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Les mots espagnols
sans correspondant en français

      Il faut entendre par « correspondant », soit le même mot dans les deux langues (dormir, par exemple), soit un mot de même forme (alliance et alianza), généralement de même origine latine, avec des significations plus ou moins rapprochées. C'est bien entendu à ce phénomène qu'on doit la plupart des hispanismes des Chants. Ce qui nous intéresse ici, c'est la situation inverse, les cas où le correspondant n'existe pas en français.

      Émile Benveniste aura été un de ces extraordinaires grammairiens de la langue française qui nous aura appris qu'une langue, ce n'est pas seulement un moyen de communication. C'est aussi une manière de penser. On en trouve de belles illustrations chez Ducasse. Lorsqu'il s'agit de communiquer dans une autre langue, on en a tous fait l'expérience, c'est une simple question mécanique. « Mais comment dites-vous en turc... ». Pas de problème. Mais lorsqu'il s'agit de penser, c'est tout autre chose. Quand les mots changent de genre ou les réalités de couleur, de texture et de forme, c'est vraiment troublant. Voilà : « Vlan ! », comme on peut l'entendre dans n'importe quelle bande dessinée. ¡ Un portazo ! En français, c'est une porte qui claque, tout aussi simplement peut-être, mais « avec bruit », forcément. En fait, portazo, ce ne sera jamais exactement cela.

      Ces mots espagnols sans correspondant en français, voilà en principe l'inverse des mots français dans la même situation, sans correspondant en espagnol. Pourtant, le résultat n'est pas le même et l'effet, si je puis dire, beaucoup plus surprenant. C'est ici qu'on trouvera l'équivalent du bozo (duvet) qui donne son titre à l'ensemble de ce travail. En effet, la situation produit de « purs hispanismes », mais parfaitement invisibles, bien entendu, puisqu'il s'agit pour l'auteur de rendre des vocables castillans que le français ne connaît pas ! Sans connaître l'espagnol ou le présent fichier, on ne saurait les voir, puisque ces hispanismes ne se trouvent pas comme tels dans le texte, par définition. Au fil des quatorze entrées qui suivent, on ne trouvera donc aucun hispanisme lexical, mais des périphrases (duvet), des emplois inattendus (offre), quelques incorrections (côté, fumier), mais également de belles (re)créations linguistiques (osseux, voix).

      Ce ne sont pas des hispanismes ? C'est exact, mais c'est l'hispanisme à l'état pur, car en quatorze entrées seulement, on surprend sans conteste un auteur français à penser en espagnol.

Accès de fureur

Fiero, adjectif, féroce. Fiera = fauve, mais aussi furie, accès de fureur. Le vocable est de la même origine que fier, du latin ferus, « silvestre », mais le mot n'a aucun équivalent en français, même si le sens du mot fauve (d'origine allemande) est très proche, au point de passer pour son équivalent.

2.1 (P 1869, p. 59: 15-15) ... l'homme, à la figure de crapaud, ne se reconnaît plus lui-même, et tombe souvent dans des accès de fureur qui le font ressembler à une bête des bois.

      Des accès de fureur qui le font ressembler à une bête des bois : toute l'expression est construite sur un hispanisme au sens strict, qu'on ne saurait rendre plus prosaïquement en français, y se pone hecho una fiera, littéralement, il devient comme un fauve, soit, il tombe fou furieux.

Aile, mouvement d'ailes

Mouvement d'ailes = battement d'ailes (aletazo, aleto). On ne réveillera pas grand monde, tout rhinolophe qu'on soit, avec le « mouvement » de ses ailes. Pourtant, Ducasse utilise une fois respectivement le coup et le battement d'aile. Dans les deux cas, il doit avoir en tête aletazo, c'est-à-dire ala (aile) + -azo (le coup de la chose). Voir coup de et coup de queue. Sauf que dans le cas des ailes, le castillan a un autre vocable que le français ne connaît pas pour exprimer leur mouvement, alear (battre des ailes, d'où voler) et aleteo (le battement d'ailes). L'image, cette fois, est visuelle (s'agissant de gestuelle) et non auditive. D'autant qu'on applique le verbe et le substantif aux enfants pour dire qu'ils agitent les bras ou désigner leur gesticulation (Saturne). D'où les fabuleux mouvements d'ailes de la mouette en 3.1 ! Traduit littéralement, cela se comprend immédiatement, au sens strict : la gaviota, con sus gritos y aleteos... (tandis que les traducteurs chosissent plutôt aletazos, entraînés par la clameur des cris).

