elle toute seule au Québec, à ce que je sache, dans ce discours délirant et paranoïaque. Cela dit, la présidente en question est madame Lise Bissonnette, que je n'ai évidemment aucune raison d'écraser. Son passage au Devoir, comme directrice, a été à mon avis d'une grande efficacité et d'une haute tenue, y ayant déployé une énergie peu commune. Mais il ne suffit pas de se retrouver présidente des ABNQ (*) pour devenir comme par enchantement une bibliothécaire et encore moins une spécialiste des questions relatives aux bibliothèques virtuelles et électroniques.

      J'ai donc rédigé le texte incriminé qu'on a lu ci-dessus sans trop savoir où je pourrais le faire paraître. Ce ne serait certainement pas au Devoir, évidemment (j'y reviens tout de suite). Je le propose, à tout hasard, à la Presse le 19 octobre 2007. Comme prévu, ma proposition n'aura pas de suite. Je compte donc l'adresser à Lettres québécoises, en le réécrivant de manière à interroger la place des Américana dans Recherche de livres, ce qui consistera à dire la même chose d'une autre façon.

      Mais je l'adresse tout de même avant au Devoir, sur la base d'une petite stratégie innocente. Je ne l'adresse pas à la rédaction, où je sais d'avance qu'il sera refusé, mais au journaliste Stéphane Baillargeon, qui a eu le malheur d'écrire un papier, comme on dit dans le métier, avec titre et sous-titre plutôt incriminants pour la République : « Numérisation des livres : la France est de plus en plus isolée en Europe » (le Devoir, 9 mars 2007, p. B2). Le pauvre travailleur de l'actualité intellectuelle aura droit d'être mouché vigoureusement par la présidente des BANQ, la semaine suivante : « la France n'est surtout pas isolée » (Lise Bissonnette, 16 août, p. A8). Le nez toujours morveux, Stéphane Baillargeon a tout de même le droit de s'expliquer en queue de l'intervention de Lise Bissonnette qui le traite implicitement d'ignorant, pour défendre son petit copain (« À titre de collègue du président de la Bibliothèque nationale de France, Jean-Noël Jeanneney... », commence Lise Bissonnette). Ce sont « Trois objections, trois réponses », une très modeste réplique, fort pondérée, à un discours qui mériterait de figurer ici parmi les porte-voix de la République. Qu'on en juge :

Jean-Noël Jeanneney selon Lise Bissonnette : « Je ne constate [?] pour ma part que reconnaissance et estime pour un homme d'action et de haute culture qui a non seulement lancé un débat nécessaire mais contribué directement à la mise en place de solutions durables, intelligentes, inspirantes. Nous sommes heureux d'avoir inscrit le Québec dans ce mouvement... ».

Maintenant que Jean-Noël Jeanneney a été mis à la retraite forcée, qu'Europea (2007-2008) a été tout bonnement fermée et que Recherche de livres de Google passe le cap des sept millions de livres où, grâce à Lise Bissonnette et Jean-Noël Jeanneney, la France et les écrits français sur l'Amérique sont malheureusement sous-représentés, on ne peut que sourire de tristesse à ces déclarations grotesques. Or, ces affirmations étaient déjà loufoques à l'époque. Stéphane Baillargeon n'avait donc pas de peine à rétablir les faits en trois petits points.

      Il suit, c'est la nature humaine, trop humaine, que Stéphane Baillargeon trouve mon texte d'opinion vraiment intéressant et le transmet aussitôt à sa jeune nouvelle collègue, Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page « Idées », qui, tout naturellement, pense elle aussi, pas trop idiote, que mon intervention est très très très intéressante, particulièrement en cette période faste, dit-elle, d'opinions sur les accommodements raisonnables (un grand débat d'actualité au Québec à ce moment). Marie-Andrée Chouinard est vraiment novice, la pauvre. D'abord, c'est le bon sens qui le dit, on ne publie pas un texte d'opinion qui peut de quelque manière mettre en cause Lise Bissonnette, qui a été la directrice du journal avant le directeur actuel (et qui devrait y revenir ensuite, bien entendu). Tout le monde sait cela, sauf la jeune novice Marie-Andrée Chouinard, qui risque, ciel !, d'échouer son noviciat : car Lise Bissonnette est toujours, bien sûr, la mère supérieure du journal. Ensuite, plus grave encore, la pauvre noviciaire dans la communauté du Devoir ignore que tous mes articles ou textes d'opinion sont automatiquement et systématiquement refusés au journal depuis que le directeur Bernard Descôteaux a censuré la publication d'un espace publicitaire que j'avais acheté pour y publier un texte d'opinion refusé par son rédacteur en chef, Jean-Robert Sansfaçon. Je suis, je crois bien, la seule personne qui a été victime de ce comportement indigne, s'agissant du texte d'un intellectuel ainsi censuré sans raison aucune : Quatre questions pour les historiens (1995). Depuis lors, on s'explique facilement que je sois tout bonnement victime d'ostracisme au journal. Marie-André Chouinard n'en savait rien, pour sûr !

