Il me semble que la dernière chronique
de Louis Cornellier
dépasse les
bornes (20-21 janvier 2007). Elle s'intitule « Hitler et
le
christianisme » et se
présente comme un compte rendu de la thèse de
doctorat de
Kathleen
Harvill-Burton sur quatre théologiens contestataires en leur
temps du régime
nazi. D'après Cornellier, la théologienne qui fait
de l'histoire se demande
pourquoi donc ces
quatre héros sont si négligés. La
réponse est assez simple : ce sont de
valeureux marginaux dans une Église qui fut objectivement
nazie,
avec le
Saint-Esprit. C'est ce que dénonçait
Michel Onfray, en dix pages de son Traité
d'athéologie (Paris, Grasset, 2005, p. 217-228).
— Bien entendu, Michel Onfray n'a rien à voir avec la
thèse de la théologienne et ne s'y trouve
pas cité.
Mais Louis Cornellier profite de l'occasion
pour insulter Michel
Onfray et
dénigrer son Traité d'athéologie. Le
philosophe engagé que j'admire est
traité de « philosophe tonitruant », de
« philosophe qui tire
plus vite que son
ombre » qui affirmerait « âneries»
sur « âneries »,
philosophe peu « perspicace »
(en regard du bon André Frossard !) et qui aurait
été « confondu », le pauvre,
par Hitler et Rosenberg. Mettons que toutes ces insultes font
beaucoup, beaucoup trop.
Louis Cornellier fait dans le
détournement de pensée.
Selon lui, Michel
Onfray aurait affirmé, « entre autres
âneries, qu'Hitler
était attaché au
christianisme et à l'église catholique, qu'il
était chrétien et n'a jamais
abjuré sa foi et qu'il aimait le Jésus
colérique chassant les marchands du
temple ». Ce n'est pas vrai. Michel Onfray montre
simplement que
telle est la
pensée chrétienne qui se dégage de Mein
Kampf, mot à mot, sur la base
d'une vingtaine de citations et de références. Et
c'est cette idéologie on
ne peut plus catholique qui oriente ensuite sa pensée et son
action. La
preuve en est (comme on le lit par un heureux hasard dans le compte
rendu
par Robert Comeau du Mythe Hitler de Ian Kershaw, dans la
même page du
Devoir, ces 20-21 janvier 2007), qu'Hitler abandonne vite
les thèses
paganistes et nordiques d'Alfred Rosenberg dès qu'il
comprend
qu'elles ne
sont pas trop catholiques !
Il faut donc dénoncer Louis Cornellier
pour se prêter
à un règlement de
compte à l'endroit de Michel Onfray à l'occasion du
compte rendu d'un autre
ouvrage où il
n'a absolument rien à voir.
C'est un procédé
inacceptable que de s'en prendre à un auteur ou à un
livre sous prétexte de parler d'un autre.
Ainsi en est-il de la citation suivante produite hors
contexte : « Un
lieu commun, qui ne résiste pas à une analyse
minimale, encore moins à la
lecture des textes, fait d'Adolf Hitler un athée païen
fasciné par les cultes
nordiques, amateur d'un Wagner de casques à cornes, de
Walhalla et de
Walkyries aux poitrines opulentes, un antéchrist,
l'antinomie très exacte du
christianisme ». Cette phrase du Traité
d'athéologie (p. 224) est une
très juste transition entre deux exposés très
simples.
L'antisémitisme
commun d'Hitler et de l'Église de Pie XII, des nazis et des
catholiques,
d'une part, et l'appui et la caution du Vatican aux politiques
d'extermination des Juifs lors des mises en place et des
réalisations
progressives de la solution finale par le national-socialisme,
d'autre part. Oui, en effet, si l'Église catholique de Pie
XII n'a pas été capable de dénoncer ce Crime
épouvantable, elle l'a forcément cautionné.
Que Louis Cornellier ose nous parler du
Concordat de 1933 comme une
façon
pour l'Église catholique de ne pas se mêler de
politique...
pour survivre !
je pense vraiment que cela fait dans l'humour blanc, tellement
c'est odieux,
devant le décompte de ceux qui n'ont pas survécu.
Depuis toutes ces années où
Louis Cornellier sévit au
Devoir, je pense
qu'il est juste de s'interroger. Après quelques
années de
neutralité, le
chroniqueur s'est révélé pour ce qu'il est, un
très simple et rare
missionnaire du catholicisme. C'est son droit le plus
strict,
d'autant qu'il affiche clairement ses convictions
religieuses. Mais on peut se plaindre de son prosélytisme.
Surtout que les
chances ne sont pas égales : quel est donc le
chroniqueur du
Devoir qui
s'affiche comme moi athée ? Je n'en vois aucun.
Peut-être parce que nous ne
sommes pas, nous, prosélytes.
En revanche, et c'est l'objet de mon
intervention, Louis
Cornellier
n'a pas le droit d'utiliser sa chronique pour insulter sans raison
et hors
propos un homme comme Michel Onfray pour la simple raison qu'il ne
partage
pas ses idées. Il doit savoir que le temps des curés
est révolu et que sa
chronique n'est pas une chaire d'où il peut
anathématiser.
Guy Laflèche, Laval
Appendice
Dès le lendemain de la parution de la
chronique incriminée, j'ai adressé une
première version de ce texte d'opinion au journal le
Devoir, qui ne l'a pas publié. La direction n'est pas
entrée en contact avec moi à ce sujet, laissant son
chroniqueur manier l'insulte en toute impunité. La
première version de mon texte se terminait en effet ainsi
(dernière phrase devenue obsolète par la
non-publication
même) : « Louis Cornellier doit savoir qu'il
ne
peut anathématiser... impunément. En l'occurrence,
je ne demande pas d'explications, mais de très simples
excuses ». En fait, oui, il peut insulter
impunément Michel Onfray. Le catholique prosélyte du
Devoir n'a donc ni d'explications à donner, ni
d'excuses à présenter et, comme au bon vieux temps,
il peut être assuré d'une parfaite
impunité : le Devoir est là pour le
couvrir. D'où le refus de ma réaction critique qui
paraît ici pour la première fois, en octobre 2007.
Date: Mon, 22 Jan 2007 17:38:09 -0500
Subject: Commentaire et analyse d'un lecteur pour la page IDEES
To: redaction@ledevoir.com
Madame, monsieur,
Voici ci-dessous, un texte critique que
j'aimerais voir paraître
dans votre
page «Idée».
