d'après nos administrateurs (à la Faculté, au
Département et même à l'Association
étudiante, l'AEDEF), qui ferait
fuir les étudiants de Lettres vers les autres
universités de la région de Montréal...
Je réagis contre cette loufoque
illusion de la
« Tour » et de la
« Montagne ». Qui a peur de la tour de pierre
et de la montagne de calcaire ? Je vous explique que
l'objectif de ce programme est non seulement de laisser le temps de
lire, mais surtout de l'imposer. Un
programme de cours « élitiste » qui vous
force à lire ? Voyons donc ! Si, si. Même
la Librairie Olivieri, élitiste, en haut de la
Côte-des-Neiges
en a fait son slogan. « Désolé,
je n'ai pas le temps, je dois lire ». Lire, un
plaisir.
C'est le 19 avril 2002 que la nouvelle
direction de la
Faculté des arts et des sciences, accompagnée de la
direction de la Faculté des études
supérieures, est venue rencontrer l'Assemblée des
professeurs du département des études
françaises. Je n'en ai retenu qu'un seul point, le seul qui
nous occupera ici d'ailleurs. Le vice-doyen à la
planification et à la gestion, qui est dans la vraie vie un
professeur du Département de communication s'occupant des
espaces, des bureaux et des salles de notre immeuble, nous a dit
que nous devions Réformer (majuscule) notre programme et,
notamment, nous interroger sur la pertinence de notre
« Liste de lectures » qui fait ou ferait fuir
la
« clientèle étudiante ».
Je n'ai jamais cessé depuis de
dénoncer cette
ingérence dans le programme de cours de notre
département, car c'est bien la première fois que
notre Programme individuel de lectures était mis en
cause. Ni par des étudiants, ni par des professeurs, mais
par des administrateurs. Curieux, tout de même, que les
Réformes nous viennent des responsables d'espace de
bureau...
Éric Méchoulan est devenu
directeur du
Département des études françaises en juin
suivant. C'est lui qui a nommé Gilbert David comme adjoint
aux études du baccalauréat. À eux deux, ils
mènent depuis la Réforme du programme : les
membres du comité des études sont, avec eux,
Marie-Pascale Huglo,
Robert Melançon, Christiane Ndiaye et Pierre Popovic. Je
n'identifie pas les deux représentants des étudiants
ni les deux représentants des chargés de cours.
Par hasard, je n'ai pu assister à la
toute première
réunion consacrée à la Réforme. J'en
ai donc conservé le message adressé à mes
collègues sur les divers points de l'ordre du jour. En
voici
ce qui nous occupe.
15 août 2003
Chers amis, bonjour. [...] En lisant l'ordre du jour de la
journée d'études, je vois qu'il y a deux points
où je serais intervenu [...].
Mon second point concerne le cours principal de notre programme de
baccalauréat, la liste de lectures. D'un côté
la Faculté voudrait voir disparaître ce cours trop
« difficile » (on l'a vu clairement lors de
notre rencontre avec le doyen, l'année dernière);
d'un autre côté, le cours, réduit à un
demi-cours (!), est mal perçu en Sciences de
l'éducation. Il me semble qu'on doit évidemment
mettre beaucoup d'énergie à défendre ce cours
essentiel pour nos étudiants. C'est donc une nouvelle
stratégie qu'il faut se donner. On doit absolument cesser
de le présenter comme un
« défi ». S'il en est effectivement un
pour nos étudiants qui, souvent, n'ont pas encore
commencé à lire lorsqu'ils arrivent chez nous, s'il
en représente un considérable pour des
administrateurs qui ne doivent pas lire beaucoup (sans compter les
pédagogues de l'autre bout du campus !), il faut
simplement inverser la dynamique. On fait cela collectivement en
présentant ce cours pour ce qu'il est vraiment : la
chance d'avoir le temps de lire, le fait tout simple que ce
« cours » soit sans professeur, sans enseignant
autre que les AUTEURS de la littérature française
depuis le Moyen Âge. Bref, les étudiants de notre
département ont absolument droit à ces
vacances ! C'est une simple question de rhétorique,
direz-vous, et c'est exact, mais c'est aussi la
vérité. Bref, il faut cesser de présenter ce
cours comme un défi, une véritable épreuve
d'initiation ! Six crédits pour lire, tout simplement,
quatre-vingt des plus grands textes de la littérature
française, c'est un cadeau, et c'est comme cela qu'il doit
être présenté.