      D'où nos échanges vraiment bizarres. Sans explication, Marie-Andrée Chouinard trouve, du jour au lendemain, que mon sujet n'est plus aussi passionnant qu'avant la publication de la réplique insultante et injurieuse de Lise Bissonnette, c'est-à-dire avant qu'elle ne se fasse frotter les oreilles par la direction et la rédaction du journal. La bouche savonnée, comme Aurore, l'enfant martyre trouve même que... le débat a bien assez duré ! Un débat ? quel débat ? — Et ce n'est pas tout : les bibliothécaires, ceux des BANQ en particulier, sont des fonctionnaires qui, par profession, sont soumis au droit de réserve. On comprend que la « présidente-directrice générale » de la « Grande Bibiothèque » peut moucher et savonner à qui mieux mieux les journalistes de son journal. Jamais je n'aurai plus droit de parole sur le sujet, ni là ni ailleurs.

      Je décide donc, pour obtenir droit de réplique, de porter plainte au Conseil de presse du Québec. J'avais une « bonne cause » et il est certain que j'aurais raison, pensez-vous ? Erreur. Le Conseil de presse est une créature de la presse, comme son nom le dit, c'est-à-dire de la profession. Malgré ce qu'il répète, le Conseil est entièrement contrôlé par les organismes de presse et les journalistes, leurs employés, qui ont forcément tous les deux, directions et journalistes, un esprit de corps, face au public et aux « représentants du public » qui ne font qu'un tiers de ses instances et comités, même s'ils constituent la moitié du Conseil d'administration. En plus, étant donné les règles du quorum, une fois les comités constitués, ils peuvent très bien fonctionner avec les seuls représentants des journalistes et organismes de presse. Il suit que pour y avoir gain de cause, il faut vraiment qu'un journal comme le Devoir dépasse les bornes. C'est ce qui est arrivé dans ce cas où le journal sera blâmé d'abord pour avoir publié les propos injurieux et insultants de Lise Bissonnette, mais également et surtout pour m'avoir refusé ensuite le droit de réplique.

      J'ai porté plainte le 12 novembre 2007 et le Conseil de presse m'a donné raison en blâmant le Devoir le 2 avril 2008. Or, le Devoir a porté cette décision en appel les 14/29 avril. Il faut savoir que cela est tout à fait exceptionnel de la part des organismes de presse, du moins de ceux qui n'ont pas qu'une vocation commerciale. D'abord parce qu'il arrive rarement (on n'en compte pas un cas par année) que les décisions soient renversée en faveur des organismes de presse, pour la raison que je viens d'expliquer, et surtout parce que ces organismes savent d'instinct que le Conseil est leur créature — et qu'on ne peut moralement y faire appel pour d'autres raisons que vice de forme. Il y avait donc de l'acharnement de la part du Devoir à porter la cause perdue en appel, au lieu de reconnaître mon droit de réplique et d'y donner suite. Peut-être aussi voulait-on prévenir, écarter ou affaiblir une éventuelle poursuite en diffamation de ma part contre le journal et les BANQ.

      En effet, le jugement du Conseil a été confirmé le 10 novembre 2008, soit un an après la publication de l'article de Lise Bissonnette, du 8 novembre 2007. Cela dit, jamais je n'avais prévu qu'après la condamnation du Devoir pour avoir publié ce texte injurieux et m'avoir refusé sur le coup, obstinément, un droit de réplique, il me le refuserait encore. Bernard Descôteaux et la rédaction du Devoir ne donnaient pas suite à ma demande de réplique, du 16 novembre 2008, ni n'en accusaient même réception.

      Un intellectuel, par définition, n'entreprend jamais une poursuite en diffamation lorsque ce sont ses idées qui sont en cause. Il ne demande rien d'autre que le respect de son droit de parole et en particulier de son droit de réplique.

      Le Devoir trahit piteusement sa devise : Fais ce que dois.

1.  L'envoi à la Presse

19 octobre 2007, rappel du 23 octobre

Forum@lapresse.ca

Sujet : Texte d'opinion sur la BNQ et Recherche de Livres de Google

Madame, Monsieur,

      Je voudrais proposer en exclusivité à vos pages d'opinion le texte que je vous ai préparé à l'adresse suivante:

      http:// [...] /forum/.

      Je l'ai rédigé pour qu'il puisse paraître en deux numéros de la Presse, mais vous pourriez le publier en un seul numéro, soustrayant alors le début de la seconde partie qui fait le point.

      Il est possible, probable que la Bibliothèque et les Archives nationales du Québec répliquent à ma prise de position. Pourrait-on convenir, dans ce cas, que je puisse répondre à la réplique en occupant sensiblement le même espace ? Évidemment, il faudrait laisser le dernier mot (ensuite) à la direction des BANQ, s'il prend la forme d'une courte mise au point. Évidemment — je n'ai pas le choix ! — c'est vous qui déciderez de la chose, mais comme j'écris à titre de professeur, il est normal que j'envisage les réactions et en particulier la réaction officielle, si je puis dire, de la Grande Bibliothèque.

      En espérant que vous pourrez publier mon texte d'opinion, je vous prie d'accepter l'expression de mes meilleurs sentiments,

__gl>-

2.  L'envoi au Devoir

Le 30 octobre 2007

Cher monsieur Baillargeon,

      Je voudrais proposer à la direction du Devoir, pour sa page « Idées », le texte d'opinion qu'on trouvera à l'adresse suivante sur la toile :

      http:// [...] /devoir/.

