Le style d'Odile — 2001-2011
« Une conférence de presse avec le public,
aux questions souvent idiotes » (29/08/2011, B8) (*).
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Nous en sommes, en 2011, au 35e Festival des
films du monde de Montréal (FFMM). Odile Tremblay est cette
année le seul journaliste du Devoir affecté
à la couverture de l'événement. On pouvait
écrire d'avance nous-mêmes l'encadrement de ses
papiers : d'abord, bien entendu, le festival
« roulera » de telle à telle date (cf.
no 47),
ensuite que la « cuvée » (cf. encore le
fameux no 47) manquera
cruellement de vedettes sur son tapis rouge, tandis que les films
en compétition (elle n'en voit généralement
pas d'autres) sont d'un niveau moyen, propre à satisfaire le
grand public, mais désolant pour les cinéphiles, qui
feraient mieux, comme elle, de faire le voyage à Cannes,
voire à Toronto. — Justement, elle sera
l'envoyée
spéciale du Devoir au Festival international du film
de Toronto
(TIFF) cet automne, avant de revenir exercer son style sur un
événement montréalais, le Festival du nouveau
cinéma (FNC).
En ce qui concerne le FFMM, qui n'a
rien du pétillant TIFF (« que de
stars et d'effervescence ! », 12/09/2011, B8), il ne
faut pas oublier d'ajouter quelques mots sur les
diverses rumeurs au sujet de l'avenir malheureusement toujours
futur (ici, allusions nécessaire à la programmation
beaucoup trop lâche) de son président, Serge
Losique, et de sa directrice générale, Danièle
Cauchard. Résultats, d'après la journaliste, le
festival est « boudé » par les jeunes
(comme s'ils n'étaient pas au collège et à
l'université à ce moment-là) et le public
chaque année plus âgé (alors que sa pyramide
d'âges ne devrait pas avoir changé depuis
l'époque pré-Losique, alors que le festival se
déroulait à l'Élysée, en 1966, il y a
45 ans). — Bref, « une formule qui ne
séduit guère les générations montantes
et les cinéphiles avisés » (29/08/2011,
A8).
Il faut comprendre que le FFMM est une
fête du cinéma qui n'a rien à voir avec les
grandes foires des produits cinématographiques, même
si le petit marché du film de Montréal parvient
à financer l'événement (aidé des
subventions et de la publicité). Il suit qu'on ne manquera
pas d'être déçu, année après
année, si l'on s'intéresse moins au cinéma
qu'aux potins et aux potiches cinématographiques,
particulièrement aux sympathiques réalisateurs et
à leurs icônes de l'écran, de blondes ou brunes
icônes, et sexy, et patati et patata.
En ce qui concerne le jugement
cinématographique, un champ et contre-champ explique tout.
Hasta la vista de Geoffrey Enthoven est un « film
charmant, mais puéril » (22/08/2011, B7). Une
fois
qu'on aura accordé le Grand Prix des Amériques, le
prix du public et même une « mention
spéciale » des catholiques et des protestants du
prix oecuménique à ce machiavélique film
populaire bien fait pour remporter un formidable succès
commercial, il deviendra, toujours sous la plume de la journaliste,
une « comédie charmante, remplie
d'émotions, éloge de la différence, mais au
déroulement prévisible » (29/08/2011,
A8).
En dehors des films de la compétition
présentés à l'Impérial (et probablement
aussi au théâtre Maisonneuve que j'évite), les
films étrangers sont sous-titrés en anglais, presque
jamais en français. Au lieu de comprendre et d'expliquer la
situation, la journaliste en fait tout un plat, n'ayant aucun autre
« scandale » à se mettre sous la dent.
Cela devient la « saga des sous-titres français
manquants » (28/08/2011, C9); « le scandale
des
sous-titres français qui brillaient par leur
absence... » (29/08/2011, A8). Oui, c'est vrai, il n'est
pas raisonnable qu'une majorité de films étrangers
soient sous-titrés en anglais seulement à
Montréal au
FFMM, mais encore faut-il savoir pourquoi. Pourquoi ? Un
journaliste, si je ne me trompe pas, doit répondre aux
questions, et non pas simplement les répéter
(à supposer qu'elles se posent encore après les
explications répétées des organisateurs sur ce
triste sujet).
Périodiquement, il nous faut quelques
idées fortes. Cette années, c'était pour
n'importe quel film, son caractère
« académique », ses
« longueurs » et un
« dénouement prévisible ». Bon.
Une fanatique de Jean-Luc Godard.
Mais il faut en venir à notre propos,
le style. Écrire aujourd'hui, dans un papier du
Devoir, au passé simple, voilà qui devrait
tenir des prouesses de la 'pataphysique, si du moins ce
n'était manifestement involontaire. On sait depuis les
études du grammairien Émile Benveniste que l'aoriste,
le passé simple, correspond à l'isotopie de
l'énonciation historique; mais aucun rédacteur n'a
besoin de connaître ces travaux pour savoir d'instinct qu'on
n'écrit pas un compte rendu journalistique dans le
même style qu'un grand roman du XIXe siècle. Or, des
articles complets en style d'Odile sont de cette eau dormante.
Prenons la Run des frères Fuica. Le film
« subit deux refus de financement et ne
reçut pas d'aide [...] de la SODEC — le film
subit un arrêt de tournage [...]. L'entreprise Aviva
Communications leur intenta une poursuite... (24/08/2011,
A1).
La suite : « Le distributeur [...] allongea
250 000 $ pour la promotion ». Et, pour finir
ou pour commencer,
Léonardo Fuica « vit le jour en
Espagne », tandis que Demian Fuica « grand
amateur de films comme Transpotting, Requiem for a
dream, 21
Grams, chercha a rendre cette facture âpre
d'urgence
qu'il aimait » (24/08/2011, A10). Il y a là, bien
sûr, une méconnaissance d'un des mécanismes
fondamentaux de la langue française, l'utilisation
pertinente de ses temps du passé, mais ces impertinences
sont également le signe d'un style prétentieux.
« "The Artist" valut à Jean Dujardin le
prix d'interprétation masculine sur la Croisette »
(2/08/2011, B8). Et ce n'est pas tout, ma chère :
« toutes sortes de rumeurs circulent sur
d'éventuelles relèves de la garde [au FFMM], mais
rien ne nous fut infirmé ni
confirmé » hier, à la conférence
de presse (2/08/20011, B8). Mais parlons plutôt de
Playoff « qui nous fut
présenté en fin de semaine »
(24/08/2011,
B9). À la fin, « la cinéaste allemande
Brigitte Maria Bertele repartit étonnamment avec le
prix de la mise en scène » (29/08/2011, A8).
Très étonnant, en effet, ce
« repartit » ! Mais ce n'est pas tout,
car « Eran Riklis fut primé »,
"David" « récolta le prix
oecuménique », "Dans le cadre"
« reçut
la palme du meilleur court métrage », alors que
cette triste édition du 35e FFMM
« reçut peu de grands visiteurs »
(29/08/2011, A8). Enfin, "Che bella giornata"
« fut
un pavé retentissant dans la mare qui faisait crier à
tous : "Pourquoi ?" et "Au secours !" »
(29/08/2011, A8). Pourquoi ces passés simples ? Au
secours ! Cela dit, avec « le pavé dans la
mare qui fait crier à tous... », nous en sommes
aux bourdes, où il fallait bien en venir.
Bourdes
C'est la première marque du style
d'Odile, on le sait, puisqu'on s'était amusé à
en énumérer 108 jusqu'ici (ou plutôt cent en
2001 plus huit en 2007.
109. « Pour son 35e anniversaire, le FFM, qui
roule (qu'est-ce que je vous disais !) du 18 au 28
août, avec des dates avancées pour se coller
à celles de la première
cuvée... » — la
« cuvée » prévisible.
(3/08/2011, B8).
— Je comprends que « rouler » est mis
pour « se dérouler », mais je ne sais
pas ce
que peut désigner la « première
cuvée ». Sûrement qu'il faut remonter bien
loin dans le temps... pour s'y coller.