Merci, j'espère, d'avance,
Guy Laflèche, Laval
Document
Voici maintenant, puisque l'espace ici
n'est pas compté, le texte complet de Louis Cornellier. On
y verra la gratuité de ses insultes, surtout si l'on se
reporte au texte ci-dessus qui montre que les idées
attribuées à Michel Onfray par le chroniqueur sont
incorrectement présentées et citées hors
contexte. Tel n'est pas mon cas. Voici le contexte des insultes
de Cornellier à l'endroit d'Onfray.
Hitler et le christianisme
par Louis Cornellier
Le Devoir, 20-21 janvier 2007, p. F6.
Dans son Traité
d'athéologie (Grasset,
2005), le philosophe Michel Onfray
affirme, entre autres âneries
qu'Hitler
était attaché au christianisme et à
l'Église catholique,
qu'il était chrétien et n'a jamais abjuré sa
foi et qu'il
aimait le Jésus colérique chassant les marchands du
temple [Ce n'est pas vrai : jamais Michel
Onfray n'a fait de telles affirmations]. Onfray conclut donc
aux « compatibilités
christianisme-nazisme » et écrit « Un
lieu commun, qui
ne résiste pas à une analyse minimale, encore moins
à
la lecture des textes, fait d'Adolf Hitler un athée
païen
fasciné par les cultes nordiques, amateur d'un Wagner
de casques à cornes, de Walhalla et de Walkyries aux
poitrines opulentes, un antéchrist, l'antinomie très
exacte du christianisme » [La
citation est faite hors contexte, de sorte qu'on ne saurait en
comprendre la portée, le sens et l'extrême
justesse : je l'ai expliqué plus haut].
« La lecture des textes » dont parle
Onfray, la théologienne
Kathleen Harvill-Burton l'a faite. Ses
conclusions, colligées dans le Nazisme comme
religion :
quatre théologiens déchiffrent le code religieux
nazi (1932-1945), sont pourtant à l'exact opposé
de celles du philosophe tonitruant.
Issu d'une recherche
doctorale réalisée à l'Université Lavai
sous
la supervision de Jean Richard, cet essai, qui se situe
« aux frontières de l'histoire religieuse et de la
théologie », démontre brillamment que le
nazisme
n'était pas qu'un régime politique, mais
« une vision
du monde fondée sur une mystique » visant à
détruire
la foi chrétienne pour la remplacer « par
l'idéologie
nazie et la foi germanique ».
Hitler et Alfred Rosenberg, l'idéologue
du nazisme,
étaient particulièrement retors. Leur machine de
guerre idéologique et spirituelle a, semble-t-il,
confondu Onfray, le philosophe qui tire plus
vite que
son ombre. Le vingt-quatrième point du programme
national-socialiste, présenté par Hitler en
1920, met en avant, en effet, « le christianisme
positif ». Aussi, si l'on s'en tient à cet
élément,
en négligeant « la lecture des textes »,
on peut en conclure que nazisme et christianisme
font bon ménage. C'est une erreur
grave, qui fut mortifère.
Dans Le Mythe du XXe siècle,
livre publié
en 1930 pour préciser les fondements de
l'idéologie nazie et fortement appuyé par
Hitler, Rosenberg développe l'idée du
« christianisme positif ». Attaquant
« viscéralement
l'Église catholique », le contenu de cet
ouvrage affirme d'abord que « Dieu a choisi
le peuple germanique pour incarner sa providence
au XXe siècle » et rejette violemment
« l'idée d'un peuple Juif élu »
et « la doctrine de
l'universalité du salut par le Christ »
défendue
par l'Église de Rome.
II faut en finir, selon Rosenberg, avec le
christianisme négatif d'un Paul de Tarse,
qui entraîne « la destruction des valeurs
raciales »,
puisque « le concept de race nordique
élue pour son sang noble et organiquement
supérieur meurt sous la notion de salut universel
avancée par Paul et reprise par l'Église
romaine ». Pour l'idéologue nazi, les
concepts d'enfer et de vie après la mort détruisent
« le libre esprit nordique ». Au sujet du
péché
originel, il écrit : « En revanche, la
certitude
d'être un
pécheur est une attitude de bâtard
[...] ».
Dans le christianisme positif, Jésus
n'est plus Juif,
mais a plutôt du sang nordique, et les doctrines de la
Trinité et du Saint-Esprit sont condamnées pour
abstraction,
parce qu'elles « n'ont aucun rapport avec une
existence organique ». Hitler, dans ses entretiens avec
Rauschning, ne dira pas autre chose : « Avec ces
Confessions, que ce soit celle-ci ou celle-là, c'est la
même chose. Elles n'ont aucun avenir. Certainement
pas pour les Allemands. [...] Qu'importe que ce soit
l'Ancien ou le Nouveau Testament [...] c'est la même
imposture juive. [...] On est soit chrétien,
soit Allemand [...] Nous ne voulons pas
d'hommes qui ne cessent de jeter un regard
oblique vers l'au-delà ».
André Frossard, plus perspicace gu'Onfray,
soulignait, dans le Crime contre l'humanité
(Robert Laffont, 1987), la totale incompatibilité
entre le nazisme et le monothéisme :
« Il lui fallait abolir chez tout être
humain, à commencer naturellement par le
Juif, cette "image de Dieu" qui ridiculisait sa
propre imagerie de foire au muscle et sa philosophie
de tête de mort. [...] À travers le
Juif, premier annonciateur de la Révélation,
c'est l'idée même de Dieu que le nazisme
cherchait à bannir de la terre ».
Des résistants
Les catholiques et les protestants, pourtant,
ont tardé à le comprendre et à réagir,
autant dans l'Allemagne hitlérienne que
dans la France pétainiste. En Allemagne, il
y eut le concordat de 1933 par lequel l'Église
catholique s'engageait, pour survivre
croyait-elle, à ne pas se mêler de politique.
Du côté protestant, certains cherchèrent
aussi à temporiser, alors que d'autres, les
chrétiens allemands, flirtèrent ouvertement
avec le christianisme positif. En France, sous
Pétain, la hiérarchie catholique prône le
respect du
pouvoir établi et les dirigeants protestants se
tiennent plutôt tranquilles.
Mais il y eut, dans ces deux pays, des
résistants,
des croyants dont la voix prophétique a combattu le
néopaganisme nazi, d'abord sur le plan spirituel,
mais aussi sur le plan politique puisque, dans ce cas,
l'un n'allait pas sans l'autre. Pourquoi les qualifier de
« prophètes » ? Kathleen
Harvill-Burton répond : « Ces
théologiens ont combattu le nazisme sur le plan spirituel
et n'ont jamais transigé avec leurs convictions,
même devant la menace d'exclusion de la part de leur
propre Église. La position néopaïenne et
antichrétienne
du national-socialisme a provoqué leur action dès
le début et jusqu'à la fin de la
guerre ».