1.10 (P 1869, p. 35: 4) Je te remercie, ô rhinolophe, de m'avoir réveillé avec le mouvement de tes ailes...

3.1 (P 1869, p. 142: 19) La mouette, par ses cris et ses mouvements d'aile, s'efforçait en vain de nous avertir de la proximité possible de la tempête...

      Comparer :
5.6 (P 1869, p. 265: 3) L'on ne peut s'apercevoir d'aucun mouvement dans ses ailes : vous ouvririez les yeux comme la porte d'un four, que ce serait d'autant inutile. — Le « mouvement dans ses ailes » est emprunté à Buffon, via J.-C. Chenu.
6.7 (P 1869, p. 311: 19) [Le serin]. ... il atteignait à sa fin, et le mouvement de ses ailes ne s'offrait plus à la vue, que comme le miroir de la suprême convulsion d'agonie.

      Coup, battement d'aile :
3.3 (P 1869, p. 158: 11) D'un dernier coup d'aile, il s'est transporté auprès de celui dont je connais le timbre de voix.
6.10 (P 1869, p. 328: 1) ... il avait vu un coq [...] s'écrier, en battant ses ailes d'un mouvement frénétique...

Bruit (avec bruit)

Bruit, avec bruit. Fermer la porte avec bruit = claquer la porte (portazo, coup de porte). Il s'agit d'un hispanisme au sens strict, c'est-à-dire d'une composition propre à l'espagnol (cf. coup de). Par exemple, dar un portazo, littéralement donner un coup de porte, signifie en fait donner un claquement de porte (claquer la porte). C'est le concept que rend très approximativement ici Ducasse. « Littéralement », en espagnol : el carpintero se alejó y cerró de un portazo (Pariente).

6.7 (P 1869, p. 311: 16) Le charpentier s'éloigna, et referma la porte avec bruit.

Côté (longer les côtés)

Longer les côtés = bordear, suivre les bords, les côtés (en français, le mot est réservé en ce sens au langage maritime). En français, on contourne la cour, on rase ses bords, etc.

4.3 (P 1869, p. 198: 23) ... des jugements qui paraîtraient autrement, soyez-en persuadé, d'une hardiesse qui longe les rivages de la fanfaronnade.

6.4 (P 1869, p. 297: 18) Il s'avance, comme une hyène, sans être vu, et longe les côtés de la cour.

Coup de

Coup de. Le coup donné par un outil, une arme ou une partie du corps (de l'homme ou d'un autre être vivant) se rend généralement par un suffixe en espagnol. Le suffixe -ada dans le cas des objets pointus ou coupants (cuchillo, couteau, d'où cuchillada) ou -azo pour les instruments contondants (martillo, marteau, d'où martillazo). Voir Saturne à coup. Dans trois cas, coup de queue (voir aussi l'entrée suivante), coup de dent et coup de talon, le « concept » espagnol transparaît nettement en français où coup de n'a pas sa place dans le contexte (la dent mord, le talon écrase), contrairement aux coups de pierre, de fouet, de pied, de coude ou de griffe. Et dans un cas, il est rendu avec une périphrase : voir à bruit (avec bruit).

2.13 (P 1869, p. 127: 2) À droite, à gauche, elle lance des coups de dent [castillan : dentellada, morsure, aussi mordisco; Amérique : dentada, proprement coup de dent] qui engendrent des blessures mortelles. Mais, trois requins vivants l'entourent encore, et elle est obligée de tourner en tous sens, pour déjouer leurs manoeuvres.