[...]
Le Programme individuel de
lectures
Ce qu'on appelle au Département des
études
françaises de l'Université de Montréal la
« Liste de lectures » est le corpus des oeuvres
parmi lesquelles l'étudiant
choisit les quatre-vingt (80) titres qui constitueront son
Programme individuel de lectures durant sa première
année de baccalauréat. Il s'agit d'un
« cours » obligatoire de 6 crédits. Ce
cours, qui constitue la base de l'enseignement de première
année, est associé à un ensemble totalisant
dix-huit (18) des trente (30) crédits de première
année, soit le Programme individuel de lectures (6
crédits), les ateliers d'Études de textes
(FRA 1012,
6 crédits), un cours d'Introduction aux études
littéraires (FRA 1000, 3 crédits) et un
cours
d'Histoire de la littérature (FRA 1003, 3
crédits). Il
est important de comprendre que le Programme individuel de
lectures ne
correspond à aucun enseignement hebdomadaire. Au contraire,
il s'agit d'assurer, en première année, le
TEMPS DE LECTURE nécessaire à l'acquisition d'une
culture littéraire préalable aux études
littéraires du baccalauréat. En pratique, le
programme de cours permet
de dégager un minimum de dix heures (soit trois
crédits par semaine sans enseignement) pour un temps de
lecture de quinze à vingt heures par semaine sur un total de
18 crédits (où toutes les lectures correspondent aux
oeuvres de la Liste) afin de permettre la lecture de quatre-vingt
des oeuvres essentielles des Lettres françaises au cours de
la première année du baccalauréat.
C'est ce qui se trouve aboli avec la
suppression du Programme
individuel de lectures. Tous ceux qui vous diront que ce
programme est maintenu parce que la
Liste de lectures sera maintenant distribuée
parmi les cours obligatoires de première et de
deuxième années sont d'optimistes rêveurs qui
n'ont pas étudié de très près le
programme qu'ils veulent « réformer ».
C'est une question
mathématique : lorsqu'on soustrait le temps de lire
(le Programme individuel de lectures représente
à lui seul dix
heures de lecture par semaine, je le répète), on ne
le retrouve nulle part,
forcément.
Inutile de s'occuper ici des entourloupettes.
Tout le programme
actuel du Département des études françaises
est construit en première année à partir du
Programme individuel de lectures. Il faut donc
décider si on le maintient, oui ou non, ou si on le
transforme, avant de répondre à toute autre question.
C'est ce qu'on appelle une question préalable. Or, entre
août 2003 et juin 2004, le « Comité de la
Réforme » a systématiquement
éludé la question, pour proposer finalement
l'abolition du Programme individuel de lectures, ce qui
vient d'être adopté, comme principe, pour le programme
qui devrait être mis en place d'ici la fin de septembre qui
vient.
Pour protester, pour tenter de réagir
contre ce qui me
paraît une détérioration de notre programme
d'études, j'ai donc décidé de lancer un
« sondage » sur le Programme individuel de
lectures. En fait, il ne s'agit pas d'un sondage, mais d'une
consultation. Je propose à tous ceux qui ont
suivi le Programme individuel de lectures de donner leur
avis à ce sujet. Rien de plus pour l'instant, car
après avoir lu les toutes premières réponses,
j'ai évidemment compris que je ne serais pas seul à
défendre ce cours contre nos administrateurs.