110. « Claude Robinson, héros solitaire des luttes
contre les puissants, s'offre une valeur symbolique
ajoutée » avec sa création de l'affiche
du FFMM 2011 (3/08/2011, B8).
111. « L'Art d'aimer du Français
rohmérien Emmanuel Mouret... » (3/08/2011,
B8).
— Mais non, ce n'est pas une coquille pour rhodésien.
E. Mouret est tout ce qu'il y a de plus gentil, sentimental et pas
mal lelouchien (ah! là, vous voyez que ce n'est pas une
coquille, car tout le monde connaît bien Un homme et sa
femme et le Genou au clair du fameux Éric
Lelouche). Oui, je triche, je sais. Mais employer l'adjectif
« rhomérien » à
brûle-pourpoint
dans un papier du Devoir, tout de même, faut
le faire.
112. En 2011, « la compétition trouve son
axe à travers moins de pays que d'habitude »
(3/08/2011, B8).
— Le Festival des films du monde serait-il
détraqué de ne compter en compétition, en
2011, que des productions en provenance de quatorze (14)
pays ? Généralement, 15 ou 16 pays sont
représentés dans la compétition. Peu importe
les statistiques, car la question est de savoir d'où vient
l'axe du mal. Peut-être faudrait-il remonter au verbe,
axer,
« axer qqch autour de qqch »,
« s'appuyer sur ». Si la compétition
propose des films en provenance de moins de pays que d'habitude,
ça, c'est clair, il faudrait alors comprendre qu'elle
s'appuie sur une moins grande diversité, qu'elle est
« axée », « trouve son
axe » (!) « à travers » (=
sur) moins de pays que d'habitude.
113. Hasta la vista, « film charmant, mais
puéril, sur une réalisation de
simplicité, abordant le périple de trois jeunes
handicapés... » (22/08/2011, B7).
114. Dans Playoff d'Eran Riklis,
« Dany Huston
tient bien son rôle de
complexité » (22/08/2011, B7).
— On a le choix : ou bien il s'agit d'un rôle complexe,
ou bien celui d'un complexé. J'ai vu le film et je
confirme : c'est un rôle de simplicité, de
simple complexité, comme la réalisation
puérile de Geoffrey Enthoven, que j'ai vu aussi, avec ses
quatre rôles de complexité, mais plus mineurs, sans
zones d'ombre (on y vient, aux zones).
115. « Le film tourné manifestement avec de
faibles moyens — la réalisation simplissime
s'en ressent... » (23/08/2011, B7).
116. « Pour des raisons mal élucidées, des
problèmes de son gâchaient hier matin la
sauce de la projection. Ça grésillait
beaucoup » (23/08/2011, B7).
— Dans cette formulation surréaliste, c'est la
« sauce de la projection » que j'aime :
un fameux dessin animé, peut-être. Le fabuleux
OEdipus de Paul Driessen (ONF), par exemple, qui retourne
à l'envers sa projection pour gâcher la sauce à
plaisir. Avec problèmes de son fort bien
élucidés, ce qui est rare.
117. « Le film subit un arrêt de
tournage » (24/08/2011, A1).
— Oublions le passé simple. On est dans le
passif. On tourne un film, c'est le tournage; on doit cesser
abruptement de le tourner avant qu'il ne soit
réalisé. Et voilà la production
frappée d'un « arrêt de
tournage ».
118. « Les frères [Fuica] ont voulu primer
l'authenticité... » (24/08/2011).
— « Primer » au sens de
« privilégier » n'est pas
français. Si je consigne ici ce détournement de sens
(primer = donner la palme, récompenser et à la
rigueur, vieilli, occuper la première place), c'est
parce qu'il s'agit d'un fait
exceptionnel. La parfaite correction
grammaticale est au contraire un traits caractéristiques du
style d'Odile : jamais de faute d'orthographe, de grammaire,
ni même de vocabulaire, comme c'est le cas ici.
119. Jason Léveillé, dans la Run,
« manque de demi-teintes » (24/08/2011, A10).
Emmanuel Mouret « se sent bêtement lui-même,
avec ses zones d'ambivalence » (25/08/2011, B8).
Le Feu est un film qui « n'est pas pleinement
achevé et ses zones d'ambiguïté demeurent
mal assumées » (25/08/2011, B8).
— On le voit, depuis 2007 (cf. le no 108), les « zones d'ombre »
n'ont pris aucun ombrage, bien au contraire, et les diverses
« zones » occupent de plus en plus d'espace et
toutes sortes de surfaces.
120. « The Edge [du groupe U2] rappelle que la
création exige d'éviter toutes zones de
confort » (10/09/2011, C11). Et, même
chronique, Anne Fontaine, dans Mon pire cauchemar, a su
« tirer [Benoît] Poelvoorde hors du champ du
cabotinage pour atteindre ses zones de
fragilité ».
121. Le nouveau film de Jean-Marc Vallée entremêle
deux trames narratives, l'une au Québec, l'autre en France.
« Le montage, qui saute d'une histoire à l'autre,
dut [sic] donner du fil à retordre à Jean-Marc
Vallée et on se demande où le train [sic] s'en va.
Tout en comprenant son intention du double regard sur l'amour et le
rôle parental, avec incursion en des zones plus
ésotériques, on sent davantage derrière
Café de flore un intéressant chaos qu'une
oeuvre
achevée » (12/09/2011).
— Bref, le réalisateur a
raté son coup avec cette histoire ésotérique
abracadabrante de réincarnation. Avec Vanessa Paradis et
Kervin Parent comme vedettes, on aurait apprécié un
chaos moins intéressant devant une oeuvre achevée,
avec incursions en des zones plus érogènes.
122. « Faust du Russe Alexandre Sokourov (Lion
d'or
à Venise). Inspiré librement de l'oeuvre de Goethe,
ce film radical, austère, nourri de couleurs
délavées, aborde la corruption et les zones
sombres de l'âme humaine » (7/10/2001).
— Enfin, un emploi correct de la zone ! Mais la chronique
sur quelques films du Festival du nouveau cinéma annonce
malheureusement un film d'Asghar Farhadi « sous forme de
polar à saveur sociopolitique, sur fond des mensonges de
chacun » et un autre de Steve McQueen sur un
malheureux qui « trouve son point de
faille » lorsque sa soeur s'installe chez lui.
123. Marécage de Guy Édoin : « Le
personnage de Papineau tout en zones
d'ombres est troublant et le film repose sur ses
ambiguïtés » (9/09/2001, B3).
— Oui, on le voit tout de suite, les ambiguïtés
correspondent aux zones d'ombres.
124. Take this waltz de Sarah Polley :
« Cette romance souvent naïve, aux dialogues
exsangues et aux ambiguïtés mal
digérées met en scène une jeune femme
mariée à un homme charmant et ennuyeux »
(12/09/2011, B8).
— Dans Away from her, on s'en
souviendra, les ambiguïtés étaient
remarquablement bien digérées. Il n'est pas
surprenant, avec de tels troubles gastriques, de trouver la pauvre
Sarah Polley en panne. Je vous jure. C'est le titre du
compte rendu : « Sarah Polley en
panne ».
125. « Mais [Tood] Solondz se prend les pieds dans ses
propositions parallèles, et perd tout humour à
l'heure du dénouement larmoyant » (12/09/2011).
126. « Dans l'Art d'aimer,
l'infidélité
flotte, jamais concrétisée »
(25/08/2011, B8).
127. Catherine Deneuve : « Et on salue la liberté
de cette grande dame qui met de plus en plus son visage
et ses décennies de métier (une centaine de
films) au service de jeunes cinéastes, refusant le socle de
sa statue dorée » (26/08/2011, B2).
« Beau visage en porte-étendard de la culture
hexagonale » (29/08/2011, B8).
— Mettre sa belle face et ses décennies (de
métier !) dans les films des jeunes
réalisateurs, on n'en attend rien de moins de
« l'actrice en prise de risques ». À
suivre, car c'est une répétition vraiment
songée.
128. Catherine Deneuve, « l'actrice en prise de
risques » (26/08/2011, B2).
— Il vous faut le contexte ? C'est risqué.
