Les interventions du redoutable polémiste (nous le sommes tous) restent généralement sans réplique, malheureusement, ses victimes n'éprouvant pas le besoin qu'on mesure davantage la justesse de la critique et c'est bien dommage, cela nous permettrait de rire encore un peu, car si le polémiste est intervenu, c'est évidemment parce que ce n'était pas drôle du tout. La formule : polémique = réplique (pamphlétaire (sans réplique)).
L'éléphant de porcelaine L'arpenteuse du racisme La brouillonnologue de la CGMM Notre critique et sa poésie
Les fulminations de Dominique Deslandres, de René Latourelle et de Robert Toupin contre le « Mythe contemporain Laflèche »

Polémiques II

Guy Laflèche,
Université de Montréal

La Liste de lectures

 

      Des étudiants de Lettres de l'Université de Montréal rendus fous, sourds et aveugles par un programme individuel de lectures obligatoires. Ils doivent lire pas moins de quatre-vingt livres en une seule année. Des malades. Plusieurs se jettent en bas de la Tour, les Poésies de Stéphane Mallarmé à bout de bras. Un autre, récemment, du haut de la Montagne, le Père Goriot à la main, hurlant « À nous deux, Montréal ! », a dû être maîtrisé par des policiers de la Communauté urbaine. Les administrateurs de l'UdeM s'inquiètent du comportement des clientèles étudiantes en Lettres. Des étudiants soudoient des passagers du métro pour avoir des places assises aux heures de pointe, les proches s'inquiètent, et même une section spéciale de la psychiatrie, toujours à l'Université, s'est spécialisée sur la question de la « Liste de lectures ». Des malades les font lire. Et finalement, ces étudiants lisent comme des malades.

La suppression du Programme individuel de lectures
lors de la « réforme » du programme des études
au Département des littératures de langue française
à l'Université de Montréal en 2004

  1. Les « consignes » de la Direction de l'Université
  2. La direction du Département des études françaises
  3. Le Programme individuel de lectures
  4. Consultation
  5. Questionnaire
  6. Calendrier — 2004
  7. Prochain Épisode ? — Mai 2012

      Il fallait donc s'y attendre, des administrateurs ont réagi.

      La « Réforme » en cours du programme d'enseignement du Département des études françaises de l'Université de Montréal conduit à la suppression du Programme individuel de lectures, le cours FRA 1004, connu sous le nom de « Liste de lectures ». Un cours

t-e-r-r-i-b-l-e
d'après nos administrateurs (à la Faculté, au Département et même à l'Association étudiante, l'AEDEF), qui ferait fuir les étudiants de Lettres vers les autres universités de la région de Montréal...

      Je réagis contre cette loufoque illusion de la « Tour » et de la « Montagne ». Qui a peur de la tour de pierre et de la montagne de calcaire ? Je vous explique que l'objectif de ce programme est non seulement de laisser le temps de lire, mais surtout de l'imposer. Un programme de cours « élitiste » qui vous force à lire ? Voyons donc ! Si, si. Même la Librairie Olivieri, élitiste, en haut de la Côte-des-Neiges en a fait son slogan. « Désolé, je n'ai pas le temps, je dois lire ». Lire, un plaisir.

Les « consignes » de la Direction de l'Université

      C'est le 19 avril 2002 que la nouvelle direction de la Faculté des arts et des sciences, accompagnée de la direction de la Faculté des études supérieures, est venue rencontrer l'Assemblée des professeurs du département des études françaises. Je n'en ai retenu qu'un seul point, le seul qui nous occupera ici d'ailleurs. Le vice-doyen à la planification et à la gestion, qui est dans la vraie vie un professeur du Département de communication s'occupant des espaces, des bureaux et des salles de notre immeuble, nous a dit que nous devions Réformer (majuscule) notre programme et, notamment, nous interroger sur la pertinence de notre « Liste de lectures » qui fait ou ferait fuir la « clientèle étudiante ».

      Je n'ai jamais cessé depuis de dénoncer cette ingérence dans le programme de cours de notre département, car c'est bien la première fois que notre Programme individuel de lectures était mis en cause. Ni par des étudiants, ni par des professeurs, mais par des administrateurs. Curieux, tout de même, que les Réformes nous viennent des responsables d'espace de bureau...

