Le bibelot de secrétariat
Le Manuscrit moderne est vendu 13 $ par Guérin
Universitaire de Montréal et on en trouve ici, avec l'accord de
l'éditeur qui en détient le copyright, une version informatique
gratuite réservée à l'usage strictement personnel sur
Internet. Ce qui est bon marché et même gratuit peut donner
l'impression d'être sans valeur, vite fait et de piètre
qualité ou, pire encore, d'être beaucoup moins bon que ce qui
coûte beaucoup plus cher, comme le Guide de la communication
écrite de Québec/Amérique, par exemple, vendu
25 $.
L'exemple n'est pas choisi au hasard, bien entendu. Car la fausse impression
serait malheureusement renforcée si ce dernier ouvrage continuait
d'être « recommandé » par le
département des études littéraires où j'enseigne
à l'Université de Montréal (alors que mon guide ne l'est
pas), ce qui est, comme on va le voir, assez invraisemblable. Pourquoi ?
Mais tout simplement parce que des universitaires se discréditent
à recommander comme « norme commune » un ouvrage
qui ne saurait avoir cette fonction.
De quoi s'agit-il donc ? D'un bibelot d'inanité visuelle, d'une
potiche de secrétariat. Voyons cela.
Marie Malo, Guide de la communication écrite au cégep,
à l'université et en entreprise, Montréal,
Québec/Amérique, 1996, X-322 p.
« Communication écrite » est un barbarisme
Le titre de l'ouvrage est inexact et trompeur, en plus d'être un
barbarisme. Je ne pense pas, en effet, qu'on utilise l'expression
« communication écrite » ailleurs que dans les
périphrases et les définitions. En bon français, on
parle tout simplement d'écriture et de composition. Il s'agirait donc,
si l'on en croyait le titre, d'un guide de rédaction des diverses
formes d'écrits. Or, ce n'est pas un guide, pour la raison toute
simple qu'il n'est pas autonome. Personne, ni un novice ni un professionnel,
ni même un universitaire, ne saurait l'utiliser sans un professeur ou
un éditeur qui établisse les consignes académiques ou les
règles de rédaction. Un guide qu'on ne saurait utiliser sans
guide n'en est pas un, évidemment. Il s'agit donc d'un manuel. Mais
c'est là que les choses se compliquent. Je ne pense pas qu'il soit
raisonnable de penser qu'un manuel sera utile à la fois aux
universitaires, aux secrétaires administratifs ou aux rédacteurs
professionnels et en même temps aux classes terminales du petit
collège, c'est-à-dire en quatrième et en cinquième
années du cours secondaire (pour des jeunes de quinze ans), surtout aux
élèves des écoles professionnelles délivrant le
diplôme correspondant (le DEP), se concentrant sur le travail de bureau,
la bureautique du secrétariat de premier niveau ou
élémentaire. Le titre tente de séduire les professeurs
de ces « collèges de secrétariat », en
faisant croire qu'il serait du niveau du collège (et en particulier,
évidemment, du niveau du diplôme collégial), du fait qu'il
serait même utile à l'enseignement universitaire, voire à
la direction des entreprises où se trouvent des rédacteurs
professionnels. Ce titre n'a rien de frauduleux, bien entendu, puisqu'il
tient du tape-à-l'oeil publicitaire, qui ne trompera personne, surtout
lorsqu'on lit sur la page de couverture la réclame
« 300 pages de tableaux,
120 modèles » !
Le soi-disant guide n'en est pas un :
on n'y trouvera donc aucune « norme commune »
Le titre est une chose, l'ouvrage qui s'en coiffe, tout autre chose. En
effet, le professeur qui voudrait utiliser l'ouvrage comme manuel verra vite
que c'est impossible. D'abord, il ne se compare pas aux manuels
correspondants : les Communications d'affaire
d'Hélène Dufour (Montréal, McCraw Hill, 1992), par
exemple, se doublent d'un cahier d'exercices et d'un corrigé
correspondant; ensuite, la comparaison n'est pas nécessaire pour en
arriver à cette conclusion, ne serait-ce qu'à cause du
classement alphabétique de la matière où aucun
enseignement n'est programmé. C'est donc très modestement une
encyclopédie des formes de rédaction faite pour séduire
les jeunes collégiens se destinant au métier de
secrétaire sans avoir encore en poche un diplôme d'étude
secondaire.