« Mais des cinéastes moins connus, comme Julie
Lopes-Duval pour Mères et fils et
Éric Lartigau (l'Homme qui voulait vivre sa
vie), ont accueilli sur leurs plateaux l'actrice en prise de
risques ». Eh oui, c'est tout bonnement l'actrice
qui prend des risques. Mais dit comme cela, c'est plutôt
banal. La prise de risques fera dorénavant partie du
vocabulaire cinématographique, tout comme la prise de vue et
de son : Catherine Deneuve aura été la
première à se mettre les doigts dedans, de sorte que
le courant passe !
129. Catherine Deneuve : « Fantasme cinéphilique
(sic), porteuse en mosaïque d'une grosse portion de
l'histoire du septième art français et parfois
étranger... » (29/08/2011, B2).
— Lourd passé.
130. « Cette cinéaste [Anne Émond], qui
signe ici son premier long métrage après deux courts,
possède une voix et une sensibilité qui laissent
présager une belle carrière future »
(12/09/2001, B8).
— Lourd futur.
131. Un film « aux immenses ratés de
scénario » (29/08/2011, B8).
132. Bref, « la compétition était à
cette image, d'un niveau moyen avec certains bons
morceaux » (29/08/2011, A8).
— Ces « bons morceaux » se trouvent
souvent dans les comptes rendus du FFMM en 2011. Ils sont
significatifs de ces fautes de niveau de langue propres au style
d'Odile. On peut s'en tenir au titi parisien pour l'illustrer.
Les superlatifs de dépréciatifs
et l'inverse
133. Raoul Ruiz a beaucoup tourné, plus de 120 films,
« alternant les chefs-d'oeuvre et les films plus
mineurs » (21/08/2011, C7).
134. Le film de Zhao Tianyu est d'une facture « un
peu superficielle », avec une histoire qui
« paraît assez confuse », avec
« un couple peu fertile » (23/08/2011.
B7).
135. « Dans l'ensemble, ce film possède de
vraies qualités techniques... »
(23/08/2011.
B7).
136. « Dans l'ensemble, le palmarès peut se
défendre, même si certains choix paraissent
plus nébuleux » (29/08/2011, A8).
Parenthèses
137. « (Excellent Götz Schubert) »,
« (piquante Mathilde Bundschuh, clone de Christina
Ricci) », « (Daniel Bruehl,
charmant) », « (le grand acteur Koji
Yakusho) » et « (touchante Aoi
Miyazaki) » (août 2011, passim). Mais ces
mignardises surprenantes ne sont pas toujours entre
parenthèses et ne désignent pas toujours des figures
à l'écran : « son blond et joli
compagnon » (11/09/2011) — mais je te parle de Brad
Pitt que j'ai vu en conférence de presse, ma
chère !
Comparaisons
138. Frédérique Bel, la « blonde
actrice » : « elle brille comme un soleil
sur ses plateaux » (25/08/2011, B8).
139. « Mais l'ensemble a du rythme et le film s'envole
comme un ballon » (15/08/2011, B8).
Le titi parisien (livresque)
140. « Pas tentés de revivre une expérience
aussi traumatisante, les frères Fuica »
(24/08/2011,
A10).
141. « Les admirateurs [d'Emmanuel Mouret] adorent sa
dégaine de romantique maladroit »; avec
son actrice Frédérique Bel, les voilà
« tous deux sympas comme tout »
(25/08/2011, B8).
142. Frédérique Bel n'aimait pas le personnage de la
voisine dans le scénario d'Emmanuel Mouret :
« Manque de pot : le cinéaste la
trouvait [= l'a trouvée] merveilleuse dans le
rôle lors
des essais » (25/08/2011, B8). Elle en a donc
hérité.
143. « Montréal, Deneuve connaît. Elle qui
y tourna..., revint l'année
suivante... » (29/08/2011, B8).
144. « Sarah Polley : 32 ans, torontoise comme Atom
Egoyan (qui la dirigea dans the Sweet Hereafter)...
Son
premier long métrage, Away from her, lui valut
entre autres récompenses, le prix Génie de la
meilleure réalisation... » (12/09/2011, B8).
145. Et les filles du Crazy Horse (film de Frederick
Wiseman), « la nudité, les éclairages, les
effets spéciaux, les transformeront en fantasmes sur
scène, mais elles semblent n'en avoir rien à
cirer»; elles « s'amusent parfois, s'ennuient
souvent en répétition et bossent le reste du
temps » (26/11/2011, E9).
Perles
146. Emmanuel Mouret : « Il a appelé son film
l'Art d'aimer, en référence à (sic)
l'ouvrage en vers du poète latin Ovide, initiation à
l'amour en plusieurs judicieux conseils écrite en
l'an 1 » (25/08/2011, B8).
— On voit que la journaliste a fait son cours classique.
Chez les bonnes soeurs.
147. « Les très musicaux Parapluies de
Cherbourg de Jacques Demy en 1946 » (26/08/2011. B2).
Ce
« tournage fut difficile pour ce long
métrage tout chanté » (29/08/2011,
B8).
— On voit que la journaliste est une fameuse
spécialiste du cinéma. Au Devoir.
Une belle phrase
148. « On déplore malgré une grosse
distribution et de bons jeux de caméra l'échec de
cette chronique familiale sur trois générations, dont
l'ambition démesurée vire en eau de
boudin » (29/08/2011, B8).
— Thierry Klifa a ainsi droit à un beau coup de
griffe en style d'Odile. D'ailleurs, « la trame des
"Yeux de sa mère" part en tous sens... ».
(*) Mieux encore. Fatigue à Toronto.
Crise de nerfs en différé en première page du
journal à Montréal. Vraiment incroyable, incroyable,
mais vrai — comme tout ce qu'on lira dans ce fichier, car
sans ses références, on n'en croirait rien.
Conférence de presse de George Clooney et de Brad Pitt.
« Que vous vous appeliez Brad Pitt ou George Clooney, il
y a toujours en conférence de presse un toto ou une
nonote, accrédités pur journaliste, pour poser
des questions soit personnelles, soit sur le fait d'être une
star et de signer des autographes. Or, ces deux acteurs
américains [= étatsuniens], aux nombreuses
années de carrière dans le sillage, n'en peuvent
plus de répondre à de pareilles
conneries ». Ainsi donc, Brad Pitt
« répétait hier à une godiche
pour la millième fois de sa carrière que le culte de
la célébrité n'a rien à voir avec le
film », etc. « Mais quittons cet
aparté... ». Ce ton chronique d'humeur en style
d'Odile correspond pourtant à un texte d'information
journalistique sur le TIFF publié en première page du
Devoir (10-11/09/2011, A1-A12).
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Il y a des écrivains que nous ne lisons
jamais. Il en est de même de journalistes, de chroniqueurs
ou d'éditorialistes.
Mais il y a des cas particuliers où
nous sommes forcés de lire des textes d'auteurs
insupportables et, par malheur, de ne pouvoir le faire sans grincer
des dents, même si l'on se contente de les parcourir en
diagonale, à la recherche des informations.
Tel est le cas pour moi des articles d'Odile
Tremblay, chroniqueuse et critique de cinéma au
Devoir. Une épouvantable calamité.
Habituellement, je ne lis pas ses articles et ses comptes rendus,
et je m'en porte très bien, regrettant seulement que ce ne
soit pas un autre critique qui rende compte d'un film que j'ai vu,
pour confronter son évaluation à la mienne, ce qui
est toujours enrichissant. Toutefois, lorsqu'il s'agit d'un
film que je n'ai pas vu et dont je veux connaître le contenu
ou l'intérêt, dans le cas des entrevues de
réalisateurs ou d'acteurs qui m'intéressent ou s'il
s'agit d'événements importants de l'actualité
cinématographique, je suis forcé de la lire, du moins
en diagonale et parfois même mot à mot du début
à la fin.
J'en fais chaque fois une érysipèle. C'est une
allergie et ce n'est pas tout à fait ou entièrement
de la faute d'Odile Tremblay, bien entendu, puisqu'elle est
publiée par le Devoir, c'est un fait, et lue par ses
lecteurs, comme il faut évidemment le présupposer.
