Les interventions du redoutable polémiste (nous le sommes tous) restent généralement sans réplique, malheureusement, ses victimes n'éprouvant pas le besoin qu'on mesure davantage la justesse de la critique et c'est bien dommage, cela nous permettrait de rire encore un peu, car si le polémiste est intervenu, c'est évidemment parce que ce n'était pas drôle du tout. La formule : polémique = réplique (pamphlétaire (sans réplique)).
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Polémiques II

Guy Laflèche,
Université de Montréal

Scandale aux abysses : l'affaire Gosselin


Présentation

  1. L'affaire Gosselin
  2. Table des matières
  3. Objectifs
  4. Note éditoriale

L'affaire Gosselin

      Sans que personne ne puisse s'en douter l'affaire Gosselin était en germe le 28 septembre 2003. Car la rédaction et même la publication du Discours de réception d'Yves Gosselin chez Lanctôt Éditeur sont pour bien peu de chose dans la cascade des événements. Normalement, l'ouvrage aurait dû tout de suite se mériter le compte rendu critique qu'André Brochu écrira dans Lettres québécoises à l'automne 2004, se mériter aussi, bien entendu, l'écrasante stigmatisation de Marc Laudelout dans le Bulletin célinien et se mériter enfin un silence critique absolu. Un navet est un navet, on le dit; un navet qui joue avec l'antisémitisme, on n'en parle pas, tout simplement.

      L'affaire commence donc avec la publication d'un compte rendu aussi loufoque qu'irresponsable de Louis Hamelin dans le Devoir, le 18 octobre 2003, suivi d'un « inédit », la réplique que j'adresse au journal qui refuse de la publier : « Ce livre est une ordure ». J'édite ma réplique dans mes fichiers internets, en ouvrant un nouveau chapitre de mes Polémiques qui prend le titre de ma réplique, Ce livre est une ordure. Le fichier internet est en orbite dès le samedi 23 octobre, pour qu'on sache bien que le livre avait été dénoncé dès la parution de son compte rendu au Devoir qui tardait, puis refusait de publier ma réplique.

      Le déroulement invraisemblable de l'affaire est consigné dans le journal qu'on trouve très vite dans ce fichier internet qui va devenir peu à peu un dossier de plusieurs fichiers, un livre électronique. Il s'agit de l'ouvrage qu'on touve aujourd'hui sous le titre Scandale aux abysses : l'affaire Gosselin, même si le livre d'Yves Gosselin, je le répète, est bien secondaire dans ce scandale.

      Son sujet est pire que l'antisémitisme, c'est l'antisémitisme inconscient et, plus largement, le racisme qui nous habite tous, particulièrement et tragiquement ceux d'entre nous qui ne sommes manifestement (et ça, c'est la conscience, la « bonne conscience ») pas racistes. J'ai eu deux fois l'occasion de formuler cette question au cours des nombreux mois où s'est édifié cet ouvrage de la manière qu'on le verra dans les deux alinéas suivants.

      Ce n'est pas le discours antisémite qui est ici antisémite. En effet, les juifs ne peuvent pas se sentir visés ni plus choqués et scandalisés que les autres des idées antisémites prêtées au narrateur du Discours de réception, ni celles prêtées par lui à Céline, à Paul Léautaud et autres baudruches et, en ce sens, le roman de Gosselin ne serait pas antisémite s'il ne l'était plus gravement encore du fait de jouer niaisement avec ce qui fut l'horreur absolue. Dès lors, il faut affirmer clairement que le Discours de réception d'Yves Gosselin publié par Jacques Lanctôt et dont Louis Hamelin fait la promotion dans le Devoir est un ouvrage antisémite. Truffée d'appels à la haine contre les juifs qu'il faudrait lire au « second degré » dans le cadre d'une fiction narrative, cette ordure est un manquement criminel au devoir absolu de respect pour les victimes des camps de concentration nazis, ces parents, grands-parents et arrières-grands-parents de juifs qui vivent parmi nous et avec nous qui ne sommes pas juifs. C'est la race humaine, les survivants de l'horreur d'Auschwitz et autres camps d'extermination.