Petite encyclopédie pour collégiens
un bel exemple : les consignes du
« résumé »
Rien/ de plus normal de la part d'une encyclopédie populaire que de se
présenter sous l'apparence de la « rigueur »
universitaire et l'« efficacité » des
rédacteurs professionnels, mais il serait assez surprenant que les
prétentions se réalisent en sens inverse et qu'un tel ouvrage
puisse convenir aux étudiants universitaires ou aux rédacteurs
professionnels. Il suffit d'ouvrir le livre pour s'en convaincre. Tout
l'ouvrage est une suite de tableaux s'adressant à des adolescents, avec
les consignes qui leur conviennent. Le « mode d'emploi »
de ces soi-disant tableaux, présenté en tête de l'ouvrage,
prouve à lui seul qu'on ne peut s'adresser ainsi à des
étudiants d'université, à moins de les prendre pour des
demeurés. Lorsqu'on vous explique que la première
qualité d'un bon résumé c'est... sa
brièveté et que, pour résumer un texte, on doit d'abord
le lire plusieurs fois ! il faut de l'aveuglement ou des
intérêts personnels dans la promotion de l'ouvrage pour ne pas
comprendre le niveau « académique » de ces
enfantillages. Avec l'explication de texte, le résumé est la
technique qu'on trouve à la source des analyses littéraires qui
se terminent avec la rédaction du rapport de recherche (dissertation,
essai critique, mémoire et thèse). Or le tableau que
l'encyclopédie de Québec/Amérique consacre au
« résumé » n'a aucun rapport avec la
réalisation des deux formes de résumés nécessaires
aux études littéraires, le résumé d'une oeuvre et
celui d'un texte critique. Il s'agit plutôt des consignes qu'on donne
au secondaire. On pensera peut-être trouver ainsi le minimum de ce que
l'on doit savoir pour réaliser les opérations des niveaux
académiques supérieurs, au cégep puis à
l'université. Tel n'est pas le cas, car c'est une question de niveau,
c'est le cas de le dire. On trouve sur deux pages les
« étapes » de la réalisation d'un
prétendu « résumé » et des conseils
qui relèvent de la cuisine pédagogique utilisable dans une
classe d'enfants de quinze ans, auxquels on donne à lire une page
d'André Belleau et son résumé (en 250 mots).
Pédagogie de l'imitation sur laquelle on reviendra. Rien de tel ne
saurait s'adresser à un adulte sans ridicule, d'autant que la recette
se révèle incongrue avec l'âge. N'importe quel
universitaire comprend que l'exercice proposé ici aux adolescents est
une simple « réduction de texte », qu'il ne s'agit
pas d'un résumé et qu'un résumé ne se
réalise d'ailleurs pas comme cela. Soit, par exemple, la consigne
suivante : « Résumer chaque grande partie en
éliminant les idées secondaires, exemples, citations,
répétitions, digressions, statistiques qui ralentissent
[sic]
le développement de l'idée essentielle ». On ne
saurait produire un résumé de cette façon. Il est en
effet impossible d'en réaliser un bon par assemblage de
résumés de parties. Ensuite, la consigne contredit le premier
objectif du résumé qui est le contraire de
l'épuration : soustraire les idées secondaires, les
exemples ou les digressions, par exemple, est bien entendu le meilleur moyen
de faire un mauvais résumé, surtout s'il s'agit d'une oeuvre
littéraire. Mais la vérité est qu'on est ici dans la
cuisine pédagogique du collège secondaire et, ce qu'on veut
apprendre aux élèves avec ces « consignes »,
c'est de réaliser sur un texte d'autrui ce qu'on doit apprendre
à faire avec ses propres textes, la réduction étant en
effet un processus fondamental de la rédaction. L'élève
réalise donc des « résumés »
artificiels pour apprendre à rédiger des textes de 250 mots avec
les idées et le vocabulaire d'un autre. C'est ce que les enseignants
du secondaire appellent souvent la contraction de texte. L'exercice est,
paraît-il, formateur. Pour un enfant de quinze ans.