Pourtant, cela ne va pas de soi. En effet, je ne peux tout de
même pas imaginer que nous soyons tous dans la triste
situation où il me semble qu'il faudrait que nous soyons
vraiment minoritaires. Je parle des lecteurs victimes de
l'allergie au « style d'Odile »,
peut-être, vraisemblablement, de moi seul, ce que je trouve
toutefois peu probable.
Car il faut dire que le problème n'est
pas aussi simple qu'il peut paraître,
précisément parce qu'il est archisimple (ni
simpliste, ni simplet). Il y a des cas graves où les
idées d'un auteur vous horripilent au point de créer
la réaction allergique dont je parle. Or,
les idées d'Odile Tremblay ne m'importent guère et,
d'ailleurs (il faudra malheureusement que j'y revienne en
conclusion), je n'ai jamais remarqué qu'elle en eût
aucune autre que celles que les bonnes âmes ne manquent
jamais d'avoir, notamment lorsqu'il s'agit d'apprécier un
film. La question n'est pas là du tout. Par ailleurs, je
ne dois tout de même pas être la seule personne
à connaître son français de tous les lecteurs
d'Odile Tremblay ou de ceux qui sont parfois forcés de la
lire. Il faut nécessairement qu'il y en ait qui aiment le
style d'Odile Tremblay et qui soient aveugles. La direction ne lui
a-t-elle pas confié l'éditorial culturel du cahier de
fin de semaine que Lise Bissonnette s'était
créé pour étaler ses
propres « talents » de styliste ?
Le problème est en effet vraiment terre
à terre : Odile Tremblay ne sait pas écrire. Je
ne dis pas qu'elle ne connaît pas sa grammaire sur le bout de
ses doigts, ni qu'elle ne sait pas l'orthographe, car je suis au
contraire persuadé qu'elle doit être championne en
dictée. Le problème, tout simple qu'il soit, est
d'autant plus grave. Il touche au génie, à
l'intelligence et à la sensibilité de la langue
française. Il y en a comme cela qui ne l'ont pas, et c'est
naturel, tous les talents n'étant pas donnés à
tous. Sauf qu'il est curieux, inattendu qu'une
journaliste puisse faire carrière avec ce boulet. Un
journaliste de presse qui ne sait pas écrire, n'est-ce pas
contradictoire ?
Or, il y a des limites qu'un polémiste
de métier ne peut voir franchir dans sa vie quotidienne sans
intervenir et c'est le cas du seul journaliste de mon journal que
je ne peux lire pour une simple question de
style — alors même que ce n'est
pas une question de goût. Odile Tremblay représente
pour moi un phénomène unique au Devoir que je
désigne familièrement comme le « style
d'Odile » (qui est pour moi un genre de
style) : le cas de ceux qui « savent
écrire », n'écrivent pas
« mal » (par négligence ou manque
d'instruction) et même plutôt
« bien », sauf qu'ils ne savent pas
écrire en français ! Je ne sais plus comment je
suis un bon jour passé à l'action, comme on dit.
J'ai entrepris de consigner les fautes de style et de langue qui me
sautaient aux yeux, du moins quelques perles dignes d'être
retenues et publiées. Dignes d'être
publiée ? Est-ce que tous les papiers d'Odile Tremblay
ne le sont pas, justement ? Oui, et là se trouve la
motivation de mon entreprise.
Bien entendu, on s'en doute, je me suis pris
au jeu et, ce qui est extraordinaire, je suis devenu un
passionné du « style d'Odile ». Je me
suis même parfois demandé si tout cela n'était
pas calculé, peut-être à l'insu de la
journaliste... Je pouvais parfois imaginer que nous étions
quelques-uns à nous précipiter sur les
articles en question, un crayon à la main, pour y marquer
les deux ou trois perles qu'on ne manque jamais d'y trouver. On
chercherait en vain un autre journaliste au Québec pour
alimenter ce petit jeu.
Cela dit, je me suis arrêté
à la centième perle.
D'abord parce que c'est bien assez et
même déjà trop. Prendre le temps de recopier
ces perles et de m'amuser à les commenter, c'est un
évident plaisir sadique dont même un polémiste
finit par se lasser. Pire encore, cela ne m'amuse plus du tout que
ce fut si amusant.
Ensuite parce que jour après jour, en
lisant Odile Tremblay, je me suis rendu compte qu'il n'y avait
jamais aucune raison de la lire autrement qu'en diagonale et une
fois de temps en temps, comme je l'avais toujours
fait, sauf à y chercher des poux et des perles, comme les
cent de ma guirlande. Jamais, absolument jamais tout au long de
cet exercice je n'ai été intéressé par
aucun de ses textes. Des idées qu'elle rapporte des
personnalités en entrevue, oui, mais rarement,
puisque les questions sont d'elle. C'est tout de même
curieux qu'Odile Tremblay n'ait jamais rien écrit qui ait pu
me toucher ou m'intéresser toutes ces semaines où je
la lisais mot à mot. Pire encore, je ne peux pas
dire que j'ai été le moindrement en désaccord
avec ses écrits, comme c'est le cas parfois
d'écrivains, de chroniqueurs ou d'éditorialistes que
je déteste avec joie, mais ne lis pas moins avec plaisir.
Vraiment pas.
Si le jeu auquel j'ai cédé est
évidemment cruel, le pire est que je n'ai pas d'autres
raisons de l'arrêter que le
désintérêt ! Quelle tristesse. Une
guirlande de perles trouvées au fil de textes d'une si rare
vacuité qu'on ne saurait trouver raisons d'enguirlander.
1. « Sera alors projetée en première une
bande vidéo de 45 minutes intitulée les
Dernières Minutes du patrimoine, manifeste et
pavé dans la mare inerte de l'Office National
du Film » (17/02/2001, A7).
— L'objectif des jeunes cinéastes
révoltés est clair et net : que l'ONF redevienne
la mare active, énergique et remuante qu'elle fut jadis.
2. « Cette vidéo est un petit
brûlot qui dénonce les problèmes de
l'ONF » (17/02/2001, A7).
— Une grosse « mare inerte » et un
« petit brûlot », c'est un peu le petit
atome de la grosse molécule.
3. Karina Goma « voit ce message comme un impact
à leurs revendications. Désormais, il faudra
compter avec le groupe MSSO. Et vive l'esprit de rébellion
qui lance un coup d'air frais dans les couloirs des
institutions sclérosées ! »
(17/02/2001,
A7).
— Quand on se frappe sur des revendications qui tapent
durement, c'est qu'on est attaqué au lance-courants d'air,
sûrement.
4. « Il y a des effets pervers aux pré-papiers qui
jonglent avec la plogue, même avec la volonté de
questionner le morceau » (17/02/2001, C2).
5. « Même en questionnant les intentions des
auteurs, ces derniers gardent le crachoir pour expliquer leurs
intentions, en laissant des pans d'ombre » (17/02/2001,
C2).
— Hors contexte ? Une phrase hors contexte peut
être incompréhensible, bien entendu, mais elle n'en
devient pas illisible, sauf si ce n'est pas du français.
Dans les deux cas qui précèdent, même les
lecteurs de l'éditorial culturel ne peuvent deviner le sens
de ces phrases qui tiennent du charabia. Excellents exemples
à soumettre (en contexte !) à l'analyse
syntaxique des élèves du secondaire pour leur montrer
qu'il ne suffit pas d'aligner des mots pour faire des phrases.
Question : trouver pour quelles raisons les
énoncés 4 et 5 ne peuvent pas être
considérés comme des phrases en français, ni
même des phrases incomplètes ou emphatiques.
Distinguer les fautes qui tiennent de la syntaxe, de la
morphologie, du lexique et de la sémantique.
6. « Une étincelle n'a pas levé
ici » (23/02/2001, B10).
7. « La Veuve de Saint-Pierre est un film qui ne
déshonore pas la filmographie de Leconte, comme avait pu le
faire sa comédie facile Une chance sur deux, mais
laisse un espace flottant » (23/02/2001, B10).