Ces héros de la résistance
spirituelle au nazisme,
ce furent, en Allemagne, Paul Tillich et Karl
Barth. Le premier, selon l'historien Bernard Reymond,
s'est battu pour rappeler « que le prophétisme
de la croix ne saurait s'incliner devant l'idolâtrie
politique
et raciale dont la croix gammée était le
symbole ».
Le second, dans une perspective christocentrique
selon laquelle il ne peut « y avoir d'autre manifestation
de Dieu dans l'histoire que celle qui est en
Jésus-Christ », a décrété que
« l'antisémitisme est un
péché contre le Saint-Esprit ». En France,
ce furent
les jésuites Pierre Chaillet, fondateur du journal
clandestin Témoignage chrétien, et son
collègue
Gaston Fessard. Leur combat, déplore Harvill-Burton,
reste méconnu. Aussi, elle a voulu leur rendre
hommage en analysant avec brio et sensibilité leur
oeuvre prophétique.
On ne saurait nier que, en ces temps troubles,
l'Église-institution a souvent manqué, par
naïveté,
lâcheté ou opportunisme, à son devoir.
L'honneur du
christianisme, alors, fut porté par des résistants
qui
savaient, en leur conscience, que leur seule boussole
était le Dieu fait homme de la croix et qu'il exigeait
de combattre le démon nazi.
Petite note appendiciaire
Toute la seconde partie de cette
chronique est un résumé tendancieux de la
thèse de Kathleen Harvill-Burton, s'agissant de remplacer
les Églises chrétiennes par quatre pauvres
chrétiens... Et
sa conclusion, sur la boussole du Dieu fait homme de la
croix, ce n'est pas un discours d'un autre âge ? Et ce
démon nazi béni par Pie XII et le
saint Esprit ? Là, je m'amuse à citer Michel
Onfray, par opposition à notre croyant. Et d'ajouter :
j'ai pour règle de laisser toujours croire les croyants,
sauf lorsqu'ils donnent dans le prosélytisme. Alors la
consigne est simple : Louis Cornellier doit prêcher
dans son journal paroissial, aux croyants, pas pour nous dans le
Devoir.
Texte d'opinion adressé au
Devoir
Ce texte d'opinion refusé a
été
adressé au journal le 12
novembre 2017. Je l'ai développé en un bref article
critique qui
a paru sur le journal citoyen AgoraVox le 23 novembre
suivant. On le trouvera à l'adresse suivante :
< AgoraVox >.
Soit :
agoravox.fr > tribune libre > bobards.
Près
d'une année plus tard (20 septembre 2018), je
développe à nouveau
mon texte, en reprenant le premier jet de l'article que j'avais
préparé pour AgoraVox, car j'avais dû y faire
de nombreuses coupures pour lui donner des dimensions acceptables
pour un journal de grande diffusion sur l'internet. Comme on le
verrait en comparant les deux
versions, celle d'AgoraVox et celle-ci, mes coupures avaient
épargné le pauvre Jean-Marie Salamito et
c'était heureux, car jamais il ne me serait venu à
l'idée de présenter une analyse critique de sa petite
bluette si elle n'avait été le prétexte
de Louis Cornelier pour insulter gratuitement Michel Onfray.
Si j'y remets la main aujourd'hui, c'est pour
une stricte question éthique. Louis Cornelier a
malicieusement et immoralement utilisé le petit pamphlet
insipide et stupide d'un professeur de la Sorbonne contre
Décadence de Michel Onfray. On doit donc savoir
à quel point peut descendre le chroniqueur du Devoir
pour assouvir chrétiennement ses rancoeurs. Bref, le pauvre
Jean-Marie Salamito démérite, malheureusement,
d'avoir été un
simple prétexte. J'en suis triste pour les étudiants
du professeur de la Sorbonne qui n'avaient vraiment pas besoin de
prendre connaissance de mon analyse critique d'un de ses deux
pamphlets. Cela dit, Jean-Marie Salamito devrait savoir qu'on ne
lance jamais de « polémique » sans en
avoir le talent et la compétence.
La profonde immoralité de Louis
Cornelier est donc évidente. Pourra-t-il toujours
sévir au Devoir sur les questions religieuses sans
réplique possible ? Le plus scandaleux,
évidemment, est de le voir se présenter comme un
« croyant ». N'est-ce pas une honte pour les
Chrétiens que ce soit un athée, moi, qui doive
rappeler en vain son journal à l'ordre ?
Vous me direz que les Chrétiens et
croyants n'ont rien à faire dans cette histoire, s'agissant
d'éthique journalistique. Je suis tout à fait
d'accord. C'est en effet la rédaction du Devoir qui
est en cause. C'est elle et elle seule qui a refusé de
publier ma réplique et qui n'a demandé aucun compte
à son chroniqueur.
Ce titre est certes insultant, et surtout
vulgaire, mais il n'est pas de moi. Je veux dénoncer
l'article de Louis Cornellier paru dans le Devoir, le 5
septembre 2017, qui s'intitule « Les bobards de Michel
Onfray ».
L'introduction de son article reprend les
grandes lignes d'un autre article de lui, tout aussi insultant,
dénonçant les « âneries »
du philosophe « tonitruant », et peu
« perspicace », Michel Onfray. L'article
s'intitulait « Hitler et le christianisme » (21
janvier 2007). On vient d'en lire ma critique ci-dessus. En dix
ans, de 2007 à 2017, le critique des
essais au Devoir persiste et signe.
Il signe beaucoup d'insultes. Elles sont
gratuites. J'ai pris tout mon temps, notamment pour lire
Décadence, vie et mort du judéo-christianisme
(2017), que le chroniqueur n'a jamais eu entre les mains, car il
l'intitule du titre de la bande annonce, vue sur l'internet,
Décadence, de Jésus à Ben Laden, vie et
mort de l'Occident. On va bientôt comprendre qu'il ne
connaît pas ce livre, dont
il ne dit rien d'ailleurs, qu'il dénonce par
pamphlétaire interposé, ce qui est évidemment
scandaleux. J'ai trouvé le livre de Kathleen Harvill-Burton
en bibliothèque et j'ai fini par trouver en librairie celui
de Jean-Marie Salamito (à la librairie Médiapaul,
à Montréal-Nord).