      Ce texte n'est pas du domaine public; on ne peut y avoir accès sans en connaître l'adresse. Je pense qu'il sera ainsi plus facile à traiter qu'un fichier en pièce jointe au présent message.

      Si je ne me trompe pas, vous êtes le dernier (après Mme Doyon) à avoir consigné des informations sur les bibliothèques électroniques et vous avez eu droit d'être rabroué par la Directrice de la bibliothèque. Vous êtes donc bien placé pour donner votre avis à la direction du journal sur mon texte d'opinion. J'espère, évidemment, que votre avis sera favorable et que mon texte sera publié.

      Avec l'expression de mes meilleurs sentiments,

      __gl>-

3.  La réception enthousiaste au Devoir

À la suite de mes remerciements, voici le premier des messages enthousiastes de la responsable de la page des opinions des lecteurs du journal.

2 novembre 2007

Envoi de Marie-Andrée Chouinard à Guy Laflèche

      Tout le plaisir est pour moi cher monsieur... Votre texte avait l'avantage de soulever un problème important, assez inédit, et surtout, parmi une montagne de textes reçus sur les accommodements raisonnables, l'identité, la citoyenneté ou la langue, questions néanmoins toutes capitales, il était des plus... rafraîchissant.

      Voilà !

      Au plaisir !

      Marie-Andrée Chouinard
      Éditorialiste et responsable de la page Idées
      Le Devoir

4. Décision du Conseil de Presse du Québec

D2007-11-017 (2)
Le 28 mars 2008
Guy Laflèche contre Marie-André Chouinard et Josée Boileau du Devoir.

Résumé

      M. Guy Laflèche porte plainte contre le quotidien le Devoir concernant un droit de refus de publier sa réplique, à la suite de la parution d'une lettre dans le courrier des lecteurs qui le mettait en cause. Il juge les propos de la lettre injurieux à son endroit.

Griefs du plaignant

      M. Guy Laflèche a fait publier dans le Devoir du 2 novembre 2007, à titre de professeur de l'Université de Montréal, un texte d'opinion au sujet de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Son texte proposait que l'institution se joigne au projet « Recherche de livres », sur le moteur de recherche de Google. Son texte s'adressait à la direction de la BAnQ et ne visait pas directement sa présidente, Mme Lise Bissonnette.

      Selon le plaignant, cette dernière a répliqué en publiant un texte injurieux à son endroit, en page éditoriale du Devoir, le 8 novembre 2007. M. Laflèche souligne que le texte de Mme Bissonnette contenait des insultes à son endroit, l'atteignant personnellement comme personne et comme professeur. Il dénonce particulièrement la phrase suivante : « L'ignorance de ce professeur nous sidère ». Comme le Devoir a refusé de lui accorder un droit de réplique, M. Laflèche demande au quotidien de se dissocier explicitement de ces propos insultants, en page éditoriale, à l'endroit où ils furent publiés. et de préciser que le journal ne lui a pas accordé de droit de réplique.

Commentaires du mis-en-cause

Commentaires de Mmes Josée Boileau, directrice de l'information, et Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page Idées.

      Selon Mmes Josée Boileau et Marie-Andrée Chouinard, cette plainte ne serait pas justifiée et elles affirment avoir agi dans les limites de leurs devoirs et responsabilités.

      Les mises-en-cause rappellent certains principes énoncés dans le guide « Droits et responsabilités de la presse », à l'effet qu'il appartient « aux équipes rédactionnelles des médias le soin de déterminer l'espace qu'elles choisissent d'accorder à la publication ou à la diffusion d'information ». Elles expliquent que le Devoir reçoit quotidiennement plus d'une cinquantaine de lettres, incluant des textes d'une longueur appréciable, destinés à la page « Idées ». Elles concluent qu'il faut encourager la diversification des signatures, ce qui est l'essence même de l'existence des tribunes d'opinions. C'est ce qui fut exposé au plaignant au moment où il demandait une réplique.

      Les mises-en-cause expliquent qu'en plus du grand nombre de lettres que le journal reçoit, la pratique journalistique impose de manière générale, de mettre un terme au débat entre individus après la publication d'un texte de l'une et l'autre partie. Elles soulignent que les pages d'opinion ne sont pas là pour prolonger des débats entre certains protagonistes mais pour permettre l'expression du plus grand nombre.

      Selon elles, la chronologie des événements fait voir que M. Laflèche a exprimé son point de vue dans la rubrique « Libre Opinion » du 2 novembre 2007. Par la suite, Mme Bissonnette a cru bon d'y répondre dans la même rubrique, le 8 novembre 2007. Chacun s'étant exprimé, le débat est clos. La réplique de Mme Bissonnette fut publiée puisque l'institution qu'elle dirige était prise à partie. Mmes Boileau et Chouinard affirment que, comme pour toute opinion, le style d'écriture appartient strictement à son auteur, à moins de propos « outranciers, insultants ou discriminatoires », auquel cas le journal ne publierait pas. Or, selon le Devoir, le texte contesté ne relève pas de cette catégorie, bien qu'elles reconnaissent que le style y est ferme et coloré, tout comme l'était celui du plaignant.