8. « Le film entend reposer sur l'amour du
capitaine... » (23/02/2001, B10).
— Un film intelligent et compréhensif.
9. « Daniel Auteuil joue sur une tonalité froide,
tout en retrait, alors que Binoche glisse sur une tout autre
gamme, chaude et onctueuse, sans ensoleiller vraiment (!) le
rôle, comme elle a pu le faire jadis » (23/02/2001,
B10).
— L'un risque de se casser le cou, l'autre de se
brûler.
10. « Il se contente d'être, en
prêtant sa bouille de mauvais garçon sexy au
personnage, qui y tire d'ailleurs un charme un peu
canaille » (23/02/2001, B10).
— Ce ne serait pas l'inverse, par hasard ? Pour ce qui
est d'« être », je crois bien que
même les grands acteurs commencent par là. Je sais
bien que la caméra les immortalise, d'accord, mais il ne
faut pas exagérer. De leur vivant, ils peuvent exister sans
cela.
11. « Entre lui et madame La, le courant se tisse
d'attirance inavouée » (23/02/2001, B10).
— Confusion du tissage et de l'électricité, de
la trame et du câble à haute tension dramatique.
12. « Cinéplex Odéon met à
son affiche » (23/02/2001, B10).
— Accroche-toi bien.
13. « Par le Décalogue, la frontière
entre films et téléfilms avait commencé
à s'abattre. Le cinéaste avait mis
à bas ces murs à travers ces oeuvres
étranges et troublantes qui portent la marque rouge de son
génie tourmenté » (23/02/2001, B10).
— Odile Tremblay ne dit pas tout. Depuis que ce cher
Kieslowski a mis bas ses dix films pour la
télévision, c'est tout le cinéma qui a
commencé à s'ébattre. D'où le
sous-titre de l'article : « Par le
Décalogue, la frontière entre films et
téléfilms avait commencé à
s'abattre », évidente coquille.
14. « À voir aussi, dans un registre plus ludique
mais en enfourchant encore le thème de l'adulte
menaçant, Une sorcière dans la
famille du réalisateur suédois Harald
Hammrel » (2/03/2001, B10).
— Vous pouvez abattre l'adverbe pronominal qui
redouble la syllabe « en », je ne pense pas
qu'il soit raisonnable d'imaginer un film à califourchon sur
des thèmes.
15. « Ajoutez au tableau des dénouements
multiples, des répliques stupides, quelques décors
intéressants, mais ça ne suffit
guère » (4/03/2001, C7).
— On ne sait pas trop ce que peuvent être des
« dénouements multiples », mais c'est
apparemment un défaut, comme les répliques stupides
lorsqu'elles ne sont pas dans la Cantatrice chauve; mais
voilà qu'on passe à quelques décors
intéressants, au lieu de tous ceux qui forcément ne
le sont pas et qu'il nous semble que cela suffirait, au lieu que
ça ne suffit guère... à quoi au
juste ?
16. « Pour des raisons diverses, d'autres projets de
tournage à Montréal avaient déjà
tourné casaque dernièrement :
Confessions of a dangerous mind, K-19, Little
Stuart II étaient tombés » (6/03/2001,
B8).
— Des projets qui sont abandonnés tournent
casaque ? Casaquoi ?
17. « ...les tournages à Montréal
deviennent volatiles [...]. Les Américains
[= États-Uniens] remettent les tournages plus
douteux [que ceux qui peuvent être menés
à terme rapidement] à des jours meilleurs »
(6/03/2001, B8).
— Les mots justes sont rarement volatiles et ne sont jamais
douteux.
18. « À travers des portraits de créateurs
et des oeuvres mêlant les genres, en tout, 180 films et
vidéos abordent des rivages artistiques, souvent fascinant
au demeurant » (9/03/2001, B10).
19. « Il y aura de tout et son contraire jusqu'au
18 mars dans toutes les sphères de l'art »
(9/03/2001, B10).
— C'est une plaisanterie, mais elle ne
paraît correspondre à aucun syntagme de la langue
française. On dit, bien entendu : « c'est
tout ou rien »; donc on comprendrait fort bien :
« avec lui, c'est tout ou son contraire » (ce
que la journaliste pourrait avoir lu ou entendu); on peut imaginer
aussi qu'on puisse trouver tout ou rien, et donc « tout
ou son contraire ». Mais ici, il y a « DE
tout » : alors ? La plaisanterie tombe
à plat et, comme on dit : très drôle,
madame !
20. « Tout cela et plus encore [et son contraire
aussi ?] livré en images-clips, contribue à
donner une représentation moderne de la religion, certes,
mais pour le moins inquiétante, fanatique, si bien que,
par la bande, notre écoute du
« Messie » s'en trouve, hélas,
surtout contaminée » (9/03/2001, B10).
21. « Ses photographies avec des personnages souvent
bondissants répondent aux chansons de Trenet, si
envolée et tête heureuse »
(9/03/2001,
B10).
— Des lapsus ? Personnages bandants ? Chansons
téteuses ?
22. « Mettons que la volte-face de Mario Clément,
le directeur des programmes, ne lui fait pas une belle jambe en
l'air » (10/03/2001).
— Tout le monde ne parle pas spontanément le titi
parisien. La belle jambe que la jambe en l'air que
voilà.
23. « Un doigt de porno dans le cinéma dit
honorable, un doigt de cinéma honorable dans la porno. Je
me dis que plus les cloisons sauteront, plus l'air
circulera, plus le sexe [elle va attraper le rhume, si
ça continue] sortira de sa petite boîte [mais
où le met-elle donc ?] de vues obscènes pour
devenir un élément de la vie parmi d'autres [nous
sommes tous un peu perdus, entre les cassettes de films
pornographiques et le cinéma non pornographique, avec
quelques scènes érotiques]. Parce que tout seul [qui
c'est, celui-là ?], recroquevillé dans [le
spectateur ? il se met dans sa cassette ? pas
possible !] sa vidéocassette lubrique, souvent
privé d'humour et de douceur [le film ? son
spectateur ?], il [si ce n'est pas le spectateur, c'est le
sexe] témoigne surtout d'une société
d'autant plus obsédée par le sexe [le sexe
témoigne d'une société obsédée
par le sexe ? ça ne marche pas, ce doit être le
spectateur, sorti d'on ne sait où et maintenant dans la
cassette] qu'elle est toujours morte de peur [la
société a peur du sexe ? d'où sort cette
nouvelle idée ?] ». (10/03/C2). —
Le texte ! « Un doigt de porno dans le cinéma
dit honorable, un doigt de cinéma honorable dans la porno.
Je me dis que plus les cloisons sauteront, plus l'air circulera,
plus le sexe sortira de sa petite boîte de vues
obscènes pour devenir un élément de la vie
parmi d'autres. Parce que tout seul recroquevillé dans sa
vidéocassette lubrique, souvent privé d'humour et de
douceur, il témoigne surtout d'une société
d'autant plus obsédée par le sexe qu'elle est
toujours morte de peur ». Heureusement que je vous ai
tout expliqué, n'est-ce pas ?
24. « Quinze minutes enfourche une
thématique qui a usé ses semelles sur les
pellicules d'Hollywood et d'ailleurs » (10/03/2001,
C4).
— Elle en a fait du chemin la bête enfourchée
(sic) par 15 minutes pour quinze minutes de
célébrité...
25. « ... Emil et Oleg, sans foi ni loi, se
baignant dans les assassinats les plus féroces et les
plus crapuleux... » (10/03/2001, C4).
— Le sang, le sang ! c'est dans le sang qu'on se
baigne. Un bain d'assassinats, c'est presque
rafraîchissant après quelques bains de sang.
26. « Portrait des obsessions et des hantises de la
société américaine [= étatsunienne],
martelé avec des images-clips bien faites qui sont comme un
pouls battant au milieu du sang et des images-chocs, 15
minutes ne parvient guère à dépasser sa
propre caricature ». Plus loin, il « se
contente de surfer sur sa charge » ! (10/03/2001,
C4).
