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bibliographie littéraire de la Nouvelle-France
TdM Présentation Errata/addenda Complementum : vol. I, vol. II Index TGdM
 
  Histoire littéraire de la Nouvelle-France  
 
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Bibliographie littéraire de la Nouvelle-France

Guy Laflèche

Bibliographie littéraire de la Nouvelle-France,
Laval, Singulier (coll. « Les cahiers universitaires du Singulier », no 2), 2000.

Complementum II

Table
Index

P r é s e n t a t i o n

      Voici le troisième volume de la Bibliographie littéraire de la Nouvelle-France. On sait qu'il ne s'agit pas d'un « Vient de paraître », dont chaque nouvelle parution annule la précédente. C'est au contraire un instrument de recherche essentiel aux études littéraires sur la Nouvelle-France. Il fait depuis longtemps autorité, s'agissant d'une bibliographie descriptive, rétrospective, analytique et critique.

      Mais les trois volumes de l'ouvrage sont très différents. Bien entendu, seul le premier volume est essentiel. Il a paru aux Éditions du Singulier en 2000. Il avait déjà alors une longue histoire, celle du travail d'un professeur sur l'étude littéraire des écrits de la Nouvelle-France. C'est au tout début de ma carrière, à ma toute première année d'enseignement, en 1973, que j'ai entrepris le travail bibliographique qui consistait à rassembler nos connaissances sur ces écrits narratifs et leurs études dans le cadre d'un cours d'introduction. Mon mentor était Léopold LeBlanc, mon professeur devenu mon collègue, qui avait mis en place la base d'une « histoire littéraire » de la littérature québécoise et, donc, de la Nouvelle-France. Il a suivi mon travail durant quelques années, avant sa retraite. Il m'avait demandé copie des feuillets modestement polycopiés que je préparais pour mes étudiants. Nos échanges chaleureux ont tout de suite porté sur ma critique du premier chapitre de son histoire littéraire que je réorganisais en deux grandes dimensions, la « littérature coloniale de Nouvelle-France » et la « littérature française sur l'Amérique ». Si je pouvais un jour refaire et relancer mon premier volume, j'aimerais l'offrir à sa mémoire, tant son travail et nos échanges m'ont été précieux.

      À partir de 1977, mes feuillets ont été regroupés en un cahier qui devenait le manuel de mes étudiants. Et c'est précisément ce qui caractérise le « premier volume » de l'ouvrage paru en 2000. Il s'agit bien, je l'ai dit, d'une bibliographie descriptive, rétrospective, analytique et critique. C'est le caractère « descriptif » qui prime dans cette bibliographie rétrospective. Il s'agit d'une présentation systématique des oeuvres narratives de la Nouvelle-France et de ses études littéraires, accompagnée d'un répertoire des études essentielles sur la Nouvelle-France. La bibliographie est rétrospective parce qu'on y trouve en 2000, tout ce qui était paru et connu des origines à nos jours. Cela est de l'ordre de la science bibliographique qui, bien entendu, ne s'improvise pas, s'agissant d'un travail préparatoire à toute recherche dans le domaine. Avant la publication de la Bibliographie littéraire chaque chercheur devait faire lui-même ce travail de recherche bibliographique pour mettre au point l'état présent de la recherche sur l'auteur ou l'oeuvre qu'il se proposait d'étudier dans la perspective des études littéraires. — Je ne parle pas, bien entendu, des « critiques littéraires » qui ne font pas de recherche, mais nous proposent des dissertations, comme on en trouve des centaines, toujours sans aucun intérêt, dans notre domaine des « Lettres ». Les oeuvres de la Nouvelle-France n'y échappent pas, évidemment.

      Or, avec l'avènement de l'internet, la bibliographie « rétrospective » s'est doublée d'une bibliographie « courante ». Les spécialistes, les bibliographes, connaissent depuis toujours, évidemment, les deux types de bibliographie. Sauf que la bibliographie courante dont il s'agit ici n'a rien à voir avec les « Suppléments », « Vient de paraître » ou « Livres reçus ». Il s'agit au contraire d'une refonte périodique développant le premier volume, qui reste primordial dans l'enseignement et la recherche, mais qui s'est trouvé périodiquement relancé, réorganisé, voire renouvelé, au fil de la recherche dans le domaine. « Analytique » : au cours des deux décennies qui ont suivi la parution du premier volume, c'est la caractéristique qui s'est imposée. Certes le plan d'ensemble de la bibliographie n'a pas changé (mais rien n'empêchera jamais qu'il ne le soit : c'est l'impératif de la recherche scientifique). En revanche, des sections et des paragraphes ont été réorganisés, développés et d'autres ajoutés. Une année après l'autre, le travail bibliographique a été soumis à la dynamique de la recherche. Ce sont les chercheurs qui menaient l'histoire passionnante du développement des éditions et des études sur la Nouvelle-France. Bien sûr, tous ceux qui ont suivi le développement de ce deuxième volume ont bien vu que la recherche ne « progresse » pas toujours... Heureusement, la régression est moins fréquente que la stagnation, tandis que parfois des publications extraordinaires transforment complètement la compréhension ou simplement la connaissance des oeuvres d'un auteur, sans compter l'apparition d'une étude sur un nouvel auteur.

      Comme on le comprend à la lecture des deux dernières phrases, la dimension « critique » de la bibliographie s'est accentuée tout au long du second volume. La cause en est d'abord que je n'étais plus un jeune professeur préparant un instrument pédagogique pour ses étudiants, mais ensuite parce que l'espace n'est plus compté sur l'internet. Et voilà ce qui caractérisera dorénavant le troisième volume de cette bibliographie, comme on le verra à sa deuxième version qui paraît aujourd'hui. Le travail bibliographique, lorsqu'il n'est pas destiné à une recherche donnée, est l'un des plus pénibles qui soit, alors même qu'il est passionnant. Il faut prendre et perdre beaucoup de temps à chercher, localiser et trouver les livres, les recueils et les articles; il faut évidemment les lire (j'y reviens tout de suite) et dépouiller leurs données bibliographiques (ce qui est essentiel pour le bibliographe); il faut les évaluer et les caractériser, puis les classer. Évidemment, on sait que le résultat sera nécessairement utile aux chercheurs, sans présumer de l'utilisation qu'ils en feront. Mais passer autant de temps à lire tant de textes, alors que l'objectif n'est plus d'ordre pédagogique, ni non plus destiné à une recherche personnelle, il est donc naturel que la part critique prenne la première place.

      Je ne peux pas, évidemment, évaluer toutes les études littéraires sur la Nouvelle-France, mais je peux le faire de manière pertinente pour de très nombreuses publications. On sait que l'auteur d'un essai et a fortiori d'un article dans ce domaine n'aura pas de réactions critiques avant longtemps et qu'elles seront peu nombreuses. Alors, voici l'occasion de vivifier la recherche, puisque tous les ans les auteurs « risquent », c'est la fonction critique, de voir leur travail évalué ici. À eux de réagir s'ils le désirent, car je tiens toujours le plus grand compte de la critique et des réactions qui me sont adressées. Bien entendu, dans ce troisième volume, la bibliographie sera toujours descriptive, rétrospective et analytique, mais elle sera maintenant radicalement critique.

Guy Laflèche
18 juillet 2018.

1.0 Première édition du Supplément II, 18 juillet 2018;
2.0 — 10 mai 2020;
2.1 — correction du fichier, sans addition, 17 septembre 2020.

Abréviations

JR  — R. G. Thwaites, Jesuit Relations, bg. 184.
MNF  — Lucien Campeau, Monumenta Novae Franciae, bg. 187.
RJNF  — Relations des jésuites de la Nouvelle-France.
SMC  — Guy Laflèche, les Saints Martyrs canadiens, bg. 202-205.

Table générale

I   LES TEXTES À L'ÉTUDE

1.  La littérature coloniale de la Nouvelle-France
2.  Écrits de/sur la Nouvelle-France
3.  Écrits des jésuites de/sur la Nouvelle-France

II   LES ÉTUDES DE TEXTE

4.  Études sur la Nouvelle-France
5.  Études littéraires des écrits de la Nouvelle-France

Index

Table

LES TEXTES À L'ÉTUDE

Chapitre 1  La littérature coloniale de la Nouvelle-France

I.  Études et anthologies

1.  Études

  — L'« affaire Tartuffe »

2.  Anthologies de la littérature coloniale

  — Thomas Thiboult (1681-1725) — 1711
  — Louis de Villette (16??-17??) — 1711
  — Denys Baron (1711-1758) — 1755

II. Les auteurs et leurs oeuvres

      À noter que la numérotation a été refaite au volume précédent, Complementum I.

Marc Lescarbot, 1606 (1)
Olivier Goyer, 1698 (9 bis)
Anonyme (homme de métier, chirurgien-barbier ?), 1700-1725 (9 tertio)
Marie-Andrée Regnard Duplessis de Sainte-Hélène, 1711 (13)

Chapitre 2  Écrits de/sur la Nouvelle-France

Jean Poullet, voyages de Jacques Cartier (3)
Marc Lescarbot (7)
Samuel de Champlain (8)
Marie Guyart-Martin de l'Incarnation (10)
Pierre Boucher, sieur de Grosbois (13)
Louis Nicolas (17)
Louis Hennepin (20)
Pierre-Esprit Radisson (21)
Gédéon Nicolas de Voutron (30 bis)
Antoine-Denis Raudot (34)

La Louisiane et le Mississippi au XVIIIe siècle

 7 bis  Marc-Antoine Caillot  (1707-1758) — 1730

Chapitre 3  Écrits des jésuites de/sur la Nouvelle-France

1.3 Collections des RJNF
1.8 Grammaires et dictionnaires des langues amérindiennes
  — Le montagnais ou l'innu
  — Le huron ou le wendat
1.9 Ouvrages de dévotion et apparentés

II   LES ÉTUDES DE TEXTE

Chapitre 4  Études sur la Nouvelle-France

1  Bibliographie
1.8  Fonds d'archives
1.9  Les livres dans/sur la colonie

2  Histoire
2.1 Atlas historiques
— La cartographie de la Nouvelle-France

3  Histoire des idées
4  Histoire littéraire
5  Histoire religieuse
  — 5.1 Histoire [...] des missions de la Compagnie de Jésus
  — 5.2 Histoire de l'Église et de la mission de la Nouvelle-France
  — 5.3 Histoire et biographie « religieuses » de la Nouvelle-France
  — 5.3 bis Le supplice archaïque iroquoien tel que décrit par les jésuites

6  Ethnologie, anthropologie et acculturation
  — 6.2 Langues amérindiennes
  —— 6.2.2 Linguistique des missionnaires de Nouvelle-France
  — 6.4 Histoire des Amérindiens de la Nouvelle-France
  — 6.5 Anthropologie ou ethnologie historique — monographies
  — 6.5 tertio Archéologie
  — 6.7 Acculturation
  — 6.8 Conversion

Chapitre 5   Études littéraires des écrits de la Nouvelle-France

3  L'édition critique des écrits de la Nouvelle-France
4  Numéros de revue et recueils — 2008 et suiv.

5  Ouvrages et articles

5.1 Thèmes généraux

5.1.1 Panoramas, exposés bibliographiques, questions d'histoire littéraire
5.1.3 bis Comparaison
5.1.7 Indiens, Amérindiens
5.1.7 bis Latin, les écrits latins des jésuites de/sur la Nouvelle-France
5.1.8 Parole amérindienne
5.1.9 Récit de voyage en Nouvelle-France
5.1.10 Récit de voyage, étude du genre
5.1.11 Sources : l'« affaire Dollard »

5.2 Auteurs

Augustines de Québec (5.2.0 bis)
Bacqueville de la Potherie, Cl. Ch. Le Roy, sieur de (5.2.2)
Baron, Denys (5.2.2 bis)
Bégon, Élisabeth (5.2.3)
Biard, Pierre (5.2.4)
Boucher, Pierre (5.2.6)
Brébeuf, Jean de (5.2.9)
Caillot, Marc-Antoine (5.2.10 bis)
Cartier, Jacques, voyages de, par Jehan Poullet (5.2.11)
Cavelier de La Salle, Robert (5.2.12)
Champlain, Samuel de (5.2.13)
Charlevoix, Pierre-François-Xavier de (5.2.14)
Chauchetière, Claude (5.2.14 bis)
Chaumonot, Joseph-Marie (5.2.14 tertio)
De Pauw, Cornelius (5.2.16)
Dollier de Casson, François (5.2.18)
Goyer, Olivier (5.2.19 tertio)
Guyart Marie Martin de l'Incarnation (5.2.20)
Hennepin, Louis (5.2.21)
Hospitalières de Québec (5.2.22bis)
Jésuites, RJNF (5.2.24)
Jésuites, Lettres édifiantes et curieuses (5.2.24 bis)
Jogues, Isaac (5.2.24 tertio)
La Brosse, Jean-Baptiste de (5.2.25 tertio)
Lafitau, Joseph-François (5.2.27)
Lahontan, Louis Armand de Lom d'Arce, baron de (5.2.28)
Lebeau, Claude (5.2.30)
Leclerc, Chrestien (5.2.31)
Lejeune, Paul (5.2.32)
Leroux, Valentin (5.2.33)
Léry, Jean de (5.2.34)
Lescarbot, Marc (5.2.36)
Longpré, Marie-Christine de Saint-Augustin (anc. 5.2.37) - voir Simon de Longpré
Millet, Pierre (5.2.38 tertio)
Marquette, Jacques (5.2.38>
Morin, Marie (5.2.39)
Pierron, Jean (5.2.40 tertio)
Radisson, Pierre-Esprit (5.2.43)
Ragueneau, Paul (5.2.44)
Récollets (5.2.44 tertio)
Ribault, Jean (5.2.45 bis)
Sagard, Gabriel Théodat (5.2.47)
Simon de Longpré, Marie-Catherine de, soeur de Saint-Augustin (5.2.47 bis)
Staden, Hans (5.2.48 tertio
Thevet, André (5.2.50)
Thiboult, Thomas (5.2.50 bis
Tonti, Henri de (5.2.51)
Verrazzano, Giovanni da (5.2.52 bis)
Villette, Louis de (5.2.53)


 

I  Les textes à l'étude

Chapitre 1
La littérature coloniale de la Nouvelle-France

I. Études et anthologies

1. Études

L'« affaire Tartuffe »

2012, GRÉGOIRE, Vincent, « la Représentation de Tartuffe n'aura pas lieu, ou Pour une nouvelle "affaire Tartuffe" à Québec en 1694 », Lieux de culture dans la France du XVIIe siècle (coll. « Medieval and early modern french studies », no 11), éd. de William Brooks, de Christine McCall Probes et de Rainer Zaisers, Bern, Lang, xii-303 p., p. 247-274. [2401

2015, TRUE, Micah, « Beyong the "Affaire Tartuffe" : seventeenth-century french theatre in colonial Québec », Romance Notes (Chapel Hill, NC), vol. 55, no 3, p. 451-461. [2402

      Ce n'est pas parce que nous avons peu de traces de performances théâtrales qu'elles étaient exceptionnelles dans la colonie française (« And yet [en dépit du peu de traces monté en épingle], there are reasons to think that theatrical performances may have been more common than often is suggested », p. 454). Désolé, mais tel est bien le cas : les quelques représentations consignées au Journal des jésuites, par exemple, prouvent que les représentions théâtrales ont toujours été des « événements » dans la colonie, de même que les bals de Frontenac dont s'est amusée Élisabeth Bégon. — Je signale qu'en me prêtant une citation que je n'ai jamais faite (p. 457), Micah True confond la représentation du Cid et celle du Tartuffe.

2. Anthologies de la littérature coloniale

Jeanne d'Arc Lortie, les Textes poétiques du Canada français, édition intégrale annotée, 12 vol., vol. 1, 1606-1806, Montréal, Fides, 1987, lxviii-613 p. [bg. 3 :: [2403

—— Thomas Thiboult (1681-1725), « "l'Anglois en fureur" : cantique composé sur l'air d'"Aimable Vainqueur" » (1711), p. 91-92. [2404
—— Louis de Villette (16??-17??), « "Objet de nos coeurs" : cantique composé sur l'air d'"Aimable Vainqueur" » (1711), p. 93. [2405

     Deux pièces célébrant le naufrage de la flotte de Walker à l'Île-aux-OEufs le 3 septembre 1711. Étude et édition de Charles Doutrelepont, no 2470 [2].

—— Denys Baron (1711-1758), « "D'une nouvelle terre" : cantique de guerre à la Vierge, sur l'air d'"Or, nous dites Marie" » (1755), p. 152-153; attribution de Stanislas Lemay Hugolin, la Nouvelle-France (février 1913, p. 74-76), rééd., Vieux Papiers, vieilles chansons, 1936, p. 109-111. [2406

      La pièce célèbre la défaite des troupes de Braddock par celles de Beaujeu sur la Monongahéla, non loin du fort Duquesne que les Anglais venaient attaquer, le 9 juillet 1755. Voir l'étude de Charles Doutrelepont, no 2466 [4].

—— Ces trois pièces sont chantées par Louise Courville, accompagnée par l'Ensemble Nouvelle-France (ENF) sous sa direction, arrangements de Pierre Bouchard (coll. « Musiques historiques du Québec »), Québec, ENF et Musée de l'Amérique française, 3 CD, 1997. [2407

II. Les auteurs et leurs oeuvres

Marc Lescarbot (1)

Poésies et opuscules sur la Nouvelle-France, éd. de Marie-Christine Pioffet et d'Isabelle Lachance, Montréal, Nota Bene, 2014, 396 p. [2408

      Édition des Muses de la Nouvelle-France (mais sans le « Théâtre de Neptune », qui en est pourtant une pièce maîtresse), avec « la Conversion des sauvages qui ont été baptisés en la Nouvelle-France cette année 1610 » et la « Relation dernière de ce qui s'est passé au voyage du sieur de Poutrincourt en la Nouvelle-France, par Marc Lescarbot », 1612 (éditions critiques de Lucien Campeau, MHNF, 1 (1967): 60-93 et 168-202). Il n'y a aucune raison de joindre aux oeuvres poétiques de Lescarbot ces deux « opuscules », deux documents qui n'avaient besoin d'aucune réédition.

Note critique

      Le titre de l'ouvrage porte « édition critique ». Non. Il s'agit d'une édition encyclopédique comme les produit l'École de Québec depuis de nombreuses décennies. Ce seraient des parodies de l'édition critique si leurs auteurs en étaient conscients. Aucune des sciences nécessaires aux travaux scientifiques de l'édition critique ne sont ici mises en oeuvre (étude de genèse et de sources, étude de bibliographie matérielle et analyse philologique, par exemple). Le résultat est franchement déplorable, s'agissant de la transcription systématique de « fiches » d'assistants de recherche au fil du texte. C'est la méthode de l'édition critique prétendue, accaparant les subventions ainsi détournées de la recherche par des fonctionnaires gérant de supposés « chercheurs » (et je sais de quoi je parle, puisque le CRSH a refusé de subventionner la suite de mes recherches sur les récollets parce que je me refusais de réaliser de telles publications ! — et je peux produire les évaluations et jugements critiques du CRSH qui vont en ce sens sur trois ans, 1998, 1999 et 2000).

