Édition
Strophes actuellement éditées
Deux entrées pour les lecteurs pressés
Maldoror
Lautréamont
Les plus grandes découvertes du Bozo
L'hispanisme lexical, grammatical,
syntaxique et culturel de l'oeuvre d'Isidoro Ducasse.
Citation littérale de Dante
à l'incipit des Chants (traduction de Jacques-André
Mesnard).
Citation littérale de Milton au
Chant 6, troisième strophe (traduction de
Chateaubriand).
El Matadero
d'Esteban Echevarría, source de l'épisode des
bouchers, strophe 6.9.
Une strophe inédite du Chant
premier, réécrite au Chant 2 (la strophe
2.12).
L'état original du
« 2e Chant », soit le fascicule II des
Chants de Maldoror en 1868.
— Et par conséquent
la « recomposition » du Chant 2.
La source de la strophe 3.2 dans
une petite ballade de la Jeunesse.
Réécriture ou
développement d'une strophe du Chant 2 au
cinquième chant : l'ancienne strophe 2.12 devenue la
strophe 5.4.
L'analyse montre que les deux
strophes constituant la préface du dernier chant ont
été rédigées dans l'ordre inverse
qu'elles occupent dans la publication, 6.2, puis 6.1.
Notes éditoriales
Les initiateurs des études de
l'hispanisme dans l'oeuvre d'Isidore Ducasse :
Rodríguez Monegal et Leyla Peronne-Moisés.
Les « faurissonneries » et
Robert Faurisson (1929-2018).
Exposé savant pour les Ducassologues
professionnels
Révélations
fracassantes de la veuve du fils du demi-frère d'Isidore
Ducasse, Alfredo, fils du chancelier François Ducasse et
d'Eudoxie Petit Ducasse, la toute jeune belle-mère de notre
poète.
<
Éditorial >
« L'étude des hispanismes. — Il [Guy
Laflèche] a été
l'un des premiers à en souligner l'importance dans le texte
de Lautréamont. L'accord s'est fait aujourd'hui pour
reconnaître leur présence. Est-elle aussi constante
que le dit M. Laflèche ? Les Chants de Maldoror
sont-ils un « texte entièrement pensé en
espagnol AVANT d'avoir été ensuite
rédigé en français » comme il
l'écrit ? Seul son travail achevé permettra de
répondre à ces questions. Il nous demande d'accepter
l'idée que nous n'avons à peu près rien
compris au texte jusqu'à présent, ce qui
naturellement est difficile à concevoir a priori. L'enjeu
est donc de taille, et radical, puisque c'est plus d'un
siècle de recherche critique qui se verrait anéanti,
si M. Laflèche a raison ! Je ne saisis pas s'il mesure
exactement la violence de sa proposition ».
—— Ducassologue anonyme,
automne 2003.
|
|
Strophe 6.9 — Chapitre VII du roman au
Chant 6
Le dépouillement et l'étude des hispanismes
des Chants de Maldoror
C'était il y a vingt ans. Le 27
février 2001, j'avais fait la liste des dix opérations qui me permettent de
réaliser l'édition critique de chacune des strophes
des Chants. Bien des lecteurs l'auront lue distraitement et l'ont
évidemment oubliée depuis. Il est tout à fait
normal qu'on s'intéresse à une étude sans se
préoccuper des opérations qui permettent de la
réaliser. D'ailleurs, c'est une règle de la
création artistique
ou littéraire : la genèse d'une oeuvre n'en
fait pas partie et ne permet de l'expliquer d'aucune
manière.
En revanche, dans la recherche, pour
l'étude scientifique, pour l'édition critique d'une
oeuvre littéraire, par exemple, les résultats de
l'analyse dépendent de sa production. Comme j'en suis
à la toute fin de l'édition des Chants, à son
avant-dernière strophe, je voudrais revenir sur le point
précis de l'analyse des hispanismes dans l'oeuvre d'Isidore
Ducasse. Non pas pour rappeler ces
opérations que n'importe qui peut réaliser, à
la condition de savoir comment procéder, en plus
évidemment d'avoir une bonne maîtrise de la langue et
de la grammaire françaises et de connaître le
castillan (qui ne doit pas être sa langue maternelle, je l'ai
souvent dit, car dans ce cas on ne verra jamais les hispanismes
dans un texte français). Je veux plutôt tenter
d'expliquer cet extraordinaire plaisir qui s'est
répété cinquante-neuf fois tout au long des
Chants, avant d'éditer la dernière strophe.