La direction du Département des études françaises

      Éric Méchoulan est devenu directeur du Département des études françaises en juin suivant. C'est lui qui a nommé Gilbert David comme adjoint aux études du baccalauréat. À eux deux, ils mènent depuis la Réforme du programme : les membres du comité des études sont, avec eux, Marie-Pascale Huglo, Robert Melançon, Christiane Ndiaye et Pierre Popovic. Je n'identifie pas les deux représentants des étudiants ni les deux représentants des chargés de cours.

      Par hasard, je n'ai pu assister à la toute première réunion consacrée à la Réforme. J'en ai donc conservé le message adressé à mes collègues sur les divers points de l'ordre du jour. En voici ce qui nous occupe.


15 août 2003

Chers amis, bonjour. [...] En lisant l'ordre du jour de la journée d'études, je vois qu'il y a deux points où je serais intervenu [...].

Mon second point concerne le cours principal de notre programme de baccalauréat, la liste de lectures. D'un côté la Faculté voudrait voir disparaître ce cours trop « difficile » (on l'a vu clairement lors de notre rencontre avec le doyen, l'année dernière); d'un autre côté, le cours, réduit à un demi-cours (!), est mal perçu en Sciences de l'éducation. Il me semble qu'on doit évidemment mettre beaucoup d'énergie à défendre ce cours essentiel pour nos étudiants. C'est donc une nouvelle stratégie qu'il faut se donner. On doit absolument cesser de le présenter comme un « défi ». S'il en est effectivement un pour nos étudiants qui, souvent, n'ont pas encore commencé à lire lorsqu'ils arrivent chez nous, s'il en représente un considérable pour des administrateurs qui ne doivent pas lire beaucoup (sans compter les pédagogues de l'autre bout du campus !), il faut simplement inverser la dynamique. On fait cela collectivement en présentant ce cours pour ce qu'il est vraiment : la chance d'avoir le temps de lire, le fait tout simple que ce « cours » soit sans professeur, sans enseignant autre que les AUTEURS de la littérature française depuis le Moyen Âge. Bref, les étudiants de notre département ont absolument droit à ces vacances ! C'est une simple question de rhétorique, direz-vous, et c'est exact, mais c'est aussi la vérité. Bref, il faut cesser de présenter ce cours comme un défi, une véritable épreuve d'initiation ! Six crédits pour lire, tout simplement, quatre-vingt des plus grands textes de la littérature française, c'est un cadeau, et c'est comme cela qu'il doit être présenté.

[...]


Le Programme individuel de lectures

      Ce qu'on appelle au Département des études françaises de l'Université de Montréal la « Liste de lectures » est le corpus des oeuvres parmi lesquelles l'étudiant choisit les quatre-vingt (80) titres qui constitueront son Programme individuel de lectures durant sa première année de baccalauréat. Il s'agit d'un « cours » obligatoire de 6 crédits. Ce cours, qui constitue la base de l'enseignement de première année, est associé à un ensemble totalisant dix-huit (18) des trente (30) crédits de première année, soit le Programme individuel de lectures (6 crédits), les ateliers d'Études de textes (FRA 1012, 6 crédits), un cours d'Introduction aux études littéraires (FRA 1000, 3 crédits) et un cours d'Histoire de la littérature (FRA 1003, 3 crédits). Il est important de comprendre que le Programme individuel de lectures ne correspond à aucun enseignement hebdomadaire. Au contraire, il s'agit d'assurer, en première année, le TEMPS DE LECTURE nécessaire à l'acquisition d'une culture littéraire préalable aux études littéraires du baccalauréat. En pratique, le programme de cours permet de dégager un minimum de dix heures (soit trois crédits par semaine sans enseignement) pour un temps de lecture de quinze à vingt heures par semaine sur un total de 18 crédits (où toutes les lectures correspondent aux oeuvres de la Liste) afin de permettre la lecture de quatre-vingt des oeuvres essentielles des Lettres françaises au cours de la première année du baccalauréat.