      On peut illustrer d'un trait la totale impertinence enregistrée par cette édition encyclopédique du simple point de vue de l'analyse philologique. Marie-Christine Pioffet et Isabelle Lachance n'ont pas encore compris qu'une « variante » n'a absolument aucun rapport avec les variations typographiques insignifiantes. C'était le cas de l'historien Lucien Campeau dans sa toute première édition des MHNF (1966) où les quelques vingt variantes significatives de la Relation de 1634, par exemple, étaient noyées dans quelques milliers de variations typographiques insignifiantes (amy/ami, aussi/aussy et cecy/ceci !). Mais dès le troisième volume des MHNF (1989), L. Campeau avait réajusté son relevé des variantes. Cinquante ans plus tard, les Poésies et opuscules de Marc Lescarbot nous offrent un petit retour à 1966 !

      Et ce n'est pas tout. Le fait de ne pas savoir distinguer une variante d'une variation, ce n'est encore rien, question de rigolade. Je me contenterai de deux exemples illustrant autant de catégories de crétinepsies. À l'ouverture des Muses, on a la surprise de voir frappé le tout simple mot « ore », qu'on trouve pourtant au Petit Robert (art. « or, ore, ores »), de l'astérisque renvoyant au glossaire, avec l'appel de note 17, citant très sérieusement le lexique de Godefroy. Alors ? Page suivante, on lit encore l'adverbe qu'on trouve traduit encore note 24 d'un « c'est-à-dire "maintenant" » ! Non, je ne cherche pas de poux : page après page vous allez trouver de telles insipides enfantillages qu'on ne saurait lire ailleurs que dans les « classique Hachette » ou les « Classiques Larousse » destinés à des collégiens, non, à des écoliers de 10 ou 12 ans. Le summum, deuxième exemple à mourir de rire, n'est même pas d'ordre lexical, mais d'un tout simple archaïsme orthographique. On lit dans le texte « cetui-ci » (p. 81), et en note 4 : « c'est-à-dire "celui-ci" » !

      Il n'est donc pas surprenant que l'ouvrage ne respecte pas les règles élémentaires de l'édition scientifique, publiant sans raison aucune l'édition princeps des Muses de la Nouvelle-France (1609) en lieu et place de la dernière édition revue par l'auteur (1618).

      Bref, voici une édition sans aucune valeur scientifique, mais néanmoins fort amusante.

Olivier Goyer, 1698 (9 bis)

Oraison funèbre du très haut et très puissant seigneur Louis de Buade, comte de Frontenac..., prononcée par le supérieur des récollets le 19 décembre 1698, édition de Pierre-Georges Roy, Bulletin des recherches historiques, vol. 1, 1895, p. 66-76 et 82-89, suivi de remarques critiques, p. 95-108 (de l'abbé de Glandelet [?] selon Gabriel-M.-Réal Dumas, DBC, 2: 268). [2409

— Édition critique d'Éric Van der Schueren, les Récollets en Nouvelle-France : traces et mémoire, éd. de Paul-André Dubois, Québec, Presses de l'Université Laval, 2018, x-560 p., 343-362. [2410

Anonyme (homme de métier, chirurgien-barbier ?) (9 tertio)

Les Lettres canadiennes ou Lettres et mémoires de ce qui s'est passé de plus remarquable dans les cours de l'Europe et ailleurs depuis l'an 1700 jusques et compris l'an 1725..., édition manuscrite de Paris, 2 vol. in-folio (32 cm), 1586 pages ou folios, Toronto Public Librairies. [2411

      Le manuscrit édite 259 lettres adressées par l'auteur anonyme de 1700 à 1725, à de très nombreux correspondants à travers le monde, dont 43 au notaire Henry Hiché, à Québec. Plusieurs lettres du recueil concernent la Nouvelle-France et le séjour de l'auteur dans la colonie en 1692-1699.

« Lettre 11 (1701) : Au mesme [son frère] : il lui conseille de voyager, luy fait une description de la ville de Quebec et luy reproche qu'il ne luy escrit pas », édition de Sébastien Côté, « Éditer les Lettres canadiene (sic), manuscrit anonyme (1700-1725) », Relire le patrimoine lettré de l'Amérique française, édition de S. Côté et de Charles Doutrelepont, Québec, Presses de l'Université Laval, xii-262 p., p. 33-54, p. 49-54. [2412

      Analyse et description du manuscrit, suivies d'une édition diplomatique de la lettre 11.

Marie-Andrée Regnard Duplessis de Sainte-Hélène (13)

Marie-Andrée Duplessis et Marie-Élisabeth Le Moyne de Longueuil, « Histoire de Ruma, par les meres Marie Elisabeth de Longueüil, dite de l'Enfant Jesus, et Marie André Duplessis, dite de Ste Helene, Religieuses hospitalieres de l'hotel Dieu de Quebec — À mademoiselle Genevieve Du plessis, en 1711 », manuscrit R.F. 358, pièce no 8, de la Bibliothèque municipale de Montauban, 15 p. [2413

—— Étude et édition de Thomas M. Carr, Jr., « Une "histoire véritable" littéraire à l'Hôtel-Dieu de Québec : l'"Histoire de Ruma" (1711) de M.-A. Duplessis et de M.-É. Le Moyne de Longueuil », Québec Studies, no 59, 2015, p. 171-190, texte édité p. 181-185 et annoté aux pages suivantes. [2414

      Il ne fait pas de doute que M.-A. Duplessis aura été, tout comme sa complice et co-auteure, une « femme du monde », et qu'elle l'est restée dans le cloître de l'Hôtel-Dieu ! L'analyse de Thomas M. Carr situe donc très justement le morceau de bravoure en regard de la littérature des salons de Paris et de Québec. Le prétexte « dévot » (appeler la jeune Geneviève Duplessis à venir les rejoindre au couvent) n'en est que plus amusant, s'agissant d'un début de « roman à clefs ».

Chapitre 2
Écrits de/sur la Nouvelle-France

Jean Poullet, voyages de Jacques Cartier (3)

Brief Recit de 1645 (bg. 36), reproduction en fac-similé dans le Français au temps de Jacques Cartier, de Mireille Huchon, dans sa nouvelle édition de 2009. Voir le no 2543. [2415

Marc Lescarbot (7)

La Conversion des sauvages qui ont été baptisés en la Nouvelle-France cette année 1610 (Paris, Jean Milot, 1610, 48 p.) et Relation dernière de ce qui s'est passé au voyage du sieur de Poutrincourt en la Nouvelle-France (Paris, Jean Milot, 1612). — Éditions critiques de Lucien Campeau, MHNF, 1 (1967): 60-93 et 168-202). [bg. 187 :: [2416

      Il s'agit de rapports personnels (destinés à la cour de France, sous la régence de Marie de Médicis, Campeau, p. 168), de mémoires (historiques) et finalement de pamphlets (de par leur publication).

— Rééd., « Conversion des Sauvages... » (p. 182-239) et « Relation dernière... » (p. 241-313) dans Poésies et opuscules sur la Nouvelle-France, éd. de Marie-Christine Pioffet et d'Isabelle Lachance, Montréal, Nota Bene, 2014, 396 p. Ces deux documents sont sans aucun rapport avec l'oeuvre poétique : voir no 2408. [2417

Histoire de la Nouvelle-France... [bg. 61

*— Rééd., Nicolas Hebbinckuys, « Édition critique des "Pièces liminaires" et du "Premier livre" de l'Histoire de la Nouvelle-France de Marc Lescarbot (1609) », thèse de doctorat, Université de Moncton, 2016. [2418

Samuel de Champlain (8)

[Les OEuvres de Champlain], textes en français moderne établis, annotés et présentés par Éric Thierry, Québec, Septentrion (coll. « V »), 4 vol. :
  1) Espion en Amérique (1598-1603), 2013, 224 p. [2419
  2) les Fondations de l'Acadie et de Québec (1604-1611), 2008; [no 1316
  3) la Rencontre des Algonquins et des Hurons (1612-1619), 2009; [no 1317
  4) Au secours de l'Amérique française (1632), 2011, 696 p. [2420

Voyages, texte modernisé par Marie-Hélène Sabard, Paris, L'école des lettres (coll. « Classiques abrégés »), 2008. [2421

Des sauvages ou Voyage de Samuel Champlain de Brouage fait en la France Nouvelle l'an mil six cent trois, avant-propos d'Émile Ducharlet, Saint-Ouen-en-Brie, Les amis de la lucarne ovale, 2017, 62 p. [2422

      Le petit ouvrage comprend des notes topographiques.

Marie Guyart-Martin de l'Incarnation (10)

Écrits spirituels et historiques..., éd. de Claude Martin, rééd. par Albert Jamet, 1929-1939, 4 vol. [bg. 76

—— rééd. des vol. 1 et 2, Les ursulines de Québec, 1984 et 1985, 547+412 p. [2423

      Ces livres sont en vente au monastère des ursulines de Québec, mais ne se trouvent pas en bibliothèque.

L'École sainte ou Explication familière des mystères de la foi pour toutes sortes de personnes qui sont obligées d'enseigner la doctrine chrétienne, par la vénérable mère Marie de l'Incarnation, religieuse ursuline, édition (et peut-être rédaction) de Claude Martin, Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1684, 562 p. [2424

—— rééd. : Catéchisme de la vénérable mère Marie de l'Incarnation, fondatrice des ursulines de Québec, ou Explication familière de la doctrine chrétienne, éd. de Pierre-François Richaudeau, Paris, Leipzing et Tournai, Librairie internationale catholique, 1878, xii-359 p. [2425

      S'agit-il d'un écrit de Marie Guyart ou de son fils Claude Martin ? « La réponse est qu'il vient des deux » (Raymond Brodeur, no 2645, p. 260).

Jérôme Lalemant, Constitutions et règlements des premières ursulines de Québec, édition critique de Gabrielle Lapointe, Québec, [Monastère des ursulines, et non PUL], 1974, xxviii-267 p. [bg. 79

—— Les Constitutions (p. 1-95) sont une rédaction de Jérôme Lalemant, entreprise à partir de 1647; la copie du manuscrit est de soeur Cécile Richer de Sainte-Croix, en 1659 ou 1660; et l'approbation (p. 254-256) de l'évêque François de Laval (avec quelques importantes demandes de modifications, notamment l'interdiction du plain-chant) est datée du 21 juillet 1662. Les constitutions ont été adaptées point par point sur l'avis des religieuses et adoptées au vote secret. [2426

—— Les Règlements (p. 96-253) ont été rédigés par Marie Guyart-Martin de l'Incarnation. [2427

Pierre Boucher, sieur de Grosbois (13)

Histoire véritable et naturelle des moeurs et productions du pays de la Nouvelle-France vulgairement dite le Canada (1664), texte établi en français moderne par Pierre Benoit, Québec, Septentrion, 2014, xxxviii-240 p. Préface de Denis Racine de la Commission franco-québécoise sur les lieux de mémoires. [2428

Histoire véritable et naturelle de la Nouvelle-France, texte établi en français moderne par Christophe Horguelin, Montréal, Almanach, 2014, 245 p. Postface de Thomas Wien. [2429

      En réalité, il s'agit d'un diptyque, soit (encore) une nouvelle édition de l'« Histoire naturelle » (ou plutôt « véritable et naturelle) ») de Pierre Boucher, suivie de son étude par Thomas Wien, sous le titre et le prétexte de « Postface » (p. 129-219). Voir no 2533.

Louis Nicolas (17)

Histoire naturelle des Indes occidentales, éd. Daniel Fortin, I, la Botanique, II, les Mammifères, III, les Oiseaux et les poissons Québec, GID, 3 vol, 2014, 2015 et 2017, 464, 416 et 520 p. [2430

      L'auteur a d'abord transcrit littéralement le manuscrit de Louis Nicolas avant d'adopter, à peu de chose près, la transcription en français moderne de Réal Ouellet (no 1328). C'est donc l'occasion de regretter que l'édition magistrale des presses des universités McGill et Queen n'ait pas donné une version diplomatique des manuscrits en 2011, d'autant que l'adaptation de Réal Ouellet était doublée de la traduction anglaise de Nancy Senior.

      Les trois volumes de D. Fortin illustrent point par point les descriptions de Louis Nicolas avec des photographies de l'éditeur, du moins pour les plantes au premier volume, et plusieurs gravures. Au premier volume, toujours, la liste des illustrations tient lieu d'index (p. 10-12). Chaque volume situe précisément les sciences naturelles du savant missionnaire. Enfin, la qualité typographique de l'édition mérite d'être signalée. Dans le cas du premier volume, toujours celui-là, on peut dire que l'amateur aura en main le « Marie-Victorin » historique !

Louis Hennepin (20)

      Finalement, l'édition encyclopédique préparée par Réal Ouellet n'aura pas paru aux Presses de l'Université de Montréal dans la collection « Bibliothèque du nouveau monde ». En revanche, la thèse de Catherine Broué (bg. 122) est publiée :

Louis Hennepin, Par-delà le Mississippi : aventures en Amérique, textes présentés et annotés par Catherine Broué, Toulouse, Anacharsis (coll. « Famagouste »), 2012, 368 p. [2431

      Il faut avoir l'ouvrage en main pour comprendre ce que ne dit pas le titre : voici la Nouvelle Découverte d'un très grand pays situé dans l'Amérique, entre le Nouveau Mexique et la Mer glaciale de L. Hennepin (1697, bg. 118). Il s'agit en effet d'une édition scolaire du premier des deux volumes qui développaient la Description de la Louisiane (1683, bg. 117), soit la Nouvelle Découverte (1697) qui précédait le Nouveau Voyage (1698). Catherine Broué ne sait pas encore que Valentin Leroux est l'auteur du Premier Établissement de la foi (1691), le PEF, qui fait le lien entre les deux publications, respectivement en un et deux volumes, ces deux volumes étant construits à l'aide du PEF de Leroux. Les collégiens auxquels l'ouvrage s'adresse ne comprendront pas facilement l'intérêt de l'affabulation où le « petit moine » (Bernou dixit) se présente comme le découvreur de l'embouchure du Mississippi !

Pierre-Esprit Radisson (21)

Pierre-Esprit Radisson : the collected writings, édition critique de Germaine Warkentin, vol. 1, the Voyages, Toronto, the Champlain Society, Montréal et Kingston, McGill-Queen's University Press, 2012, 357 p. [no 1331.

——, vol. 2, the Port Nelson Relations, miscellaneous writings, and related documents, 2014, 304 p. [2432

Gédéon Nicolas de Voutron (30 bis)

Voyages aux Amériques : campagnes de 1696 aux Antilles et de 1706 à Plaisance et en Acadie, éd. de Frédéric Laux, avec la collaboration de Christian Huetz, Québec, Septentrion (collection « V »), 2010, 288 p. [2433

« Un Français à Port-Royal à l'automne 1706 : le journal de Gédéon Nicolas de Voutron », extraits tirés de la seconde partie de l'ouvrage précédent (avec les notes, et quelques notes complémentaires) par Ronnie-Gilles LeBlanc, les Cahiers (de la Société historique acadienne), vol. 44, no 4 (décembre 2013), p. 93-138. [2434

Antoine-Denis Raudot (34)

Relations par lettres de l'Amérique septentrionale, éd. critique par Pierre Berthiaume, Québec, Presses de l'Université Laval, 2018, xiv-764 p. [2435

      Un modèle d'édition critique innovateur, s'agissant de l'édition scientifique de manuscrits. Les spécialistes ne manqueront pas de tirer profit de la section « Variantes et corrections » (p. 655 et suiv.), avec une méthodologie typographique efficace mise en oeuvre dans le corps de l'édition des textes.

      Après Camille de Rochemonteix, qui avait publié en 1904 la Relation par lettres de 1709-1710 (bg. 165), Pierre Berthiaume édite maintenant toutes les « relations par lettres » d'Antoine-Denis Raudot, soit quatre ouvrages qui s'entrecroisent et se développent, pour constituer un ensemble considérable de « Lettres » qui sont généralement des synthèses de documents très divers, mais dont une grande partie était alors déjà des publications. P. Berthiaume présente l'ensemble de ces sources dans son introduction (c'est la genèse de l'« oeuvre »), tandis qu'il désigne précisément ces sources au fil de l'édition. Et ce n'est pas tout. Si ces Relations ont de nombreuses sources, qui doivent être évaluées pour apprécier ces lettres, ces « mémoires » de Raudot ont été à leur tour largement exploités par Charlevoix dans son Histoire en 1744 (bg. 37). Nous sommes là devant des chaînes de réécritures qui ne manqueront pas de faire les délices des études littéraires. L'important sera de garder à l'esprit que nous ne sommes plus devant des « récits de voyage » (Cartier, Champlain) ou des « relations missionnaires » (les RJNF), ni non plus d'« écrits de voyageurs » (Lahontan, Diéreville, Lebeau), tous d'ordre journalistique (soit diverses formes du reportage), mais bien en présence de mémoires ethnologiques et historiques, à portée « scientifique », s'agissant maintenant de trouver, d'analyser et de synthétiser des sources d'information.

      En appendice, Pierre Berthiaume édite le « Dossier Acoutsina » (p. 590-622). Une fabuleuse enquête sur les affabulations d'une sympathique inuite qui peuplait le Grand Nord de Noirs, de Pygmées, de Géants, etc. Notre savant Raudot n'est pas certain que tout cela soit incroyable.

Chapitre 2 bis
Écrits de/sur la Nouvelle-France — appendice

La Louisiane et le Mississippi au XVIIIe siècle

Marc-Antoine Caillot (7bis) (1707-1758) — 1730

*Relation du voyage de la Louisiane ou Nouvelle-France fait par le Sr Caillot en l'année 1730 / A company man : the remarkable french-atlantic voyage of a clerk for the Company of the Indies (a memoir), éd. et trad. d'Erin M. Greonwald et de Teri F. Chalmers, New Orleans, Historic New Orleans collection, 2013, xliii-182 p. [2436

Chapitre 3
Écrits des jésuites de/sur la Nouvelle-France

1.3 Collections des RJNF

      Recueil systématique d'extraits des RJNF sur quatre thèmes successifs, les langues, les guerres, la spiritualité amérindienne et les femmes :

American Languages in New France, extracts from the « Jesuit Relations », édition de Claudio R. Salvucci, Bristol (PA), Evolution publishing (coll. « Annals of colonial north american series », vol. 1), 2002, 333 p. [2437

—— L'appendice A donne la liste alphabétique des vocables amérindiens des RJNF (p. 291-311).

