« Je suis polémiste de
métier ».
Ainsi s'ouvre
mon premier recueil d'articles, intitulé
Polémiques. En
voici un second volume : Polémiques II.
Je pense, en effet, que la première
fonction de l'universitaire est la critique et, malheureusement,
qu'il n'y a pas de « critique constructive ».
L'esprit critique, lorsqu'il lance un
débat ou y prend part, met toute sa sensibilité et
son intelligence, sa compétence, au service de la
vérité, dans le respect des personnes, de leurs
sentiments et de leurs idées, certes, mais sans aucun
respect des susceptibilités des personnages. Comme
cela arrive forcément à tout le monde, il faut bien
que des universitaires, des professeurs, des chercheurs, des
rédacteurs, des critiques et bien d'autres personnes en
autorité aient tort et assument alors leurs décisions
et leurs écrits. Ce sont des personnages, comme nous le
sommes tous dans nos diverses fonctions d'autorité. Si
l'enjeu est important, s'il relève de ma compétence
et s'il me touche, on peut toujours compter sur moi pour la
polémique.
Pour l'autocritique aussi. Comme je l'ai
toujours dit, il n'y a rien que je ne sois prêt à
remettre en cause dans ce que j'enseigne et ce que j'écris,
tout simplement parce que je suis capable de défendre avec
la dernière énergie mon enseignement et mes
écrits. Je ne suis pas de ceux qui ont raison d'avance. Si
l'on a des questions et des objections, on me fait toujours plaisir
de les formuler et je suis forcément heureux d'y
répondre, de préciser ma pensée ou, au
contraire, de me corriger. N'est-ce pas le plus simple que de
reconnaître ses erreurs ou de mieux s'expliquer ?
N'est-ce pas un plaisir de développer sa
pensée ? De s'améliorer et de se corriger
encore ? Je suis même de ceux que l'on peut convertir
le plus facilement à ses raisons ou à des sentiments
justes, correctement exprimés. Mais je ne suis pas
naïf, de sorte qu'on fera bien d'avoir de bonnes raisons pour
m'opposer ses « opinions ».
Il faut au contraire dénoncer les
« opinions » de tous ceux qui expriment leurs
« idées » avec cette conviction qui
tient à leur personne. Ce sont les « idées
de x », les siennes, les leurs.
« Conviction » est ici le mot juste. Car ce ne
sont jamais des idées, des idées qui leur viendraient
d'une autre personne, d'une autre époque ou d'une autre
civilisation. Non. Peu importe où ils trouvent leurs
« idées », elles ne sont pas non plus
destinées à devenir celles des autres, des
idées que nous adopterions parce qu'elles nous
paraîtraient justes, sans plus. Le cogito, ici, est
totalement intransitif, en effet. On trouve partout de ces
professeurs dont j'ai horreur et on les reconnaît facilement,
car ils ont des opinions et des disciples qui les partagent, alors
que personne ne peut en discuter, soit qu'elles sont
confidentielles, soit qu'elles ne sont jamais
développées ou même simplement exposées
nulle part ailleurs que devant les disciples, ce qui est la
caractéristique la plus répandue de l'opinion, celle
dont on fait les propos de salon.
Au contraire, l'esprit critique ne cultive pas
l'art du fragment, de la pensée ou de l'aphorisme. Il
s'interroge, lorsqu'il interroge. Et il propose des
réponses. De même, le critique, le polémiste
n'a jamais de disciples pour la bonne raison qu'il n'a rien
à partager avec des initiés. Bien plus, l'esprit
critique ne comprend pas que ses contemporains ne partagent pas
tout de suite les sentiments et les idées qui,
espère-t-il, seront demain ceux du plus grand nombre. Un
universitaire n'est pas seulement un savant :
précisément parce qu'il travaille à renouveler
les connaissances tout autant qu'à en acquérir de
nouvelles, il peut, il doit être choqué de l'erreur,
de l'ignorance et de l'imposture.
Polémique : défense,
explication, débat et protestation. C'est le fondement de
la recherche et de l'enseignement. Vous aimez la
polémique ? Vous aimez la critique et vous porter
parfois à la défense du bon sens ? La
controverse, la contestation ? Figurez-vous que c'est mon
métier : universitaire.
TdM --
TGdM
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