— Avec des images-clips au milieu des images-chocs, le pouls
battant au milieu de, il me semble que c'est difficile de ne pas
dépasser sa caricature d'au moins un nez. Avec
« se contenter de surfer sur sa charge », c'est
le sens du ridicule dont on peut déplorer la
perte.
27. « Cela étant, il agresse jusqu'au malaise sans
dégager autre chose qu'une pulsation
meurtrière portée par son rythme, sa musique,
etc. » (10/03/2001, C4).
— Voilà un film qui agresse en dégageant une
pulsion meurtrière. Et c'est peu dire : il ne
dégage pas autre chose ! Mais voilà une pulsion
qui en dégage ! du rythme, de la musique,
etc.
28. « Europuddings, c'est ainsi qu'on qualifie en
Europe les films qui, à des fins de coproduction,
réunissent des acteurs de différents pays en perdant
toute couleur nationale au
détour »(10/03/2001, C4).
— Au détour ? D'abord on ne suit aucun
itinéraire dans cette phrase et ensuite on ne trouve ici
aucun hasard ni aucune surprise. La critique a perdu le sens de
l'expression au détour de son style.
29. « Chose certaine, c'est bel et bien à un
pudding avec trop d'ingrédients disparates
flanqués dedans que fait songer le film "En
vacances" » (10/03/2001, C4).
— La critique écrit comme elle parle ou est-ce qu'elle
tente d'imiter la syntaxe des romans policiers en titi
parisien ? En tout cas, « pudding »,
« flanquer » et « songer »
s'accordent assez mal. Peut-être croit-elle qu'en
écrivant comme ça vient elle produira
spontanément du grand argot ?
30. « Suivre une douzaine de personnages sans vraies
figures qui se détachent du peloton (sic)
commande une vraie maîtrise de réalisateur
et un regard aigu » (10/03/2001, C4).
31. « Des rôles dessinés dans le
brouillard, un montage confus, des temps d'action qui
s'interpénètrent sans qu'on s'y retrouve, et surtout
cette chimie qui ne lève (!) pas entre (!) un groupe (!)
d'individus disparates » (10/03/2001, C4).
32. « On ne peut même pas parler de prouesses ou de
non-prouesses d'acteurs [ah! bon : on est au cirque ?].
Les
textes sont trop faibles pour les nourrir et la seule corde
[la suite va vous expliquer à quoi elle sert, mais on
aimerait savoir d'où elle sort, cette corde-là] que
le scénario laisse aux comédiens de ce chant choral,
c'est pour qu'ils se pendent » (10/03/2001, C4).
33. Une simple parenthèse : « (car comprendre
vraiment Lauzon, le film n'essaie pas de s'y piquer, et
était-ce vraiment possible ? » (10/03/2001,
C5).
34. Le portrait de Lauzon par Bélanger et
Hébert : « quelqu'un d'inachevé, plus
serein à la fin de sa vie mais se déchirant encore
à ses propres ronces » (10/03/2001, C5).
— Il faut dire que les réalisateurs, à son
avis, « parviennent à transmettre le charme et
les épines du personnage » !
35. « Le parallèle entre les deux femmes, figure
réelle et vision projetée, en dit davantage sur la
transmutation de la réalité en oeuvre
fictionnisée que bien des discours »
(10/03/2001, C5).
36. « Princess of Paradise, dont le tournage
devait débuter en avril, possède un budget qui
roule dans une fourchette de 25 à 30 millions
$US » (14/03/2001, B7).
37. « Cela porte à environ 175 millions la
manne financière des tournages qui
échappe pour l'heure à la
métropole » (14/03/2001, B7).
— Tout cela est une question de sentiment linguistique. On
peut faire rouler bien des choses, mais certainement pas un budget
et surtout pas un budget dans une fourchette de x à y !
Une manne, ça tombe du ciel et, d'ailleurs, c'est inattendue
et inespérée, tandis que tout ce qui nous
échappe, par définition, c'était attendu et
espéré. Une manne ne peut donc échapper
à personne. Ah misère.
38. « André Lafond, commissaire au Bureau du
cinéma de Montréal, dit refuser de baisser les
bras... » (14/03/2001, B7).
— Si on me dit qu'André Lafond refuse de baisser les
bras, c'est une chose assez simple et que je comprends fort bien.
C'est un homme déterminé. Mais lorsque Odile
Tremblay me dit qu'il le dit, alors là, je vous le dis
franchement, je trouve qu'il y en a un des deux qui en dit trop.
39. « L'univers de la bédé, c'est rigolo
[?] tant qu'on voudra, mais pour les modèles féminins
inspirant, on n'est pas très gâtées
[!] » (18/03/2001, C2).
40. « N'empêche que les promenades enfantines parmi
les bulles des Tintin ne me faisaient pas trop aimer mon propre
sexe. À eux les aventures trépidantes. À
elle [les héroïnes] le cassage des pieds et des
oreilles » (18/03/2001, C2).
— « À eux » : on comprend qu'il
s'agit des héros, et non des héroïques
garçons, mais il faut le deviner. Ce qui ne vaut pas le
cassage, évidemment. Surtout des pieds.
41. « Et d'ajouter que la grande époque de la
bédé vit ensuite naître quelques oeuvres
féministes. Sauf qu'à côté de
ça, une vague plus porno a commencé
à monter, sans discontinuer ni renouveler [!] les
rôles depuis [qui ? quoi ? depuis quand ?],
comme on s'en doute. Les autres modèles s'essoufflaient de
leur bord [de quoi elle parle ? les modèles
féministes ?]. La bédé classique se
collait de plus belle aux vieux modèles »
(18/03/2001, C2).
— Oubliez l'imbroglio des modèles. La vague qui monte
sans discontinuer, voilà qui est haut (en couleur) et peu
banal. Ce doit être un raz de marée, mais même
ces vagues-là ne sauraient montrer sans
arrêt !
42. André Pelletier « a beau citer, à
titre d'exemple d'ouverture d'esprit, le personnage de
maîtresse-femme de Maestria dans l'Astérix de 1991,
"la Rose et le glaive", allez [qui
donc ?] nous convaincre qu'Uderzo émerge des
clichés ! Il nage dedans, pour les femmes comme pour
tout le reste » (18/03/2001, C2).
— Quel charabia ! Nous sommes dans la mer des
clichés. Du moins si l'on n'en croit ni André
Pelletier ni tout autre que nous-mêmes (allons donc !
allez donc nous convaincre du contraire !). Uderzo n'en sort
pas, alors qu'il nage dedans. Et la mer est vaste, comprenant
aussi bien les clichés sur les femmes que tous les autres.
Cela dit, c'est la traduction assez plate que je vous propose.
Relisez plutôt l'extrait original : personne ne saurait
nous convaincre qu'Uderzo émerge des clichés, car il
nage dedans, pour les hommes, les femmes et les enfants, comme pour
tout le reste. Probablement qu'Odile Tremblay ne connaît pas
le sens du mot émerger, ni celui de nager
d'ailleurs, ni l'emploi correct de la petite préposition
pour, car si vous pensez qu'il nage pour les femmes, c'est
que vous n'avez pas l'instinct féministe de deviner qu'il
préférerait se noyer plutôt que de nager,
même à contre-courant.
43. « Il y a sans doute une clientèle qui
colle aux comédies de Gérard Jugnot, le
réalisateur d'Une histoire formidable, encore qu'elle
soit certainement plus importante en France qu'ici. Bien des rires
sont très collés aux ridicules
hexagonaux » (18/03/2001, C5).
— Oui, je sais, vous allez penser comme moi que le mot
« rire » est mis pour « ce qui fait
rire » : situations, traits d'esprit, etc.
N'empêche qu'elle en colle épais.
44. « Meilleur espoir féminin reste un film
de Jugnot qui met en vedette Jugnot et noie un peu tout le reste,
sans multiplier les sources de rire » (18/03/2001,
C5).
— Le sujet de noyer, c'est bien le film, n'est-ce pas ?