      C'est ce qui se trouve aboli avec la suppression du Programme individuel de lectures. Tous ceux qui vous diront que ce programme est maintenu parce que la Liste de lectures sera maintenant distribuée parmi les cours obligatoires de première et de deuxième années sont d'optimistes rêveurs qui n'ont pas étudié de très près le programme qu'ils veulent « réformer ». C'est une question mathématique : lorsqu'on soustrait le temps de lire (le Programme individuel de lectures représente à lui seul dix heures de lecture par semaine, je le répète), on ne le retrouve nulle part, forcément.

      Inutile de s'occuper ici des entourloupettes. Tout le programme actuel du Département des études françaises est construit en première année à partir du Programme individuel de lectures. Il faut donc décider si on le maintient, oui ou non, ou si on le transforme, avant de répondre à toute autre question. C'est ce qu'on appelle une question préalable. Or, entre août 2003 et juin 2004, le « Comité de la Réforme » a systématiquement éludé la question, pour proposer finalement l'abolition du Programme individuel de lectures, ce qui vient d'être adopté, comme principe, pour le programme qui devrait être mis en place d'ici la fin de septembre qui vient.

Consultation

      Pour protester, pour tenter de réagir contre ce qui me paraît une détérioration de notre programme d'études, j'ai donc décidé de lancer un « sondage » sur le Programme individuel de lectures. En fait, il ne s'agit pas d'un sondage, mais d'une consultation. Je propose à tous ceux qui ont suivi le Programme individuel de lectures de donner leur avis à ce sujet. Rien de plus pour l'instant, car après avoir lu les toutes premières réponses, j'ai évidemment compris que je ne serais pas seul à défendre ce cours contre nos administrateurs.

      Défendre ce cours, c'est aussi en effet défendre tout un programme. Je m'oppose en effet à la présente Réforme du programme qui est en réalité une Contre-Réforme en ce qu'elle est censée attirer dans le giron de la Montagne les victimes des « réformistes » de l'Université du Québec à Montréal... Je m'expliquerai ici là-dessus à la première occasion. Pour l'instant, il y a plus urgent.

Questionnaire

      Voici donc le questionnaire que j'ai imaginé. Pour y répondre, il suffit d'avoir suivi ce cours et de s'identifier nommément (nom et prénom) comme un étudiant de l'Université de Montréal au moment où l'on a suivi le Programme individuel de lectures, comme le demande la seconde question.


      Bonjour,

      Je lance un appel à tous pour connaître votre avis sur le cours FRA 1004, Programme individuel de lectures du Département des études françaises de l'Université de Montréal.

      Ce cours obligatoire sera supprimé en 2005 (avec l'approbation unanime des représentants de votre association étudiante, soit dit en passant).

      Je voudrais donc connaître votre avis à ce sujet.

(1) Refusez-vous ou ne pouvez-vous répondre à cette consultation, alors que vous avez suivi ce cours? — Oui ou non. Inutile de passer à la suite si vous répondez oui! (;=)).

      Cette consultation ne s'adresse pas à vous si vous n'avez pas suivi ce cours, évidemment. Toutefois, si vous REFUSEZ, ne VOULEZ ou ne POUVEZ pas répondre dites-moi-le, car je dois compter ceux qui ne répondent pas, étant impossible de compter ceux qui reçoivent mon message. C'est important de savoir combien de personnes ayant suivi le cours ne répondent pas, peu importe qu'on ne puisse pas répondre ou qu'on refuse de répondre et pourquoi. Inutile de m'expliquer vos raisons, sauf si vous voulez les partager. Une bonne idée serait alors de me retourner le présent message sous le titre : « Consultation : PAS DE REPONSE ».

(2) En quelle année (par exemple 2001-2002) avez-vous suivi le PROGRAMME INDIVIDUEL DE LECTURES et précisez son sigle (FRA 1004) et le nombre de crédits (6 crédits). Les étudiants de Sciences de l'éducation suivent ce cours sous un autre sigle (FRA 1003): il s'agit d'une demi-liste de lectures (3 crédits); pire encore, des étudiants de Baccalauréat en Sciences humaines le suivent... en troisième année! (FRA 1012, 3 cr., avec suppression en pratique des FRA 2000/2001, paraît-il).