      Elles concluent en soulignant que de poursuivre l'échange équivaudrait à sombrer dans la personnalisation du débat et ne répondrait pas à la mission d'une page « Idées ».

Réplique du plaignant

      M. Guy Laflèche reproche au Devoir de ne pas avoir pris en considération les éléments de sa plainte. Selon lui, la réponse du quotidien ne comprendrait que des considérations générales.

      Il réitère ses griefs, à l'effet que sa plainte concernait le texte d'opinion de Mme Lise Bissonnette, qui contenait non seulement des sarcasmes, injures et insultes personnelles à son endroit, mais constituait une atteinte publique à sa réputation. Selon lui, le Devoir n'avait pas le droit de publier de tels propos. Il portait plainte précisément sur la phrase suivante : « L'ignorance de ce professeur nous sidère ». M. Laflèche remet en cause le refus du journal de lui avoir refusé un droit de réplique, dans un cas où des propos outrageants ont été publiés.

      M. Laflèche, soulève l'apparence de conflit d'intérêts, de la direction du Devoir, à publier une lettre de l'ancienne directrice du journal. Cette dernière a insulté le plaignant, porté atteinte à sa réputation et, par la suite, M. Laflèche s'est vu refusé un droit de réplique, ce qu'il juge proprement « inique ».

Décision

      Rappelons que le rôle du Conseil de presse n'est pas de déterminer le degré d'atteinte à la réputation d'un plaignant ou d'un groupe, cela relève des tribunaux. Le Conseil a étudié cette plainte sous l'angle de l'éthique journalistique.

      M. Guy Laflèche s'insurge contre le fait que sa lettre publiée le 2 novembre 2007, dans la section « Libre Opinion » du Devoir, ait donné lieu à une réponse qu'il juge insultante, le 8 novembre 2007, de Mme Lise Bissonnette, présidente-directrice générale de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), sans qu'il ait pu en contrepartie y répondre.

      Dans un premier temps, le Conseil aimerait rappeler que les médias sont responsables de tout ce qu'ils publient ou diffusent et ne doivent en aucun temps se soustraire aux standards professionnels de l'activité journalistique sous prétexte de difficultés administratives, de contraintes de temps ou d'autres raisons d'ordre similaire. Cette responsabilité englobe l'ensemble de ce qu'ils publient ou diffusent : les informations journalistiques, la présentation et l'illustration de l'information, les commentaires et les informations provenant du public auxquels ils accordent espace et temps d'antenne.

      Après analyse du dossier, le Conseil considère que les deux parties ont exprimé leur point de vue et que ces deux lettres ont permis aux lecteurs de se former leur propre opinion, quant à la diffusion sur Internet, des collections de la BAnQ. En aucun cas le Conseil de presse ne pourrait blâmer le Devoir pour avoir voulu confronter deux avis divergents.

      Le grief soulevé par le plaignant, à savoir la lettre de Mme Bissonnette, qui comprenait de nombreuses insultes à son endroit, l'atteignant personnellement comme personne et comme professeur. M. Laflèche relève plus précisément la phrase suivante : « L'ignorance de ce professeur nous sidère ». Le Conseil est à même de constater que la lettre publiée par la directrice de la bibliothèque, bien qu'elle explique la position de la Bibliothèque nationale, utilise un style corrosif, par lequel elle met en doute les qualités personnelles et les compétences professionnelles de M. Laflèche, à transmettre une opinion sensée. Le Conseil dans son guide déontologique recommande aux médias de rester respectueux envers les lecteurs qui décident de partager leurs idées, via leur publication, et ce, sans les dénigrer, les insulter ou les discréditer. Le Conseil appelle à la vigilance dans ces cas.

      À cet égard la déontologie du Conseil stipule que les médias et les journalistes ont le devoir, lorsque cela est à propos, de permettre aux personnes de répliquer aux informations et aux opinions qui ont été publiées ou diffusées à leur sujet. Le Conseil estime, donc ici, que les mis-en-cause ont failli à la déontologie journalistique en ne retirant pas les propos constituant une attaque personnelle sur la compétence de M. Laflèche, ces éléments n'ajoutant rien au fond de la réplique de Mme Bissonnette. Le grief est par conséquent retenu.

      En regard de ce qui précède, le Conseil retient la plainte de M. Guy Laflèche à l'encontre du quotidien le Devoir et de sa direction.

Analyse de la décision

C08F Tribune réservée aux lecteurs; C08H Lettres diffamatoires; C09A Refus d'un droit de réponse; C17D Discréditer/ridiculiser; C17E Attaques personnelles; C17G Atteinte à l'image.

Appelant

[Appel du Devoir, du 14 avril 2008, reçu au CdP le 29 avril, soit à la date limite du droit d'appel.]

Mme Marie-Andrée Chouinard, éditorialiste et responsable de la page « Idées »; Mme Josée Boileau, directrice de l'information et le quotidien le Devoir

Décision de la commission d'appel

[10 novembre 2008]

      Les membres de la commission d'appel ont conclu à l'unanimité de maintenir la décision rendue en première instance.