Je ne pense pas qu'on puisse demander cet exercice avec ces consignes au
cégep, même dans l'orientation professionnelle. Il s'agit d'un
simple exercice de composition. Tel est en tout cas sans l'ombre d'un doute
le niveau des tableaux relatifs au « plan », à
l'« introduction », au
« développement », etc. Or au moins dix tableaux
ne sont même pas de ce niveau. N'importe quel blanc-bec vous sort sa
carte d'affaire : j'imagine assez mal un universitaire utilisant
l'encyclopédie de Québec/Amérique pour réaliser
l'opération déjà toute préparée par
l'imprimeur du coin. Préparer un curriculum vitae,
rédiger une lettre et adresser l'enveloppe, tout cela relève du
simple niveau domestique (les enfants apprennent petit à petit à
faire cela à la maison, dans la vie quotidienne, entre l'âge de
douze et seize ans). Mais il y a pire : « classement
alphabétique », « glossaire » ou
« ordre des parties d'un texte » ne peuvent s'adresser
qu'à de graves sous-doués, voire à des déficients
þ qui d'ailleurs ne sauraient même trouver les tableaux en question,
puisqu'ils sont dans l'ordre alphabétique ! Et on peut se
demander ce qu'un tableau sur la « féminisation des titres
et des textes » (sic), c'est-à-dire le bon usage des
genres
en français, vient faire dans cette encyclopédie des formes de
rédaction, surtout si c'est pour écrire, dans le tableau sur la
lettre, qu'« on dit au destinataire ce qu'on attend de lui ou
d'elle », évidente faute de rédaction (c'est le style
« bigenre »). « Le rédacteur ou la
rédactrice » (sic) en apprend de belles dans ce
tableau
s'adressant aux enfants qui n'ont pas douze ans d'âge mental...
Les manuels de rédaction de secrétariat
Cela dit, il reste que l'ouvrage présente pour l'essentiel, aux
adolescents, des travaux de secrétariat (présentation d'une
lettre officielle, « note de service », « avis
de convocation », etc.), auxquels s'ajoutent quelques exercices
scolaires, dont la « dissertation » est le plus important.
Et encore une fois, le tableau s'adresse sans l'ombre d'un doute aux
élèves du secondaire (cf. la chrono-bibliographie ci-contre),
mais avec deux exemples (comme cela se trouve souvent) pris à
l'université, ce qui est le propre de la pédagogie des petites
classes þ car il ne viendrait à l'esprit d'aucun professeur de donner
à ses étudiants un « exemple » de
dissertation à l'université, les thèses de doctorat, les
mémoires de maîtrise comme les dissertations et rapports de
recherche du baccalauréat ne se réalisant jamais par
mimétisme. Nous sommes à l'université et non plus au
collège...
Et attention, il ne faudrait pas croire que l'ouvrage situe au niveau des
élèves du secondaire ce qu'on enseignera au cégep et
ensuite à l'université, comme le suggère son titre.
C'est au contraire la règle de l'ouvrage que de présenter aux
collégiens les travaux de secrétariat qui relèvent de
l'enseignement professionnel et dont la bible est Correspondance et
rédaction administratives de Jacques Gandouin (Paris, Armand
Colin, 5e éd., 1992), tandis que les manuels les plus utilisés
au Québec sont ceux d'Hélène Dufour,
particulièrement celui déjà désigné plus
haut, alors que l'Office de la langue française du Gouvernement du
Québec a publié le Français au bureau de
Noëlle Guilloton et d'Hélène Cajolet-Laganière (Les
publications du Québec, 4e éd., 1996), un guide qui reprend
sommairement l'enseignement des ouvrages dont il vient d'être question,
mais avec l'évidente intention de contrer les anglicismes propres aux
secrétariats du Québec (ce que l'ouvrage fait de manière
extrêmement positive en présentant la correspondance d'affaire
et les autres écrits administratifs, ensuite les questions
typographiques et enfin les problèmes de grammaire et de vocabulaire
qui leur sont communs þ objectifs que l'ouvrage atteint, soit dit en passant,
avec l'expertise et les réalisations de Québec/Amérique).