Défendre ce cours, c'est aussi en effet
défendre tout
un programme. Je m'oppose en effet à la présente
Réforme du programme qui est en réalité une
Contre-Réforme en ce qu'elle est censée attirer dans
le giron de la Montagne les victimes des
« réformistes » de l'Université
du Québec à Montréal... Je m'expliquerai ici
là-dessus à la première occasion. Pour
l'instant, il y a plus urgent.
Voici donc le questionnaire que j'ai
imaginé. Pour y
répondre, il suffit d'avoir suivi ce cours et de
s'identifier nommément (nom et prénom) comme un
étudiant de l'Université de Montréal au
moment où l'on a suivi le Programme individuel de
lectures, comme le demande la seconde question.
|
Bonjour,
Je lance un appel à tous pour
connaître votre avis sur
le cours FRA 1004, Programme individuel de lectures du
Département des études françaises de
l'Université de Montréal.
Ce cours obligatoire sera supprimé en
2005 (avec
l'approbation unanime des représentants de votre association
étudiante, soit dit en passant).
Je voudrais donc connaître votre avis
à ce sujet.
(1) Refusez-vous ou ne pouvez-vous répondre à cette
consultation, alors que vous avez suivi ce cours? — Oui ou
non.
Inutile de passer à la suite si vous répondez oui!
(;=)).
Cette consultation ne s'adresse pas à
vous si vous n'avez
pas suivi ce cours, évidemment. Toutefois, si vous REFUSEZ,
ne VOULEZ ou ne POUVEZ pas répondre dites-moi-le, car je
dois compter ceux qui ne répondent pas, étant
impossible de compter ceux qui reçoivent mon message. C'est
important de savoir combien de personnes ayant suivi le cours ne
répondent pas, peu importe qu'on ne puisse pas
répondre ou qu'on refuse de répondre et pourquoi.
Inutile de m'expliquer vos raisons, sauf si vous voulez les
partager. Une bonne idée serait alors de me retourner le
présent message sous le titre :
« Consultation : PAS DE REPONSE ».
(2) En quelle année (par exemple 2001-2002) avez-vous suivi
le PROGRAMME INDIVIDUEL DE LECTURES et précisez son sigle
(FRA 1004) et le nombre de crédits (6 crédits).
Les étudiants de Sciences de l'éducation suivent ce
cours sous un autre sigle (FRA 1003): il s'agit d'une
demi-liste de lectures (3 crédits); pire encore, des
étudiants de Baccalauréat en Sciences humaines le
suivent... en troisième année! (FRA 1012, 3 cr.,
avec suppression en pratique des FRA 2000/2001,
paraît-il).
(3) Trouvez-vous que le nombre d'oeuvres à lire
(quatre-vingt titres) est trop élevé en fonction des
6 crédits alloués? (ou quarante titres pour trois
crédits). Répondez par oui ou non.
(4) Évaluation. Vous avez probablement été
évalué en présentant des « fiches de
lecture » dans le cadre de votre cours FRA 1012,
Études de textes. Selon certaines allégations
(dont je n'ai aucune confirmation, ni la moindre preuve, je dois
dire), il y aurait un lucratif marché de fiches! Mes
questions :
4a. Avez-vous été évalué
essentiellement sur des fiches de lectures? Oui ou non.
4b. Si oui ou si vous avez fait des fiches pour
l'évaluation : toutes vos fiches étaient-elles
personnelles? Oui ou non.
4c. Si non : quel a été le mode
d'évaluation ? présentation d'un dossier (de
lectures), examen oral (appuyé ou non par vos
« fiches » de lecture ou d'autres documents),
examen écrit (explication de texte, sommaire d'un groupe de
vos lectures sur une période ou dans un cadre
donné) ? Répondez en quatre ou cinq mots
seulement.
(5) Considérez-vous que ce cours a été (a)
inutile, (b) important ou (c) essentiel pour vous?
(6) À votre avis, quelles questions importantes devrais-je
ajouter
à cette consultation?