5.  Appel du Devoir

      Le Conseil de presse du Québec gère environ une centaine de plaintes par année, mais ses statistiques ne me paraissent pas très claires. Plus du tiers des plaintes sont écartées, en comptant les désistements. Environ un quart des dossiers commencent alors à être examinés auprès d'un comité restreint, puis d'un comité régulier, une assez longue vie administrative; ce sont toutefois les dossiers à traiter, traitements qui se chevauchent, certains venant de l'année précédente, tandis que d'autres iront à l'année suivante. Finalement, une cinquantaine de décisions sont rendues annuellement, dont celles portant sur une douzaine d'appels.

      Au cours des cinq dernières années, 62 décisions ont été portées en appel. Il est difficile d'en donner les résultats nets, à cause du fait que les journalistes et entreprises de presse peuvent parfois constituer les deux parties, tandis que les plaignants peuvent aussi être des individus, des compagnie ou des organismes publics. Mais, dans l'ensemble, on peut représenter la réalité des appels au Conseil de presse du Québec par les chiffres suivants.

      En cinq ans (2003-2008), on ne compte que six cas où l'appel a été retenu, tous en faveur des organismes de presse mis-en-cause, une fois contre un organisme, une fois contre une compagnie et quatre fois contre des individus (mais dans deux de ces cas l'organisme de presse reste partiellement blâmé). Voici les numéros de ces six causes : D2004-03-048, D2004-04-054, D2005-04-072, D2006-02-043, D2006-11-037 et D2007-06-096). Pour le reste, on compte de façon claire et certaine 31 causes où en appel le jugement est maintenu en faveur des journalistes ou organismes de presses mis-en-cause et 20 où le jugement est maintenu en faveur des plaignants. Dans les autres cas, le jugement est nuancé, sans compter que dans certains de ces cas les deux parties ont porté appel.

      Au cours de cette période, je ne trouve que quatre plaintes contre le Devoir (sans compter la mienne) et elles sont toutes rejetées, c'est-à-dire que le journal a gain de cause (D2003-01-043, décision maintenue en appel, D2006-06-099, D2006-09-021 et D2007-05-091). En revanche, il existe une cause et une seulement où le Devoir a porté appel et a eu gain de cause (D2004-03-048), en faveur de l'un de ses journalistes.

      Bref, le Devoir avait en quelque sorte, sauf erreur, un dossier sans tache au Conseil de presse du Québec, depuis cinq ans. Il fallait donc de fortes motivations et pour me refuser mon droit de réplique lorsque je portais plainte au Conseil et plus encore pour porter la cause perdue en appel. Il y a un nom pour désigner ce comportement. Vous le connaissez ?

LE DEVOIR

Montréal, le 14 avril 2008

Mme Nathalie Verge
Secrétaire générale
Conseil de presse du Québec

Objet

      Appel des mises-en-cause. Dossier 2007-11-017 / Guy Laflèche c. Marie-Andrée Chouinard et Josée Boileau, le Devoir.

      Après lecture de la décision rendue par le Conseil de presse du Québec, nous interjetons appel auprès de la commission d'appel dudit Conseil.

Rappel des faits et décision

      Le Conseil de presse blâme le Devoir pour avoir refusé un droit de réplique à M. Guy Laflèche.

      Sous la rubrique « Libre opinion », celui-ci a écrit le 2 novembre 2007 un texte critiquant les décisions de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Sa présidente-directrice générale, Lise Bissonnette, lui réplique le 8 novembre 2007, également sous la rubrique « Libre opinion ».

      M. Laflèche estime que l'auteure l'a personnellement attaqué, précisément en employant la phrase suivante : « L'ignorance de ce professeur nous sidère ».

      Le Conseil retient que les mises-en-cause « ont failli à la déontologie journalistique en ne retirant pas les propos constituant une attaque personnelle sur la compétence de M. Laflèche » (1).

Appel

      Le Devoir conteste cette conclusion. Nous maintenons le fait que les deux lettres, publiées sous la rubrique « Libre opinion », contenaient des opinions affirmées et tranchées. Les deux auteurs ont utilisé des expressions fortes mais qui ne relevaient ni de l'injure ni du mauvais goût (2).

      Après avoir laissé aux deux parties l'occasion d'exprimer leur opinion, nous avons mis un terme au débat, comme nous le faisons toujours afin de laisser à tous l'opportunité de bénéficier d'un espace très sollicité (3).

      Le professeur Laflèche reproche à Lise Bissonnette d'avoir mis sa compétence en doute, notamment en écrivant : « L'ignorance de ce professeur nous sidère » (4). Le choix du mot « ignorance », mis en relief (5) avec ceux employés par le professeur Laflèche lui-même dans sa première missive, ne relève pas de l'attaque personnelle (6). Le Petit Robert nous renseigne sur la définition du mot « ignorance » : « État de celui qui ignore : le fait de ne pas connaître quelque chose ».

      Or, dans sa lettre, Lise Bissonnette s'évertue justement à rectifier un certain nombre de faits évoqués par M. Laflèche. Au terme de sa démonstration, elle conclut à l'« ignorance » de l'auteur (7), effectuant un rappel de sa propre version des faits. Soulignons que l'emploi du mot « ignorance », d'usage courant selon le dictionnaire par opposition à un terme familier ou vulgaire, n'a été ni qualifié ni connoté négativement, ce qui aurait été le cas si l'auteure avait par exemple employé l'expression « ignorance crasse ». Nous n'y voyons donc aucune attaque personnelle (6).