Jamais d'aucune manière le prétendu Guide de la
communication écrite au cégep, à l'université et
en entreprise ne saurait rivaliser avec ces ouvrages, tous plus complets
dans la description des formes de rédaction administrative, tandis
qu'il ne saurait avoir l'efficacité des ouvrages sans fausse
prétention, qui n'ont pas peur de s'afficher pour ce qu'ils sont, les
guides et manuels destinés aux élèves du
secondaire : Communications d'affaires d'Hélène
Dufour et de Lucette Lévesque (Montréal, McGraw-Hill, 1987, dont
le chapitre cinq énumère pas moins de trente-sept modèles
de lettres et d'avis administratifs différents) ou l'ouvrage de Jacques
Robillard, du même titre (Montréal, Saint-Martin, 1992), un peu
plus succinct, mais paradoxalement plus complet puisqu'il aborde la question
essentielle de la rédaction des textes publicitaires (lettre
circulaire, dépliant, brochure corporative et placard publicitaire).
Il faut donc préciser que si les formes d'écrits administratifs
des secrétariats représentent l'essentiel des types de
rédaction de l'encyclopédie de Québec/Amérique,
ce panorama est bien loin d'être complet de ce point de vue :
l'encyclopédie s'en tient aux formes classiques des ouvrages du
domaine, retenant presque toujours les conventions des secrétaires,
à mille lieues des travaux critiques des universitaires, bien
entendu.
Consignes pour écoliers sur le péritexte
universitaire !
Dans ce contexte académique, que viennent faire les inutiles tableaux
consacrés aux techniques de rédaction professionnelle et, plus
encore, les diverses parties du péritexte des mémoires,
thèses et publications ? Je ne pense pas que l'on doive se
scandaliser de l'entreprise commerciale, car c'en est une et une belle. On
aura compris, j'imagine, que nous sommes dans une encyclopédie des
formes d'écrits destinée aux jeunes secrétaires. Ceux
qui travailleront dans les petits bureaux ou au pied de l'échelle des
grandes institutions. Il est peut-être de bonne politique commerciale
de les impressionner avec l'enfilade de travaux professionnels qu'aucun
d'entre eux ne réalisera jamais et que personne ne saurait d'ailleurs
réaliser convenablement avec les « tableaux » de
l'encyclopédie : typographie (« mise en valeur
typographique » !), correction d'épreuves, rapports
divers ou communiqués de presse. Ce n'est pas le genre de chose qu'on
demande souvent au secrétariat du dentiste ou de
l'optométriste... Or, si cela ne correspond nullement à
l'enseignement destiné à des adolescents, comment voulez-vous
que des adultes puissent tirer profit des trois pages consacrées
à ces questions, à la présentation d'un dossier par
exemple (« note de synthèse ») ? Encore pire
pour les trente-quatre pages hallucinantes consacrées, pour les
écoliers, aux diverses parties d'une thèse ou d'un ouvrage
destiné à la publication. Car aucun universitaire n'utilisera
jamais avec le moindre profit cette encyclopédie pour réaliser
son « épigraphe » ! sa
« dédicace » ! sa page des
« remerciements » ! etc. Je vous jure que je
n'invente rien. Grâce à ces beaux tableaux synthétiques,
« remerciements », « table des
matières », « liste des figures »,
« liste des tableaux » et même
« index » sont aujourd'hui à la portée des
élèves du secondaire... Il y a là, bien entendu, une
assez évidente exploitation des bonnes intentions des jeunes
secrétaires, mais je ne pense pas qu'on en trouve d'autres dupes que
les responsables des achats du mobilier des secrétariats. Ils mettront
ce beau bibelot décoratif sur l'étagère, entre le
« Petit Robert » et le « Multi-
dictionnaire », mais avec beaucoup moins de profit, sauf pour la
qualité biblographique, évidemment.