Je vous serais extrêmement reconnaissant
de me retourner le
présent message avec vos réponses si possible sous le
titre « CONSULTATION : liste de
lectures ». Je vous présenterai sous peu les
résultats statistiques de la consultation dans le site que
j'ouvrirai sous le titre :
< http: // www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/li >
[L'adresse du présent fichier est aujourd'hui plus simple
:]
< http://Singulier.info/po/li >
li pour Liste de lectures (LI, en minuscules).
Je m'engage personnellement à ce que
votre réponse
à cette consultation reste strictement confidentielle.
Jamais vous ne serez nominalement identifié de quelque
manière que ce soit ni au département des
études françaises ni ailleurs aux diverses instances
de l'Université de Montréal.
Même chose en ce qui concerne les
échanges personnels
que je pourrais avoir avec vous au sujet du Programme individuel
de lectures.
Je profite de l'occasion pour vous souhaiter
un bel
été.
Bien cordialement,
__gl>-
P.S. Prière de transmettre ce message
aux étudiants
de notre département susceptibles d'avoir suivi ce cours.
Par ailleurs, si ce message vous est transmis par un tiers (que je
remercie beaucoup), vous voudrez bien me répondre à
l'adresse suivante :
< guy.lafleche@umontreal.ca >
Guy Laflèche - guy.lafleche@umontreal.ca - 514-343-5612 -
FAX
343-2256
< http://mapageweb.umontreal.ca/lafleche/ >
Département des études françaises,
Université de Montréal
C.P. 6128, succ. Centre-Ville, Montréal H3C 3J7
;=!
|
|
Ce fichier a été
créé le 5 juin
2004. J'y annonçais la consultlation alors en cours.
Peu
après, vers le 15 juin, je
répliquais à la Lettre du directeur aux
étudiants, lettre qui me mettait en cause sans
m'identifier : Réplique à la
mise au point de
la Direction.
Les résultats du
« sondage », pour la
première tranche de cent répondants, ont paru le
27 juin : Résultats de la
consultation.
28 juillet. Comme j'ai été
incapable de
trouver la fameuse Liste de lectures sous la forme d'un fichier
électronique (le secrétariat du
département ayant toujours imprimé
le texte à partir d'une édition sur papier), j'ai
dû me résoudre à la scanner,
ce qui n'a pas été une mince affaire, étant
donné que le « texte » se
présente en colonnes et en lignes distribuant les
renseignements en tableau. Mais maintenant, c'est
fait, et tout le monde peut comprendre concrètement de quoi
on parle. Voici en effet mon édition de la Liste de
lectures qui donne son titre à ces fichiers :
Guide de lecture
12 et 22 août. J'ai adressé
respectivement à
la Presse et au Devoir le texte d'opinion qu'on
trouve maintenant ici comme « éditorial ».
Il n'a pas été retenu. Avant, j'avais
déjà tenté de sensibiliser quelques
chroniqueurs à la question, en vain. Cela n'est pas trop
surprenant, puisque le problème soulevé par la
Réforme paraît à première vue assez
localisé, restreint à moins de deux cents
étudiants par année. Un problème de
littéraires et d'universitaires. Il faut être patient
et expliquer que cette petite question n'intéresse pas moins
la presse, puisqu'il s'agit d'un exemple typique de
l'administration de l'enseignement dans une matière propre
à rejoindre le grand public, la formation à
l'étude des lettres françaises à
Montréal, dans une université où elle est
forte d'une tradition d'un demi-siècle.
26 août. Le Département des
études
françaises tenait une deuxième
« journée d'étude » sur la
prétendue Réforme. Je n'y ai pas participé et
je ne regrette pas ce boycottage : manifestement les
responsables ne comptent pas revenir sur les décisions qui
ont déjà été prises sans analyses
sérieuses et en particulier sur l'abolition de la Liste de
lectures, supprimée sans discussion. Les annonces de la
journée d'étude étaient explicites à
ce sujet, ignorant radicalement le présent fichier, ce qui
ne me paraît pas raisonnable. Dès lors, il n'y a
rien à espérer de ces travaux pour lesquels aucune
étude, aucun rapport ni même aucun document n'a
été remis à l'avance.