3.3 (P 1869, p. 159: 18) Vole à fleur de terre autour de lui, et, avec les coups de ta queue écaillée de serpent, achève-le, si tu peux.

5.4 (P 1869, p. 250: 21) Il est presque impossible que je m'habitue à ce raisonnement que tu ne comprennes pas que, plaquant sur le gazon rougi, d'un coup de mon talon [= avec le talon], les courbes fuyantes de ta tête triangulaire, je pourrais pétrir un innommable mastic avec l'herbe de la savane et la chair de l'écrasé.

Coup de queue

Coup de queue = coletazo (voir aussi coup de). Deux métaphores en chiasme sont brouillées du simple fait que le « coup de queue » correspond à un vocable en espagnol. On peut dire que c'est un concept pour un hispanophone, de sorte sa traduction illustre ici très simplement le bilinguisme d'Isidore Ducasse dans les Chants. Le transfert métaphorique se fait de la voile des cheveux (dont chacun sait qu'elle claque au vent) aux chevilles qui claquent (= chasquear, Serrat, Alonso, ou plutôt crujíar, qui s'applique à tout ce qui peut faire son propre bruit : le fouet, la langue, les doigts, etc., Álvarez), qui claquent comme un coup de queue et non simplement comme la queue d'un thon :

4.3 (P 1869, p. 195: 11) Les cheveux grisonnants de la plus vieille flottaient au vent, comme les lambeaux d'une voile déchirée, et les chevilles de l'autre claquaient entre elles, comme les coups de queue d'un thon sur la dunette d'un vaisseau.

Duvet

Duvet, le duvet (vello) de la pêche (melocotón, durazno) sur sa lèvre = bozo (moustache naissante de l'adolescent).

      Voir la périphrase correspondante : bozo.

2.13 (P 1869, p. 123: 28) Il ne devait pas avoir plus de seize ans; car, à peine, à travers les éclairs qui illuminaient la nuit, le duvet de la pêche s'apercevait sur sa lèvre.

Exhaler

Exhaler = desahogar. Ahogar, du latin offocare (de fauces, « gorge »), a son correspondant en français, suffoquer (même s'il a une autre étymologie, du latin, suffocare). En revanche, le français n'a aucun correspondant pour desahogar (ce serait dessuffoquer), qui a de très nombreux sens et de nombreux dérivés (Corominas). Employé en ce sens, exhaler est rare, recherché et littéraire. Il ne convient pas dans les deux contextes suivants.

2.12 (P 1869, p. 116: 27) ... ma bouche est prête, à n'importe quelle heure du jour, à exhaler, comme un souffle artificiel, le flot de mensonges que ta gloriole exige sévèrement de chaque humain... — Exactement comme dans l'exemple suivant, Ángel Pariente traduit, proferir; la traduction exhalar est entraînée, naturellement, par le « souffle », alors qu'un « flot de mensonges » ne peut pas s'exhaler.

2.13 (P 1869, p. 123: 3) Il me semblait qu'ils [les naufragés] devaient penser à moi, et exhaler leur vengeance en impuissante rage ! — Les deux premiers traducteurs en castillan rendent ici le sens fort, desahogar (Gómez, Pellegrini).

      L'hispanisme est net aussi dans les deux cas suivants où soit le mot français sera entendu dans un sens très fort, soit au contraire la traduction espagnole (c'est la pensée que Ducasse avait à l'esprit) lui donnera un sens affaibli (exhalar, bien entendu).

1.8 (P 1869, p. 20: 24) Vous, qui me regardez, éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonné.

3.1 (P 1869, p. 144: 10) ... une planète se mouvait au milieu des exhalaisons épaisses d'avarice, d'orgueil, d'imprécation et de ricanement qui se dégageaient, comme des vapeurs pestilentielles, de sa surface hideuse...