Iroquois Wars in New France, extracts from the « Jesuit Relations », 2 vol., vol. 1, 1635-1650, vol. 2, 1650-1675, édition de Claudio R. Salvucci et d'Anthony P. Schiavo, Bristol (PA), Evolution publishing (coll. « Annals of colonial north american series », vol. 2 et 3), 2003, 432 et 424 p. [2438

Native American Spirituality : extracts from the « Jesuit Relations », édition de Claudio R. Salvucci, Bristol (PA), Evolution publishing (coll. « Annals of colonial north american series », vol. 4), à paraître, environ 400 p. [2439

      La publication de ce volume est suspendue indéfiniment, comme c'est le cas également de quatre autres volumes prévus.

Women in New France : extracts from the « Jesuit Relations », édition de Katherine E. Lawn et de Claudio R. Salvucci, Bristol (PA), Evolution publishing (coll. « Annals of colonial north american series », vol. 5), 2005, 335 p. [2440

      Tous ces volumes édités par Claudio R. Salvucci sont produits de la même manière et C. R. Salvucci se proposait d'en publier pas moins de neuf ! La publication consiste à découper dans la traduction de R. G. Thwaites tous les fragments de texte relatifs au sujet retenu en suivant rigoureusement la « chronologie » des textes édités par Thwaites. En principe, c'est ce que fait depuis toujours n'importe quel chercheur avant d'entreprendre quelque recherche que ce soit, et quel que soit le domaine de recherche. Alors, voilà donc un effet vraiment bizarre des possibilités du traitement informatique de vaste corpus : produire un matériau pour des études et des recherches à venir... Et ce matériau est l'objet d'une publication (sur papier !) réalisée depuis le support informatique. Le résultat pourra peut-être, sait-on jamais, être utile au chercheur pressé qui se proposerait d'étudier les thèmes en question, mais ce chercheur sera aussi un novice, car il s'agit là d'un renversement de la dynamique de la recherche, puisque le découpage des extraits est réalisé dans une perspective pré-établie et on imagine mal un chercheur travailler à partir d'un découpage, un découpage qui n'est pas le sien propre. On peut dire que Claudio R. Salvucci et ses collaborateurs étaient enfin sur le point d'entreprendre les analyses, mais publient abruptement leurs fiches, tous leurs fichiers, et se contentent de nous proposer une petite introduction et quelques appendices. La recherche, qu'ils pouvaient (peut-être) faire, faites-là !

1.8 Grammaires et dictionnaires des langues amérindiennes

Le montagnais ou l'innu

Paul Lejeune, « De la langue des Sauvages montagnais », chap. 11 de la Relation de 1634, Paris, Cramoisy, 1635, p. 144-184 (JR, 7: 20-31). [no 1384

— Édition critique par Guy Laflèche, Paul Lejeune, missionnaire de Nouvelle-France, le premier linguiste et grammairien de l'innu, chap. 5, « l'Innu », Laval, Singulier, 320 p., p. 137-195. [2441

Guy Laflèche, « Paul Lejeune, "jésuite" : le premier d'une série de savants grammairiens et lexicologues de la Compagnie de Jésus en Nouvelle-France », Paul Lejeune, missionnaire de Nouvelle-France, le premier linguiste et grammairien de l'innu, chap. 6, « le Grammairien », Laval, Singulier, 320 p., p. 197-268. [2442

      Genèse et évaluation des quatre dictionnaires historiques innus des jésuites et présentation de leurs études et éditions. (0) Paul Lejeune (1632-1649, manuscrit perdu, mais repris dans les dictionnaires de Fabvre et de Silvy); (1) Bonaventure Fabvre, no 1387 (1696, reproduction anachronique et anarchique du dictionnaire de Lejeune); (2) Antoine Silvy, no 1386 (systématisation et modernisation du dictionnaire de Lejeune en 1679); (3) Pierre-Michel Laure, no 1388 (1726); et (4) Jean-Baptiste de La Brosse, no 1389 (1766 et 1768).

Louis André, « Remarques », rédigées vers 1672-1674), appendice au Haec montanicae linguae elementa de Jean-Baptiste de La Brosse (cf. no 1389), Jean-François Cottier, « le Latin comme outil de grammatisation des langues "sauvages" en Nouvelle-France : à propos des notes du P. Louis André sur la langue algonquine outaouoise » (introduction, édition et traduction du texte latin), p. 99-122. [2443

Jean-Baptiste de La Brosse, Haec montanicae linguae elementa, 1768. À la recherche d'un signe perdu : Jean-Baptiste de La Brosse, s.j., « Éléments de langue montagnaise (1768) », édition et traduction du texte latin par Jean-François Cottier, commentaire linguistique de Renée Lambert-Bretière, Neuville sur Saone, Chemins de traverse (coll. « Chartae neo-latinae »), 2018, iv-307 p. [2444

      Présenté en édition diplomatique avec sa traduction française en regard, le texte est annoté point par point en regard des grammaires contemporaines de l'innu. On n'avait pas connu un tel travail éditorial depuis la publication du manuscrit de la grammaire algonquine de Louis Nicolas par Diane Daviault en 1994 (cf. no 1385).

Le huron ou le wendat

      Voir les travaux essentiels de John L. Steckley que répertorie la bibliographie de l'ouvrage suivant à son nom : le chercheur a mis en effet quarante ans à produire son tout simple Words of the huron (no 2468), au centre d'une bonne dizaine de publications majeures et une vingtaine d'articles spécialisés sur la langue des Hurons.

2017, DIONNE, Fannie, « Nouveaux mots, nouveaux mondes : l'histoire de la Nouvelle-France à partir des documents de langue autochtone », Études canadiennes / Canadian studies, no 82, p. 67-85. [2445

      Défense et illustration de l'importance des documents linguistiques et lexicologiques des missionnaires de Nouvelle-France pour les études historiques et anthropologiques sur la colonie. F. Dionne présente son doctorat en cours sur les dictionnaires du wendat. C'est un lieu commun de déclarer que ces documents ont beaucoup plus à nous apprendre que... les RJNF. Mettons qu'on aborde moins facilement un dictionnaire du huron qu'une relation de Jean de Brébeuf. Penser révolutionner ainsi la recherche, c'est une autre paire de manches.

1.9 Ouvrages de dévotion et apparentés

Philippe Pierson [?], De religione : Telling the seventeenth-century jesuit story in huron to the Iroquois, éd. et traduction du texte huron par John Steckley, University of Oklahoma press, 2004, x-213 p. [2446

      Découvrir en 2004 un texte huron rédigé par les jésuites du XVIIe siècle est certainement un événement rare. On doit aujourd'hui cette extraordinaire primeur au linguiste de la langue des Wendats, John Steckley. Le manuscrit, recopié par Pierre Potier au milieu du XVIIIe siècle, avait été publié en édition photographique dans le Fifteenth Report of the bureau of archives for the province of Ontario en 1920 (p. 629-682).

Note critique

      John Steckley attribue ce texte au missionnaire Philippe Pierson (1642-1688), d'abord parce qu'on trouve d'autres textes de lui en huron dans la collection de Potier, ensuite en regard des événements historiques évoqués vers la toute fin du texte, les supplices des missionnaires jésuites par les Iroquois, la destruction de la Huronie et des nations circonvoisines et les premières missions jésuites en Iroquoisie, tout cela sur quelques pages qui pourraient fort bien être une addition ultérieure au document original; le manuscrit de Potier a été fait sur une copie de Daniel Richer (1682-1770), missionnaire de Lorette de 1715 à 1760. Je propose l'hypothèse inverse : les toutes premières versions de ce texte pourraient bien être de Jean de Brébeuf et de ses compagnons (d'abord Antoine Daniel et Ambroise Davost), notamment tout au long du développement de Sainte-Marie des Hurons de 1639 à 1649. Cela donne une vingtaine de missionnaires qui recevront et prolongeront l'enseignement linguistique de Jean de Brébeuf. Et il est dès lors fort possible qu'une version ultérieure de ce texte ait été utilisée par les nombreux missionnaires jésuites en Iroquoisie, notamment auprès des captifs hurons, surtout de 1660 à 1670. D'où la datation de J. Steckley, et l'attribution à P. Pierson.

      Mais l'important n'est pas là. Il faut lire le texte pour en croire son contenu. Nous sommes ici en pleine sous-catéchèse cosmologique, exposant la création des esprits, puis de l'univers ou de la terre, avec ses plantes, ses animaux et ses humains, le Ciel et l'Enfer; pour en venir à la fin du monde et à la résurrection des corps (et, n'ayez crainte, Dieu vous remettra tout en place, la tête en haut et les pieds en bas !); la nature, l'effet, la nécessité, l'importance du baptême... des enfants ! (très long passage). Le tout assez mal composé ou rédigé, quoique dans un huron de très haute tenue (d'où l'idée que Brébeuf pourrait en être l'auteur, à partir de 1639, à partir du moment où il maîtrise parfaitement la langue, enseignement qu'il transmettra durant les dix dernières années de sa vie). Mais est-il possible que des jésuites du Grand Siècle aient enseigné une telle cosmologie ? Cet exposé est proprement enfantin et il est légitime, je crois, de se demander comment il a (ou aurait) pu être reçu par les Hurons. C'est pour moi un mystère, d'autant qu'aucune des très nombreuses questions du tout simple Credo ne figure dans cet exposé fabuleusement anachronique...

      Cela dit, du point de vue ethno-anthropologique, le parti pris de John Steckley est vraiment original. Il consiste non pas à traduire le texte huron en français, mais plutôt à reproduire littéralement le « huron ». Dieu se dit donc « la Grande Voix », l'âme, la « médecine », etc. Et son introduction, qui préfigure son magistral Words of the huron (2007, no 2468), explique fort bien que ce « mot à mot » est la condition sine qua non de l'évaluation du transfert des concepts d'une culture à l'autre (les personnes de la Trinité, dont Dieu, puis l'âme et enfin les esprits).

Jérôme Lalemant, Constitutions et règlements des premières ursulines de Québec, édition critique de Gabrielle Lapointe, Québec, [Monastère des ursulines, et non PUL], 1974, xxviii-267 p. — Voir le no 2426. [bg. 79 :: [2447


II   Les études de texte

Chapitre 4
Études sur la Nouvelle-France

1  Bibliographie

1.8  Fonds d'archives

2017, PICHÉ, Genevière, « "Ma très chère mère du Canada" : perceptions et représentations des Augustines de l'Hôtel-Dieu de Québec dans la correspondance des mères de France (XVIIe-XIXe siècles) », Cahier franco-canadien de l'ouest, vol. 29, no 1, p. 11-41. Commentaire de Jean Valenti, Université de Saint-Boniface, p. 33-37; réponse de G. Piché, p. 38-41. [2448

      L'article marque l'ouverture en 2015 du Centre d'archives du Monastère des Augustines. Voir le no 2525.

2018, GENDRON, Céline, le Papier voyageur : provenance, circulation et utilisation en Nouvelle-France au XVIIe siècle, Québec, Presses de l'Université Laval, xiv-372 p. [2449

      Étude de la provenance du papier d'écriture des moulins français, principalement ceux d'Angoumois et d'Auvergne, à partir notamment de leurs filigranes et des marques laissées par leur fabrication. L'ouvrage n'a aucune vocation bibliographique, mais il constitue de fait une vivante visite guidée des fonds d'archives sur la colonie.

1.9  Les livres dans/sur la colonie

Grégoire Holz, « les Récits de voyages du XVIe siècle lus au XVIIIe siècle : vente, collection et recomposition des imprimés géographiques », Revue d'histoire du livre (Genève), no 137, 2016, p. 135-151. [2450

      Si l'article porte principalement sur l'Histoire générale des voyages de Prévost (1746-1749, 15 vol.), il concerne l'ensemble des rééditions des récits de voyage, au XVIIIe siècle, notamment celles de la Nouvelle-France : présentations, extraits ou résumés, voire réécriture.

François Melançon, « le Livre en milieu colonial d'Ancien Régime : l'exemple de la Nouvelle-France », les Mutations du livre et de l'édition dans le monde, du XVIIIe siècle à l'an 2000, éd. de Jacques Michon et de Jean-Yves Mollier, Québec, Presses de l'Université Laval, et Paris, L'Harmattan, 2001, 600 p., p. 208-218. [2451

2  Histoire

2.1 Atlas historiques

— La cartographie de la Nouvelle-France

Jean-François Palomino, « De la difficulté de cartographier l'Amérique : Jean Baptiste Louis Franquelin et son projet sur les limites de la Nouvelle-France (1688) », Penser l'Amérique : de l'observation à l'inscription, éd. de N. Vuillemin et de T. Wien, Oxford University Studies in the Enlightenment, Voltaire Foundation, 2017, xiv-264 p., p. 59-82. [2452

3  Histoire des idées

2012, Sara E. Melzer, Colonizer or colonized : the hidden stories of early modern french culture, University of Pennsylvania Press, viii-320 p. [2453

      Les histoires cachées (pluriel, deux histoires au moins) se cristallisent au XVIIe siècle, dans ce qu'on peut considérer comme le prélude à la querelle littéraire des anciens et des modernes, soit la Défense et illustration de la langue française (1549) de Du Bellay, s'agissant alors de savoir si l'on doit donner la priorité à la langue française et, plus tard (au XVIIe siècle), se détacher des anciens modèles gréco-romains, ou si l'on ne doit pas plutôt se tourner vers une refondation de la culture, de la langue et de la littérature françaises. Les deux histoires qui se dévoilent ainsi correspondent à une double colonisation, d'abord la colonisation gréco-romaine de la France gauloise (la très ancienne France), ensuite, maintenant, la colonisation française de l'Amérique, notamment de la Nouvelle-France. Et ces conflits à la fois coloniaux et culturels se répercutent encore aujourd'hui dans les représentations de la colonisation et de la décolonisation françaises en Afrique.

      Il ne manque qu'un chapitre sur les relations France-Québec !

4  Histoire littéraire

2012, GONZÁLEZ MENÉNDEZ, Lidia, « Escrituras del viaje y literatura quebecquesa : arraigo y desterritorialización », Comunicación y escrituras : en torno a la lingüística y la literatura francesas (= Communication et écritures : autour de la linguistique et de la littérature françaises), éd. de Esperanza Bermejo Larrea, de J. Fidel Corcuera Manso et de Julián Muela Ezquerra, Prensas universidades Zaragoza, 593 p., p. 283-292. [2454

      Présentation classique des écrits français de/sur la Nouvelle-France présupposés aux origines de la « littérature québécoise ». L'originalité de l'analyse, toutefois, consiste à projeter la thématique du voyage sur la territorialité, c'est le thème de la terre, dans la littérature québécoise jusqu'à nos jours.

2014, Monuments intellectuels de la Nouvelle-France et du Québec ancien : aux origines d'une tradition culturelle, éd. de Claude Corbo, Presses de l'Université de Montréal, 2014, 396 p. [2455

      Ce livre fait suite aux Monuments intellectuels québécois du XXe siècle (Québec, Septentrion, 2006) et se présente de la même manière, comme un ouvrage de vulgarisation. La première partie est entièrement conçue à partir des données de l'« histoire littéraire » québécoise, ce qui produit un double anachronisme : rien de québécois ici ni de monumental. Il s'agissait pourtant d'édifier des « monuments » en leur dédiant des panégyriques. L'éditeur ne cache pas qu'il s'agit de faire oeuvre d'apologie nationale et ses collaborateurs livrent presque tous la marchandise patriotique. Sauf dans le cas de Lahontan, le plaisantin qui aura été un important moteur dans la mise en scène de la littérature philosophique (à laquelle il ne participe que très accessoirement), on ne trouvera là rien de monumental et, je dirais, bien au contraire. L'histoire de Lescarbot, « un des monuments littéraires et philosophiques de l'époque moderne » ! (p. 33). « Bien plus que dans les [RJNF], l'on saisit aujourd'hui à la lecture de ces documents que des Amérindiens et Amérindiennes [sic] anonymes sont de véritables coauteurs des monuments intellectuels jésuites » ! (p. 58). Les Moeurs des Sauvages de Lafitau « mériterait de prendre place auprès des quelques chefs-d'oeuvre de la littérature française qui sont aussi de grands livres de savoir comme...», ceux de Montesquieu, de Tocqueville et de Taine ! (p. 116). Le seul article du recueil qui garde le sens des proportions et fait preuve d'esprit critique est le dernier, sur Charlevoix, le seul également qui soit bien informé.

[1] Marie-Christine Pioffet, « Marc Lescarbot, Histoire de la Nouvelle-France (1609) », p. 23-34; [2] Éric Thierry, « Samuel de Champlain, Voyages (1613) », p. 37-47; [3] Catherine Desbarats, « les Jésuites, Relations des jésuites (1616-1673) », p. 51-62; [4] Alain Beaulieu, « Gabriel Sagard, le Grand Voyage du pays des Hurons (1632) », p. 65-74; [5] Dominique Deslandres, « Marie Guyart de l'Incarnation, Relation de 1654 (1654) », p. 77-88; [6] Réal Ouellet, « Louis Armand de Lom d'Arce, baron de Lahontan, Dialogues avec un Sauvage (1703) », p. 93-104; [7] Robert Melançon, « Joseph-François Lafitau, Moeurs des sauvages américains comparées aux moeurs des premiers temps (1724) », p. 107-117; et [8] Pierre Berthiaume, « François-Xavier de Charlevoix, Histoire et description générale de la Nouvelle-France », p. 121-131.

2018, ROUXEL, Pierre, « Entre conquête et reconquête : de l'écriture montagnaise à la littérature innue », Littoral (Sept-Îles), no 13, p. 19-28. [2456

      Pour un chapitre à venir de l'histoire de la littérature québécoise. Anachroniquement, notre histoire littéraire fait du Bref Récit de Jacques Cartier une espèce ce roman « québécois », tandis qu'elle ignore complètement la littérature innue contemporaine. Non, Pierre Rouxel n'est pas polémiste. Il présente les traductions des missionnaires en montagnais, puis la très vivante littérature innue, certainement née avec le pamphlet d'une « maudite Sauvagesse » (Eukuan nin matshimanitu Innu-Iskueu) d'An Antane Kapesh, en 1976. Cf. p. 142-145 du même numéro, l'article de Myriam St-Gelais.