Donc le film ne multiplie pas les sources de rire. Vous
comprenez ? Non, mais vous devinez : Jugnot devrait
écrire et réaliser des films le mettant en vedette,
mais en multipliant les sources de rire. Je connais une
solution très simple dont on devrait faire part au
réalisateur. Elle est propre à décoiffer son
prochain rôle en coiffeur : demander à Odile
Tremblay de rédiger ses dialogues. Bérénice
Béjo, en seconde source de rire, en deviendra
hilarante.
45. « Comme si, après quelques échecs ou
semi-réussites commerciales, le purgatoire que s'offraient
certains réalisateurs accrochés depuis trop longtemps
aux ligues majeures, en les rapprochant de leurs racines,
devenaient par la bande une cure de jouvence »
(18/03/2001, C6).
— Supposons qu'on enlève le syntagme « par
la bande » à cette belle phrase, est-ce que le
sens en est changé ? Bien sûr que non. Mais
alors qu'est-ce qu'il peut donc signifier ? Encore une
expression dont notre chroniqueuse n'a pas l'air de connaître
le sens.
46. « N'empêche que le film, parce qu'il joue
justement dans des ornières parallèles, nous
parvient un peu ici en catimini, présenté au
Cinéma du Parc seulement avec des sous-titres
anglais » (18/03/2001, C6).
— La comprenez-vous ? Le cinéma en question
appartient aujourd'hui aux anciens propriétaires du
Parallèle. Un film qui joue dans des ornières
parallèles, avouez que c'est surréaliste.
Du grand style ? Vous n'en demandez pas beaucoup. Si peu,
que ce n'est pas là du français.
47. « Le Festival international du film
de Cannes, qui
présente le meilleur cru planétaire
cinématographique de l'année, roulera du 9 au
20 mai prochain » (21/03/2001, B8).
— Cette fois, c'est facile à comprendre.
« Rouler » est mis tout simplement pour
« se dérouler ». Il est toutefois
curieux qu'une journaliste du Devoir nous annonce
familièrement que le célèbre
festival du cinéma roulera du 9 au 20. En ce qui
concerne le
cru, en revanche, il
s'agit d'un tic de la journaliste. Cela dit, il faut
avouer que ce « cru planétaire
cinématographique », « le meilleur de
l'année », a quelque chose de délirant.
Cette incongruité surréaliste pourrait
représenter un sommet du style d'Odile
précisément à cause de la signification
anodine d'une formulation alambiquée. Exercice :
demander à une classe de collégiens de faire des
variations sur la phrase on ne peut plus simple suivante, du
Petit Robert des noms propres, et il ne fait aucun doute que
la palme d'or de l'insolite restera à la rhétorique
du style d'Odile : « Cannes est une station
balnéaire et hivernale mondialement connue, où
se déroule chaque année un festival du
cinéma ».
48. « Mardi soir, je me suis surprise, comme bien
d'autres têtes de pipe du parterre, à chercher
le fantôme poilu et enfumé de l'Outremont sous les
fresques de Briffa, quand il était peut-être tout
simplement en chacun de nous » (24/03/2001, C2).
— Elle n'a pas l'air de savoir que les têtes de pipe se
comptent. Bien sûr que l'expression désigne des
personnes, des individus. Mais pas dans n'importe quel contexte.
C'est assez évident, comme on peut le voir dans plusieurs
romans traduisant l'anglais des États-Unis en titi parisien.
Mais Odile Tremblay est du genre à écrire qu'une
tête de pipe l'a invitée au restaurant. Même
qu'elle était affligée d'une calvitie
prononcée. Elle n'allait pas casser sa pipe, tout de
même. Eh oui! en plein souper, la tête de pipe
s'effondra, la cassant, se cassant.
49. « Se cogner durant dix ans à la foutue
palissade autour du vieux temple culturel donnait mal aux
pieds » (24/03/2001, C2).
— J'achète une paire de souliers neufs au premier qui
m'explique le sens de cette phrase dans son contexte. Odile
Tremblay veut-elle dire que, vivant à Outremont (?), elle
devait souvent contourner la palissade entourant le
théâtre en réfection durant tout ce
temps, et qu'elle en avait mal aux pieds de tant marcher ?
Qu'elle écrive comme un pied et nous donne mal aux dents,
c'est évident, mais donner sur de telles phrases donne mal
à la tête, tout simplement.
50. « L'Outremont bondit-il vers des lendemains
qui chantent pour autant ? » (24/03/2001, C2).
— L'Outremont en question, ce n'est ni un champion du saut en
hauteur, ni un cheval, ni un chien. C'est un théâtre.
Et je crois que c'est bondir « pour
autant », qu'il faut lire, et non pas chanter
« pour autant », mais je ne suis pas
certain. Avec ces théâtres complètement
sautés, on ne sait plus trop qui chante, même si c'est
le plus souvent les lendemains de la veille.
51. « Et si Montréal et sa banlieue
immédiate croulaient désormais sous trop de
scènes ? » (24/03/2001, C2).
— Parfait. Pas de faute de rédaction. Sauf que
« crouler » ne me paraît pas tout
à fait approprié dans le contexte. Crouler,
s'écrouler : ne faudrait-il pas y mettre le
poids ? Alors, que dire de « panne » ou
« consacré » dans les phrases
suivantes ? Finalement, « Montréal et sa
banlieue croulent sous trop de scènes », ce n'est
pas si pire.
52. « Problème crucial du théâtre
Outremont : la panne de stationnement »
(24/03/2001, C2).
53. « Rêve de baby-boumers que celui de la pleine
renaissance de cette salle-là, quand le profil du monde du
spectacle a autant changé et celui de son public
consacré aussi ? » (24/03/2001,
C2).
54. « ... on ne connaîtra jamais la vraie nature
des
protagonistes et toutes les portes d'interprétation
demeurent ouvertes » (24/03/2001, C4).
55. « Les plans sont souvent trop courts pour donner
plein éventail aux interprètes »
(24/03/2001,
C4).
56. « De fait, Memento demeure un film très
froid, présenté avec des volets prismatiques [=
opposant des scènes en couleur à d'autres en noir et
blanc ?] mais sans envol particulier [= le film manque
d'inspiration ?], sorte d'exercice de style contemporain
[contemporain de quoi ? moderne, expérimental ?]
calqué sur d'autres, déstructuré pour les
besoins de la cause [= artificiellement ?] mais
également pour s'inscrire dans l'air du temps [alors le
« style contemporain » signifiait donc moderne,
au sens le plus plat] » (24/03/2001, C4).
— Bien entendu, cette phrase est illisible, mais
pourquoi Odile Tremblay l'a-t-elle écrite ? C'est
évident qu'elle n'avait rien à dire avec cette
phrase, mais d'un autre côté n'est pas Lamartine qui
veut. Parler pour ne rien dire, écrire n'importe quoi, ce
sont là deux activités qu'on ne saurait
réaliser sans talent.
57. « Bob Dylan chanta [oui, tout l'article est
écrit au prétérit, ce qui est
incroyable, s'agissant du compte rendu d'un spectacle de
télévision de la veille, la remise des Oscars], mais
via satellite d'Australie [ajoutez la virgule: le satellite n'est
pas australien]. Ça enlève du sel. On
était [= nous fûmes ?] quand même
ravis [sic] qu'il remporte [= remportât ?] le prix
de la meilleure chanson... » (26/03/2001, A8).
— Bref, la communication satellite dessale. Elle brouille
aussi la concordance des temps.
58. « La soirée aurait pu être l'occasion
pour une industrie d'acteurs et de scénaristes au bord de la
grève générale (et affolés) [?] de
revendiquer pour leur cause, mais les grincements furent
balayés sous le tapis, comme si tout allait pour le
mieux dans le meilleur des mondes » (26/03/2001, A8).
— Surréaliste ? Balayer des grincements sous le
tapis. Faut-il imaginer la journaliste planant sur ton tapis de
Turquie ?
59. La phrase segmentée.
— Les incorrections de rédaction peuvent aussi
être des fautes de goût syntaxique. Je ne pense pas
qu'on puisse, dans un texte écrit, lancer à tout
moment, sans raison, des phrases segmentées. Notre
narratrice, Odile Tremblay, critique cinématographique du
Devoir, n'est pas un personnage d'Albert Simonin et nous ne
lisons pas son dernier paru, Pas de grisbi pour Odile !