      Il est attendu qu'on trouve plus souvent le correspondant d'exaler, c'est-à-dire exhalar ou le sens français du mot.
1.11 (P 1869, p. 42: 24) Devant toi [Dieu], rien n'est grand, si ce n'est la flamme exhalée d'un coeur pur.
2.11 (P 1869, p. 110: 7) ... langue sur cette joue. Oh !... voyez !... voyez donc !... la joue blanche et rose est devenue noire, comme un charbon ! Elle exhale des miasmes putrides. C'est la gangrène; il n'est plus permis d'en douter.
2.13 (P 1869, p. 128: 20) [Maldoror et la requine]. ... leurs gorges et leurs poitrines ne faisaient bientôt plus qu'une masse glauque aux exhalaisons de goémon.
4.4 (P 1869, p. 203: 6) ... la pourriture et les exhalaisons de mon cadavre (je n'ose pas dire corps)...
5.3 (P 1869, p. 247: 15) La conscience exhale un long râle de malédiction; car, le voile de sa pudeur reçoit de cruelles déchirures.

Fumier

Fumier = tas de fumier (estercolero, dérivé de estiércol, fumier). C'est parce que le français n'a pas de vocable pour désigner le tas de fumier que Ducasse utilise le mot simple pour le « mot composé ». Le lecteur français comprendra plutôt « comme du ou sur du fumier », surtout dans la seconde occurrence, alors que ce n'est pas ce que la comparaison signifie.

3.5 (P 1869, p. 166: 22) ... les coqs et les poules [...] trépignaient la surface de son corps comme un fumier et déchiquetaient, à coups de bec...

4.4 (P 1869, p. 202: 23) Sur ma nuque, comme sur un fumier, pousse un énorme champignon, aux pédoncules ombellifères.

Grandeur

Grandor/grandeza. La distinction grandor et grandeza n'existe pas en français, d'où le besoin du locuteur de langue espagnole d'ajouter la précision. Or, en français, si l'on peut préciser les sens abstraits du mot (grandeur morale, de caractère, d'âme, etc.), on ne le fait pas pour le sens concret qui est le sens premier. D'où la curieuse redondance de la grandeur matérielle, pour désigner la grande superficie de l'océan, s'agissant tout simplement de sa grandeur. La redondance crée une sorte de périphrase : cf. grandeur.

1.9 (P 1869, p. 25: 27) Vieil océan, ta grandeur matérielle ne peut se comparer qu'à la mesure qu'on se fait de ce qu'il a fallu de puissance active pour engendrer la totalité de ta masse.

1.9 (P 1869, p. 30: 21) Ta grandeur morale, image de l'infini, est immense comme la réflexion du philosophe, comme l'amour de la femme, comme la beauté divine de l'oiseau, comme les méditations du poète.

Gratter

Gratter = escarbar : l'action du cheval, du chien, de la poule, etc., de l'animal qui gratte et soulève la terre pour la rejeter derrière lui, parfois pour y enfouir ou pour en sortir quelque chose. En français, on dit que les poules picorent; en espagnol, peut-être picorent-elles aussi comme tous les oiseaux, mais en général elles escarban la tierra.

3.5 (P 1869, p. 166: 26) Les poules et les coqs, avec leur gosier rassasié, retournaient gratter l'herbe du préau...

Mouvement d'ailes

      Voir aile.

Offre

Offre. Lorsque la demoiselle d'atour présente son offre à la mère de Mervyn, il ne fait pas de doute qu'il s'agit d'une redondance plaisante comme on en trouve de nombreux exemples dans les Chants (présenter + offrir). Manuel Serrat Crespo le met en évidence dans sa traduction en inversant le déterminant et le déterminé (la demoiselle offre son présent). En revanche, la traduction « littérale » de Manuel Álvarez Ortega ici fait apparaître nettement le mot juste, comme on dit, le seul que Ducasse pouvait avoir à l'esprit dans le contexte : encargo, qui n'a pas de correspondant en français et qui désigne précisément ce dont on était chargé d'aller chercher (soit le plus souvent le ou les produits que l'on était chargé d'acheter).

6.4 (P 1869, p. 296: 8) ... une de ses demoiselles d'atour redescend du premier étage, les joues empourprées de sueur, avec le flacon qui, peut-être, contient la liqueur de vie dans ses parois de cristal. La demoiselle s'incline avec grâce en présentant son offre...