5  Histoire religieuse

5.1 Histoire [...] des missions de la Compagnie de Jésus

Florence Artogilas, les Jésuites au Nouveau Monde : les débuts de l'évangélisation de la Nouvelle-France et de la France équinoxiale (XVIIe-XVIIIe siècle), Matoury, Ibis rouge, 2013, 181 p. [2457

      Un mémoire de maîtrise est, par définition, pour le moins, un « état présent ». Ensuite, un doctorat consistera, par définition aussi, à prolonger l'état présent d'un renouvellement des recherches. F. Artogilas présente ici, avec la publication de son Master (Paris I, 2004), un « état présent » qui est déjà sur la lancée d'un renouvellement de la recherche. Rarement voit-on de présentations systématiques des travaux dans un domaine aussi pertinentes et, je dirais, novatrices. En tout cas, on trouve ici une remarquable introduction aux études (littéraires) sur les jésuites de Nouvelle-France. Et la comparaison avec les jésuites de la « France équinoxiale » (en Guyane), second volet du mémoire, est évidemment éclairante s'agissant de situer l'entreprise jésuite en Amérique.

Jesuit Accounts of the colonial Americas : intercultural transfers, intellectual disputes, and textualities, éd. de Marc-André Bernier, de Clorinda Donato et de Hans-Jürgen Lüsebrink, University of Toronto Press, 2014, ix-464 p. — cf. no 2747. [2458

5.2 Histoire de l'Église et de la mission de la Nouvelle-France

Antonio Dragon, Trente Robes Noires au Saguenay, texte revu et corrigé par Adrien Pouliot, Chicoutimi, Société historique du Saguenay, 1972, 397 p. [2459

      Histoire vivante des missions jésuites du Domaine du Roy, dont le centre était le Saguenay, depuis Tadoussac. Histoire critique faite d'une suite de biographies des trente missionnaires qui se sont succédés dans ces missions de 1641 à 1782, de Paul Lejeune et Jean de Quen jusqu'à Jean-Baptiste de La Brosse.

5.3 Histoire et biographie « religieuses » de la Nouvelle-France

      Cette section regroupait à l'origine les études historiques et biographiques sur les jésuites dont le coeur était représenté par l'épisode des saints Martyrs canadiens. Depuis le premier supplément, cette section a été complétée et pour bien dire renversée par l'étude ethnologique du supplice archaïque chez les Iroquois de la Nouvelle-France et par l'étude anthropologique des moeurs guerrières amérindiennes au nord-est de l'Amérique. La cause en est que ce sont les supplices des missionnaires jésuites et le saccage de la Huronie par les Iroquois (1649-1650) qui présentent les documents les plus anciens, les plus nombreux et les plus précis sur ces phénomènes. D'où la section suivante qui regroupe les analyses ethno-anthropologiques de ces documents.

5.3 bis Le supplice archaïque iroquoien tel que décrit par les jésuites

1940, KNOWLES, Nathaniel, « the Torture of captives by Indians of eastern north America », Proceedings of the American Philosophical Society, vol. 82, no 2, p. 151-225. [2460

      Étude d'ensemble du supplice iroquoien et sa mise en contexte dans les moeurs guerrières. L'auteur étudie de près le chapitre 2 de la Relation huronne de 1637 de François Le Mercier (cité ici sur trois pages, p. 181-185), soit la description minutieuse du supplice d'un prisonnier iroquois que Brébeuf baptisera Joseph. En revanche, les supplices des jésuites aux mains des Iroquois, notamment ceux de Jogues et de Bressany, ne font pas partie de la documentation retenue des RJNF.

1976, JAENEN, Cornelius J., « Barbarism and cruelty », Frend and foe..., p. 120-152 (voir aussi bg. 451-452). [bg. 424 :: [2461

1986, SANDAY, Peggy Reeves, « the Faces of the soul's desires : iroquoian torture and cannibalism in the seventeenth century », Divine hunger : cannibalism as a cultural system, New York, Cambridge University Press, xvi-266 p., p. 125-150. [2462

2012, STUECK, Adam, A place under heaven... [no 1461 :: [2463

6  Ethnologie, anthropologie et acculturation

6.2 Langues amérindiennes

6.2 Linguistique des missionnaires de Nouvelle-France

2009, CAPELLO, Sergio, « la Linguistica dei missionari nella Nouvelle-France », le Culture dei missionari, éd. de Nicola Gasbarro, Rome, Bulzoni, p. 125-152. [2464

6.4 Histoire des Amérindiens de la Nouvelle-France

French and Indians in the heart of North America (1630-1815), éd. de Robert Englebert et de Guillaume Teasdale, East Lansing et Winnipeg, 2013, Michigan State University press et University of Manitoba press, xxiv-219 p., p. 1-20. [2465

Peter Cook, « Onontio gives birth : how the French in Canada became fathers of their indigenous allies (1645-1673) », Canadian Historical Review, vol. 96, no 2 (2015), p. 165-193. [2466

      Aux tout débuts de la colonie, les Français se présentaient comme les frères de leurs alliés amérindiens. Vers 1640, le gouverneur, Onontio, devient leur père.

6.5 Anthropologie ou ethnologie historique — monographies

L'exemple des Wendats (Hurons), puis des Wyandots (bibliographie critique)

      La relance de cette section doit maintenant changer de nom. La cause en est que l'historiographie est passée depuis quelques années à l'étude historique non plus des Wendats de la première période historique, mais à ses avatars après le saccage de la Huronie par les Iroquois en 1649-1650. En effet, les Wendats (Hurons) se sont alliés aux Quieuenontatironon (Pétuns) pour former la nation des Wyandots, qui se sont établis de manière très originale dans de nombreux villages d'Amérique, à Québec, au Michigan, au Kansas et en Oklahoma, pour continuer à se développer jusqu'à nos jours.

      Cela dit, avant de passer à la nouvelle étape, il faut commencer par un recul significatif.

2013, Alain Beaulieu, Stéphanie Béreau et Jean Tanguay, les Wendats du Québec : territoire, économie et identité (1650-1930), Québec, GID, 338 p. [2467

      Voilà un livre fort savant et fort bien illustré, qui ne manquera pas de rejoindre un vaste public. L'information, d'ordre ethnologique, présente très avantageusement les Hurons de Québec, avec un chapitre préliminaire sur la période historique en Huronie (à Midland). Tout y est parfaitement juste, en ce qui concerne l'histoire moderne, si l'on ne tient pas compte des omissions (historiques). Je dirais, méchamment, que voilà un bel ouvrage d'ordre touristique, produit de l'anthropologie moderne.

Note critique

      La thèse aura été, de François Ducreux à Lucien Campeau (1664-1987, bg. 209 et 381), celle qui donnait les supplices des missionnaires jésuites et la dispersion des Hurons comme le coeur de l'« Épopée mystique » de la Nouvelle-France. L'antithèse, qui avait commencée avec Francis Parkman en 1867 (bg. 309), aura été la mise en perspective socio-historique, économique et plus particulièrement ethno-anthropologique des rapports de la Confédération des Hurons avec la colonie française, par l'intermédiaire de ses missionnaires, de A. E. Jones en 1909, puis avec Elisabeth Tooker en 1964, suivis des études classiques de C. Heidenreich, B. G. Trigger et C. J. Jaenen, par exemple. La modeste synthèse aura été ma série des SMC, 1988-1995 (bg. 202-205).

      Or, voici maintenant l'édulcoration. Il s'agit d'une présentation des Wendats du Québec qui réussit à effacer complètement leur origine chrétienne, la dynamique missionnaire qui les a conduits à Québec, voire la source même de l'éclatement de la Huronie, c'est-à-dire la présence française et l'impérative nécessité des convois de traite annuels. Sans compter l'impasse sur le traitement odieux que les Français auront réservé à ces réfugiés. Ils seront sacrifiés aux intérêts militaires, comme ce fut le cas des Hurons de l'île d'Orléans massacrés sous les yeux des Français, puis forcés d'émigrer par vagues successives en Iroquoisie, où des guerriers seront encore sauvagement tués en cours de route. Ils seront sacrifiés aux intérêts économiques de la colonie : c'est l'épisode « Dollard des Ormeaux », où quarante guerriers hurons vont trouver une mort inutile.

      Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la guerre iroquoise qui ravage la Huronie se réduit à une demi-page et un encadré (p. 54-55) et la présence et l'action missionnaire en Huronie à... moins d'une phrase ! (les missionnaires auraient fait « plusieurs adeptes », p. 54). Bref, on assiste ici à la disparition élocutoire de la mission jésuite de Huronie.

2007, John L. Steckley, Words of the huron, Waterloo, Wilfrid Laurier University Press, xviii-259 p. [2468

      Avant d'enregistrer l'ouvrage suivant, pour l'évaluer avec celui-ci, je dois dire qu'il faut se reporter à sa bibliographie (p. 255-256) : on y trouvera la liste des notes de recherche et des articles spécialisés de J. L. Steckley, de 1982 à 1997. Cette énumération illustre le patient travail d'un chercheur modeste et infatigable, digne d'une fourmis, dont le nid apparaît magiquement en 2007.

2014, John L. Steckley, the Eighteenth-century Wyandot, a clan-based study, Wilfrid-Laurier University Press, x-305 p. [2469

      Avoir en main ces deux ouvrages (de 2007 et 2014) après avoir lu jadis les travaux d'Arthur Edward Jones, de Kenneth E. Kidd et de Wilfrid et Elsie Jury, travaux magistralement relancés par Elisabeth Tooker, Conrad Heidenreich et Bruce Graham Trigger, avec les études qu'ils avaient eux-mêmes suscitées, est un plaisir intellectuel peu commun. Révision et relance. La révision consiste, en 2007, à reprendre à neuf, si l'on veut, la description ethnologique des Hurons de la période historique à partir de l'étude linguistique de la réalité. Le renouvellement consiste, lui, littéralement, à donner la parole aux Hurons, à les écouter. La réévaluation consiste donc à revoir « mot à mot », en huron, la description de l'univers huron de la période historique.

      La relance, en 2014, est de deux ordre, chronologique d'abord, puisque J. L. Steckley reprend l'« histoire » des Wendats au point où elle s'était arrêtée en 1650, dans l'historiographie, mais il la développe rétrospectivement (de 1535 à nos jours) à partir de l'étude linguistique (lexiques, dictionnaires et textes documentaires des langues « huronnes ») d'où il tire des informations socio-ethnologiques tout à fait inédites. L'aboutissement du travail se trouve dans le sous-titre de son ouvrage : la distribution des pouvoirs de décisions en fonction des clans de la tribu, aussi bien ceux des hommes que des femmes.

2013, Kathryn Magee Labelle, Dispersed but not destroyed : a history of the seventeenth-century wendat people, Vancouver, University of British Colombia press, 273 p. [2470

—— le Pari de la dispersion : une histoire des Ouendats au dix-septième siècle, trad. de Jude Des Chênes, Québec, Presses de l'Université Laval, 2014, 304 p. [2471

      Menée avec brio dans la perspective des historiens du XXe siècle, l'ouvrage se présente comme une suite de l'histoire des Hurons interrompue abruptement en 1650. Elle préfigure étrangement l'ouvrage de J. L. Steckley qui paraîtra l'année suivante (plus haut, no 2469). Beaucoup moins technique et plus accessible, l'histoire de K. M. Labelle est déjà une révolution historiographique pour l'histoire des Amérindiens de Nouvelle-France. Se perdre pour perdurer : la destinée des Hurons n'aurait-elle pas été une répétition de l'histoire des Iroquoiens du Saint-Laurent ? Disparus après leur rencontre avec Cartier en 1535, J. L. Steckley a retrouvé des éléments de leur vocabulaire... en Huronie vers 1615-1625. Chose certaine, les Hurons se sont certes dispersés en 1650, mais ils ont bel et bien survécus — et l'on peut dire que K. M. Labelle réussit sans peine à les faire revivre, après leur disparition historiographique aux XIXe et XXe siècles.

*2016, From Huronia to Wendake : adversity, migrations, and resilience (1650-1900), éd. de Thomas Peace et de Kathryn Magee Labelle, University of Oklahoma Press (coll. « New Directions in native american studies », vol. 15), xii-242 p. [2472

6.5 tertio Archéologie

Archéotec, Patrimoine archéologique de Nouvelle-France, Québec, Ministère de la culture, des communications et de la condition féminine du Québec, 2010, 161 p. [2473

— < collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2008301 >.

      L'inventaire se développe en cinq domaines : administratif, institutionnel et religieux, militaire, économique et domestique. Chaque dossier archéologique (illustré de photographies) est mis en contexte historique (illustré de cartes et de gravures anciennes). Bizarrement, les fouilles archéologiques et la reconstruction du fort Sainte-Marie des Hurons (Midland), non plus que Sainte-Marie II (Christian Island), ne figurent nulle part dans l'ouvrage.

6.7 Acculturation

Decentring the Renaissance : Canada and Europe in multidisciplinary perspective (1500-1700), éd. Germaine Warkentin et de Carolyn Podruchny, University of Toronto Press, 2001, 387 p. [2474

      Le recueil présente, sous de très nombreux points de vue, des articles qui proposent en effet de transporter la Renaissance en Amérique, mais également de ramener l'Amérique, et notamment la Nouvelle-France, au coeur de la Renaissance européenne. L'une des originalités du recueil, en regard des études littéraires des écrits de la Nouvelle-France, est de ne pas présenter des études sur des auteurs et des oeuvres particulières (sauf dans le cas de Chaumonot, 2572), comme on s'y limite habituellement, mais d'aborder des questions précises sur des ensembles de textes très variés et des corpus généraux. L'étude des rapports (conflictuels) des cultures européennes et amérindiennes est privilégiée, ce qu'on désigne ici sous le nom d'acculturation pris au sens large. Les essais suivants intéressent plus particulièrement la Nouvelle-France.

      [1] Germaine Warkentin et Carolyn Podruchny, « Introduction : "Other Land existing" », p. 3-16; [2] Natalie Zemon Davis, « Polarities, hybridities : what strategies for decentring ? » (cite en particulier Léry, Cartier, Marie Guyart et Lejeune), p. 20-32; [3] Gilles Thérien, « Memoria as the place of fabrication of the New World » (la figure de la memoria dans la rhétorique jésuite; la seconde partie de l'essai prend ses exemples chez Cartier, Champlain et les RJNF), p. 68-84; [4] Réal Ouellet, avec la collaboration de Mylène Tremblay, « From the good Savage to the degenerate Indian : the Amerindian in the accounts of travel to America », dans les oeuvres de Colomb, Thevet, Léry, Champlain, les RJNF, Leclercq, Lahontan et Denys, p. 159-170; [5] Wallace Chafe, « the Earliest European Encounters with iroquoian languages » (dans les oeuvres de Cartier, Sagard, Brébeuf et la tradition jésuite), p. 252-261.

*CLAIR, Muriel, Du décor rêvé au croyant aimé : une histoire des décors des chapelles de mission jésuite en Nouvelle-France au XVIIe siècle, thèse de doctorat, Université du Québec à Montréal, 2008. [2475

HARINEN, Julie, Catherine Tekakwitha et la peinture missionnaire : stratégies de conversion en Nouvelle-France au XVIIe siècle, mémoire de maîtrise en histoire de l'art, Université de Montréal, 2016, x-112 p. [2476

      Étudie les oeuvres des jésuites Jean Pierron et Claude Chauchetière. À remarquer qu'aucune des oeuvres picturales de J. Pierron ne nous est parvenue.

KETTLER, Andrew, « "Ravishing odors of paradise" : jesuits, olfaction, and seventeenth-century North America », Journal of American Studies, vol. 50, no 4, 2016, p. 827-852. [2477

6.8 Conversion

      Ouvrons la relance de la section avec un ouvrage français consacré à la « Conquête spirituelle » de l'Amérique ibérique sous un angle très particulier, l'étude systématique des manuels de confession, avec leurs « interrogatoires pénitentiels ». L'ouvrage devrait être inspirant sur les pratiques de conversion en Nouvelle-France.

Martine Azoulai, les Péchés du nouveau monde : les manuels pour la confession des Indiens (XVI-XVIIe siècle), Paris, Albin Michel (coll. « Histoire »), 1993, 265 p. [2478

MULDOON, James, the Spiritual Conversion of the Americas, University Press of Florida, 2004, viii-273 p. [2479

      On consultera également le recueil précédent aux mêmes éditions, dirigé par James Muldoon, sur la conversion au Moyen Âge (1997), mais celui-ci concerne directement notre sujet, soit les formes de conversions en Amérique, depuis le XVIe siècle, selon les pays métropolitains ou les politiques coloniales, les diverses religions chrétiennes et les nombreuses populations amérindiennes visées, sans compter, bien entendu, les divers cadres socio-politiques où oeuvrent les missionnaires. L'éditeur a tenté de mettre l'accent sur la nature même de la conversion, distinguant par exemple la conversion au sens strict, nécessairement individuelle, personnelle, de la christianisation de groupes sociaux, ce qui peut désigner, pour les Européens, la « civilisation » (et notamment la sédentarisation et la création de villages réservés aux Amérindiens convertis), ce que mesure l'adoption collective des rituels et dévotions de la chrétienté.

      Le recueil comprend un chapitre consacré aux récollets (et aux jésuites) chez les Hurons, par Peter Goddard (cf. no 2747), mais, comme cela est de tradition dans les études sur la Nouvelle-France, P. Goddard n'étudie pas de près la conversion et la christianisation, mettant l'accent sur l'attitude des missionnaires devant le monde amérindien. Deux autres chapitres concernent de très près la Nouvelle-France, d'abord celui de Mark Meuwese qui compare les missions calvinistes allemandes chez les Tupís du Brésil (1630-1654) et les Agniers (les Mohawks) de la Nouvelle-Hollande (1628-1674, puis 1690-1710); ensuite celui d'Amy Turner Bushnell qui étudie de manière globale les problématiques impliquées dans les entreprises de conversion des nomades, dont les Algonquiens de Nouvelle-France (et les Hurons qui ne sont toutefois pas nomades). Le chapitre le plus inspirant, pour les chercheurs travaillant sur la Nouvelle-France, pourrait être celui de Jaimes Valenzuela Márquez qui étudie tout simplement les manuels destinés à la confession des Amérindiens en Amérique hispanique (à partir de l'ouvrage de M. Azoulai enregistré en tête de la présente section) : la confession implique évidemment la notion de « péché », tandis que la gérance de la confession, après le concile de Trente, force une telle adaptation en Amérique qu'on doit en revenir aux pratiques antérieures, les Amérindiens étant peu aptes à pratiquer l'« examen de conscience » préliminaire au sacrement de la pénitence. Les historiens (des religions) sur la Nouvelle-France sont évidemment à mille lieues de ces travaux, s'occupant toujours de notre histoire sainte nationale dans la perspective des « religieux » du XIXe siècles, à nous raconter les exploits des récollets et des jésuites comme si nous étions encore au XVIIe siècle. Pourtant, ces analyses critiques seraient d'autant plus intéressantes que, contrairement à de nombreux Amérindiens d'Amérique ibérique, ceux de Nouvelle-France ne connaissent aucune forme de religion, mais de très rigoureuses et très simples pratiques magiques (un chamanisme où l'animisme est encore en voie de formation). Bref, il faudrait se mettre sérieusement à l'étude des traductions des prières canoniques et des rédactions religieuses dans les langues amérindiennes en Nouvelle-France.