Dénoncer un livre sous couvert de faire
le compte rendu d'un autre ouvrage, c'était
déjà le cas de l'article de 2007, où Louis
Cornellier « utilisait » la thèse de
doctorat de Kathleen Harvill-Burton pour dénigrer le
Traité d'athéologie, dont il ne
présentait pas le contenu. L'ouvrage de K. Harvill-Burton,
porte bien son titre, pour le meilleur et pour le pire, le
Nazisme comme religion : quatre théologiens
déchiffrent le code religieux nazi (1932-1945). Elle
étudie les textes de deux théologiens protestants
allemands, Paul Tillich et Karl Barth, et de deux jésuites
français, Pierre Chaillet et Gaston Fessard. Elle les
présente dans l'ordre chronologique. Ils vont d'abord
vaguement protester contre le régime du national-socialisme
d'Hitler, pour le premier, et passer à la résistance
sous le régime de Vichy, pour le dernier. Dans ce cas,
étant donné la « collaboration »
de l'Église catholique avec tous les régimes
fascistes (Mussolini, Franco, Hitler, et après bien
d'autres, Pinochet), la « résistance »
exemplaire de G. Fessard est pour le moins pathétique.
Le Traité d'athéologie.
Cet ouvrage a
près de 400 pages. Exactement et précisément
sept pages portent sur le christianisme d'Hitler, minutieusement
cité de Mein Kampf (p. 201-202, 220-223 et
surtout 225-226, pour les citations du livre d'Hitler). Or, sur ce
point, Harvill-Burton, avec ses quatre théologiens, et
Onfray disent exactement la même chose : Hitler s'est
servi des Églises, notamment de l'Église catholique,
pour asseoir son pouvoir, et il a pour cela bâillonné
le Vatican avec un Concordat (dès 1933), pour tenter ensuite
de nazifier le christianisme en Allemagne et le catholicisme
géré de Rome par le Vatican. Et cela n'a pas
été difficile, étant donné que
l'Église de Pie XII a rejeté radicalement
l'enseignement critique de Pie XI, passant allègrement
de l'antijudaïsme séculaire à
l'antisémitisme, à la faveur d'un anticommunisme
primaire.
Louis Cornellier fait servir la thèse
de doctorat de Kathleen Harvill-Burton à ses fins. Il la
désigne comme une
« théologienne ». Dans son article de
2007, on lisait un simple résumé dithyrambique de la
thèse. L'historienne le méritait bien, car elle
présente de manière vivante les situations
respectives des Églises d'Allemagne sous le
national-socialisme
d'Hitler et de celles de France sous la collaboration du
général Pétain. En revanche, la partie
proprement « théologique » de la
thèse est manifestement défectueuse. La faille la
plus importante se lit dans son titre : dès Mein
Kampf Adolf Hitler veut mettre en place une organisation
politique sur le modèle des croyances religieuses; il sera
le chef incontestable du mouvement nazi auquel tout le peuple
allemand est convié à communier; ce sera la
formidable réussite que l'on connaît. Mais
l'historienne, pour se faire théologienne, inverse la
situation en transformant la métaphore en
réalité, de sorte que le nazisme n'est plus
simplement l'objet d'une ferveur quasi-religieuse, mais devient une
religion et sa pensée religieuse, une théologie.
C'est évidemment tout à fait
inexact et la preuve en est que l'étudiante a
créé de toutes pièces une pensée
religieuse « nazie » qui n'a jamais
existée. Il faut dire qu'elle s'inspire des écrits
du quatrième de ses théologiens, Gaston Fessard, qui
a été le premier a faire l'amalgame. La
pensée religieuse d'Hitler se trouve dans Mein Kampf
et nulle part ailleurs; sa conduite des affaires politiques en
fonction des questions religieuses est connue et fort bien
exposée par Kathleen Harvill-Burton. Malheureusement, elle
ajoute à cela l'oeuvre d'un ridicule
« penseur » de bien petite envergure, Alfred
Rosenberg. Certes, Hitler s'est servi de son
« ami » au début de sa carrière
politique, mais il n'a jamais partagé et surtout pas
exprimé ses délires religieux. Tout au plus lui
accorde-t-il, dans son programme en vingt-cinq propositions du
national-socialisme de 1920, une expression (je dis bien
« une » et
« expression ») :
« christianisme positif ». Cela se trouve
à la vingt-quatrième et avant-dernière
proposition, qui déclare à la fois la
neutralité religieuse du mouvement et sa volonté de
défendre le christianisme contre le
judéo-matérialisme
(la fantastique alliance des juifs et des
communistes, comme on sait). Personne ne saura d'ailleurs avant
longtemps d'où vient l'innocente expression, qui sera
toujours lu au premier degré (que peut-on imaginer de plus
chrétien qu'un « christianisme
positif » !). Jamais d'aucune manière le
Mythe du XXe siècle de Rosenberg, son ouvrage principal
à ce sujet, ne jouera d'autre rôle dans la
pensée et l'action politique des Nazis.
Cela dit, je dois insister sur le fait que
tout le contenu proprement historique de la thèse concorde
avec l'analyse de la pensée religieuse d'Hitler et du
régime nazi telle que présentée dans les deux
livres de Michel Onfray dont il est question ici. Bien sûr,
la thèse est scolaire, multipliant les longues citations
commentées et les résumés d'ouvrages, comme
les annonces et les bilans. C'est une thèse de doctorat.
Se servir du titre d'une thèse de
doctorat, lue de travers, pour dénigrer le Traité
d'athéologie (dont il n'est évidemment pas
question dans l'ouvrage, contrairement à ce que laisse
entendre L. Cornellier), à partir d'une question
traitée dans moins de dix pages par Onfray, cela manifeste
une évidente pathologie foncièrement allergique
à l'athéisme.
Mais il y a malheureusement pire : faire
l'éloge d'une minable petite bluette pour dénoncer
une somme considérable, sans en dire un seul mot, cela me
paraît profondément immoral. Mais c'est d'abord
absurde, illogique et inqualifiable du strict point de vue
intellectuel : il est impossible de rendre compte d'un
pamphlet contre Décadence sans tenir compte du livre
en question. Comment évaluer autrement la pertinence ou la
justesse du
pamphlet ?
Il s'agit d'un tout petit ouvrage de
Jean-Marie
Salamito intitulé Monsieur Onfray au pays des
mythes : réponses sur Jésus et le
christianisme. Le tiers du pamphlet, son premier chapitre
(p. 13-40) porte sur la première section du premier
chapitre du livre d'Onfray, soit 18 pages sur un ouvrage qui en
compte 650. Et Louis Cornellier de citer la conclusion,
c'est-à-dire
l'affirmation que l'auteur a
répété trente fois dans son chapitre (et qu'il
reprendra encore cinq fois par la suite, après cette
« dernière fois) » :
« il faut le dire une dernière fois, c'est la
théorie de la non-existence de Jésus qui est un
mythe » (p. 40), conclusion que L. Cornellier
reprend à son compte : « Depuis des
années, Onfray va répétant que Jésus de
Nazareth n'a jamais existé ». Or, ce n'est pas
vrai. Jamais nulle part Michel Onfray n'a nié l'existence
de Jésus, puisque le Traité et
Décadence reposent en entier sur ce Jésus, la
personne dont on a fait un personnage et un tel personnage que
la personne de Jésus nous est totalement inconnue.