Au tout début, c'était la
découverte et l'étude des sources qui étaient
pour moi le plus passionnant, surtout pour le premier et une partie
du deuxième Chant, car si je connaissais très bien
l'oeuvre de Dante, que je lisais dans son vieil italien, je ne
connaissais rien d'autre que la réputation des deux
génies anglais, Milton et Byron. Cela m'a conduit à
une nouvelle synthèse sur les sources
d'inspiration des Chants de Maldoror, qui restera
certainement une étape importante dans l'étude de
l'oeuvre, je peux le dire modestement, car depuis sa
rédaction en 2003, la suite de l'édition ne
m'a rien permis d'ajouter sur ce point. La cause en est,
qu'Isidore Ducasse a lancé ses Chants en s'inspirant de
trois grandes oeuvres, trois formidables épopées, et
toute l'oeuvre s'est ensuite développée à
partir de ces sources intériorisées : ce
n'était plus « inspiré » de
Dante, Milton et Byron — c'était du Isidore Ducasse.
Dès lors, en tout cas avec le second ou le troisième
chant, l'intérêt de la recherche se concentrait sur
l'hispanisme.
Souvent, on le sait, j'ai dû
délaisser « mes » Chants de
Maldoror, pris par des travaux spécialisés,
surtout sur des oeuvres de la Nouvelle-France. Chaque fois, je
regrettais de me remettre à des travaux pour des conclusions
importantes, certes, et généralement des
découvertes que j'avais déjà faites et qu'il
s'agissait d'exposer. Rien à voir avec le plaisir des
découvertes quotidiennement renouvelées des
hispanismes dans les Chants.
La première opération consiste
en l'étude grammaticale du texte de la strophe pour y
localiser les vocables, les formulations ou les tournures
syntaxiques qui ne concordent pas avec la langue française.
C'est simple. Dès qu'il s'en trouve une, le plaisir
commence, car il y a toujours deux explications extrêmes (et
des dizaines qui sont intermédiaires) : ou bien il
s'agit d'une simple incorrection, ou bien c'est un hispanisme. Et
ce sont d'abord les traducteurs qui en décident pour moi,
c'est-à-dire les traductions en castillan, mais aussi en
catalan, en italien ou en anglais. Lire, sur un point
donné, les sept traductions en castillan de la strophe 6.9
par exemple (Gabriel Saad n'a pas traduit celle-là, sinon
ce serait huit traductions d'un vocable ou d'une phrase),
voilà un extraordinaire suspense pour moi. S'il
s'avère que sur ce point il s'agit d'une incorrection, alors
ce sont les grammaires et les dictionnaires du français qui
entrent en jeu pour l'étudier; dans le cas d'un hispanisme
qui ne fait aucun doute (généralement, toutes les
traductions en castillan concordent littéralement) ou plus
ou moins probable, alors ce sont les grammaires et les
dictionnaires de l'espagnol qui en permettent l'analyse, parfois en
remontant jusqu'à mes dictionnaires latins, à partir
du dictionnaire étymologique du français ou de
l'espagnol, pour évaluer le développement historique
du mot dans les deux langues. Cette série
d'opérations toutes simples, qui se répètent
très souvent dans chaque strophe, est évidemment
passionnante pour un grammairien et un linguiste du
français, comme elle le serait aussi pour n'importe quel
francophone qui voudrait s'en donner le plaisir. Or, ce plaisir se
développe sur un chef-d'oeuvre de la littérature
française !