Septembre. Le journal des étudiants du
département
des études françaises de l'Université de
Montréal, le Pied, publie un dossier sur la
Réforme du programme. Ce dossier est bien l'oeuvre
d'universitaires de notre département, de sorte qu'il est
remarquablement bien fait. Je prends donc tout le temps de le
démolir. La stratégie des représentants
étudiants, qui sont de bons politiciens, consiste tout
simplement à se justifier (contre l'avis des
étudiants qu'ils devraient représenter) en se situant
dans un ensemble équilibré présentant le
« pour » et le « contre »,
de sorte qu'ils doivent avoir à moitié raison !
Le « point de vue » de
l'Association, c'est mot à mot la position de la
Direction et des Réformateurs — et encore !
avant que
je ne lance la consultation et que j'en tire petit à petit
les conclusions.
Prochaines étapes
Il est certain que les Réformistes ont
le pouvoir.
N'ont-ils pas réussi à mettre en place un
Comité des
études où ne se trouve absolument aucun opposant,
étudiants inclus ? En plus, ils ont non seulement la
force du nombre dans les instances administratives —
majorité et consensus ! —, mais la force
d'inertie
joue aussi en leur faveur. Mais peu importe, puisqu'il
leur manque l'essentiel, avoir tout simplement raison. Il faut
donc les forcer à s'expliquer, de sorte que tout le monde
voie bien qu'ils ont tort. Or, ce n'est pas si difficile qu'il n'y
paraît, car même si le débat n'est pas encore
sur
la place publique, leur position les accable d'elle-même.
Les actions en cours
à la
Faculté, auxquelles on ne peut accorder que peu
d'espoir, devraient démontrer qu'il était bien
inutile de tenter de tout bonnement s'y faire entendre
adéquatement. Ce sera déjà cela.
Le 16 novembre 2004, nouvel appel à la
mobilisation. — Bien d'autres actions sont possibles pour
défendre notre
programme et sa Liste de lectures :
publicités dans la presse, lettres ouvertes aux journaux,
mobilisation pour les élections aux divers postes de
l'association étudiante, débat public sur la
question. Plusieurs possibilités sont en cours
d'évaluation, comme les moyens de rejoindre les professeurs
de littérature qui ont fait leurs études chez nous et
qui voudraient se prononcer sur la question.
1er décembre, adoption du projet de
nouveau programme par le
Conseil de la Faculté des arts et des sciences. Le
Programme individuel de lectures est aboli.
27 décembre 2004. Je mets en place la
dernière version de
ce fichier en espérant tout de même un Prochain
Épisode. Il ne viendra certainement pas de moi. Est-ce
à dire que j'ai beaucoup écrit, mais peu agi ?
Bien entendu, exprimer des idées et les faires
connaître, c'est bien de l'ordre de l'action,
surtout si cela se fait sur la base d'une consultation. Mais pour
l'instant, ceux qui n'ont rien dit et surtout rien écrit
ont
eu raison de moi, contre moi.
Mai 2012. Depuis le début de ma
retraite, en juin de l'année dernière, j'ai eu tout
le temps de mettre de l'ordre dans mes dossiers, y faisant de
nombreux petits grands ménages. Le ménage, c'est
ranger, tenir en ordre. Le « grand
ménage » consiste à se départir de
tout ce qui ne sera plus utile, détruire par exemple les
documents périmés. Et c'est vrai que j'ai
jeté tous les documents que j'avais accumulés au
cours des ans sous le titre « Listes de
lectures ».