Osseux, ailes osseuses

Ailes osseuses. Le castillan a des mots différents pour désigner les deux sens d'osseux en français et un troisième que le français ne connaît pas : óseo, ce qui est relatif à l'os, au sens strict, technique ou scientifique; huesoso, ce qui est relatif aux os, dans le sens courant; huesudo, ce qui est fort en os ou qui en comprend beaucoup. Un visage, une main, un corps huesoso, est maigre, décharné, anguleux; une main, un corps huesudo... une aile huesuda, c'est au contraire le fait d'avoir les os gros, forts et apparents, le fait d'être solide, puissant et musclé.

      D'où, ces « os des ailes » qu'il faut interpréter non comme des ailes osseuses, mais bien de fortes charpentes, alas huesudas. S'ensuivent les périphrases de trois des traducteurs en espagnol : el armazon de sus alas (Pellegrini aussi en 1.9), la plataforma de sus alas (Serrat/Viguié) et la osamenta de sus alas (Álvarez), en 1.10.

1.9 (P 1869, p. 30: 16) [Les vagues de l'océan]. L'oiseau de passage se repose sur elles avec confiance, et se laisse abandonner à leurs mouvements, pleins d'une grâce fière, jusqu'à ce que les os de ses ailes aient recouvré leur vigueur accoutumée pour continuer le pèlerinage aérien.

1.10 (P 1869, p. 33: 12) Que le vent, dont les sifflements plaintifs attristent l'humanité, depuis que le vent, l'humanité existent, quelques moments avant l'agonie dernière, me porte sur les os de ses ailes, à travers le monde, impatient de ma mort.

      Je propose la même interprétation dans le contexte suivant (où tous les traducteurs donnent au contraire l'adjectif osseux par óseo), la puissante charpente osseuse désignant encore les ailes, les ailes du grand ennemi :

3.5 (P 1869, p. 176: 12) J'ai vu Satan, le grand ennemi, redresser les enchevêtrements osseux de sa charpente, au-dessus de son engourdissement de larve, et, debout, triomphant, sublime, haranguer ses troupes rassemblées; comme je le mérite, me tourner en dérision.

      Il ne reste qu'un contexte où l'adjectif correspond vraisemblablement à son emploi en français, soit les jambes osseuses, décharnées.
3.2 (P 1869, p. 150: 20) Voici la folle qui passe [...]. Sa robe, percée en plus d'un endroit, exécute des mouvements saccadés autour de ses jambes osseuses et pleines de boue.

Voix (à grande voix)

À grande voix = a voces. L'« hispanisme » qui produit une expression originale en français, y reproduit la forme latine magna voce, dont la traduction française est à haute voix, d'une voix forte (comparer : magnum clamare, « crier fort »). À remarquer que déclamer consiste à réciter à voix haute et forte; déclamer à voix forte serait donc un pléonasme — tel n'est pas le cas de l'expression originale déclamer à grande voix. En français, au moment où Ducasse rédige son oeuvre, les « grandes voix » désignent couramment les voix des fleuves, des cataractes et des orgues. En revanche, si les expressions « adverbiales » sont aussi variées que fréquentes (à voix basse, haute, claire, rauque, tranquille, sombre, etc.), on ne trouvera nulle part ailleurs qu'ici la formule à grande voix. Elle correspond à l'hispanisme « a voces » (comme dans l'expression dar voces, donner de la voix) : elle en est d'ailleurs une excellente traduction française.

1.9 (P 1869, p. 22: 12) Je me propose, sans être ému, de déclamer à grande voix la strophe sérieuse et froide que vous allez entendre. — Les traducteurs rivalisent ici d'originalité : a gran voz, a grandes voces, a voz en grito, con poderosa voz, con voz potente; Ángel Pariente est le seul à donner l'hispanisme : « Me propongo, sin conmoverme, declamar a voces la estrofa seria y fría que vais a oír ».


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