      [1] Mark Meuwese, « Dutch Calvinism and native Americans : a comparative study of the motivations for protestant conversion among the Tupís on Northeastern Brazil (1630-1654) and de Mohawks in Central New York (1690-1710) », p. 118-141; [2] Amy Turner Bushnell, « "None of these wandering nations has ever been reduces to the faith" : missions and mobility on the spanish-american frontier », p. 142-168; [3] Jaimes Valenzuela Márquez, « Confessing the Indians : guilt discourse and acculturation in early spanish America », p. 169-191.

PEARSON, Timothy, « Reading rituals : performance and religious encounter in early colonial Northeastern North America », Mixed Blessings : indigenous encounters with christianity in Canada, édition de Tolly Bradford et de Chelsea Horton, Vancouver, University of British Columbia Press, 2016, x-226 p. [2480

      Étudie la réception respective des rites religieux par les Amérindiens et des pratiques magiques par les missionnaires en Nouvelle-France.

Chapitre 5
Études littéraires des écrits de la Nouvelle-France

3  L'édition critique des écrits de la Nouvelle-France

Micah True, « It is time for a new edition of the jesuit Relations from New France ? Campeau vs. Thwaites », Cahiers de la Société bibliographique du Canada, vol. 51, no 2 (2013), p. 261-279. [2481

      Micah True milite pour que les chercheurs utilisent dorénavant les MNF de Lucien Campeau en lieu et place de l'édition des RJNF par R. G. Thwaites (JR).

Note critique

      Bien sûr, Nicah True a parfaitement raison : on ne saurait ignorer les Monumenta Novae Franciae (MNF) de Lucien Campeau, notamment pour les nouveaux documents édités au fil des neuf volumes de cette édition, qui vient un siècle après celle des RJNF par R. G. Thwaites. Plus que cela, les notices bibliographiques situant précisément les documents doivent absolument être prises en compte avant d'en entreprendre l'étude. En revanche, N. True a tort d'en tirer la conclusion que cette édition doit être préférée à celle des textes déjà édités dans la collection de Thwaites. En dépit des quelques fautes et faiblesses qu'on peut lui trouver (en cherchant bien !), il faut reconnaître que l'édition des Jesuit Relations (JR) de Thwaites reste une indispensable édition diplomatique qui n'a rien à voir avec l'édition commentée de Campeau, qui refait la typographie des textes, notamment la division des alinéas, et, surtout, réorganise la ponctuation, ce qui revient à refaire la syntaxe, ajoute des italiques et des guillemets, corrigeant les textes ici et là, toutes opérations dont un spécialiste n'a nullement besoin, bien au contraire. Ceux-ci doivent donc revenir aux originaux, c'est-à-dire, en pratique, à l'édition diplomatique de R. G. Thwaites, chaque fois que c'est possible.

      Par ailleurs, les traductions anglaises publiées par Thwaites ne sauraient être jugées par des exemples pris au hasard, sans compter que le premier exemple donné ici est justement une faute d'interprétation : lorsque Lejeune écrit que la connaissance religieuse des Montagnais n'est que « ténèbres » (JR, 5: 152), la traduction par l'anglais « darkness » qu'on trouve en regard est parfaitement juste, tandis que celle de William Lonc par « shadow » (p. 276) est évidemment un contresens, tandis que le commentaire de Micah True à ce sujet (p. 275) est une édulcoration irrecevable du texte de Lejeune, car d'aucune manière il n'est question ici de désigner une réalité ou une attitude amérindienne pour asseoir l'entreprise de conversion au christianisme. Lejeune dit clairement qu'à son avis, les Montagnais n'ont ni prière, ni culte, ni pensée religieuse (avant d'en venir à leurs supposés héros, comme Athahocan, le Messou, etc.).

      C'est de manière radicale et systématique que doivent être évaluées les traductions des RJNF par l'équipe de Thwaites. Un exemple suffit : la traduction récurrente, et bien entendu incorrecte, de « captif » par « slave » ! Mais ce ne sont pas les traductions de R. G. Thwaites qui sont ici en cause, mais l'état de la recherche ethnologique et anthropologique au tournant du XIXe au XXe siècle. Et sur ce point, on constatera que les anachronismes d'un Lucien Campeau, dans son annotation, sont incomparablement plus dommageables.

      Enfin, il n'est pas raisonnable de croire qu'on puisse présenter les RJNF dans l'édition portative de Québec (bg. 184) : on peut, certes, utiliser cette édition pour feuilleter rapidement les RJNF à la recherche d'information, mais un spécialiste de la Nouvelle-France ne saurait, sans se discréditer, citer ni étudier aucun passage textuel dans cette édition populaire très souvent fautive, qui refait systématiquement la typographie, la graphie et la grammaire des textes. Il y va du respect de la lettre des documents, bien entendu.

4  Numéros de revue et recueils — 2008 et suiv.

2008, Écrire des récits de voyage (XVIe-XVIIIe siècle) : esquisse d'une poétique en gestation, actes du colloque de York University (Toronto) organisé par Marie-Christine Pioffet et Catherine Broué, édition de M.-C. Pioffet, avec la collaboration d'Andreas Motsch, Québec, Presses de l'Université Laval, 638 p. [2482

      Je ne m'explique pas pourquoi le recueil ne figure pas dans les versions antérieures de la bibliographie, alors que quatre de ses articles y ont été enregistrés, ceux sur René de Laudonnière (no 2072); Paul Lejeune (no 2098); et Louis Hennepin (nos 1936 et 1937). Plus grave, trois articles sur la Nouvelle-France n'ont jamais été consignés ici, ceux sur Lahontan, Lebeau et Staden. Même si l'on ne trouvera certainement pas souvent de telles distractions, voilà qui doit inciter à la prudence.

      Quoique le choix des exemples est manifestement arbitraire, le recueil présente un large panorama des « récits de voyage » et textes apparentés, dont son contraire, si je puis dire, la « relation (journalistique) », comme le sont les RJNF, n'ayant pas d'autre rapport avec le voyage que de provenir de l'étranger.

      Huit articles sur vingt-quatre impliquent la Nouvelle-France : [1] Marie-Christine Pioffet, « Présentation », introduction du recueil, mais également présentation du genre, p. 1-16; [2] Réal Ouellet, « Pour une poétique de la relation de voyage », p. 17-40; [3] Isabelle Lachance, « "De la bouche d'un Capitaine de marine" au compas d'un "gentil-homme François Mathematicien" : les récits de Laudonnière et l'Histoire notable de Martin Basanier », p. 79-92; [4] Gábor Gelléri, « Le Beau et le vrai : esthétique du livre de voyage vue par les comptes rendus », p. 149-158; [5] Yvon Le Bras, « les Relations de Paul Lejeune : pour une poétique du récit missionnaire en Nouvelle-France », p. 177-187; [6] Mylène Tremblay, « l'OEuvre de Dieu, la part de la diégèse : description et fonction de la figure de Dieu dans le Nouveau Voyage (1698) de Louis Hennepin », p. 189-199; [7] Catherine Broué, « l'Iconographie de l'exploration louisianaise : concordance et discordance narratives chez Louis Hennepin », p. 279-297; [8] Pierre Berthiaume, « Anamorphose de "Bon Sauvage", ou Jean Chrysostome, Adario, Zakara et Igli », p. 347-357.

2012, « Nova Gallia : recherche sur les écrits latins de Nouvelle-France », édition de Jean-François Cottier, Tangence, no 99, 138 p. [2483

      [1] Jean-François Cottier, « Liminaire », p. 5-7; [2] Haijo Westra, « les Premières Descriptions du Canada par le jésuite Pierre Biard : du témoignage oculaire à sa réécriture », p. 9-17; [3] John A. Gallucci, « Décrire les "Sauvages" : réflexions sur les manières de désigner les autochtones dans le latin des Relations », p. 19-34; [4] Peter O'Brien, « la Franciade de Le Brun : poétique ovidienne de l'exil en Nouvelle-France », p. 35-60; [5] Aline Smeesters, « la Métamorphose d'Étienne de Carheil », p. 61-97; [6] Jean-François Cottier, « le Latin comme outil de grammatisation des langues "sauvages" en Nouvelle-France : à propos des notes du P. Louis André sur la langue algonquine outaouoise (introduction, édition et traduction du texte latin) », p. 99-122; [7] Irena Trujic, « "C'est du latin, ignorant..." : l'intertextualité classique dans les Anciens Canadiens de Philippe Aubert de Gaspé », p. 123-138.

      La Franciade du jésuite Laurent Le Brun [4], parue pour la première fois en 1639 et rééditée plusieurs fois par la suite, n'est pas inspirée d'assez près des RJNF pour être comptée au nombre des écrits de la Nouvelle-France. Il s'agit d'un écrit français, au sujet exotique, comme on en trouve de très nombreux entre les Essais de Montaigne et les écrits des philosophes du XVIIIe siècle, puis les romans exotiques. Il est tout de même curieux que Le Brun accorde une telle place au supplice archaïque des Amérindiens à ce moment, préfigurant l'épisode des martyrs jésuites qui viendra dix ans plus tard.

      Étienne de Carheil, notre missionnaire des Iroquois et grammairien du huron, avait rédigé sa Metamorphosis à la gloire du fils aîné de Louis XIV, au moment de sa naissance. C'est l'oeuvre du professeur de rhétorique de Tours qui paraît à Paris (Cramoisy, 1662). Aline Smeesters [5] édite et traduit ce texte ici. Né en 1633, Carheil est ordonné prêtre en 1666, l'année où il s'embarque pour la Nouvelle-France. Il y oeuvrera jusqu'à son décès à Québec en 1726. L'étude de son poème dénote une réelle maîtrise des cultures classique et biblique. En trouvera-t-on trace dans ses écrits ? (cf. l'index de JR, 72: 129 : Carheil, Writings). Je ne pense pas.

2013, « Histoire des écrits de Marie de l'Incarnation », colloque des 13-14 mai, Tours et Solesmes, Touraine-Canada et Touraine-Québec, direction de Raymond Brodeur, d'Yves Chevalier, de Benoist Pierre, de François Touati et de Monicà Zapata. [2484

      On trouve le programme du colloque du 13 mai sur le site du Centre d'études Marie-de-l'Incarnation. On y trouvera le texte de la communication de [1] Raymond Brodeur, « Marie de l'Incarnation sous le regard d'Henri Bremond ». Mais il faut se reporter au site internet de l'Association Touraine-Canada pour trouver l'édition électronique des communications du 14 mai : [2] Thierry Barbeau, « Étude du contexte » de l'édition des écrits de Marie de l'Incarnation par Claude Martin; [3] Raymond Brodeur, « l'Évangélisation chez Marie de l'Incarnation »; [4] Marie-Caroline Bustarret, « l'Abandon à Dieu chez Marie de l'Incarnation : une expérience spirituelle féconde »; [5] Un compte rendu du livre de René Champagne (2012) par Isabelle Landy.

2013, Relire le patrimoine lettré de l'Amérique française, édition de Sébastien Côté et de Charles Doutrelepont, Québec, Presses de l'Université Laval, xii-262 p. [2485

      [1] Sébastien Côté, « Pour une relecture du patrimoine lettré de l'Amérique française », p. 1-14; [2] Richard Lefebvre, « Des écrits de la Nouvelle-France au corpus colonial de l'hémisphère américain : pour une histoire littéraire élargie », p. 17-31; [3] Sébastien Côté, « Éditer les Lettres canadiene (sic), manuscrit anonyme (1700-1725) »; p. 33-54; [4] Charles Doutrelepont, « Essai sur "D'une nouvelle terre", cantique de guerre à la Vierge (1755) », p. 55-79; [5] Marie-Christine Pioffet, « Marie de l'Incarnation devant l'histoire littéraire : une relecture des marges », p. 83-96; [6] Anne Trépanier, « Refondation matérielle et spirituelle en Nouvelle-France : récits pour une incarnation de l'imaginaire canadien », p. 97-118; [7] Catherine Broué, « l'OEuvre viatique du récollet Louis Hennepin : un tournant littéraire majeur », p. 121-141; [8] Lise Leibacher-Ouvrard, « Littérature du leurre et "Moeurs galantes aux colonies" antillaises : le Zombi du Grand Pérou entre Blessebois (1697), Nodier (1829) et Montifaud (1877) », p. 143-160; [9] Julia Abramson, « Une réfugiée de la Terreur en Amérique : nation, terre et identité dans les mémoires de la marquise de La Tour du Pin (1770-1853) », p. 161-186; [10] Muriel Clair, « les Notes spirituelles de Jean de Brébeuf (1630- 1640) », p. 189-218; [11] Guy Poirier, « Une Nouvelle-France déjà oubliée : les préfaces des Lettres édifiantes et curieuses (1703-1776) », p. 219-231. [12] « Bibliographie générale », p. 233-261.

2014, Guy Poirier, « Textes missionnaires dans l'espace francophone », Renaissance et réforme, vol. 37, no 4 (2014), p. 49-69. [2486

      L'auteur présente un projet de recherche de ce titre, regroupant un nombre impressionnant de chercheurs, dont plusieurs travaillent déjà ou se proposent de travailler sur les relations missionnaires de la Nouvelle-France. Il s'agit, en fait, de se conformer à une nouvelle création des fonctionnaires du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), le programme « Développement de partenariat ». Le modèle d'affaire se comprend mieux en anglais qu'en anglicisme : « development and partership ». La présentation du « projet » est à ce moment confuse à souhait, le projet regroupant des projets.

      La demande de subvention s'est tout de suite transformée en un site internet : < fremir.uwaterloo.ca >. Un premier recueil d'articles paraîtra en 2016 (voir ci-dessous).

2014, Jesuit Accounts of the colonial Americas : intercultural transfers, intellectual disputes, and textualities, éd. de Marc André Bernier, de Clorinda Donato et de Hans-Jürgen Lüsebrink, University of Toronto Press, ix-464 p. [2487

      Des 18 sections de l'ouvrage, huit sont consacrées à la Nouvelle-France.

      [1] Sara E. Melzer, « the Role of culture and art in France's colonial strategy of the seventeenth-century », qui analyse essentiellement de ce point de vue le corpus des RJNF, p. 169-185; [2] Isabelle Lachance, « "Ils estoient si subjects à leur bouche" : la Relation de 1616 [de Pierre Biard] face à la topique antijésuite », p. 263-275; [3] Klaus-Dieter Ertler, « les Relations des jésuites et la construction de l'observateur européen face au monde indigène », p. 276-290; [4] Catherine Broué, « Une rhétorique du silence : l'oeuvre jésuite dans la Description de la Louisiane du récollets Louis Hennepin », p. 291-304; [5] Pierre Berthiaume, « L'héritage de José de Acosta » chez Pierre Biard, p. 307-325; [6] Marie-Christine Pioffet, « la Nouvelle-France dans l'imaginaire jésuite : terre doloris ou Jérusalem céleste ? », p. 326-343; [7] Andréanne Vallée, « Dans le sillage du père Joseph-François Lafitau : les Avantures de Claude Le Beau », p. 404-417; [8] Hans-Jürgen Lüsebrink, « De l'usage de la comparaison dans les écrits des jésuites sur les Amériques », p. 418-435.

2015, Risquer un monde nouveau : 375 ans de vie et d'audace, actes du colloque de Québec sur le 375e anniversaire de l'arrivée des ursulines et des hospitalières en Nouvelle-France, 24-26 septembre 2014,, éd. de Raymond Brodeur et de Gilles Routhier, Québec, Novalis, 355 p. [2488

      Il s'agit d'un très sympathique recueil d'hommages aux religieuses hospitalières et ursulines de Québec, celles de Nouvelle-France, souvent par (ou pour) celles d'aujourd'hui, comme aussi de la part de nombreux spécialistes, comme de sympathisants bien informés de leurs oeuvres et de leurs écrits. Le recueil ne comprend aucune étude proprement littéraire (on en trouvera facilement la table des matières sur l'internet). Je retiens toutefois les articles suivants qui méritent d'être lus, peut-être pour être refaits rigoureusement du point de vue des sciences textuelles et littéraires.

      [1] Thérèse Nadeau-Lacour, « Un horizon spirituel qui ouvre sur le Nouveau monde : charisme des fondatrices », p. 17-33; [2] Françoise Deroy-Pineau, « Religieuses et laïques : des réseaux d'apostolat efficaces », p. 55-74; [3] Dominique Deslandres, « la Rencontre des populations autochtones, d'après le témoignage de Marie de l'Incarnation », p. 75-86; [4] Raymond Brodeur, « S'approprier la langue de l'autre pour catéchiser », p. 131-139; [5] Yves Guérette, « "Si le Seigneur ne bâtit maison" : passions et passion », comparaison des spiritualités de Marie Guyart de l'Incarnation et Catherine Simon de Longpré de Saint-Augustin, p. 141-157.

2016, « Autour de Gabriel Sagard » éd. de Marie-Christine Pioffet, Études littéraires, vol. 47, no 1. [2489

Note critique

      Voilà tout un recueil qui ignore encore que Sagard n'est pas l'auteur, mais le rédacteur du Grand Voyage et l'éditeur de son « dictionnaire » du huron (des « phrases de parler »), le tout compilé et préparé par Joseph Le Caron sur une dizaine d'années, entre ses deux séjours en Huronie (1615 et 1624). Le bon sens le plus élémentaire dit que Sagard ne saurait ramener une telle monographie d'un petit hiver de neuf mois (sept, si l'on défalque le voyage en canot) chez les Wendats dont il ne parle pas la langue (il faut cinq ans pour l'apprendre, et Le Caron est le seul récollet qui peut la baragouiner). Par ailleurs, son Histoire, s'il l'a préparée, n'est pas une publication de lui, jusqu'à preuve du contraire, tant son contenu est contradictoire avec le Voyage qui n'a rien, absolument rien de polémique ou d'anti-jésuite. Les auteurs du recueil ignorent tout cela, comme on le voit à sa savoureuse présentation. À se demander parfois si les littéraires savent lire, voire lisent, les textes qu'ils « commentent ». Voilà donc présentée, le plus sérieusement du monde, une tentative de « réhabilitation de l'oeuvre de Gabriel Sagard » ! (p. 17), voire « la nécessité de réhabiliter les écrits de Sagard », ce qui, paraît-il, « s'impose plus que jamais » (p. 51).