      Si le choix du terme « ignorance » a fait bondir M. Laflèche, d'autres mots choisis par le professeur dans sa lettre ont en revanche également fait réagir Mme Bissonnette, qui en fait le rappel dans sa « Libre opinion » du 8 novembre.

      Ainsi, la pdg relève l'usage de l'expression « clan rétrograde de la République française ». Le Petit Robert nous renseigne sur la définition du mot « rétrograde » : « qui va en arrière » (8). Mme Bissonnette insiste aussi sur le « discours paranoïaque » qu'on attribue à son établissement (9), une expression utilisée par M. Laflèche. Sous « paranoïa », le dictionnaire évoque le « délire systématisé » ou les « troubles caractériels ».

      Lise Bissonnette a aussi noté les qualificatifs « patriotard et chauvin, clairement anti-états-unien et proche du racisme », attribué au discours de la BAnQ (10). Chauvin ? « Admiration outrée ». Patriotard ? « Qui affecte un patriotisme exagéré ». Racisme ? « Théorie de la hiérarchie des races, qui conclut à la nécessité de préserver la race dite supérieure de tout croisement, et à son droit de dominer les autres ».

      Réagissant à ces termes, très chargés sur le plan de la signification ou de la symbolique, l'auteure a choisi d'employer le mot « ignorance », ce qui, eu égard à l'ensemble de l'affaire, peut difficilement être assimilé à l'attaque personnelle (6), méritant de surcroît un blâme.

Conclusion

      Face à ces deux lettres, rédigées tant l'une que l'autre par des personnes reconnues pour leurs opinions affirmées et tranchées (11); face au choix, tant dans l'une que l'autre opinion, de mots forts et potentiellement très chargés; le Devoir estime avoir laissé les deux parties exprimer un point de vue percutant mais qui ne relevait en rien ni de l'injure ni de l'attaque personnelle (6).

      C'est pourquoi nous jugeons n'avoir failli à aucun de nos droits et responsabilités en matière de déontologie journalistique et interjetons appel de votre décision.

      Bien à vous,

Signature
Marie-Andrée Chouinard
Éditorialiste et responsable de la page « Idées »

Signature
Josée Boileau
Directrice de l'information.

Quelques précisions critiques

(1) Tout cela n'est pas très clair. Beaucoup plus simplement, le Devoir est blâmé d'abord pour avoir publié les insultes, les injures, voire les propos diffamatoires de la présidente et directrice des BANQ, et ensuite pour m'avoir refusé le plus élémentaire droit de réplique. Ce n'est pas compliqué.

(2) Mme Bissonnette n'est nulle part désignée dans mon intervention et, manifestement, je m'adresse aux politiques des BANQ. Mme Bissonnette ne s'en prend qu'à moi dans son intervention, nommément. « Injure et mauvais goût », cela ne saurait s'appliquer ici comme des particules et des anti-particules à deux textes qui ne sont absolument pas comparables. On ne trouve aucune « expression forte » dans mon exposé. Je n'insulte personne, à ce que je sache, en m'en prenant au discours paranoïaque de la République véhiculé par ses porte-parole, avec toute la presse de France.

(3) Les deux parties se sont exprimés dans un espace très sollicité. Le Conseil de presse a déjà statué à ce sujet dans cette cause : l'argument fallacieux de l'espace compté, de l'espace égal accordé, etc., n'est évidemment pas recevable en l'occurrence. Mettons les points sur les i. Le professeur X publie un texte critique sur une institution nationale. Le président Y de cette institution, nommé par le gouvernement, sort de ses gonds et insulte, voire diffame, le professeur en question. Celui-ci n'a pas le droit de réplique parce qu'il s'est déjà exprimé et que l'espace est compté ?

(4) Ici commence un hallucinant jeu de mots croisés sortis du Petit Robert. D'un rare comique. C'est pour cette raison que je publie ce texte d'une insondable niaiserie. Oui, je sais qu'il s'agissait de justifier l'injustifiable pour porter « appel », mais le texte de cet appel est tellement sot qu'il est vraiment indigne des deux femmes qui le signent. Cela dit, ce n'est pas parce qu'on en a honte pour elles que je ne saurais m'en amuser. On ne trouve pas souvent un tel chef-d'oeuvre d'humour blanc, le comique de ceux qui ne voient vraiment pas combien ils se ridiculisent eux-mêmes avec un acharnement rare. Je n'y peux rien. Ce n'est tout de même pas moi qui donne ces grands coups de dictionnaires dignes d'un comique rabelaisien.

      Côté positif. Le texte de l'appel est, à partir d'ici, d'un tel comique que ses auteures devraient proposer leur service au Grand Festival International de Montréal Juste pour rire.

(5) « Mis en relief avec » n'est évidemment pas du français. Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'un anglicisme (to bring something into relief). Je me suis amusé a corriger discrètement la faute de français dans ma réplique, comme on le verra ci-dessous, dans l'emploie correct de la mise en relief.

(6) « L'ignorance de ce professeur » : c'est moi, le professeur, Guy Laflèche. Et ce n'est pas personnel (« Nous n'y voyons aucune attaque personnelle », « méritant un blâme », etc., etc.)...