Pourtant, en ouvrant ainsi son chapitre, Jean-Marie Salamito fait
la preuve qu'il n'a rien compris : « Voici sans
doute l'affirmation la plus tonitruante de
Décadence : Jésus de Nazareth n'aurait
jamais existé » ! (p. 13). Une telle
affirmation, répétée page après page,
est risible, tant elle est stupide.
Est-ce que ce ne serait pas là une
affirmation tonitruante, en effet, qui prouverait sans l'ombre d'un
doute que J.-M. Salamito ne sait pas lire ? J'ai bien peur
que oui. Qui est ce pamphlétaire ? Cornellier le
présente comme il le fait ostensiblement
lui-même :
« professeur d'histoire du
christianisme antique à la Sorbonne, Jean-Marie Salamito
[...]. Scandalisé par tant d'hostilité et d'ignorance
[sic], Salamito qui n'a rien d'un polémiste [sic], a
résolu de ne pas laisser passer les élucubrations
[sic] du philosophe ». Son livre
« relève de l'exercice de salubrité
intellectuelle ». « Il fallait
répliquer. L'historien, sans compromis [sic] et sans hargne
[sic, pour ceux qui lirons le pamphlet hargneux], a bien fait son
travail ». Tout cela relève de l'aveugle
apologie, s'agissant du premier argument d'autorité du
pamphlétaire qui dit tout bonnement aux foules
chrétiennes : c'est un savant qui vous parle et qui
réfute un ignorant. La réalité est toute
différente. Jean-Marie Salamito est tout bonnement un sage
professeur d'université qui a fait, comme des milliers
d'universitaires, quelques petits ouvrages
spécialisés, avant d'aboutir professeur à la
Sorbonne de Paris, pour participer à des ouvrages collectifs
ou les codiriger. Non seulement ce n'est pas moi que cela va
impressionner, mais je dirais plutôt qu'il s'agit bel et bien
de ce que Rabelais, au XVIe siècle, ce n'est pas d'hier,
appelait un Sorbonnard. « Salamito, qui n'a rien d'un
polémiste », écrit faussement notre suave
Cornellier : Jean-Marie Salamito en est à son
deuxième petit livre pamphlétaire ! La
réalité : le Sorbonnard utilise son titre
d'universitaire comme argument d'autorité pour faire,
à titre de croyant, dans ses moments libres (et Dieu sait
combien les Sorbonnards en ont) de la pastorale. Sa bluette
pamphlétaire est de cet ordre, rien de plus. Mais pour
Louis Cornellier, qui ne sait manifestement rien de cela, il s'agit
de « faire oeuvre d'historien dans ce
débat » ! Un débat ? Quel
débat ?
En quoi consiste donc le pamphlet
apologétique de J.-M. Salamito que L. Cornellier tient pour
l'oeuvre d'un « historien » de la
« Sorbonne » ? L'auteur contredit
page après page les premiers chapitres du livre de Michel
Onfray. Il a bien le droit, c'est un croyant. Mais jamais, nulle
part dans son petit livre, il n'apporte le moindre fait historique
ou le moindre raisonnement propre à étayer ses
affirmations. Bien au contraire, il ne sert à ses lecteurs
que de risibles arguments d'autorité, dont on trouvera des
exemples à toutes, toutes, absolument toutes les
pages : le « consensus scientifique »,
admis par « toute personne cultivée »,
les « historiens », « tous les
spécialistes », « comme l'écrit
l'un de ses meilleurs biographes », « un grand
savant américain » (parmi deux dizaines de noms
distribués à titre d'arguments tout au long du petit
livre)... « la vérité historique, c'est
que... ». C'est un peu court : (1) Je suis un
savant. (2) Tous les savants disent comme moi. (3) On ne
trouvera personne qui dise le contraire. (4) Donc Michel Onfray a
tort et son livre est très dangereux, surtout pour mes
« étudiantes et étudiants »
(p. 12, car curieusement, l'auteur manie le style bigenre tout
au long de son ouvrage). Dangereux, surtout pour les pauvres
croyants, les pauvres (!), les
« misérables » (!), les
« petits » (!), les
« souffrants » (!) et les
« exclus » (!). Textuel (p. 145).
Voici plutôt les faits exposés
méthodiquement par Michel Onfray, avec des arguments et des
preuves très bien documentées tout au long de son
dernier ouvrage. Je vais m'en tenir aux éléments
dénoncés par J.-M. Salamito et repris par L.
Cornellier.
Jésus de Nazareth a bel et bien
existé, cela ne fait pas l'ombre d'un doute. La tradition
orale de la secte qu'il a fondée s'est
développée et a été petit à
petit enregistrée sur deux siècles. Ce sont les
textes populaires et légendaires du Nouveau Testament, avec
les Épîtres et l'Apocalypse. On ne trouve absolument
aucun autre document, pas un seul, qui ne serait pas de la secte ou
plutôt des sectaires du prophète juif Jésus.
Et, il faut insister, la tradition orale a été
enregistré sur environ deux siècles et dans les
perspectives de plusieurs écoles de la secte (les sectes de
la secte).
Le résultat, ce sont essentiellement
les quatre Évangiles, est simple : Jésus de
Nazareth n'a absolument aucune existence historique. Mettons Jules
César, qui a une existence historique incontestable et, pour
bien dire, extrêmement lourde. On a quasiment sa photo
d'identité, on connaît ses faits et gestes depuis sa
naissance (c'est la césarienne !) jusqu'à sa
mort, avec des livres de lui et sur lui. On n'a rien de cela en ce
qui concerne Jésus de Nazareth. Pire encore, rien de
rien.
Là-dessus, c'est-à-dire rien,
des sectaires de nombreuses écoles nous ont tracé une
légende qui concerne uniquement son enseignement et la toute
fin de sa vie, soit son arrestation, sa condamnation et son
exécution. Dire que Jésus n'a aucune existence
historique, c'est la moindre des choses. Or, en bon
pédagogue, Michel Onfray utilise l'un des plus
célèbres apocryphes (ce sont les textes écrits
généralement à partir des textes
légendaires évangéliques), l'Évangile
du Pseudo-Thomas qui invente l'enfance de Jésus, pour bien
illustrer ce que serait a contrario la jeunesse de
Jésus de Nazareth, qui devait évidemment avoir des
amis d'enfance avec qui jouer, obéir et
désobéir à ses parents, aller à
l'école, etc. Ignorer tout cela par
définition, c'est évidemment imaginer une
fiction, un personnage sans aucune existence historique.