      Et cela sans compter le dénigrement ici et là, des travaux de Serge Trudel et de Guy Laflèche sur les récollets, sans aucune raison (no 2757) ni compétence (no 2725). Marie-Christine Pioffet, après la censure, se livre subrepticement à des allégations critiques sans fondement aucun. Non, pas elle, mais des « collaborateurs » qu'elle édite après les avoir manifestement inspirés. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle ne les a pas censurés, eux ! Elle pense ainsi « défendre » son mentor, Réal Ouellet, qui n'a vraiment pas besoin de ces coups d'épingles et d'épées dans l'eau, sur des sujets où, somme toute, il n'a rien à voir. Bref, voilà une publication de l'École de Québec.

      [1] Marie-Christine Pioffet, « Présentation », p. 7-20; [2] Nicolas Hebbinckuys, « les Échos de Marc Lescarbot dans l'oeuvre de Gabriel Sagard », p. 23-37; [3] Marie-Christine Pioffet, « Gabriel Sagard, l'insoumis : une archéologie d'une historiographie polémique », p. 39-50; [4] François Paré et Sarah Reilly, « Indices de l'enfance et de la filiation dans les écrits ethnographiques de Gabriel Sagard », p. 51-64; [5] Peter Murvai, « "Qui harangue le mieux est le mieux obey" : la parole "sauvage" dans l'Histoire du Canada de Sagard », p. 65-76; [6] Catherine Broué, « le Premier Établissement de la foy, une oeuvre collective supervisée ? étude de la réécriture d'un passage de l'Histoire du Canada », p. 77-96; [7] Guy Poirier, « Charlevoix, lecteur de Sagard », p. 97-107; [8] Stéphanie Girard, « Gabriel Sagard dans les histoires du Canada après la Conquête : une réception ambivalente », p. 109-128; [9] Sébastien Côté, « "Du reste il nous apprend peu de choses intéressantes" : des (in)fortunes littéraires de Gabriel Sagard », p. 129-144.

2016, Textes missionnaires dans l'espace francophone, vol. 1, Rencontre, réécriture, mémoire, éd. de Guy Poirier, Québec, Presses de l'Université Laval, et Paris, Hermann, viii-184 p. [2490

— Le volume 2, en 2018, ne comprendra que deux articles sur la Nouvelle-France, nos 2565 et 2766, 2679a.

      Sur la Nouvelle-France : [1] Yvon Le Bras, « Du Canada aux "Îles de l'Amérique" et à la "Terre Ferme" : l'Amérindien dans les Relations des jésuites Paul Lejeune, Jacques Bouton et Pierre Pelleprat », p. 7-21; [2] Charles Doutrelepont, « Pour une célébration mariale de 1711 : deux cantiques de jésuites sur un air d'opéra », p. 55-81; [3] Grégoire Holz, « l'OEil du diable ? les relations des missionnaires lues par les libertins », p. 123-144; [4] Sébastien Côté, « la Réception des écrits jésuites de la Nouvelle-France dans l'histoire littéraire au Québec (1874-2007) : archiver la mémoire », p. 145-164; [5] François Paré, « Écrits missionnaires et construction de l'histoire littéraire de l'Ontario français », p. 165-177.

2017, « Errances en Nouvelle-France », l'Errance au XVIIe siècle, articles sélectionnés du 45e colloque de la North American Society for seventeenth-century french literature (Québec, 4-6 juin 2015), édition de Lucie Desjardins, de Marie-Christine Pioffet et de Roxanne Roy, Biblio 17, vol. 216, 472 p., p. 71-116. [2491

      [1] Yann Lignereux, « Une errance fondatrice aux origines de la Nouvelle-France ? les leçons d'un égarement dans l'Histoire de la Nouvelle France de Marc Lescarbot », p. 73-88; [2] Yvon Le Bras, « "Hiverner avec les Sauvages..." : la mission volante de Paul Lejeune, premier supérieur jésuite de Québec », p. 89-96; [3] Catherine Broué, « Errance missionnaire, errances documentaires : une relation inédite du père Louis Hennepin ? », p. 97-116.

2017, Penser l'Amérique : de l'observation à l'inscription, éd. de Nathalie Vuillemin et de Thomas Wien, Oxford University Studies in the Enlightenment, Voltaire Foundation, xiv-264 p. [2492

      Seuls les cinq premiers articles, de [2] à [7], sont des études littéraires, mais je les enregistre tous ici, car la seconde moitié de l'ouvrage participe à ce qu'on appelait, vers 1975, la « nouvelle histoire », soit l'étude de nouveaux objets. Ce sont ici des archives, une correspondance météorologique et... la domestication des animaux !

      [1] Nathalie Vuillemin et Thomas Wien, « Introduction » : « Entre observation et inscription », p. 1-24; [2] Adrien Paschoud, « Du récit à la gravure : les missions jésuites de la Nouvelle-France à la lumière du martyrologe de Matthias Tanner », p. 27-41; [3] Muriel Clair, « le Manuscrit de 1652 sur les martyrs jésuites canadiens en deçà d'une perspective hagiographique et ethnologique », p. 43-55; [4] Jean-François Palomino, « De la difficulté de cartographier l'Amérique : Jean Baptiste Louis Franquelin et son projet sur les limites de la Nouvelle-France (1688) », 59-82; [5] Françoise Le Borgne, « "Prendre langue" auprès des Sauvages : les enjeux de la parole amérindienne dans l'oeuvre du baron de Lahontan (1702-1703) », p. 83-103; [6] Catherine Broué, « Paroles diplomatiques autochtones en Nouvelle-France : un artefact polyphonique éloquent », p. 105-120; [7] Marie Boullemare, « les Archives du secrétariat d'État de la Marine "âme de l'histoire" de l'Amérique française du XVIIIe siècle ? », p. 121-139; [8] Christopher M. Parsons, « Apprendre en apprivoisant : la domestication comme lieu de rencontre dans la France coloniale d'Amérique du Nord », p. 143-163; [9] Thomas Wien, « Guetter le rossignol : les voyages des "observations botanico-météorologiques" entre la France, le Canada et l'Europe », p. 165-194; [10] Nathalie Vuillemin, « D'une impossible inscription, ou l'institution du manque dans le Voyage à la Martinique de Thibault de Chanvalon (1763) », p. 195-223.

2017, Présences, résurgences et oublis : du religieux dans les littératures française et québécoise, actes du colloque de Graz, 12-13 décembre 2014, éd. de Gilles Dupuis, de Klaus-Dieter Ertler et d'Allesandra Ferraro, Frankfurt am Main, Peter Lang, 260 p. [2493

      Les trois premiers articles du recueil portent sur des écrits de la Nouvelle-France, textes situés par les éditeurs aux origines de la « littérature québécoise », tout comme les auteurs d'ailleurs, qui inscrivent leurs études dans cette perspective.

      [1] Klaus-Dieter Ertler, « Formes du discours religieux dans les Relations de la Nouvelle-France (1611-1673) », présente succinctement les RJNF de Biard, Lejeune et de Brébeuf, p. 15-29; [2] Alessandra Ferraro, « Récits auto/biographiques de religieuses dans la littérature de la Nouvelle-France (Marie de l'Incarnation et Catherine de Saint-Augustin) », p. 31-44; [3] Nicola Gasbarro, « l'Invention pluriculturelle de Dieu en Nouvelle-France : un récit des relations complexes entre sociétés indigènes et missionnaires jésuites », titre trompeur, puisque les missionnaires en question désignent le seul Lafitau, p. 45-59.

2018, Les Récollets en Nouvelle-France : traces et mémoire, éd. de Paul-André Dubois, Québec, Presses de l'Université Laval, x-560 p. [2494

      [1] Paul-André Dubois, « Introduction », p. 1-11 (en français, puis en anglais); [2] Paul-André Dubois et Dorothée Kaupp, « les Récollets en Nouvelle-France : portraits et tableaux », p. 15-59; [3] Bernard Dompnier, « les Franciscains entre fidélité à leur héritage et défis religieux de l'âge moderne (XVIe-XVIIe siècle) », p. 61-97; [4] Frank Lestringant, « Des soldats du Christ en terre lointaine, militant pour l'Église et pour Dieu », p. 99-107; [5] Dominique Deslandres, « "Ils ont toujours conservé un même esprit", le cas de la collaboration missionnaire entre récollets et jésuites en Nouvelle-France », p. 109-122; [6] Luca Codignola, « les Capucins de l'Acadie dans le contexte international (1632-1656) », p. 123-138; [7] A. J. B. Johnston, « the Récollets at Louisbourg », p. 139-150; [8] Rénald Lessard, « "Un métier de récollet", les récollets et l'aumônerie militaire en Nouvelle-France (1670-1760) », p. 151-171; [9] Maxime Morin, « À la rescousse de l'alliance franco-micmaque : les récollets Michel Bruslé, Gélase de Lestage et Maurice de La Corne (1705-1751) », p. 173-190; [10] John McCafferty, « Looking for New Spain in New France : Franciscans and Hurons », p. 193-206; [11] Emma Anderson, « "the Road not taken", re-examining Pierre-Anthoine Pastedechouan and the recollets », p. 207-224; [12] Jordan Kellman, « Récollet Naturalism and the colonial order in seventeenth-century New France », p. 225-238; [13] Lynn Berry, « Gabriel and the hummingbird », p. 239-251; [14] Marie-Christine Pioffet, « Réécrire les mémoires des missions récollettes : l'exemple singulier de l'Histoire du Canada signée par Gabriel Sagard », p. 253-166; [15] Réal Ouellet, « Pathétique et ethnographie dans la Nouvelle Relation de la Gaspesie (1691) », p. 267-277; [16] Catherine Broué, « l'OEuvre viatique de Louis Hennepin ou l'Art de lire entre les lignes », p. 279-297; [17] Pierre Berthiaume, « Recollecta strategica : une architectonie indicale », p. 299-315; [18] Éric Van der Schueren, « Oraison funèbre du comte de Frontenac par le père récollet Olivier Goyer (1698), présentation et édition critique », p. 319-362; [19] Paul-André Dubois, « le Tableau de Saint Louis tenant la couronne d'épines et les récollets », p. 363-367; [20] Jean-François Plante, « le Clocher des récollets : symbole visuel et référence sonore », p. 369-378; [21] Élisabeth Gallat-Morin, « l'Orgue en Nouvelle-France au temps des récollets », p. 379-388; [22] Jean-Jacques Danel, « Frère Luc, peintre et récollet : son oeuvre en Nouvelle-France », p. 389-417; [23] Alain Laberge, « Une pauvreté relative : les récollets et la propriété foncière au Canada sous le Régime français », p. 421-434; [24] François Dufaux et Matthieu Lachance, « l'Architecture des récollets : un nouveau regard », p. 435-466; [25] Stéphane Doyon, « le Tabernacle des récollets de Ville-Marie », p. 467-487; [26] Robert Derome, « la "Médaille" du baron de Fouencamps et le frère Luc », p. 489-520; [27] Didier Prioul, « Histoire fictive d'un tableau en son lieu : l'Ermitage des récollets et la chapelle de Saint-Roch à l'église Notre-Dame-des-Anges de l'Hôpital général de Québec », p. 521-536; [28] Guy Laperrière, « le Retour des franciscains au Canada et le tricentenaire de 1915 », p. 537-551; [29] Bruno Hébert, « Pour conclure : discours devant le monument de la foi », p. 553-558.

      Ouvrage issu du colloque « les Récollets en Amérique », du 11 au 13 juin 2015. Le recueil d'hommages comprend cinq études littéraires, [14]-[18], et une étude thématique consacrée à l'« histoire naturelle » dans l'oeuvre de Sagard [13]. Des deux études événementielles sur l'« histoire » des récollets en Nouvelle-France de 1615 à 1629, la première [10] prend appui sur le Grand Voyage de Sagard, l'autre [5] sur le Premier établissement de la foi de « Chrestien Leclercq »; en effet, Dominique Deslandres ne sait pas encore qu'il s'agit d'une rédaction de Valentin Leroux, ne connaissant pas le travail de Serge Trudel, de 1997 (bg. 1058), alors qu'il est pourtant correctement présenté dans le recueil par Éric Van der Schueren [18] (p. 333). En revanche, il est heureux de voir enfin correctement évaluées les trois activités ecclésiastiques des récollets à leur retour dans la colonie en 1670 (alors que Valentin Leroux nous en avait fait anachroniquement des « missionnaires ») : curés, aumôniers des garnisons dans les forts ([1], p. 2 et [2], p. 24) et, plus spectaculaire, compagnons des expéditions de voyage de découvertes, notamment celles de Robert Cavelier de La Salle. La réévaluation est confirmée magistralement par Rénald Lessard [8]. Il faut souligner, toutefois, que la majorité des contributions porte sur des objets nouveaux et parfois très originaux, comme la plaque de gravure en cuivre, dite la « médaille », du baron de Fouencamps : enquête policière de l'historien de l'art, Robert Derome [26]. À noter également les superbes reproductions des oeuvres du frère Luc, bien présentées par Jean-Jacques Danel [22]. D'ailleurs fort bien illustré, ce livre est très beau, mais malheureusement imprimé sur le papier glacé bon marché des rapports financiers annuels, en plus de voir ses cahiers tranchés et collés, au lieu d'être cousus.

2018, Scénographie du récit de voyage et imaginaire viatique (XVIe-XVIIIe siècles), éd. d'Isabelle Bour et de Line Cottegnies, Paris, Hermann (coll. « République des lettres »), 282 p. [2495

      Recueil d'une remarquable tenue matérielle, à commencer par le choix du papier. Ouvrage également remarquable, tout simplement. Trois de ses articles portent sur les écrits de la Nouvelle-France.

      [1] Nicolas Hebbinckuys, « Quelques exemples de scénographies viatiques dans trois récits fondateurs de la Nouvelle-France », sur le voyage de Verrazano, le premier voyage de Cartier et celui de Jean Ribault, p. 13-37; [2] Myriam Marrache-Gouraud, « Poétiques de la trace chez Champlain », p. 39-51; [3] Amandine Bonesso, « Du fond de l'âme au bout du monde : les expériences extrêmes du voyage chez Marie de l'Incarnation (1599-1672) », p. 235-249.

2019, Marie Guyart de l'Incarnation : singularité et universalité d'une femme de coeur et de raison, éd. de Raymond Brodeur, de Thérèse Madeau-Lacour et de Philippe Roy-Lysencourt, Québec, Presses de l'Université Laval, 324 p. [2496

[1] Thérèse Nadeau-Lacour, « Une existence hors-norme et une cohérence de vie étonnante », p. 3-5; [2] Philippe Roy-Lysencourt, « la Singularité de Marie de l'Incarnation au coeur du Grand Siècle des âmes », p. 7-12 (notice biographique); [3] Philippe Roy-Lysencourt, « De la singularité à l'universalité et du coeur à la raison », p. 13-15; [4] Thérèse Nadeau-Lacour, « Considérations anthropologiques et spirituelles », p. 17-20; [5] Raymond Brodeur, « Après vingt-cinq ans de travaux », p. 21-25; [6] Laurent Millischer, « Engagement singulier, vocation universelle : la philosophie au risque de l'expérience religieuse », p. 29-48; [7] André Brouilette, « Thérèse du Nouveau Monde ? Marie mystique à l'aulne de Thérèse d'Avila », p. 49-61; [8] Hélène Michon, « Marie de l'Incarnation : une intériorité de lumière », p. 63-78; [9] Vincent Siret, « la Pureté de coeur chez Marie de l'Incarnation et deux autres de ses contemporains, Monsieur de Bernière et le P. Louis Lallemant », p. 79-96; [10] Thierry Barbeau, « "État foncier" et "esprit apostolique" : la mystique de la nuptialité nécessairement apostolique chez Marie de l'Incarnation », p. 97-130; [11] Thérèse Nadeau-Lacour, « Marie de l'Incarnation : défense et illustration de la "nomadité" du coeur », p. 131-164; [12] Isabelle Landy-Houillon, « Marie de l'incarnation écrivaine ? », p. 167-192; [13], Amandine Bonesso, « la Relation de 1654 de Marie de l'Incarnation : de l'écriture autobiographique à l'écriture didactique », p. 193-209; [14] Mary Dunn, « Singularity and universality in la Vie de la vénérable mère Marie de l'Incarnation », p. 211-219; [15] Jean-François Racine, « Des récits du christianisme ancien à l'autobiographie de Marie de l'Incarnation : la fonction des récits de rêves et de visions », p. 221-233; [16] Gilles Routhier, « Bâtir une nouvelle Église : projet singulier du XVIIe siècle ou projet actuel ? », p. 235-252; [17] Raymond Brodeur, « Entre tradition et créativité : la singularité des emplois catéchétiques de Marie Guyart de l'Incarnation », p. 253-264; [18] Dominique Deslandres, « De Marie Guyart de l'Incarnation aux femmes "ordinaires" de la Nouvelle-France », p. 265-276; [19] Philippe Roy-Lysencourt, « les Amérindiens dans la pensée et la vie de Marie de l'Incarnation », p. 277-292; [20] Lucie Bartlett-Jeffrey, « Marie de l'Incarnation ou l'éclatante vastitude », p. 293-304; [21] Jocelyne Mailloux, « Marie de l'Incarnation et les jeunes d'aujourd'hui (témoignage) », p. 305-309; [22] Catherine Aubin, « Regard sur un colloque », 311-315.

      Les communications les plus proches de l'étude littéraire sont regroupées dans la troisième partie de l'ouvrage, [12] et suiv., intitulée « Marie de l'Incarnation, femme d'action, de relation et d'écriture ».

2019, Voix autochtones dans les écrits de la Nouvelle-France, éd. de Sandrine Tailleur, d'Émilie Urbain et de Luc Vaillancourt, Paris, Hermann (coll. « République des lettres »), 372 p. [2497

      La majorité des articles du recueil relèvent de la « critique littéraire », [8]-[17], mais je donne toute sa table des matières, ce qui se justifie ici au moins à cause du projet d'étude, la « parole amérindienne », et de son corpus, les « écrits de la Nouvelle-France ». Quel beau projet. Malheureusement, tout cela était trop beau pour être vrai.

Note critique

      La publication du recueil, à la suite de son colloque de juin 2017, marque la création de la Chaire de recherche sur la parole autochtone de l'Université du Québec à Chicoutimi (21 septembre 2016). Il s'agit d'un événement très important dans le domaine des études littéraires sur les écrits de la Nouvelle-France. Il faut espérer toutefois que l'orientation de la Chaire soit redressée. La pensée « décolonisatrice », soulignée par les cinq premiers articles du recueil, essentielle aujourd'hui en ethnologie et en anthropologie, voire en histoire, n'a absolument rien à faire dans le domaine des études littéraires. Les écrits français sur la Nouvelle-France constituent un objet d'étude libre de droit, à ce que je sache. Tout le prèchi-précha, infantilisant à l'égard des Amérindiens, il faut le comprendre, n'avait pour objectif que d'obtenir des subventions. Maintenant que c'est fait, il serait approprié de mener efficacement les recherches, les dépouillements et les études propres à entreprendre sérieusement le travail.