(7) ... pas du tout, car Lise Bissonnette s'est « évertué » à montrer avec brio que j'étais personnellement et objectivement un ignorant en ces matières ! En fait, c'est ce qu'elle a dit, disent-elles, et elle a bien dit. Ah bon.

(8) Là, il y a erreur. C'est même une importante édulcoration de ma critique du discours de la République sur Recherche de livres de Google. Celui qui va en arrière recule, bien entendu, et je ne vois vraiment pas pourquoi on le lui reprocherait. Reculer est une démarche physique, psychologique et socio-économique tout à fait courante. Or, je maintiendrai toujours que les politiques rétrogrades de la République, naïvement appuyées par les politiques des BANQ, n'ont jamais reculé devant rien, surtout pas devant les impasses du ridicule. Et dire que nos deux lexicographes n'ont lu que les quatre premiers mots de l'article du dictionnaire. Avec un peu de patience et de clairvoyance, elles auraient pu me comprendre correctement et un peu plus radicalement : « Rétrograde, qui s'oppose au progrès, réactionnaire; esprit rétrograde : arriéré; politique rétrograde : comportement stupide de gestionnaires complètement déconnectés de la réalité, scientifique ou socio-politique, informatique ou bibliothéconomique ». C'est dans le dictionnaire.

(9) Faux. Je n'ai jamais prêté ce discours paranoïaque aux BANQ. Je me cite au texte : « Ce discours paranoïaque est celui de la République française », et j'identifie ses porte-parole.

(10) Faux. Aucun de ces qualificatifs n'a été appliqué aux BANQ. Il s'agit du discours de la République française vers 2005. Je me cite au texte : est-ce que les BANQ veulent « cautionner le discours nationaliste, patriotard et chauvin, clairement anti-états-unien et proche du racisme, de la République française ? ».

(11) Angélisme. N'y aurait-il pas une petite différence entre des opinions et des injures ? Entre un professeur qui s'exprime sur les politiques d'une institution nationale, comme la Bibliothèques et les Archives nationales du Québec, et une responsable, présidente et directrice générale d'une institution nationale, qui insulte impunément un citoyen, ce professeur ?

6. Réponse à l'appel du Devoir

      Si je publie le texte de ma réplique à l'appel du journal, c'est simplement pour produire tous les documents relatifs à cette affaire. Il n'ajoute rien de neuf. Si j'avais mieux connu le fonctionnement du Conseil de presse du Québec, j'aurais sûrement laissé sans réponse cet appel ridicule, car la Commission d'appel ne peut se mettre en frais de développer les décisions rendues en première instance qu'elle se contente de reconduire lorsqu'elles sont maintenues. Tant pis. Ma réplique insistera pour finir sur la profonde immoralité des dirigeants du Devoir qui ont utilisé l'espace éditorial du journal à des fins personnelles contre un professeur simplement critique vis-à-vis d'une institution nationale. Ce comportement a un nom, il en a même plusieurs, que je ne vais pas énumérer, pour épargner les injures, toute justifiées qu'elles soient, mais dans le cas du Devoir, celui qui convient parfaitement, c'est, fort malencontreusement et malheureusement, le « duplessisme » [de Maurice Duplessis, premier ministre du Québec aux dernières heures de la Grande Noirceur, et auquel le courageux et honnête directeur du Devoir, Gérard Filion, a tenu tête à de nombreuses reprises].

      Pour peu que le Devoir serait fidèle à ses origines et à son histoire, on ne demanderait pas de comptes à ces dirigeants indignes, on exigerait des excuses ou leur démission. Pour ma part, je demande toujours simplement l'exercice de mon droit de réplique, de manière stricte, tel qu'on le verra ci-dessous. C'est la moindre des choses.

Laval, le 27 mai 2008

Mme Nathalie Verge
Secrétaire générale
Conseil de Presse du Québec

Chère madame,

              Je suis rentré la semaine dernière d'un séjour d'un mois à l'étranger (du 17 avril au 20 mai); j'en avais averti le Conseil, lui demandant de me transmettre par courrier électronique un éventuel appel de l'entreprise de presse le Devoir. J'ai trouvé cet appel auquel je réponds maintenant dans mon courrier à mon domicile à mon retour : appel du 14 avril, reçu le 25 avril au Conseil et dont je n'ai eu copie que le 20 mai.

      Si j'avais reçu cet appel dans les délais, j'aurais moi-même fait appel de la décision du Conseil. Voici pourquoi, comme je l'ai déjà expliqué oralement aux responsables du dossier avant mon départ à l'étranger. Il ne me paraît pas normal que l'entreprise de presse le Devoir laisse le dernier mot, quelle que soit la tournure d'un débat, à un ancien directeur de l'entreprise, soit à madame Lise Bissonnette. La p.-d.-g. pourrait avoir le dernier mot dans un autre journal que celui qu'elle a dirigé, comme on pourrait également laisser le dernier mot à n'importe quel spécialiste des BANQ, spécialiste des questions relatives aux bibliothèques électroniques, chargé de répondre à mon intervention, mais certainement pas à une ancienne directrice du journal propre à imposer son point de vue et son agenda, capable d'obtenir le privilège d'avoir un « droit de réplique sans réponse possible », ce qui est proprement inique, s'agissant d'une très évidente apparence de conflit d'intérêts. On ne trouve pas souvent plus évidente apparence de conflit d'intérêts. Cela est tellement évident en droit qu'il est anormal que le Conseil ne le dénonce pas explicitement dans sa décision