      Ce que prouve ce Discours de réception et sa destinée jusqu'au Prix des collégiens est assez terrible. C'est l'inconscient, l'antisémitisme inconscient. En trois mois, l'affaire Gosselin aura fait la preuve que personne probablement n'est à l'abri de cet antisémitisme-là, sauf les juifs (qui ne sont pas à l'abri de sa forme plus générale, le racisme inconscient). Comment le nommer ? Je ne le sais pas encore, mais racisme et antisémitisme inconscients convient bien pour l'instant. Comment le définir ? Tout simplement par son inconscience et même son impossibilité radicale pour celui qui en est affecté (et je dirais même victime), si ce n'était par définition la nature de l'inconscient : c'est l'antisémitisme de ceux qui ne le sont manifestement pas. L'antisémite est un raciste qui vise les juifs, c'est un pléonasme, le raciste est celui qui se considère d'une race supérieure aux autres, les races inférieures. Le racisme et l'antisémitisme présentent mille degrés, jusqu'au point d'être inconscient, mais c'est encore du racisme et il sera tout de suite reconnu comme tel. Le racisme inconscient n'est pas celui-là, parce qu'il a deux caractéristiques opposées et complémentaires : d'abord il n'est « manifestement » pas du racisme, ni pour celui qui en est victime, ni pour ceux devant lesquels il se manifeste, ni même pour ceux qu'il vise (comme l'illustre magistralement l'affaire Gosselin). La victime en est celui-là même qui en est habité, celui devant qui il se manifeste et qui ne le voit pas. Mais alors comment, comment le découvrir, le voir et le démontrer ? Par l'insensibilité. Yves Gosselin, comme ses lecteurs (ceux qu'il se suppose et qui existent en effet, on le voit bien), combat l'antisémitisme par l'antisémitisme, pensent-ils. La question n'est nullement de savoir si c'est possible, comment, dans quelles conditions et avec quel talent. La réponse est dans l'insensibilité de l'écriture, de la lecture. Penser que ce racisme de bonne conscience et profondément inconscient peut être à tout moment le nôtre, c'est vraiment terrible.

      Je cherche mon appartement à Paris. Je téléphone pour répondre à une petite annonce. Après m'avoir demandé ma nationalité, la propriétaire me dit qu'elle n'accepte pas les Algériens. Alors je m'entends crier dans le combiné, car à l'époque il fallait parler fort au téléphone en France : « Vous m'avez mal compris, je ne suis pas algérien, mais canadien... ». Durant les trois secondes qu'il m'a fallu pour m'entendre, me comprendre et couper rageusement la communication, jamais je n'ai eu aussi honte de toute ma vie, puisque mon racisme s'était de lui-même exprimé avant ma rage. Et fort heureusement pour moi, ce raciste inconscient qui connaît pour y avoir été la Tunisie et le Maroc, qui rêve de l'Algérie, n'a pris que trois secondes pour se mettre à table. Dans l'affaire Gosselin, ces racistes-là ont mis des heures (parfois des jours) à écrire, à éditer, à publier et à lire, et n'en ont pas encore l'ombre d'une prise de conscience, alors qu'ils ont tout un livre pour le leur expliquer précisément.

Table des matières

      Grâce à la programmation html, on pourra feuilleter ou lire les chapitres de ce livre électronique à sa guise, notamment à partir des tables qu'on trouve en tête de chacun de ses dix fichiers (énumérés ci-dessous).

      Au cas où l'on serait arrivé à ce répertoire par intérêt pour Céline et son oeuvre, on verra vite qu'on ne trouvera rien ici à ce sujet, sauf peut-être le jugement critique de Marc Laudelout sur le roman d'Yves Gosselin ou mon compte rendu critique du pamphlet de Jean-Pierre Martin.

      Si l'on est intéressé par l'historique de l'affaire Gosselin, on lira d'abord ma réplique au compte rendu de Louis Hamelin, puisqu'il n'y aurait jamais eu d'« affaire Gosselin » si le Devoir n'avait refusé de la publier, bien entendu :

Ce livre est une ordure

Ensuite, il suffit de lire le journal des événements et de se reporter aux divers documents, interventions et communiqués au fur et à mesure qu'ils se présentent, comme aussi aux référence à d'autres fichiers de l'internet ou à des revues ou à des journeaux, articles qu'on devra trouver en bibliothèque ou acheter sur l'internet. Malheureusement pour mes victimes, ce sera long.

      Si l'on veut au contraire en venir dès le début aux conclusions ou s'en tenir à la matière essentielle développée par l'affaire, il faut prendre connaissances rapidement des diverses interventions (voir la table des réactions et interventions), suivre la chronologie de la réception des romans d'Yves Gosselin et lire mes comptes rendus critiques de ses deux romans — de même que celui que je propose des Bienveillantes, qui est un livre du même ordre.

      Si les affaires croustillantes nous intéressent, alors on ne manquera pas de lire soit le dossier jurique qui présente la tentative avortée du Conseil de l'Université de Montréal de me faire taire, soit encore les interventions de Curvelidy3 sur l'article « Yves Gosselin » dans Wikipédia, une nouvelle petite affaire Gosselin intitulée « La référence no 2 ».

      Voici la liste des dix chapitres de ce livre électronique, avec l'explication des trois lettres du nom mnémonique de chacun d'eux :