      Le recueil prouve hors de tout doute que tel n'est pas le cas actuellement. Linguistique : un tel projet ne saurait se mener sans la participation des spécialistes des diverses langues amérindiennes en cause dans le corpus des écrits de la Nouvelle-France, me semble-t-il, ne serait-ce qu'à titre de conseillers et de consultants. Études littéraires : justement, s'agissant de la méthodologie proposée et son domaine principal de recherche, comme le porte le titre du recueil en question ici, on ne devrait pas laisser des « critiques littéraires » improviser des impressions de lecture, sans aucune méthode le moindrement rigoureuse, sur l'inscription des langues amérindiennes dans les écrits français de/sur la Nouvelle-France. Ce « thème » de la parole a été assez ressassé depuis trente ans (bg. 564-569, no 1594-1603), comme on le fait encore ici; il est grand temps d'étudier le phénomène.

      N'est-il pas évident que quelques distinctions élémentaires doivent être préalablement établies ? La langue (la linguistique), le discours (la rhétorique) et les contenus discursifs (la thématique) sont confondus tout au long du recueil. Et puisque cette publication fait ainsi la preuve que le travail de recherche n'est pas encore commencé, il suit qu'un redressement s'impose. Et voici à mon avis comment cela pourrait se réaliser très simplement, si l'on ne trouve pas un programme plus efficace. Au lieu de « décoloniser » les études littéraires, il faudrait plutôt les « cultiver », car il s'agit de sciences qui ne s'improvisent pas. Foin de la critique littéraire. On prend le Bref Récit du second voyage de Cartier, le Des Sauvages de Champlain et trois RJNF, 1632, 1654 et 1665. On relève, classe et met en contexte tout ce qui a trait aux langues amérindiennes, des vocables, et de leur traduction, des répliques (en langue autochtone ou produites en français), jusqu'aux exposés portant précisément sur la langue (classements et comparaisons des langues amérindiennes, descriptions grammaticales, jugement de valeur, etc.). Cela se fait facilement, avec les fonds publics considérables d'une Chaire; ensuite, l'étude de ces données peut alors commencer. Et pas besoin de gaspiller son temps et son énergie à organiser un colloque, comme c'est le cas ici, avant que l'étude en question ne soit avancée ou que des résultats soient probants, résultats qui devraient permettre de relancer l'enquête sur un corpus beaucoup plus vaste, car on connaîtra alors l'objet de la recherche.

      Pour l'analyse critique des articles, à peu près tous inopérants sur le sujet, on se reportera aux entrées des auteurs  correspondants (Sagard, Leroux, etc.) ou à l'index des noms propres.

      L'article [16] de C. Broué et de M.-P. Tremblay Dextras, « Entre rire et malaise : humour autochtone et écriture d'autrui », ne peut être classé nulle part. C'est-à-dire qu'il ne peut être retenu. Il s'agit d'un cas exceptionnel. Celui d'un article qui n'a aucun sujet. Ni aucun sens. Supposons une analyse qui se proposerait une étude sur l'humour en France aux XVIIe et XVIIIe siècles et qui vous épinglerait des remarques anodines sur une dizaine d'auteurs pris au hasard. La question, alors, dans ce cas improbable, évidemment, serait de savoir comment une telle niaiserie pourrait être sérieusement publiée. Dans un recueil d'une Chaire sur la parole française, peut-être ?

      [1] Sandrine Tailleur, Émilie Urbain et Luc Vaillancourt, « Introduction », p. 5-18; [2] Widia Larivière (Mikana.ca), « Pour une décolonisation des esprits », p. 21-30; [3] Marie-Andrée Gill (animatrice et modératrice), « Table ronde avec la Chaire de recherche sur la parole autochtone, Mikana et La Boîte Rouge VIF », p. 31-43; [4] Marie-Andrée Gill, « Archéologie de soi au présent et décolonisation : une démarche d'écriture », p. 45-52; [5] Olivier Bergeron-Martel, « les Démarches collaboratives pour porter et incarner la parole autochtone : deux cas de figure à La Boîte Rouge VIF », p. 53-69; [6] Renée Lambert-Brétiére, « "Les paroles s'envolent, les écrits restent" : l'archivage du patrimoine oral autochtone », p. 71-89; [7] Érik Langevin, « la Rivière Chicoutimi : lieu de transferts et d'identités partagées », p. 93-124; [8] Marc-Olivier Laflamme et Luc Vaillancourt, « Fonction rhétorique de la parole autochtone dans les récits de voyage de la Nouvelle-France », p. 125-138; [9] Marie-Christine Gomez-Géraud, « Enquête sur la voix des autres : récits de voyage en Nouvelle-France, XVIe-XVIIe siècles ». p. 139-150; [10] Hélène Cazes, « Napou tou daman asurtat : signes d'amitié et échanges d'incompréhension dans la Première Relation de Jacques Cartier », p. 151-189; [11] Dominique Deslandres, « Quand Hochelaga rencontre la France : paroles et agentivités autochtones retrouvées au XVIe siècle », p. 191-209; [12] Jean-Pierre Vidal, « l'Autre dans les variations du même », p. 211-229; [13] Marie-Christine Pioffet (avec la collaboration de Peter Murvai), « Comment disent les Amérindiens ? Gabriel Sagard et les langues autochtones », p. 233-250; [14] Yvon Le Bras, « la Parole amérindienne dans les Relations de Paul Lejeune, premier supérieur jésuite de Québec », p. 251-264; [15] Anne Régent Susini, « Dépaysement et détours d'une scénographie édifiante : le converti des relations jésuites, un prédicateur sans ministère », p. 265-290; [16] Catherine Broué et Marie-Pier Tremblay Dextras, « Entre rire et malaise : humour autochtone et écriture d'autrui », p. 291-308; [17] Kim Gladu, « Présence du "sauvage" dans le Mercure galant (1702-1713), p. 309-323; [18] Guy Poirier, « Pierre-François-Xavier de Charlevoix : la parole autochtone et la parole canadienne », p. 325-339; [19] Sébastien Côté, « Adario et sa descendance : personnages amérindiens dans le théâtre français du XVIIIe siècle », p. 341-365.

5 Ouvrages et articles

5.1  Thèmes généraux

5.1.1 Panoramas, exposés bibliographiques, questions d'histoire (littéraire)

2013, CÔTÉ, Sébastien, « Pour une relecture du patrimoine lettré de l'Amérique française », Relire le patrimoine lettré de l'Amérique française, édition de S. Côté et de Charles Doutrelepont, Québec, Presses de l'Université Laval, xii-262 p., p. 1-14. [2498

2013, LEFEBVRE, Richard, « Des écrits de la Nouvelle-France au corpus colonial de l'hémisphère américain : pour une histoire littéraire élargie », Relire le patrimoine lettré de l'Amérique française, édition de Sébastien Côté et de Charles Doutrelepont, Québec, Presses de l'Université Laval, xii-262 p., p. 17-31. [2499

2016, PARÉ, François, « Écrits missionnaires et construction de l'histoire littéraire de l'Ontario français », Textes missionnaires dans l'espace francophone, vol. 1, Rencontre, réécriture, mémoire, éd. de Guy Poirier, Québec, Presses de l'Université Laval, viii-184 p., p. 165-177. [2500

      Analyse sommaire, en 2013, de la situation des écrits de la Nouvelle-France (ou des RJNF) dans les histoires de la littérature canadienne, canadienne-française et québécoise (trois désignations d'une même littérature nationale) pour tenter d'établir un nouveau « paradigme », une littérature coloniale d'Amérique, de la Terre de feu à la baie d'Hudson, y adjoignant en passant les littératures nahuatl, quiché et quechua.

      Les choses ne s'arrangent pas, en 2016, avec l'histoire littéraire de l'« Ontario français ». Sauf erreur, le Haut-Canada naît avec la Constitution de 1691, et le Canada avec la « Confédération » de 1867. Le roman qui fonde la littérature québécoise est Trente arpents en 1938. Je ne connais pas celui qui pourrait initier la littérature franco-ontarienne avant le fabuleux roman pour adolescents de Doric Germain, la Vengeance de l'Orignal, en 1980.

Note critique

      Malheureusement, Sébastien Côté, tout comme Richard Lefebvre et François Paré, n'a pas fait le travail préliminaire nécessaire aux travaux de recherche, l'« état présent » de la question à l'étude. Autrement, il aurait pris connaissance de l'organisation de la présente bibliographie, dont le premier volume a paru en 2000, distinguant clairement la littérature coloniale de Nouvelle-France et la littérature française sur la colonie et, plus largement, sur l'Amérique. Les auteurs posent donc de travers une question à laquelle ils ne peuvent évidemment répondre correctement. Il n'y a pas de « littérature coloniale de l'hémisphère américain », cela n'a aucun sens. Il y a de très nombreuses littératures coloniales en Amérique (comme en Afrique et un peu partout au monde) qui vont devenir, dans des situations souvent incomparables, des littératures nationales. Parler de l'« obsolescence du cadre national » de l'étude des littératures, quelles qu'elles soient (depuis la sumérienne, la grecque ou la romaine), c'est ne pas avoir compris l'essence même de la littérature, dont la condition d'existence est nationale. Toute nation a sa littérature et toute littérature a d'abord été nationale. — Au Department of french de Carleton University, cela ne paraît probablement pas évident...

      Bien entendu, on peut comparer les littératures coloniales, puis les littératures nationales qui en sont issues. Or, la littérature coloniale de Nouvelle-France, puis la littérature québécoise qui n'en n'est pas issue, présentent un cas unique en Amérique, la naissance en un siècle (1860-1960) de la littérature d'un peuple conquis et toujours soumis à un pouvoir étranger (d'abord britannique, aujourd'hui canadian). Le noeud de cette « histoire littéraire » est évidemment la Conquête de 1760, qui étouffe une littérature coloniale à peine naissante, littérature (nationale) qui renaîtra de ces/ses cendres un siècle plus tard. Canadienne, canadienne-française, québécoise...

—— Voir l'intéressant amalgame présentant une anthologie des littératures « coloniales » : the Literatures of Colonial America : an anthology, éd. Susan Castillo et d'Ivy Schweitzer, Malden, Blackwell, 2001, xxii-602 p. [2501

      Champlain, p. 100-102. « New France » : Lalemant [sic], Hennepin [sic] et Chrestien Leclercq, p. 178-196. Lahontan, p. 373-383. Charlevoix, p. 392s.; Annales de l'Hôtel-Dieu de Québec, p. 399s.; Élisabeth Bégon, p. 400-403. Le tout parfois traduit de l'Anthologie de Léopold LeBlanc (bg. 484)... Ces « compilations » ne sont pas vite à jour ! ignorant ici un demi-siècle de travaux de recherche.

2017, VUILLEMIN, Nathalie et Thomas Wien, « Introduction » : « Entre observation et inscription », Penser l'Amérique : de l'observation à l'inscription, éd. de N. Vuillemin et de T. Wien, Oxford University Studies in the Enlightenment, Voltaire Foundation, xiv-264 p., p. 1-24. [2502

      Cette introduction ou la présentation du recueil d'articles est d'une remarquable efficacité. Elle se déroule en deux mouvements. D'abord, les articles sont situés dans une prestigieuse configuration de très nombreux chercheurs ayant oeuvré depuis près de cinquante ans sur la « rencontre » de l'« autre », rebaptisée judicieusement, c'est vrai, en observation et inscription. Ensuite, ces mêmes articles, pour tout le recueil, sont présentés en fonction de leurs sujets, avec de nombreuses énumérations des noms des auteurs. En fait, seuls les articles qui ne relèvent pas des études littéraires peuvent prétendre appartenir à la « nouvelle histoire » portant sur de nouveaux objets (vers 1975, en France, car les travaux de Robert-Lionel Séguin, au Québec, datent des années 1960). Nous sommes loin ici de l'histoire sérielle qui devrait révolutionner le « récit historico-littéraire traditionnel » (p. 9).

      En revanche, précisément pour ses prétentions, l'article est une importante contribution bibliographique aux travaux d'histoire sur la réception française de l'Amérique (francophone). Malheureusement, le lecteur devra être patient et attentif, car ces études sont présentées dans un discours peu structuré.

5.1.3 bis Comparaison

2014, LüSEBRINK, Hans-Jürgen, « De l'usage de la comparaison dans les écrits des jésuites sur les Amériques », Jesuit Accounts of the colonial Americas : intercultural transfers, intellectual disputes, and textualities, éd. de Marc André Bernier, de Clorinda Donato et de Hans-Jürgen Lüsebrink, University of Toronto Press, ix-464 p., p. 418-435. [2503

      Le corpus privilégié est celui de la Nouvelle-France et l'auteur le mieux représenté est Lafitau.

5.1.7 Indiens, Amérindiens

2016, MARRACHE-GOURAUX, Myriam, « la Plume des Amériques en son histoire allégorique », S'exprimer autrement : poétique et enjeux de l'allégorie à l'âge classique, 13e colloque du Centre international de rencontres sur le XVIIe siècle (Université York, Toronto, 8-10 mars 2014), éd. Marie-Christine Pioffet et d'Anne-Élisabeth Spica, Biblio 17, vol. 212, p. 253-270. [2504

      Dans l'iconographie, ce sont les plumes des fous qui sont devenues celles des sauvages américains, puisqu'ils en faisaient grand usage, avant que les hautes dames européennes en fassent leurs coiffes. Mais, question coiffe, il est surprenant que cet article, aussi intéressant qu'amusant, ne tienne aucun compte de l'étude spectaculaire de William Sturtevant sur « la "Tupinambisation" des Indiens d'Amérique du Nord » (bg. 516 [18]).

2016, MOTSCH, Andreas, « De l'allégorie ethnographique à l'ethnographie allégorique : le cas de l'Amérique », S'exprimer autrement : poétique et enjeux de l'allégorie à l'âge classique, 13e colloque du Centre international de rencontres sur le XVIIe siècle (Université York, Toronto, 8-10 mars 2014), éd. de Marie-Christine Pioffet et d'Anne-Élisabeth Spica, Biblio 17, vol. 212, p. 272-301. [2505

      La représentation (iconographique) de l'Amérique et de ses Amérindiens chez les « précurseurs » de l'ethnographie moderne, dont le discours serait (selon James Clifford) toujours essentiellement allégorique : notamment, Léry, Champlain, Sagard, Lahontan et Lafitau.

5.1.7 bis Latin, les écrits latins des jésuites de/sur la Nouvelle-France

      Voir les nos 1563 et 1994.

2010, GALLUCCI, John A., « Latin Terms and periphrases for native americans in the Jesuit Relations », Latinity and alterity in the early modern period, éd. de Yasmin Haskell et de Juanita Feros Ruys, tempe, Brepols (coll. « Arizona Center for Medieval and the Renaissance studies », no 30), viii-304 p., p. 259-272. [2506

2012, COTTIER, Jean-François, « le Latin comme outil de grammatisation [sic] des langues "sauvages" en Nouvelle-France : à propos des notes du P. Louis André sur la langue algonquine outaouoise (introduction, édition et traduction du texte latin) », « Nova Gallia : recherche sur les écrits latins de Nouvelle-France », Tangence, no 99, 138 p., p. 99-122. [2507

      L'analyse préliminaire à l'édition des notes de Louis André, sans trop de rapport avec l'édition en question, est une analyse d'ordre philosophique de questions linguistiques. J'en veux pour preuve le vocable « grammatisation » pris des travaux de Sylvain Auroux. Il me semble qu'on devrait lui laisser son néologisme pris de l'anglais (grammatization). En français (contrairement à l'espagnol), on ne connaît pas le verbe grammatiser. Grammaticalisation convient donc parfaitement pour désigner la mise en place de la grammaire d'une langue (d'autant qu'il n'y a pas de confusion possible, le sens premier du vocable scientifique étant « morphologisation » opposé à « lexicalisation »)

      Des deux hypothèses de J.-F. Cottier, c'est la seconde qui doit être retenue, je crois. La première imagine un « langage mental originel », l'idée venant d'Aristote, pour représenter les langues amérindiennes, comme toutes les langues du monde. La seconde propose une hypothèse avérée : les linguistes jésuites vont appliquer la grammaire latine aux langues amérindiennes. Ce sera encore la forme de la grammaire du missionnaire oblat George Joseph Guyon Lemoine en 1901. Cela dit, depuis les tout débuts de leur travaux linguistiques, les jésuites ont été très sensibles au fait que les langues amérindiennes étaient radicalement différentes de nos langues romanes, du latin et des langues indo- européennes. D'ailleurs, l'extrait du dictionnaire de Jean- Baptiste de La Brosse cité et traduit ici (p. 110-111 et n. 48) en est une remarquable illustration, opposant le caractère analytique du français aux déclinaisons et compositions de l'innu.

2013, BAPST, Patrick, « Alter orbis litteratum » ou Une littérature coloniale historicisée : le statut des textes latins dans le contexte missionnaire de la Nouvelle-France (1608-1763), Mémoire de maîtrise, Faculté des Lettres, université de Lausanne, 2013, 151 p. [2508

      Jean-François Cottier et, déjà avant lui, Haijo Westra, puis de nombreux latinistes, dont Patrick Bapst dans cette thèse, ont commencé d'étudier ce qui leur paraît un nouveau domaine de recherche, la « littérature latine de Nouvelle-France ». Ils ont tort, s'agissant tout simplement d'écrits en latin des jésuites de/sur la colonie. C'est ce que montre l'analyse critique de ce panorama substantiel sur la question.

Note critique

      Patrick Bapst tente de situer et de définir cette supposée « littérature latine de Nouvelle-France » dans son chapitre 4, « Chercher les limites d'une littérature » (p. 67-85). Il met beaucoup de temps à n'y pas parvenir, autrement qu'en déclarant que les auteurs des textes latins sont des jésuites et qu'il s'agit donc d'écrits en provenance de la colonie ou qui portent sur elle, soit les écrits latins des jésuites de/sur la Nouvelle-France. Or, P. Bapst rejette cette description rigoureuse de la réalité pour des raisons strictement idéologiques, une vision théorique, celle des « études postcoloniales » qu'on ne saurait appliquer à ces textes. P. Bapst invente le domaine des « écrits coloniaux des Jésuites de la Nouvelle-France », « catégorie absente chez Laflèche » (p. 72, n. 153), ajoute-t-il. Et pour cause ! puisque la catégorie n'existe pas. L'auteur voudrait faire une « nuance capitale » entre deux significations de l'adjectif colonial, soit son sens strict (adjectif déterminatif, « de la colonie » et « sur la colonie ») et son sens postcolonial, très qualificatif, dirais-je, « relatif au colonialisme » (sic). De quel « colonialisme » pourrait-il donc s'agir dans le cas de la Nouvelle-France ? En tout cas, des écrits français de/sur la colonie ne pourront jamais être « coloniaux », sauf à participer à la culture et à la littérature coloniales, celle-ci embryonnaire, comme ce fut le cas des jésuite de Québec avec la Réception du vicomte d'Argenson (bg. 10-11). Là et là seulement devrait se jouer le conflit d'une littérature coloniale s'opposant à celle colonialiste importée ou crée dans la perspective métropolitaine. Conquise en 1760, la Nouvelle- France, qui devra mener bien d'autres luttes, n'a jamais connu ce conflit dans le domaine littéraire.