Bref, l'ouvrage rate sa cible par ses prétentions
encyclopédiques et ses prétentions tout court. On pourrait
croire qu'il existe à tout cela une exception, celle des règles
de présentation matérielle des travaux, si l'on ne connaissait
absolument rien des ouvrages classiques à ce sujet ou le guide
raisonné qu'on en trouve ici. Cela donne droit à un allongement
de la sauce pédagogique, sous forme de tableaux, qui font un peu plus
de vingt pour cent (20%) du livre (proportion : 0,2252), soit trente-huit
pages portant sur la présentation des textes et trente sur la
bibliographie. Ces soixante-huit pages, toujours du niveau du collège
secondaire, développent ce que l'on enseigne par essais et reprises au
cours des deux premières années à l'université,
mais sans la rigueur de l'enseignement où les règles, consignes
et alternatives sont présentées dans un ordre logique et dans
un ensemble structuré (come cela se trouve dans un guide
raisonné). Bien au contraire, il est rigoureusement impossible de
tirer une « norme commune » de l'ouvrage de
Québec/Amérique et si on l'adoptait dans cette perspective, cela
signifierait ou bien qu'on ne le connaît pas, ou bien qu'on est
totalement incompétent en la matière, à moins encore une
fois d'avoir d'autres intérêts qui n'ont rien à voir avec
la présentation matérielle des travaux de recherche à
l'université. Exemple élémentaire : on ne saurait
tirer aucune « règle commune » pour la
réalisation de la page de titre d'un travail universitaire avec le
tableau correspondant de l'encyclopédie, qui en accumule plusieurs
exemples, tous plus mauvais les uns que les autres. Cela dit, si par hasard
un professeur voulait savoir comment on faisait il y a quelques années
encore des « pages de titre » au collège ou au
cégep, voire à l'université (!), il sera servi à
souhait. Évidemment, la bonne page de titre, telle qu'on doit la faire
maintenant, celle qu'on trouvera précisément justifiée
dans mon Manuscrit moderne, ne se trouvera pas là.
Des consignes essentielles font défaut
Or, tous les petits travaux se remettent à l'université
(comme tous les brefs documents dans les milieux professionnels et
scientifiques du même ordre, sauf dans le domaine juridique)
sans page de titre, avec un simple en-tête -- et on ne trouve
aucun tableau sur ce cas le plus courant dans notre encyclopédie, pour
la bonne raison qu'on fait faire au collégiens des « pages
de titre » à leurs « travaux de
recherche » de trois ou quatre pages (comme les notaires,
donc !). Même chose, pour les règles de la typographie et
de la mise en page, dans un travail de niveau universitaire. Rien qui
explique l'élémentaire corrélation entre la longueur d'un
texte et le choix de la police et du corps des caractères d'une part
et de la mise en page du texte dans ses marges de l'autre. Rien qui explique
non plus que le corps ou la grosseur d'un caractère, qu'on calcule
généralement en point, n'a aucune valeur absolue, puisqu'il
dépend précisément de la police de caractères (de
sorte que l'affirmation « générale »
suivante est tout simplement absurde : « Les textes courants
sont généralement composés en corps 10 à 12, qui
sont bien adaptés au format de nos feuilles de papier »
(« mise en valeur typographique »). Or, pour n'importe
quel groupe d'étudiants, la question concernant la
« longueur » du texte à remettre dépend des
consignes à ce sujet dont il n'est pas dit un mot. De même
l'encyclopédie ignore toutes les règles typographiques propres
aux études littéraires (italiques ou soulignés,
jamais de gras, et pourquoi). Sans compter les consignes qui me paraissent
tout simplement inadéquates, comme cette affirmation que
« des études ont prouvé » (ah !
ah ! ah !) que les retraits en tête des alinéas
étaient inutiles... Quoi qu'il en soit, aucun collégien ni
aucun étudiant de pourra réaliser la mise en page de son travail
à partir de cette énumération alphabétique :
c'est impossible, car tel n'est pas le but de l'ouvrage qui n'est pas un
guide, il faut le répéter, ni même un manuel, mais une
encyclopédie.