Autre chose très importante,
essentielle, de cette non-existence historique : il n'existe
aucune représentation physique de Jésus. Bien plus
que cela, nous n'en avons absolument aucune description physique.
Les crucifix, les Vierges avec leur enfant Jésus, les images
pieuses qui se dessinent et se sculptent durant 2000 ans sont
évidemment de pures inventions (symboliques). Il en serait
de même des « Vies » de Jésus, si
quelques historiens ne parvenaient à imaginer la
personne qui pourrait raisonnablement correspondre au personnage de
Jésus. Mais le résultat est toujours fort mince et
à la fois contestable et peu crédible. Les plus
critiques sont ceux qui admettent, comme Michel Onfray, que
Jésus n'a aucune existence historique (voyez l'article de P.
Geoltrain dans Universalis, article
« Jésus »).
Mais voilà pourtant le point de
départ d'une fabuleuse odyssée intitulée
Décadence, vie et mort du judéo-christianisme,
qui fait l'histoire de notre civilisation depuis les juifs, les
chrétiens et les musulmans, durant 2000 ans. Tout commence
avec la réinterprétation de l'enseignement du
révolutionnaire séditieux anti-religieux,
Jésus, par le mégalomane saint Paul, dont il me
semble que la misogynie et le masochisme sexuel ne font aucun
doute, avec aussi les conciles d'une Église qui va inventer
une histoire sainte infantile (la naissance du petit Jésus
dans la crèche de Bethléem, la résurrection du
Christ, la sainte Trinité, l'immaculée Conception et
autres balivernes), tandis que la véritable histoire sainte,
celle de l'Église, sera pour l'essentiel, jusqu'à
l'avènement difficile de l'athéisme, une suite de
crimes contre l'humanité : croisades, inquisitions et
guerres saintes, où l'Église s'agenouille devant les
tyrans, les fascistes et les dictateurs.
Oui, Décadence est l'histoire
d'une civilisation qui a vu prospérer une religion
criminelle, probablement comme tout pouvoir religieux, une
civilisation entièrement fondée sur une fiction
populaire née de l'enseignement d'un très jeune
prophète qui s'est sacrifié pour sa doctrine,
exigeant qu'on respecte même ses assassins, la
théocratie juive de Jérusalem et l'occupant
romain.
Tout cela ne relève d'aucune croyance.
Ce sont des faits incontestables. La pensée
développée dans le Traité
d'athéologie et Décadence de Michel Onfray
n'a absolument rien de pamphlétaire. Oh ! certes,
l'auteur manie fort habilement l'humour, l'ironie et souvent le
tout simple comique. Contrairement à Jean-Marie Salamito et
Louis Cornellier, ses écrits sont à mille lieues de
tout prosélytisme. Manifestement, il n'écrit pas
pour eux, mais pour moi. Et en deux sens. Il écrit pour
que je le lise et je le fais avec plaisir. Mais il écrit
aussi « à ma place », car il a un talent
d'écrivain, un art mais également une intelligence,
des lectures et des connaissances que j'envie. Certes, je suis un
lecteur critique, mais il se trouve que je suis en accord avec lui
au point où il me force souvent à me dépasser,
soit avec des idées neuves qu'il exprime, soit encore avec
des idées qu'il n'a pas eues, qui ne contredisent pas, mais
prolongent sa pensée.
Il faut dire que nous sommes tous les deux
athées. J'ajouterai que les
« croyants » ne peuvent jamais se trouver dans
cette situation, malheureusement. C'est le bon sens qui le dit.
Aucun croyant, des dévots orthodoxes aux agnostiques, ne
pense comme un autre, de telle sorte qu'on ne sait jamais ce qu'un
croyant croit. Dans la très grande majorité des cas,
il ne le sait pas lui-même, l'expérience la plus
commune le prouve. Les athées, eux, pensent tous exactement
la même chose : ils ne « croient »
pas. C'est simple.
Puis-je dénoncer la mauvaise foi de
Louis Cornellier ?
Il écrit que, dans son
Traité, Onfray « présentait Hitler
comme un chrétien convaincu et avançait que le
nazisme était compatible avec le christianisme, afin de
discréditer ce dernier ». Ce n'est pas vrai. La
première proposition est stupide : Hitler en
« chrétien convaincu » ? Onfray
cite au texte la pensée religieuse toute chrétienne
exprimée dans Mein Kampf, rien de plus. La seconde
est encore plus stupide : imagine-t-on Onfray expliquer que
« nazisme » et
« christianisme » sont compatibles ? Il
suffit de lire la section intitulée « Les
compatibilités christianisme-nazisme »
(p. 225-227) pour voir de quoi il s'agit. La troisième
est du plus haut comique : est-ce qu'on peut
discréditer le christianisme simplement en désignant
des imbéciles, et Dieu sait combien ils ont
été et sont toujours nombreux, qui ont
été et sont chrétiens ? Terminons en
beauté avec ces trois derniers bobards. Et amusons-nous
pour finir.
En effet, loin de moi l'idée de
détourner les lecteurs du livre de Jean-Marie Salamito, bien
au contraire : même ceux qui ne liront pas
Décadence ne manqueront pas de s'amuser du petit
livre
et ceux qui sauront que Louis Cornellier l'a lu
sans être mort de rire n'en riront que plus.
Une anecdote significative pour commencer. On
lit dans le texte de Louis Cornellier que Michel Onfray n'avait pas
lu les Évangiles (« Onfray les a-t-il
lus ? » !) pour déclarer que
Jésus ne mangeait que des « symboles ».
Et d'affirmer « on le traite de glouton et
d'ivrogne » ! Je connais très bien les
quatre Évangiles, assez pour savoir que Jésus ne
s'est jamais saoulé et qu'on ne l'a jamais traité
d'« ivrogne ». Je n'en revenais pas. Notre
Cornellier avait dû prendre un petit coup, avant
d'écrire sa chronique. Des semaines plus tard, après
ma lecture de Décadence, lorsque je lis finalement la
bluette de Jean-Marie Salamito, je suis mort de rire. Je comprends
que Louis Cornellier l'a tout naïvement recopié.