De ce grand ménage, j'ai toutefois
sauvé une pièce maîtresse que je verse
aujourd'hui au dossier. Il s'agit, on va le voir, d'un important
document historique dont je n'ai pas
retrouvé les deux formes antérieures (de 1965-1967 et
de 1973-1975, environ, soit les deux réorganisations du
programme que j'ai vécues comme étudiant, puis comme
professeur) : « La
première année au Département des
études françaises ». On y trouvera
située le Programme individuel de
lectures dans l'encadrement méthodologique et historique
proposé par l'enseignement de la première
année du baccalauréat. Peu importe ici le portrait
que trace le document de l'étudiant qui arrivait alors du
cégep (car c'était celui qui ne venait plus du
« cours classique » !), même s'il me
paraît toujours exact que l'on ne saurait enseigner la
littérature à des étudiants dont la grande
majorité n'a pas encore commencé à lire, alors
que ceux qui lisent déjà au moment de leur
entrée en lettres à l'université ont des
lectures (qu'il s'agisse de poésie ou du roman policier),
mais généralement pas encore de culture
littéraire, c'est-à-dire une connaissance
systématique des divers domaines, genres et époques
des littératures d'expression française.
Or, cela ne s'enseigne pas. Personne ne peut
lire s'il n'en prend pas le temps et aucun étudiant de le
prendra s'il ne l'a pas. La Contre-Réforme aura
commencé à porter ses tristes fruits bien avant que
je ne prenne ma retraite. Les fameuses « listes de
lectures » qui accompagnaient arbitrairement les cours
obligatoires, destinées à camoufler et à
justifier la disparition du Programme individuel de lectures, ont
été une lamentable farce qui n'a pas
résisté à la première année du
nouveau programme, bien entendu, tandis que nos étudiants
ont perdu d'un seul coup le temps de lire. On leur a enlevé
ce qu'ils avaient de plus précieux.
Pendant ce temps, c'est l'heureux principe des
vases communicants, l'Université Laval, à
Québec, mettait en place ses deux cours de
littérature intitulés
« Programme individuel de lecture », soit un
total de six crédits sur un ensemble de quinze
crédits d'Activités de formation commune. Si
j'en juge par les titres et les brèves
descriptions, cela correspond exactement à ce qui a
été détruit à l'Université de
Montréal.
Il en reste toutefois le présent
fichier. En effet, dans mon esprit, le petit grand ménage
que j'ai entrepris ce printemps dans le dossier de la
« Liste de lecture » impliquait
également soit la destruction du présent fichier,
soit encore la mise au point d'une toute nouvelle version. Une
version en tout cas où les éléments factuels
seraient effacés : programme universitaire,
consultation, interventions aux diverses instances de
l'université, calendrier et débat public, notamment
dans ce fichier, tout cela est aujourd'hui du domaine de la petite
histoire. Tout ce qui importe, finalement, puisqu'on en est
là, ce sont les
résultats, c'est le programme mis en place petit à
petit durant un demi-siècle dans un département
de l'Université de Montréal.
Tout le monde peut profiter aujourd'hui du
Guide de lectures et de la philosophie qui l'inspirait. De
nombreux départements de lettres pourraient également
s'inspirer du Programme individuel de lectures. Mais
réflexion faite,
j'ai pensé qu'il était important de laisser à
ce fichier son caractère polémique, le contexte
où il a pris naissance et le témoignage de mon
échec. Polémiste, je ne suis nullement un adepte de
la controverse — et c'est même à regret que je
mets ce fichier à jour. En revanche, on ne saurait compter
sur moi pour effacer les combats perdus s'il n'y a pas eu de
débat.
Le présent fichier restera donc en
place. Avec la dernière pièce que j'y verse, il
témoigne que le programme que j'ai défendu le mieux
que j'ai pu était l'oeuvre de professeurs,
c'est-à-dire
d'intellectuels capables d'exposer précisément
et par écrit leur pensée, comme ils entendaient
l'enseigner. Il ne s'agissait nullement
d'enseignants, d'administrateurs et d'animateurs capables, eux,
d'imposer tout un programme de cours sans exprimer trois
idées. Sans
débat.
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TdM —
TGdM
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