(3) Trouvez-vous que le nombre d'oeuvres à lire (quatre-vingt titres) est trop élevé en fonction des 6 crédits alloués? (ou quarante titres pour trois crédits). Répondez par oui ou non.

(4) Évaluation. Vous avez probablement été évalué en présentant des « fiches de lecture » dans le cadre de votre cours FRA 1012, Études de textes. Selon certaines allégations (dont je n'ai aucune confirmation, ni la moindre preuve, je dois dire), il y aurait un lucratif marché de fiches! Mes questions :

4a. Avez-vous été évalué essentiellement sur des fiches de lectures? Oui ou non.

4b. Si oui ou si vous avez fait des fiches pour l'évaluation : toutes vos fiches étaient-elles personnelles? Oui ou non.

4c. Si non : quel a été le mode d'évaluation ? présentation d'un dossier (de lectures), examen oral (appuyé ou non par vos « fiches » de lecture ou d'autres documents), examen écrit (explication de texte, sommaire d'un groupe de vos lectures sur une période ou dans un cadre donné) ? Répondez en quatre ou cinq mots seulement.

(5) Considérez-vous que ce cours a été (a) inutile, (b) important ou (c) essentiel pour vous?

(6) À votre avis, quelles questions importantes devrais-je ajouter à cette consultation?

      Je vous serais extrêmement reconnaissant de me retourner le présent message avec vos réponses si possible sous le titre « CONSULTATION : liste de lectures ». Je vous présenterai sous peu les résultats statistiques de la consultation dans le site que j'ouvrirai sous le titre :

< http: // www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/li >
[L'adresse du présent fichier est aujourd'hui plus simple :]
< http://Singulier.info/po/li >

li pour Liste de lectures (LI, en minuscules).

      Je m'engage personnellement à ce que votre réponse à cette consultation reste strictement confidentielle. Jamais vous ne serez nominalement identifié de quelque manière que ce soit ni au département des études françaises ni ailleurs aux diverses instances de l'Université de Montréal.

      Même chose en ce qui concerne les échanges personnels que je pourrais avoir avec vous au sujet du Programme individuel de lectures.

      Je profite de l'occasion pour vous souhaiter un bel été.

      Bien cordialement,

      __gl>-

      P.S. Prière de transmettre ce message aux étudiants de notre département susceptibles d'avoir suivi ce cours. Par ailleurs, si ce message vous est transmis par un tiers (que je remercie beaucoup), vous voudrez bien me répondre à l'adresse suivante :

< guy.lafleche@umontreal.ca >


Guy Laflèche - guy.lafleche@umontreal.ca - 514-343-5612 - FAX 343-2256
< http://mapageweb.umontreal.ca/lafleche/ >
Département des études françaises, Université de Montréal
C.P. 6128, succ. Centre-Ville, Montréal H3C 3J7


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Calendrier

      Ce fichier a été créé le 5 juin 2004. J'y annonçais la consultlation alors en cours.

      Peu après, vers le 15 juin, je répliquais à la Lettre du directeur aux étudiants, lettre qui me mettait en cause sans m'identifier : Réplique à la mise au point de la Direction.

      Les résultats du « sondage », pour la première tranche de cent répondants, ont paru le 27 juin : Résultats de la consultation.

      28 juillet. Comme j'ai été incapable de trouver la fameuse Liste de lectures sous la forme d'un fichier électronique (le secrétariat du département ayant toujours imprimé le texte à partir d'une édition sur papier), j'ai dû me résoudre à la scanner, ce qui n'a pas été une mince affaire, étant donné que le « texte » se présente en colonnes et en lignes distribuant les renseignements en tableau. Mais maintenant, c'est fait, et tout le monde peut comprendre concrètement de quoi on parle. Voici en effet mon édition de la Liste de lectures qui donne son titre à ces fichiers : Guide de lecture

      12 et 22 août. J'ai adressé respectivement à la Presse et au Devoir le texte d'opinion qu'on trouve maintenant ici comme « éditorial ». Il n'a pas été retenu. Avant, j'avais déjà tenté de sensibiliser quelques chroniqueurs à la question, en vain. Cela n'est pas trop surprenant, puisque le problème soulevé par la Réforme paraît à première vue assez localisé, restreint à moins de deux cents étudiants par année. Un problème de littéraires et d'universitaires. Il faut être patient et expliquer que cette petite question n'intéresse pas moins la presse, puisqu'il s'agit d'un exemple typique de l'administration de l'enseignement dans une matière propre à rejoindre le grand public, la formation à l'étude des lettres françaises à Montréal, dans une université où elle est forte d'une tradition d'un demi-siècle.