Jésus aurait été traité
d'« ivrogne » parce qu'il prenait du vin au
lieu de s'en abstenir, comme Jean Baptiste (p. 23, 25 et
27) : « le Galiléen s'est même fait
traiter de "glouton"; il s'est fait reprocher d'être "un
glouton et un ivrogne" ». Référence :
Luc, 26: 17-19; et Matthieu, 11: 19. De quoi s'agit-il ?
D'un petit coup d'exégèse de catéchèse
digne des homélies des vicaires de mon enfance, propre
à réveiller les paroissiens endormis, les
intéressant avec une histoire vraiment surprenante par son
originalité. Mes chers frères, vous relevez d'un
petit lendemain de la veille ? Vous serez pardonnés si
vous passez à confesse, car même Jésus a
été accusé, certainement injustement, de
s'être saoulé, d'être un ivrogne. Pauvre
vicaire, relis le texte. Jésus n'est accusé de rien
du tout. C'est lui qui prêche à ses disciples en leur
expliquant qu'il n'est pas nécessaire d'être
ascétique comme Jean le Baptiste, qu'il n'est pas
nécessaire de jeûner. Jean jeûnait, et on
l'accusait d'être un possédé du démon;
ceux qui le suivront, mais ne jeûneront pas, on les accusera
d'être des Républicains, de manger et de boire du vin.
Vous voulez le lire en latin dans la Vulgate de saint
Jérôme ? « ecce homo vorax et potator
vini » (Matthieu, 11: 19). Traduction : on dira de
vous, cet homme est un goinfre et un buveur, ce qui signifie, on
vous accusera de ne pas jeûner ! Cela prend un grand
petit vicaire paroissial pour en déduire que
« Jésus » était accusé
d'ivrognerie, pour épater la galerie.
Et tout cela pour dire qu'Onfray a tort
d'écrire que jamais, dans les Évangiles, on ne nous
présente Jésus attablé, comme Arafat, pour
manger un bourghol, après une soupe aux lentilles, et avec
des sardines séchées et marinées. Non, il
mange du pain et du vin qu'il bénit, du
« poisson » (c'est son nom,
« Christ », dans sa langue), voire de
l'« agneau pascal ». Il ne pourrait pas boire
une bière, qui a toujours existée, excellente en
Palestine ? Tout cela est bien normal, puisque nous sommes
dans une légende populaire où Jésus de
Nazareth n'a absolument aucune existence historique, ni corporelle.
Voilà une des illustrations de la thèse de Michel
Onfray. Et notre bon vicaire sorbonnard de nous servir, en une
page mémorable (p. 23-25), tous les mots des
Évangiles qui peuvent se manger, à commencer par le
sel ! dans l'expression « vous êtes le sel de
la terre » (Matthieu, 5:13). Bref, nous dit ce bon
prédicateur, d'accord, Jésus ne sale pas sa part de
bourghol aux pois chiches, puisqu'il ne mange jamais dans les
Évangiles ce plat des pauvres servi depuis toujours en
Palestine, mais il a salé ses disciples...
Cela dit, on trouve dans le pamphlet une belle
illustration de l'« exégèse » qui
consiste à faire dire à quelques versets bibliques
tout autre chose que ce qui est écrit pour les accorder avec
son enseignement clérical. C'est la lecture du fragment des
Actes qui raconte humblement combien les philosophes
d'Athènes se sont moqués de saint Paul lorsqu'il
s'est mis en frais de leur expliquer ce qui est devenu le Credo des
chrétiens, l'Apocalypse et la Résurrection des morts
(Actes, 17: 15-34). Évidemment, voilà qui amuse le
philosophe Michel Onfray. Le théologiens de
l'exégèse de pastorale, lui, veut nous faire croire
que les philosophes épicuriens et stoïciens
(verset 18) ne correspondent pas au sujet de la phrase
suivante (verset 19), où on lit qu'ils le
conduisirent à l'Aréopage. Jean-Marie Salamito les
métamorphose en des « notables » du
« Conseil de l'Aréopage »,
« sans doute chargés, entre autres,
de délibérer sur l'introduction de divinités
étrangères » (Évangile selon
Salamito, p. 51). L'important pour le Sorbonnard est de
recaler le philosophe Onfray. Pourtant, le bon sens le plus
élémentaire comprend le texte très clair qui
explique que, à la suite de nombreuses et incessantes
conversations et discussions informelles dans l'agora, des
philosophes prennent l'initiative de convier Paul à un petit
amphithéâtre ou un hémicycle pour qu'il puisse
s'exprimer à son aise, de manière articulée,
devant un plus grand nombre. Ce qu'il fait et ce dont on se moque.
L'important pour nous, c'est l'illustration de
l'« exégèse » qui triture un
texte parfaitement clair, soit le dramatique échec de
l'enseignement de saint Paul à Athènes, notamment
auprès des philosophes. Ce qui est tout à l'honneur
des Athéniens, comme le dit avec raison Onfray, puisque cet
enseignement est celui de l'intolérance religieuse, car
l'Apôtre « sentait au-dedans de lui son esprit
s'irriter, à la vue de cette ville pleine
d'idoles » (Actes, 17: 16).
J'accorde que cet exemple est un peu
difficile, car il faut savoir lire toute une page du Nouveau
Testament pour le savourer. Mais j'ai un meilleur exemple,
beaucoup plus simple et vraiment du plus haut comique. Entre
l'arbre et l'écorce. C'est entre l'Arbre de la connaissance
du bien et du mal et le péché originel. Onfray
s'amuse à nous expliquer qu'ainsi est né la
« science », grâce à une femme,
notre mère à tous, qui a tenu tête au diktat de
son Créateur. Mais voilà que Jean-Marie Salamito,
plus espiègle que Michel Onfray, tient à nous
apprendre que c'est le contraire qui est vrai. Dieu avait
créé la science en ordonnant à son homme,
Adam, de nommer tous les animaux ! (Genèse, 2: 19,
sainte exégèse Salamito, p. 93). Qui donc avait
déjà compris qu'on trouvait là l'origine de la
zoologie ? Où l'on voit que les Sorbonnards sont
vraiment savants.
Plus comique encore. Le Jésus des
Évangiles n'a aucune existence corporelle, au sens où
l'on n'a aucune description de lui ? Voyons donc !