  1. index.html : c'est le présent fichier, la présentation de l'ouvrage.
  2. jou.html : journal, le journal de l'affaire Gosselin; il s'agit de mon journal personnel tout au long du développement des événements.
  3. ord.html : ordure — réactions et interventions; ce sont pour l'essentiel les textes factuels que j'ai produits sur l'affaire Gosselin, sauf mes deux communiqués qui doivent continuer (pour la forme !) de tenir sur une seule page lorsqu'on les imprime :
  4. c-1.html : communiqué no 1;
  5. c-2.html : communiqué no 2.
  6. not.html : notes de travail, d'abord les éléments d'analyses littéraires propres à décrire et à évaluer les deux romans d'Yves Gosselin (notamment le compte rendu du livre de Jean-Pierre Martin, Contre Céline), ensuite une bibliographie critique des comptes rendus et articles sur ces romans; dans les deux cas, il s'agit de mener l'étude littéraire des deux romans et des textes sur eux.
  7. com.html : comptes rendus critiques du Jardin du commandant et de Discours de réception d'Yves Gosselin.
  8. jl.html : Jonathan Littell, compte rendu critique de son roman, les Bienveillantes.
  9. jur.html : juridique, c'est le « dossier juridique » et même, pour moi, le « Dossier juridique », avec la majuscule.
  10. wik.html : wikipédia, « La référence no 2 », soit les interventions de Curvelidy3/Gosselin, c'est-à-dire d'Yves Gosselin, dans son article (l'article « Yves Gosselin ») sur l'encyclopédie, pour obtenir la suppression de la référence aux présents fichiers sous le titre « Ce livre est une ordure » et son remplacement par une référence à l'article délirant de Louis Hamelin sur Discours de réception.

Objectifs

Nos objectifs doivent être fort simples :

1- Éviter la « polémique » recherchée par l'auteur et son éditeur : le scandale doit être dénoncé de manière assez ferme pour ne laisser aucune place à la réplique.

      En ce qui me concerne, le moins que l'on puisse dire est que la réussite est totale sur ce point. Humour, ironie et auto-dérision mis à part, je suis heureux du résultat. Il illustre fort bien ma conception radicale de la polémique. Si je dois intervenir (surtout à titre de professeur de l'Université de Montréal) sur une question importante pour dénoncer une situation, j'ai le devoir de ne pas donner prise à la polémique (au sens dégradé, de celle qu'aime bien le Devoir). Dans ce cas exceptionnellement grave, j'y ai veillé de près, de plus près encore que sur la question également importante de ne pouvoir donner prise à l'accusation de propos diffamatoires.

2- Obtenir que Lanctôt Éditeur, avec l'accord de l'auteur, demande immédiatement à son distributeur le rappel de tous les exemplaires et que le livre soit pilonné;

3- non sans que de nombreux exemplaires aient été donnés (aux frais de l'éditeur) à toutes les grandes bibliothèques du Québec et notamment aux bibliothèques universitaires (et cela pour empêcher que l'ouvrage soit recherché pour sa rareté, puisqu'on pourra voir facilement en bibliothèque de quoi il s'agissait).

      En effet, je dois bien préciser que je ne propose aucunement que l'ouvrage soit censuré. C'est l'auteur et son éditeur que l'on devrait pouvoir forcer à retirer volontairement leur livre pour le pilonner : ce n'est pas du tout la même chose.

4- Lanctôt Éditeur rendrait service à l'auteur en présentant ses explications et ses excuses de la manière la plus appropriée qui soit, notamment en trouvant le moyen de réparer le tort causé au Québec et au Canada par cette publication.

      Ces deux derniers points s'appliquent également au premier roman d'Yves Gosselin, le Jardin du commandant, et à ses éditeurs. Cela dit, comme je ne connais encore rien des Éditions du 42e parallèle, je ne peux savoir si leur crédibilité est comparable à celle de Lanctôt Éditeur, maison d'édition qui doit nécessairement répondre de ses actes.

5- Il en est de même évidemment du Devoir, où les responsabilités sont nombreuses et partagées : le journal doit des explications et, à mon avis, des excuses à ses lecteurs.

      J'ai beau être un idéaliste, lorsque j'exigeais des « excuses » en première page du journal et la publication de ma réplique en première page du Cahier des Livres, je n'attendais rien de tel, évidemment. J'exprimais efficacement l'extrême gravité des accusations que je portais contre le livre d'Yves Gosselin et son compte rendu par Louis Hamelin. Près de trois mois plus tard, ce n'est plus une question rhétorique. Certes, j'ai probablement fini d'accorder du temps à l'affaire et je dois dire que je saurais me contenter de la victoire morale dont le signe le plus évident est le silence même du Devoir qui reconnaît ainsi la honte de ses journalistes. En revanche, il ne fait plus de doute à mes yeux que le Devoir devra finalement s'expliquer et qu'il présentera alors ses excuses à ses lecteurs. Ce ne sera plus ma petite victoire : ce sera la victoire de mon journal, le Devoir.

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Texte des « obectifs » revu le 10 janvier 2004.

Note éditoriale

      Cet ouvrage a d'abord été un simple fichier du professeur Guy Laflèche à l'Université de Montréal, paru le 25 octobre 2003. Il a été développé en un répertoire de plusieurs fichiers tout au long de l'affaire Gosselin, en 2003-2004, jusqu'au 17 avril 2004.

      Le livre électronique est revu et corrigé, puis développé, en juin et juillet 2012. C'est la seconde édition, version 2.0.

Éditions:
Version 1.0 — 25 octobre 2003.
Version 2.0 — 20 août 2012.
— Dernière entrée au journal : 18 mai 2013.



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