      26 août. Le Département des études françaises tenait une deuxième « journée d'étude » sur la prétendue Réforme. Je n'y ai pas participé et je ne regrette pas ce boycottage : manifestement les responsables ne comptent pas revenir sur les décisions qui ont déjà été prises sans analyses sérieuses et en particulier sur l'abolition de la Liste de lectures, supprimée sans discussion. Les annonces de la journée d'étude étaient explicites à ce sujet, ignorant radicalement le présent fichier, ce qui ne me paraît pas raisonnable. Dès lors, il n'y a rien à espérer de ces travaux pour lesquels aucune étude, aucun rapport ni même aucun document n'a été remis à l'avance.

      Septembre. Le journal des étudiants du département des études françaises de l'Université de Montréal, le Pied, publie un dossier sur la Réforme du programme. Ce dossier est bien l'oeuvre d'universitaires de notre département, de sorte qu'il est remarquablement bien fait. Je prends donc tout le temps de le démolir. La stratégie des représentants étudiants, qui sont de bons politiciens, consiste tout simplement à se justifier (contre l'avis des étudiants qu'ils devraient représenter) en se situant dans un ensemble équilibré présentant le « pour » et le « contre », de sorte qu'ils doivent avoir à moitié raison ! Le « point de vue » de l'Association, c'est mot à mot la position de la Direction et des Réformateurs — et encore ! avant que je ne lance la consultation et que j'en tire petit à petit les conclusions.

Prochaines étapes

      Il est certain que les Réformistes ont le pouvoir. N'ont-ils pas réussi à mettre en place un Comité des études où ne se trouve absolument aucun opposant, étudiants inclus ? En plus, ils ont non seulement la force du nombre dans les instances administratives — majorité et consensus ! —, mais la force d'inertie joue aussi en leur faveur. Mais peu importe, puisqu'il leur manque l'essentiel, avoir tout simplement raison. Il faut donc les forcer à s'expliquer, de sorte que tout le monde voie bien qu'ils ont tort. Or, ce n'est pas si difficile qu'il n'y paraît, car même si le débat n'est pas encore sur la place publique, leur position les accable d'elle-même.

      Les actions en cours à la Faculté, auxquelles on ne peut accorder que peu d'espoir, devraient démontrer qu'il était bien inutile de tenter de tout bonnement s'y faire entendre adéquatement. Ce sera déjà cela.

      Le 16 novembre 2004, nouvel appel à la mobilisation. — Bien d'autres actions sont possibles pour défendre notre programme et sa Liste de lectures : publicités dans la presse, lettres ouvertes aux journaux, mobilisation pour les élections aux divers postes de l'association étudiante, débat public sur la question. Plusieurs possibilités sont en cours d'évaluation, comme les moyens de rejoindre les professeurs de littérature qui ont fait leurs études chez nous et qui voudraient se prononcer sur la question.

Prochain Épisode ?

      1er décembre, adoption du projet de nouveau programme par le Conseil de la Faculté des arts et des sciences. Le Programme individuel de lectures est aboli.

      27 décembre 2004. Je mets en place la dernière version de ce fichier en espérant tout de même un Prochain Épisode. Il ne viendra certainement pas de moi. Est-ce à dire que j'ai beaucoup écrit, mais peu agi ? Bien entendu, exprimer des idées et les faires connaître, c'est bien de l'ordre de l'action, surtout si cela se fait sur la base d'une consultation. Mais pour l'instant, ceux qui n'ont rien dit et surtout rien écrit ont eu raison de moi, contre moi.

 

      Mai 2012. Depuis le début de ma retraite, en juin de l'année dernière, j'ai eu tout le temps de mettre de l'ordre dans mes dossiers, y faisant de nombreux petits grands ménages. Le ménage, c'est ranger, tenir en ordre. Le « grand ménage » consiste à se départir de tout ce qui ne sera plus utile, détruire par exemple les documents périmés. Et c'est vrai que j'ai jeté tous les documents que j'avais accumulés au cours des ans sous le titre « Listes de lectures ».