Une fois cette première étape
réalisée, une seconde se présente, encore tout
autant passionnante. À ce moment, j'ai relu si souvent la
strophe à l'étude que je la connais par coeur. Je
choisis donc une traduction en castillan, à tour de
rôle dans l'ordre de leur réalisation, de Julio
Gómez de la Serna (1920) jusqu'à Ana Alonso (1997),
et c'est cette traduction qui sera maintenant confrontée,
mot à mot, à la strophe française. Je
précise que je ne choisis jamais les traduction d'Aldo
Pellegrini (avec son vocabulaire trop poétique), ni non plus
celle Carlos Méndez (car elle reformule souvent le texte
français, ce qui est parfois essentiel, toutefois, pour
évaluer les expressions et tournures difficiles à
interpréter). Cette lecture confrontant le texte
français de la strophe avec son expression dans... la langue
maternelle d'Isidore Ducasse est toujours une expérience
extraordinaire. Comme je lis la traduction choisie à haute
voix, j'ai l'impression, avec le texte français sous les
yeux, d'être branché directement sur la conscience
d'Isidore Ducasse. Il me dit ce qu'il pense ! lorsqu'il
rédige... en français. Et bien entendu, cela ne rate
jamais, ici et là, il faut relancer la première
étape sur quelques points précis du texte. Et c'est
la cascade des traducteurs qui s'expriment à tour de
rôle, puis des dictionnaires qui n'en finissent pas de
jacasser dans les deux langues.
Comme on le voit, c'est beaucoup de plaisirs.
Pourtant, je n'ai pas encore évoqué le plus grand.
C'est l'étude des hispanismes découverts, dans
tous les contextes des Chants où on trouve le vocable,
l'expression (le syntagme) ou la tournure syntaxique. Car ces
divers contextes ne sont pas toujours et partout les mêmes
— même s'il se trouve que c'est parfois le cas. Le
plus souvent l'analyse de toutes les occurrences du vocable ou de
la tournure dans les Chants permet d'évaluer le
« degré » de l'hispanisme ainsi
trouvé (selon le nombre d'occurrences du vocable dans
l'oeuvre et leur plus ou moins grande conformité aux sens
proprement hispaniques). Et cette notion de
« degré » est très importante
dans la réalisation de cette analyse. Sur ce point, il se
trouve deux situations. La première est évidente.
Soit, pour un vocable donné, tous ses emplois ne seront pas
forcement hispaniques. Mais la question se règle
d'elle-même
par la confrontation de ses occurrences. Or, c'est la
seconde situation qui est la plus difficile à gérer.
Il se trouve que, pour un vocable, dans un contexte donné,
son emploi « hispanique » est tellement proche
de certains emplois en français que rien ne laisse
soupçonner l'hispanisme. Il suit que beaucoup d'hispanismes
doivent donc échapper à mon
dépouillement ? Bien entendu, cela ne fait aucun
doute.
Mais c'est exactement le contraire que je veux
expliquer maintenant. Depuis le tout début de mon analyse,
strophe après strophe, j'ai identifié de nouveaux
hispanismes que je n'avais pas encore vus... et qui se trouvaient
dans une, deux... de très nombreuses strophes
déjà éditées. Dans la plupart des cas,
on s'en doute, c'est que l'hispanisme était très
proche des utilisations du vocable en français ou encore
à cause de la « symphonie » de ces
emplois. Dans tel contexte, l'hispanisme apparaît avec une
parfaite évidence, ce qui n'était pas le cas dans les
strophes antérieures où la nuance hispanique
était trop fine pour être perceptible.
On déduit de cet exposé que non
seulement le nombre des emplois hispaniques mis à jour
actuellement n'est pas et ne peut pas être
surévalué, tandis qu'il est au contraire bien en
deçà de la réalité. Bien sûr, la
recherche et l'analyse pourront être
développées par d'autres chercheurs, mais il devrait
être possible de mettre en place une procédure
mécanique pour développer ces opérations
d'analyse, peut-être en les dissociant : des lecteurs
francophones pourraient relire la présente édition,
tandis que des francophones hispanophiles étudieraient les
vocables et tournures signalés. Il s'agirait, en fait,
d'une réalisation plus systématique du travail
d'édition « interactif » que j'ai
tenté de mettre en place.
__gl>- 5 février 2022
|