      Je me permets de préciser que ce fait se trouvait déjà dans ma plainte, comme dans ma réponse et qu'il ne s'agit nullement de l'ajout d'un nouveau motif de plainte. Il me semble que j'ai le droit le plus élémentaire, devant l'appel de l'entreprise de presse le Devoir, de signaler à la commission d'appel qu'elle peut au moins rappeler dans sa confirmation du jugement que je portais plainte entre autre pour cette raison d'évidence de conflit d'intérêts.

      Par ailleurs, je suis très surpris de l'insensibilité des mises-en-cause dans leur appel de la décision du Conseil. Rarement aura-t-on vu se livrer à un tel détournement de texte à l'aide d'entrées d'un dictionnaire, comme si le sens des phrases se trouvait dans les définitions des mots telles qu'on les trouve au « Petit Robert », hors contexte. Cette insensibilité est inattendue lorsque pas moins de la moitié du texte incriminé paru dans le Devoir du 8 novembre 2007, mot pour mot, consiste à accumuler des sarcasmes, des plaisanteries douteuses et des insultes, voire des injures et des propos diffamatoires, visant nommément une personne et dans son intégrité personnelle et dans sa réputation de professeur. Or, tous ces propos inadéquats se trouvent mis en relief dans la phrase on ne peut plus insultante pour un professeur: « L'ignorance de ce professeur nous sidère ».

      Cela dit, et c'est bien assez pour rejeter l'appel, il apparaît clairement au texte de cet appel de l'entreprise de presse le Devoir que le journal a pris fait et cause pour son ancienne directrice. Il suffit en effet de prendre en considération le premier coup de dictionnaire : car les mises-en-cause écrivent, « Or, dans sa lettre, Lise Bissonnette s'évertue justement à rectifier un certain nombre de faits évoqués par M. Laflèche. Au terme de sa démonstration, elle conclut à l'ignorance de l'auteur ». C'est faux, totalement faux, car la p.-d.-g. des BANQ n'a relevé absolument aucune erreur de fait dans mon intervention; en plus, ce ne serait évidemment pas aux mises-en-cause d'en juger; et dans tous les cas, cela ne saurait justifier le sarcasme, l'injure et dans ce cas précis la diffamation, puisque mon intervention n'était manifestement pas celle d'un ignorant.

      Par ailleurs et pour finir, l'appel de l'entreprise de presse le Devoir repose sur une pétition de principe qui consiste à justifier, c'est le mot, et la réponse publiée et sa publication sur une série de jugements de valeur et d'analyses de mon intervention, soit mon texte paru dans le journal le 2 novembre 2007. Il ne sera pas inutile de rappeler que ma plainte porte sur des propos qui constituent une attaque personnelle à mon endroit et mettent en cause ma compétence professionnelle. On ne trouvait rien, absolument rien de tel dans mon intervention, alors que l'entreprise de presse le Devoir m'a refusé le plus élémentaire droit de réplique après avoir publié ces propos inadéquats.

      Je vous prie, madame la secrétaire, d'accepter l'expression de mes meilleurs sentiments,

__gl>-

Guy Laflèche

7.  Droit de réplique demandé au Devoir

Le 16 novembre 2008,

La direction du Devoir,
a/s M. Bernard Descôteau, directeur

      Monsieur le directeur,

      Devant le refus répété de publier ma réplique aux propos insultants publiés à mon sujet, en réponse à une intervention accueillie très chaleureusement par Mme Chouinard, j'ai porté plainte au CPQ qui m'a donné raison. Je pense qu'il y avait de l'acharnement à porter cette décision en appel. Le CPQ a maintenu sa décision.

      Je vous demande donc maintenant de publier ma réplique, telle quelle, avec le titre que je lui avais donné et sa date de rédaction, 12 novembre 2007 (attention que vos correcteurs n'y voit pas un lapsus pour 2008). De même, je vous demanderais de n'apporter aucune coupure à mon texte, cela va de soi, mais également de n'y faire absolument aucune correction (en particulier, internet s'écrit avec une minuscule dans ce texte et les BANQ s'accordent au pluriel). Puis-je vous demander de voir à ce que cela soit scrupuleusement respecté ?

      Par ailleurs, si vous deviez présenter ma réplique, je vous demanderais de ne pas nommer madame Bissonnette, comme je ne le fais nulle part dans ma réplique. J'estime que madame Bissonnette a rédigé son texte insultant pour moi sur le coup de la colère. En revanche, c'est le Devoir qui l'a publié et, pire, qui m'a empêché d'y répliquer et qui l'a fait avec un acharnement inacceptable.

      Je vous prie, monsieur le directeur, d'accepter l'expression de mes meilleurs sentiments,

      __gl>-

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Le directeur du Devoir, monsieur Descôteau, n'a pas donné suite à ma lettre ni n'en a même simplement accusé réception. Bref, Fais ce que dois : l'autruche.

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