      La Nouvelle-France est une colonie française et sa langue est le français. Sa littérature coloniale embryonnaire (notre chapitre 1) ne pouvait être que de langue française. En revanche, les écrits de/sur la Nouvelle-France, évidemment très majoritairement français par la force des choses, peuvent être de n'importe quelle langue, cela n'a pas d'importance. Toutefois, les écrits des jésuites de/sur la Nouvelle-France, presque toujours en français, lorsqu'ils sont publiés, sont parfois en latin, particulièrement lorsqu'ils s'adressent à Rome, mais souvent également lorsqu'ils s'adressent au Provincial de Paris ou à quelque collègue jésuite français. Ou encore lorsqu'ils s'adressent à la communauté internationale (Ducreux, bg. 209, par exemple). La cause en est toute simple : non seulement les jésuites français sont bilingues, s'exprimant parfaitement bien en latin, mais lorsqu'ils écrivent en latin, ils sont assurés d'être lus par leurs confrères de langue étrangère, ou de n'être pas lu aussi facilement par un quidam auquel leur missive n'est pas adressée. C'est le cas des passages en latin du Journal des jésuites (bg. 220), que le supérieur de Québec écrit pour lui et destine à ses successeurs.

      Et ce n'est pas tout : jusqu'à preuve du contraire le latin des jésuites de Nouvelle-France est une toute simple langue de communication qui n'a rien de « sacrée » ni de « classique », bien au contraire. Les missionnaires de Nouvelle-France, sauf une toute petite exception (cf. no 1994), ne manifestent jamais aucun plaisir à jouer de leur culture gréco-romaine et celle-ci ne transparaît jamais dans leurs écrits, tandis que leurs citations bibliques et évangéliques sont d'ordre strictement canonique (le latin indiquant justement la « citation »).

      Bref, on trouve quelques jésuites de Nouvelle-France qui écrivent parfois en latin, comme des jésuites de France qui écrivent en latin sur la Nouvelle-France. Le jésuite Bressany, lui, écrit en italien, tandis que le voyageur Pehr Kakm le fait en suédois. Les premières relations de découverte de Cartier ont été connues en italien et en anglais, bien avant d'être éditées en français (sauf le fabuleux « Bref Récit » en 1545). Et alors ? Il ne peut pas exister de « littérature » latine, italienne, anglaise ou suédoise de/sur la Nouvelle-France, c'est impossible.

      Au lieu de ces fabulations inutiles, on attend des latinistes qu'ils s'occupent de leurs affaires, dont la traduction et le commentaire critique des correspondances des jésuites avec le Général de Rome : il faut vite ré-éditer et traduire les textes latins parus sans traduction dans les MNF (lorsqu'ils n'avaient pas été traduits par l'équipe de Thwaites) et publier les cahiers inédits des Archives romaines de la Société de Jésus à Rome (Gal. 109, « Historia Missionis canadensis »).

5.1.8 Parole amérindienne

*2008, GUILLON, Hélène, la Parole diplomatique amérindienne dans la correspondance officielle de 1701-1760, master en histoire, Université de Haute-Alsace, 116 p. [2509

      Analyse de 159 documents sur la diplomatie amérindienne auprès des autorités coloniales au XVIIIe siècle. Cf. l'article de Catherine Broué, no 2513, p. 106, n. 7. Je ne sais pas si le titre doit être entendu au sens littéral et si les documents sont analysés sous l'angle « linguistique » (soit l'analyse thématique de la parole amérindienne).

2013, GOMEZ-GÉRAUD, Marie-Christine, « Entre savoir expérimental et science livresque : le voyageur [sic] face aux langues du Canada », les Représentations de la Nouvelle-France et de l'Amérique du nord, éd. de Sophie Linon-Chipon, de Raymonde Litalien et d'Hélène Richard, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 224 p., p. 147-160. [2510

      L'étude, très intéressante, présente la réception des langues amérindiennes dans les récits de voyages de Cartier, l'Histoire de la Nouvelle-France de Lescarbot, le Grand Voyage de Sagard et le chapitre 1.4 de la Relation de 1636 de Brébeuf. Pas la moindre allusion à Paul Lejeune, l'initiateur et le fondateur des études scientifiques linguistiques et grammaticales de la première des langues de contact en Nouvelle-France, à Québec, l'innu.

2016, MURVAI, Peter, « "Qui harangue le mieux est le mieux obey" : la parole "sauvage" dans l'Histoire du Canada de Sagard », Études littéraires, « Autour de Gabriel Sagard », éd. de M.-C. Pioffet, vol. 47, no 1, p. 65-76. [2511

      Analyse systématique et rigoureuse de l'inscription de la langue et du discours amérindien dans l'Histoire de Sagard. Une critique toutefois : les études de John Steckley ne sont pas bien exploitées, notamment son édition critique du dictionnaire attribué à Sagard (no 1390), qui n'est pas utilisée. Et une restriction : tout le travail devra être repris à neuf lorsqu'on disposera d'un relevé des sources et emprunts de l'Histoire du Canada, probablement dans le cadre d'une thèse étudiant sa genèse, voire d'une édition critique. L'analyse s'applique pour l'instant au texte brut attribué à Sagard, tandis que l'essentiel de ses développements sur les Montagnais, par exemple, est pris notamment des RJNF, la Relation de 1634 de Lejeune en particulier.

2016, BROUÉ, Catherine, « Paroles aiguisées, textes émoussés : guerre, commerce et administration coloniale en Nouvelle-France (1682) », Tangence, no 111, p. 145-158. [2512

      Présentation subjective improvisée du traité ou plutôt des échanges des Iroquois avec Frontenac, 11 septembre 1682. Catherine Broué n'utilise aucun des ouvrages historiques essentiels à la mise en contexte du document. Suggérons-lui la lecture du livre essentiel et fabuleux de W. J. Eccles, Frontenac, the courtier governor, un ouvrage scientifique critique rédigé dans un style fabuleux (McClelland and Stewart, 1959, rééd. The Carleton Library, no 24, 1965), où l'on pourra apprécier la tragicomédie diplomatique avec les Iroquois (Montréal, automne 1682) et la comédie burelesque du courtisan auprès de Colbert, son ministre de la Marine (chap. 6. « the Struggle for the west », p. 99-126, notamment p. 114-120).

2017, BROUÉ, Catherine, « Paroles diplomatiques autochtones en Nouvelle-France : un artefact polyphonique éloquent », Penser l'Amérique : de l'observation à l'inscription, éd. de N. Vuillemin et de T. Wien, Oxford University Studies in the Enlightenment, Voltaire Foundation, xiv-264 p., p. 105-120. [2513

      Les « paroles » désignent, en Nouvelle-France, les articles d'un traité avec les Amérindiens. Elles sont ponctuées du « j'ai dit », qui sépare les diverses parties du discours diplomatique, accompagnées d'un présent de valeur. Chaque discours est suivi, par définition, dans les jours suivants, de la réponse, sur le même modèle, avec donc ses propres « paroles » ou « réponses » correspondant point par point à la séance précédente. Il s'agit là de l'enregistrement des résultats des conseils, qui peuvent avoir de très nombreuses formes, de très nombreux sujets et des participants très divers. L'étude de la rhétorique de ces traités ne manquera pas d'être passionnante. Mais nous sommes ici loin du compte.

      Catherine Broué s'est trouvé un « corpus », soit environ 250 documents désignés dans leur titre par le mot « Paroles », documents repérés sur les systèmes de recherche informatique de la Bibliothèque et des Archives du Canada (1676-1759, alors que la formule existe depuis les tout débuts de la colonie). Elle nous en improvise une présentation subjective. Manifestement, le corpus en question n'a pas commencé à être étudié et on n'en trouve ici aucune caractérisation systématique. En tout cas, à lire l'article, on soupçonne que cet ensemble de documents n'est encore encadré d'aucune méthodologie de recherche. Manifestement l'analyse préliminaire à la constitution d'un tel corpus n'est pas en place, comme si le recherche pouvait s'improviser.

2017, DIONNE, Fannie, « Nouveaux mots, nouveaux mondes : l'histoire de la Nouvelle-France à partir des documents de langue autochtone », Études canadiennes / Canadian studies, no 82, p. 67-85. [2514

      Défense et illustration de l'importance des documents linguistiques et lexicologiques des missionnaires de Nouvelle-France. F. Dionne présente son doctorat en cours sur les dictionnaires du wendat. C'est un lieu commun de déclarer que ces documents ont beaucoup plus à nous apprendre que... les RJNF. Mettons qu'on aborde moins facilement un dictionnaire du huron qu'une relation de Jean de Brébeuf. À suivre...

2017, PIOFFET, Marie-Christine, « le Théâtre du Nouveau Monde : dialogues franco-amérindiens dans les récits viatiques de la Nouvelle-France », Voyages, rencontres, échanges au XVIIe siècle : Marseille carrefour, actes du colloque annuel de la North American Society for seventeenth-century french literature (5-8 juin 2013), éd. de Sylvie Requemora-Gros, Tübigen, Narr Franck Attemto Verlag, Biblio 17, vol 211, 575 p., p. 39-62. [2515

2019, Voix autochtones dans les écrits de la Nouvelle-France, éd. de Sandrine Tailleur, d'Émilie Urbain et de Luc Vaillancourt, Paris, Hermann (coll. « République des lettres »), 372 p. [2516

      Voir le sommaire du recueil au no 2497 Les articles généraux sont enregistrés ci-dessous.

2019, LAFLAMME, Marc-Olivier, et Luc Vaillancourt, « Fonction rhétorique de la parole autochtone dans les récits de voyage de la Nouvelle-France », Voix autochtones dans les écrits de la Nouvelle-France, éd. de Sandrine Tailleur, d'Émilie Urbain et de Luc Vaillancourt, Paris, Hermann (coll. « République des lettres »), 372 p., p. 125-138. [2517

      Cet article représente le programme de la Chaire de recherche sur la parole autochtone. Il s'agit d'un sommaire très approximatif de la critique littéraire sur la question, reprise inlassablement depuis trente ans. Manifestement, la direction de la Chaire prend connaissance des écrits de la Nouvelle-France, appliquant la question bien connue à des extraits des écrits de Champlain, de Lescarbot et de Vimont, découvrant la « fonction rhétorique » de l'éloquence amérindienne !

2019, GOMEZ-GÉRAUD, Marie-Christine, « Enquête sur la voix des autres : récits de voyage en Nouvelle-France, XVIe-XVIIe siècles », Voix autochtones dans les écrits de la Nouvelle-France, éd. de Sandrine Tailleur, d'Émilie Urbain et de Luc Vaillancourt, Paris, Hermann (coll. « République des lettres »), 372 p., p. 139-150. [2518

      Découpe de nombreux extraits des écrits de la Nouvelle-France, de Jean de Léry à Jean de Brébeuf, pour évoquer l'oralité de la « parole » amérindienne, en convoquant les études bien connues de Paul Zumpthor sur ce thème, le tout se présentant comme une « première enquête » qu'il faudrait poursuivre par un dépouillement statistique.

5.1.9 Récit de voyage en Nouvelle-France

2003, MELZER, Sara E., « le Nouveau Monde et la querelle des anciens et des modernes dans le Furetière », Littératures classiques, « le Dictionnaire universel de Furetière », no 47, p. 133-148. [2519

Note critique

      Sara E. Melzer se laisse ici emporter par une illustration de son étude alors en cours, la « querelle des anciens et des modernes » comme symptôme d'une double évolution socio-historique, la décolonisation gréco-romaine de la France et la colonisation de l'Amérique (avant celle de l'Afrique). Voir le no 2439 [histoire des idées en 2012]. Ici, on se trouve en face d'une série de jeux de mots croisés, sollicitant de manière abusive les « exemples » du dictionnaire d'Antoire Furetière. Cela commence avec la réinterprétation systématique des tout simples mots « ancien » et « moderne », comme si le dictionnaire ne pouvait les prendre au sens strict. Jamais Antoine Furetière ne les utilise au sens où on les employait souvent... à l'Académie française, au sens de la querelle que l'on sait, alors qu'une de ses péripéties sévissait portant à ce moment. Jamais, absolument jamais, dans le dictionnaire, on ne trouve le mot « ancien » au sens que lui donne arbitrairement Sara E. Melzer, celui de renvoyer aux « Anciens contemporains » (p. 134) : c'est une pure affabulation. Par ailleurs, plus grave dans un article consacré au dictionnaire de Furetière : manifestement l'analyse ne tient aucun compte de la nature même du dictionnaire, le défigurant en le sollicitant. En effet, Furetière analyse les vocables en distinguant leurs divers contextes; par exemple, le mot « passage » (ici p. 135) est analysé en douze « significations ». Et pour chacun de ces contextes, c'est le fondement du travail lexicologique, il s'agit de donner les exemples les plus divers possibles. Ainsi, « figurément, en chose spirituelle et morale », écrit Furetière (ce que l'article ne recopie pas), le mot a un sens particulier, celui d'« ouvrir la voie » (dirions-nous aujourd'hui). Exemples : « (1) Le péché d'Adam nous a fermé le passage du Paradis, Jésus-Christ nous l'a ouvert par sa mort; (2) Christophe Colomb nous a ouvert de nouveaux passages des Indes occidentales; (3) les modernes nous ont ouvert de nouveaux passages pour pousser plus loin nos connoissances; (4) le grand mérite de cette personne luy a ouvert le passage aux honneurs, aux dignités »; (5) on dit que le passage des Enquestes à la Grand'Chambre a converti quelquefois des hérétiques ». Il n'y a ici absolument aucun « parallèle » entre le Christ et Christophe Colomb ! bien au contraire. Même chose et encore plus grave dans le cas du traitement du vocable « relation », pour lequel Furetière distingue radicalement ses deux sens complémentaires : (1) son sens journalistique, la relation d'un événement, par exemple; et (2) le genre du récit de voyage. En Nouvelle-France, le premier sens s'applique aux relations missionnaires et en particulier aux RJNF (qui ne sont évidemment pas des récits de voyage), le second aux écrits d'exploration de Cartier ou de Champlain.

      Reste le premier syntagme du titre de l'article : l'étude des inscriptions de l'Amérique (française) dans le dictionnaire de Furetière ne manquerait certainement pas d'intérêt.

2005, MELZER, Sara E., « the French Relations and its "hidden" colonial history », A companion of the literatures of colonial america, éd. de Suzan Castillo et d'Ivy Schweitzer, Oxford, Blackwell, p. 220-240. [2520

      Ce qui est caché (« hidden ») ici, c'est moins l'histoire coloniale française que les « relations », comme sources de cette histoire, du moins aux yeux du grand public. La première partie de l'essai (p. 223-227) présente donc les nombreuses formes de relations de voyage ou de relations missionnaires et en explique le succès considérable en France au XVIIe siècle. La seconde partie développe un exemple des informations qu'on peut en tirer, soit les divers aspects de la politique d'assimilation ou d'intégration des Amérindiens qu'on y trouve illustrés et son inverse, l'acculturation amérindienne, désignée comme « volontary subjection » (p. 235-239).

5.1.10 Récit de voyage, étude du genre

2008, PIOFFET, Marie-Christine, « Présentation », Écrire des récits de voyage (XVIe-XVIIIe siècle) : esquisse d'une poétique en gestation, actes du colloque de York University (Toronto) organisé par M.-C. Pioffet et Catherine Broué, édition de Marie-Christine Pioffet, avec la collaboration d'Andreas Motsch, Québec, Presses de l'Université Laval, 638 p., p. 1-16. [2521

      Après l'article suivant, on se reportera à l'ensemble des textes du recueil. Ses articles sur la Nouvelle-France ont été répertoriés plus haut, no 2484.

2008, REQUMORA-GROS, Sylvie, « Voyager ou l'Art de voguer à travers les genres au XVIIe siècle », Écrire des récits de voyage (XVIe-XVIIIe siècles) : esquisse d'une poétique en gestation, actes du colloque de York University (Toronto) organisé par M.-C. Pioffet et Catherine Broué, édition de Marie-Christine Pioffet, avec la collaboration d'Andreas Motsch, Québec, Presses de l'Université Laval, 638 p., p. 219-233. [2522

2013, LABORIE, Jean-Claude, « Pour une poétique du récit hétérologique : le paradigme du voyage au Brésil au XVIe siècle », Travaux de littérature, no 26, « Itinéraires littéraires du voyage », éd. de François Moureau (Paris, Droz, Association pour la diffusion de la recherche littéraire), p. 255-263. [2523

      Corpus : Thevet, Léry, Évreux et d'Abbeville. L'étude consiste à montrer qu'avec ces auteurs, nous passons au récit « hétérologique » (concept emprunté à Michel de Certeau pour désigner le « discours sur l'autre », p. 257, n. 6). La première partie du court article, avant son application (sommaire, précise et pertinente) aux relations sur le Brésil, consiste à caractériser les formes du récit de voyage, à ses origines, au moment du passage des aventures, donc de la fiction, à l'inventaire, donc à la science.

5.1.11 Sources : l'« affaire Dollard »

2005, Aurélien Boisvert, Dollard, ses compagnons et ses alliés, Québec, Septentrion (coll. « Les cahiers du Septentrion »), 200 p. [2524

      Dans les études de sources, en pédagogie, rien ne vaut les ouvrages complètement anachroniques. Le professeur demandera donc à ses étudiants de comparer le livre d'A. Boisvert à l'anthologie critique de Silvio Dumas et d'Adrien Pouliot, parue en 1960 (bg. 612). Ils ne manqueront pas de conclure que le Septentrion aurait été bien avisé de rééditer le petit chef-d'oeuvre de méthodologie documentaire, le Dumas-Pouliot qui compte parmi les classiques de l'historiographie au Québec, au lieu d'un ouvrage sans intérêt qui ignore un demi-siècle de recherche.

5.2 Auteurs

TdM Présentation Errata/addenda Complementum Index TGdM