      De ce grand ménage, j'ai toutefois sauvé une pièce maîtresse que je verse aujourd'hui au dossier. Il s'agit, on va le voir, d'un important document historique dont je n'ai pas retrouvé les deux formes antérieures (de 1965-1967 et de 1973-1975, environ, soit les deux réorganisations du programme que j'ai vécues comme étudiant, puis comme professeur) : « La première année au Département des études françaises ». On y trouvera située le Programme individuel de lectures dans l'encadrement méthodologique et historique proposé par l'enseignement de la première année du baccalauréat. Peu importe ici le portrait que trace le document de l'étudiant qui arrivait alors du cégep (car c'était celui qui ne venait plus du « cours classique » !), même s'il me paraît toujours exact que l'on ne saurait enseigner la littérature à des étudiants dont la grande majorité n'a pas encore commencé à lire, alors que ceux qui lisent déjà au moment de leur entrée en lettres à l'université ont des lectures (qu'il s'agisse de poésie ou du roman policier), mais généralement pas encore de culture littéraire, c'est-à-dire une connaissance systématique des divers domaines, genres et époques des littératures d'expression française.

      Or, cela ne s'enseigne pas. Personne ne peut lire s'il n'en prend pas le temps et aucun étudiant de le prendra s'il ne l'a pas. La Contre-Réforme aura commencé à porter ses tristes fruits bien avant que je ne prenne ma retraite. Les fameuses « listes de lectures » qui accompagnaient arbitrairement les cours obligatoires, destinées à camoufler et à justifier la disparition du Programme individuel de lectures, ont été une lamentable farce qui n'a pas résisté à la première année du nouveau programme, bien entendu, tandis que nos étudiants ont perdu d'un seul coup le temps de lire. On leur a enlevé ce qu'ils avaient de plus précieux.

      Pendant ce temps, c'est l'heureux principe des vases communicants, l'Université Laval, à Québec, mettait en place ses deux cours de littérature intitulés « Programme individuel de lecture », soit un total de six crédits sur un ensemble de quinze crédits d'Activités de formation commune. Si j'en juge par les titres et les brèves descriptions, cela correspond exactement à ce qui a été détruit à l'Université de Montréal.

      Il en reste toutefois le présent fichier. En effet, dans mon esprit, le petit grand ménage que j'ai entrepris ce printemps dans le dossier de la « Liste de lecture » impliquait également soit la destruction du présent fichier, soit encore la mise au point d'une toute nouvelle version. Une version en tout cas où les éléments factuels seraient effacés : programme universitaire, consultation, interventions aux diverses instances de l'université, calendrier et débat public, notamment dans ce fichier, tout cela est aujourd'hui du domaine de la petite histoire. Tout ce qui importe, finalement, puisqu'on en est là, ce sont les résultats, c'est le programme mis en place petit à petit durant un demi-siècle dans un département de l'Université de Montréal.

      Tout le monde peut profiter aujourd'hui du Guide de lectures et de la philosophie qui l'inspirait. De nombreux départements de lettres pourraient également s'inspirer du Programme individuel de lectures. Mais réflexion faite, j'ai pensé qu'il était important de laisser à ce fichier son caractère polémique, le contexte où il a pris naissance et le témoignage de mon échec. Polémiste, je ne suis nullement un adepte de la controverse — et c'est même à regret que je mets ce fichier à jour. En revanche, on ne saurait compter sur moi pour effacer les combats perdus s'il n'y a pas eu de débat.

      Le présent fichier restera donc en place. Avec la dernière pièce que j'y verse, il témoigne que le programme que j'ai défendu le mieux que j'ai pu était l'oeuvre de professeurs, c'est-à-dire d'intellectuels capables d'exposer précisément et par écrit leur pensée, comme ils entendaient l'enseigner. Il ne s'agissait nullement d'enseignants, d'administrateurs et d'animateurs capables, eux, d'imposer tout un programme de cours sans exprimer trois idées. Sans débat.


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