Après cette « réduction », il ne reste plus
qu'un petit nombre de tableaux où les consignes adoptées dans
le domaine des études littéraires (mais pas toujours les bonnes,
malheureusement) se trouvent amalgamées à l'enseignement du
collège, notamment en ce qui concerne les références
bibliographiques, dont les étudiants de lettres auront des centaines
d'exemples sous les yeux dans les articles et les livres qu'ils utiliseront
tout au long de leurs études. Mais disons que les trente pages de
tableaux consacrées aux « notices (sic)
bibliographiques » véhiculent aussi des concepts qui ne
devraient plus avoir cours après le collège, tout simplement
parce qu'ils sont faux ou absurdes : la très célèbre
« citation d'idée » en particulier, qui concorde
très bien avec les exercices de
« réduction » et « développement
de texte », l'idée qu'un développement, un plan ou un
commentaire puisse articuler plus de trois idées maîtresses, ou
qu'un « commentaire composé » (quel
barbarisme !) puisse être autre chose que la rédaction des
conclusions d'une explication de texte.
Et il faut pour finir revenir à l'essentiel. Imaginer un instant que
cet ouvrage puisse être autre chose qu'un joli bibelot de
secrétariat et que des universitaires puissent le proposer comme
« norme commune » est assez hallucinant pour se persuader
qu'on ne l'aura jamais examiné attentivement. Imagine-t-on un instant
ces consignes de collèges secondaires adressées à des
universitaires ? Il faut chercher les mots inconnus dans le dictionnaire
(lequel, ciel !), il faut « décortiquer » les
textes en les lisant un crayon à la main ou, on l'a vu, mais c'est
tellement délicieux que je veux le répéter, on doit lire
plusieurs fois les textes avant de les résumer, tandis qu'on fait une
« lecture rapide » du dossier dont on doit produire une
« note de synthèse »... Et croira-t-on
sérieusement que l'on puisse dire à un universitaire que le
début d'une lettre s'écrit aux temps du passé,
étant donné qu'une lettre rappelle forcément des choses
passées ? Non seulement la petite encyclopédie de
Québec/Amérique ne s'adresse qu'à de jeunes
collégiens, mais elle se situe en deçà,
présupposant que la médiane est en-dessous de la moyenne.
Un ouvrage sur la rédaction bien peu rédigé
D'ailleurs, n'est-il pas significatif qu'une encyclopédie des formes
d'écritures soit aussi peu rédigée ? Voilà
pour l'inanité visuelle digne du bibelot mallarméen : ces
tableaux insipides et débilitant (s'ils étaient destinés
à des universitaires) ne sont pas pour donner le goût de lire et
d'écrire, évidemment. Plus extraordinaire encore, le fait que
ce qu'on appelle « tableau » dans cet ouvrage n'en soit
pas ! Il s'agit tout simplement de liste de listes s'appliquant à
l'aveugle. Cela découle des « formulaires » que
les informaticiens mettent au point à l'aide de routines de
programmation pour que n'importe qui puisse entrer des informations de
manière systématique sur un corpus donné (de sorte qu'ils
pourront être traitées automatiquement). Les principales formes
de « communication écrites », par exemple. Pour
chaque forme trouvée, il suffit de remplir le questionnaire
informatisé. Que le monstre ainsi produit se retrouve entre les mains
d'étudiants en études littéraires, c'est je crois le
comble de la contre-formation. En tout cas, jamais n'aura-t-on vu un guide
de rédaction des divers types d'écrits aussi peu
rédigé !