Notre champion de la catéchèse de nous
énumérer tous les mots des Évangiles qui
décrivent des parties du corps (p. 27-28). Il commence
par la tête : Jésus dit qu'il « n'a pas
où reposer sa tête » (et de nous donner la
référence : Matthieu, 8: 20). C'est à
mourir de rire. Jésus de Nazareth avait une tête, et
le pauvre Michel Onfray ne l'avait pas remarqué ! S'il
était Québécois, notre savant historien de la
Sorbonne, Jean-Marie Salamito, aurait écrit : Onfray
a tout à fait tort d'écrire que Jésus n'a dans
les Évangiles aucune existence corporelle. Non,
Jésus avait deux yeux, et c'est tant mieux, deux oreilles,
c'est pareil, avec deux fesses qui se connaissent.
Mais le sommet de l'humour blanc du savant
Sorbonnard, pour en finir là où nous avons
commencé, se trouve dans la réplique à la
supposée affirmation de la non-existence de Jésus.
On trouve en effet de nombreuses théories fumeuses qui
défendent aujourd'hui la thèse que Jésus de
Nazareth n'a jamais existé et qu'il s'agit en fait d'une
création des chrétiens et des auteurs des
Évangiles. Évidemment, personne ne s'occupe de les
détromper. Contrairement à Donald Trump, qui ne
croit pas au réchauffement climatique, cela ne porte pas
à conséquence, en plus d'être amusant. Or,
Jean-Marie Salamito est incapable de faire la preuve de
l'évidence, des faits, de la toute simple existence de
Jésus de Nazareth. Pour cela seulement, on doit lire son
livre.
Références
Louis Cornellier, « Hitler et le
christianisme », le Devoir, 21 janvier 2007,
p. F6.
——, « Les bobards de Michel
Onfray », le Devoir, 5 septembre 2017,
p. B6.
Kathleen Harvill-Burton, le Nazisme comme religion :
quatre théologiens déchiffrent le code religieux nazi
(1932-1945), Québec, Les presses de l'Université
Laval, 2006.
Michel Onfray, Traité d'athéologie, Paris,
Grasset, 2005.
——. Décadence, vie et mort du
judéo-christianisme,
Paris, Flammarion, 2017.
Jean-Marie Salamito, Monsieur Onfray au pays des mythes :
réponses sur Jésus et le christianisme, Paris,
Éditions Salvator, 2017.
Ce texte d'opinion, un « Devoir de
Sciences religieuses », a été proposé au
Devoir le 6 février 2018. Refusé, je l'ai
adressé au journal citoyen AgoraVox qui l'a publié
aussitôt, le 20 février.
AgoraVox.fr > Tribune libre >>
recherche : Guillemin + Jésus
On trouvera donc sur AgoraVox mon analyse
critique et ma dénonciation de la dernière turpitude
du chroniqueur Louis cornellier. C'est la veille de Noël
qu'il a servi aux lecteurs du Devoir un supposé
« Devoir de philo », sous la rubrique des
célèbres « Devoir du
Devoir ». Je me suis mis en frais d'écrire
une réplique, un « Devoir de sciences
religieuses ». On lira le texte sur AgoraVox.
Il en découle une série de
très graves accusations que je vais me contenter
d'énumérer ici, la démonstration s'en trouvant
dans mon article.
1) Intolérance. Louis Cornellier profite de ce texte pour
dénoncer à nouveau Michel Onfray, sans aucune raison.
Le philosophe n'a évidemment rien à faire dans un
compte rendu de l'Affaire Jésus d'Henri Guillemin
(1982), qui est donné comme sujet de ce texte.
Manifestement, Louis Cornellier ne peut pas supporter les
idées d'un athée qu'il se croit religieusement tenu
de dénoncer. Or, on l'a lu dans les deux textes ci-dessus,
jamais Louis Cornellier n'a rendu compte d'aucun livre de
Michel Onfray. Il l'a toutefois dénoncé
malhonnêtement par ouvrages interposés, la
thèse de doctorat de l'étudiante Kathleen
Harvill-Burton et la bluette de Jean-Marie Salamito. Il s'agit
là d'une inqualifiable malhonnêteté
intellectuelle.
2) Fausse citation. Louis Cornellier pique une phrase du livre du
professeur Guillemin et en change le sujet. Le sujet devient
« Michel Onfray » ! Cela se fait à
l'aide d'un très malhonnête glissement de sens.
Onfray serait un « mythiste » et le professeur
Guillemin aurait étudié de très près
cette thèse « mythiste » pour
écrire qu'« aucun historien, à quelque
courant de pensée qu'il appartienne, ne saurait
désormais s'y rallier ». Jamais Guillemin n'a
parlé de quelque thèse
« mythiste » que ce soit. Ce sont les
négateurs de l'existence de Jésus qu'il
dénonce ainsi, nommément Paul-Louis Couchoud et
Prosper Alfaric. Un tel amalgame visant sans raison Michel Onfray
est malveillant, indigne et immoral, puisqu'il s'agit de
détourner une « citation » pour
dénigrer un philosophe qu'on abhorre. Et
l'intolérant d'ajouter l'injure : « laissons
les sceptiques à leur lubie ».
3) Fausse information. L'amalgame du philosophe Michel Onfray et
des négateurs se fait à la faveur d'un mot pris
à Wikipédia sur l'internet,
« mythiste », un mot sorti de l'usage depuis un
siècle et que l'article de Wikipédia applique
intempestivement aux négateurs, ceux qui nient l'existence
de Jésus. Tel n'est évidemment pas le cas de Michel
Onfray, ni directement, ni indirectement. Jamais il n'a nié
l'existence de Jésus de Nazaret, fils de Joseph et de Marie,
et d'aucune manière il a proposé une lecture d'ordre
mythologique des Évangiles. Certes, Louis Cornellier peut
de bonne foi avoir été trompé par l'article de
Wikipédia, article lu sans distance critique aucune, mais
depuis plus d'un mois que le chroniqueur connaît mon analyse
critique, il sait avoir été ou s'être
trompé. Dès lors, il sait qu'il a trompé ses
lecteurs, les lecteurs du Devoir (tout comme la
rédaction du journal le sait, bien entendu). Mais comme
tout lui est permis depuis le début pour dénigrer
Michel Onfray, pour la toute simple raison qu'il est athée,
il ne se corrigera évidemment jamais.
Enfin, il est clair que le Devoir
abrite un chroniqueur d'une foncière
malhonnêteté dès qu'il est question de
religion, puisqu'il profite de son statut de chroniqueur pour se
livrer à la propagande religieuse, au prosélytisme,
et au dénigrement gratuit de ceux qui ne pensent pas comme
lui, ce qui est clair pour l'athée Michel Onfray. Le
Devoir couvre donc l'intolérance, la
malhonnêteté et la désinformation.
On a la preuve indéniable de tout cela
dans mon article refusé par le journal et qu'on trouve sur
AgoraVox.
__gl>-
Guy Laflèche
25 février 2018
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