On devrait donc s'entendre sur une chose assez évidente. Cet ouvrage,
ni sa productrice (qui présente modestement son livre pour ce qu'il
est, une suite de brèves synthèses sur divers types
d'écrits), ni même son éditeur (qui a fait un excellent
montage de la mise en page informatique) ne méritaient que j'en fasse
le compte rendu. La faute en est aux professeurs et aux étudiants qui
ont fait la promotion de cet ouvrage commercial pour qu'il devienne la
« norme commune » recommandée d'un
département des études littéraires. A eux de s'en
expliquer. Ils doivent avoir des raisons qu'on voudrait connaître...
Car je n'ose croire, bien entendu, qu'il s'agissait de nuire à mon
guide de présentation des travaux universitaires qui, lui, ne se
recommande pas autrement que par ses qualités et ma compétence
en la matière.
Appendice
Classement des tableaux de l'ouvrage
On trouve entre parenthèses le nombre de pages de chaque tableau
(l'ouvrage compte 302 pages). La courbe qui se dégage de ces
statistiques désigne l'objet principal de l'ouvrage : le
secrétariat professionnel (conduisant à un diplôme
d'études professionnelles). Il suit que le niveau intellectuel de
l'ouvrage est celui du collège secondaire,
légèrement orienté vers les exigences du cégep.
Mais la pédagogie, celle du « tableau », est
évidemment du niveau des élèves de quinze ans de la fin
du collège secondaire.
Voilà pourquoi il faut environ 20% de l'ouvrage pour
énumérer sans consignes précises ni justifications
adéquates les diverses alternatives des règles de
présentation des textes et des bibliographies. On s'adresse à
des adolescents.
1. Pour les déficients (18)
Ordre des parties d'un texte (2)
Classement alphabétique (5)
Féminisation des titres et des textes (5)
Liste (sous le titre « énumération »)
(4)
Glossaire (2)
2. Du niveau domestique (28)
Enveloppe (sic) (3)
Le texte d'une lettre (6)
Carte professionnelle (3)
Communications d'affaires écrites (sic) (3)
Curriculum vitae (13)
3. Composition scolaire (30)
Résumé (4)
Plan (4)
Introduction (5)
Développement (3)
Transition et marqueurs de relation (sic) (12)
Conclusion (2)
4. Règles de dactylographie (5)
Règles de saisie (sic) de la ponctuation (5)
5. Pour se préparer au collège (24)
Carte géographique (3)
Commentaire composé (7)
Compte rendu critique (4)
Dissertation (10)
6. Du niveau des secrétariats (49)
Parties et mise en page d'une lettre officielle (18)
Note de service (3)
Carte d'invitation (3)
Avis de convocation (3)
Ordre du jour (2)
Avis de nomination (3)
Offre de service (6)
Procès-verbal (7)
Compte rendu événementiel - de réunions, rencontres, etc.
(4)
7. Rédaction professionnelle (24)
Correction d'épreuves (2)
Rapport, sens multiple, sauf celui de rapport de recherche (8)
État d'un dossier (« Note de synthèse »,
sic) (4)
Révision (sic) de texte (1)
Communiqué de presse (3)
Questionnaire d'enquête (6)
8. Figures et figurations (20)
Pictogramme ! (1)
Graphique (6)
Organigramme (2)
Figure (3)
Tableau (4)
Transparent (4)
9 Encadrement des thèses, péritexte des publications
(34)
Épigraphe (2)
Dédicace (2)
Remerciements (3)
Avant-propos (3)
Sommaire (3)
Liste des abréviations et des sigles (2)
Hiérarchisation des titres et sous-titres (4)
Annexe (2)
Appendice (2)
Index (3)
Table des matières (4)
Liste des figures (2)
Liste des tableaux (2)
10. Présentation matérielle (68) proportion :
0,2252
10.1 Texte (38)
Typographie (« Mise en valeur typographique »,
sic !)
(4)
Page de titre (3)
Mise en page (5)
Guillemets (4)
Citation (8)
Référence dans le texte (4)
Appel de note (3)
Note de contenu et de référence (7)
10.2 Bibliographie (30)
Bibliographie (4)
Règles de transcription des titres d'oeuvres (4)
Notices (sic) bibliographiques (article, livre, partie d'un livre et
publication gouvernementale) (22)
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