Cela dit, je n'en ai jamais et n'en relèverai pas d'autres
exemples que ceux-ci, car il s'agit d'une marque de style, si je
comprends bien, chez elle. Mais ces deux exemples sont pris d'un
éditorial culturel : « Content qu'il
était, le créateur de Joe »
(1/04/2001, C2). « Encore chanceux, les
locataires » (1/04/2001, C2).
60. « Jean-Pierrre Perreault pourra faire rouler la
boîte, louer ou prêter des salles, inviter des
troupes étrangères » (1/04/2001, C2).
— Je sais, il n'y a aucune faute. Comme d'habitude. Mais
pour n'importe quel francophone, le sens métaphorique de
« rouler » OU de
« boîte » peut s'employer très
librement, sans choquer le sens commun. Sauf que, bien entendu,
faire « rouler une boîte », c'est tourner
les coins un peu rond. Un peu carré comme expression.
61. La danse moderne : « Ses créateurs, qui ne se
cognent d'ailleurs pas à la barrière de la
langue, font exploser leur talent sur la boule »
(1/04/2001, C2).
— Je suis mort de rire. Pas vous ? Ah bon.
62. « La troupe de Marie Chouinard rêve
d'investir ses propres pénates bien à elle,
tout comme La La La Human Steps » (1/04/2001, C2).
— En sept mots, combien de fautes ? Les pénates
des autres ?, investir ?, ses propres à
elle ?, pénates ?
63. « La caméra se pose sur cette
société d'abondance qui jette ses choux gras sans
même prévenir les gens que des centaines de kilos de
patates à la taille non réglementaire seront
déversés [?], se fixe sur les grands marchés
d'alimentation non moins gaspilleurs » (1/04/2001,
C4).
64. « La poésie d'une toile superposée aux
gestes d'aujourd'hui relie le glanage à la longue tradition
historique, au point où des textes de loi, comme en
témoignent deux avocats, en ont fixé les
règles » (1/04/2001, C4).
— Une « tradition historique »... Une
« longue tradition historique »... Bon
d'accord, les traditions peuvent être plus ou moins longues.
Mais sans histoire, c'est plus rare. Allons, allons !
improvisons, improvisons une tradition.
65. « Chemin de traverse emprunté par le
cinéma québécois ces temps-ci ou simple
maladresse de coups d'envoi, que ces films
d'atmosphère sans vraie épine dorsale
narrative ? » (1/04/2001, C5).
— Il me semble que désigner un premier film comme un
« coup d'envoi » est pour le moins une
maladresse. Simple maladresse.
66. « Chose certaine, le cinéma explorant les
errances émotives montre parfois surtout sa panne
d'inspiration » (1/04/2001, C5).
— « Parfois surtout » ?
Heureusement pas toujours, mais quoi d'autre ? On devrait
dire cela de Jean-Luc Cinéma Godard, dans Pierrot le
fou : « j'sais pas quoi faire, qu'est-ce que
j'peux faire ? j'sais pas... ». Là, il
montrait sûrement sa panne d'inspiration. C'est à ce
moment que les producteurs auraient dû citer notre critique
cinématographique : n'arrête pas ton char, tu vas
montrer ta panne. Trop tard. Boum! Le film est fini et montre sa
panne d'inspiration. Peut-on être en panne de n'importe
quoi ? Montrer sa panne d'inspiration, ce n'est pas si
original que cela. Quel cinéma cessera de nous montrer
parfois surtout sa panne de son (facile), de financement
(fréquent), d'imagination, d'ocularisation, d'ironie, de
dénazification, de béguin (rare) et, presque
toujours, de babiroussa.
— D'accord. Je manque d'imagination.
Voici mieux.
67. « Disons qu'il ne renouvellera guère nos
modèles masculins en panne » (1/04/2001,
C5).
68. « Michel est le point d'ancrage
d'identification, mais les personnages secondaires ont peu de
substances à se mettre sous la dent » (1/04/2001,
C5).
69. « Ce n'est pas que Patrick Labbé soit
à côté de ses pompes »
(1/04/2001, C5).
70. « Quand à Marcel Sabourin, il incarne ici
l'éternel faire-valoir du héros, bon vivant qui ne
rêve pas trop hors de sa cour tandis que son copain
veut s'en sortir, mais son rôle est si mal
développé... » (1/04/2001, C5).
71. « Sandra MacDonald, en poste depuis février
1995, s'était retrouvée sous son règne
dans l'obligation de gérer compression sur
compression » (3/04/2001, B8).
72. « Il y aurait bien eu des entrevues en février
sans qu'aucun candidat n'ait encore émergé du
panier » (3/04/2001, B8).
— Vous pouvez bien soustraire purement et simplement
« sous son règne » ou « du
panier », mais vous perdrez tout le comique de ces
formulations. Imaginez plutôt d'autres
compléments : c'est bien plus concluant. En
voilà une qui se retrouve sous le règne de son
successeur (science-fiction), sous le règne de Louis XIV
(film historique), victime d'un Indien (western), dans les bras de
X (XXX). Tandis que l'autre, le candidat, émerge de
n'importe où — sauf d'un milieu liquide, comme d'un
bol à soupe, par exemple, car on perdrait alors une partie
de l'image surréaliste. Du solide donc. Sac à main,
portefeuille, sac à dos, cave, grenier, habitacle, auberge,
gisement, Canada, troupe, faune, cirque, secret, ruche, sombre
forêt des tractations de coulisse, compétition,
ombre ? De la montagne.
« Il y aurait bien eu des entrevues en février
sans qu'aucun candidat n'ait encore émergé [de la
montagne comme de nombreux alpinistes rivalisent pour se retrouver,
dans le palmarès, sur le dessus] du panier ».
73. « ... et vogue le navire... » (7/04/2001,
C2).
74. « Ça, c'est la courageuse méthode de
Robert Lepage, qui à mis au ban de sa conférence de
presse (avant d'annuler cette dernière, faute
d'être obéi) trois journalistes... »
(7/03/2001, C2).
— « Faute d'être obéi »
n'est pas une proposition trop peu originale non plus. Mais on n'y
pense pas, tout occupé à trouver
la première correspondant à la dernière.
75. « En 1999, Luc Plamondon avait tassé du
pied certains journalistes culturels du Devoir qui,
du coup [de pied ?], n'arrivaient pas à obtenir
de billets pour la première médiatique de
Notre-Dame de Paris » (7/04/2001, C2).
76. « Dans ce futur pas si utopique que ça —
encore un petit effort, on y est presque —, tous les
écrivaillons s'exécuteront, l'échine
courbée et la mine dans le nez »
(7/04/2001,
C2).
— La mine de leurs crayons ? Je ne comprends
pas. Ils auront mauvaises mines, mais cela ne va pas leur entrer
dans le nez. La mine sur la langue, peut-être ?
77. « Plutôt que de lui laisser le leadership dans
la doublure, reste à la France à
s'américaniser elle-même » (7/04/2001,
C5).
— C'est qui, lui ? Je crois que c'est Hollywood, le
sujet de la phrase précédente. Il faudrait alors
comprendre : plutôt que de perdre le leadership dans
l'industrie du doublage de ses films, reste à la France
à s'américaniser elle-même (en produisant aux
États-Unis ses propres adaptations). Voici du moins le
contexte, où je ne pense pas que la phrase se comprenne
mieux : « Just Visiting constitue un
phénomène dans le cinéma français.
Hollywood, qui crache sur les oeuvres en langues
étrangères, produit force remakes des films
français. Plutôt que de lui laisser le leadership
dans la doublure, reste à la France à
s'américaniser elle-même. La colonisation par les
colonisés. Suffisait d'y penser ». 78.
« Sur fond de casinos enfumés et d'un jeune
aristocrate épris fatalement d'une chanteuse, Schmid
épure son thème jusqu'à lui enlever toute
réalité triviale, mais le collant au
mythe » (7/04/2001, C5).
— Quel fond ! Quel double fond, particulièrement
le second ! Il n'y a que Daniel Schmid pour réussir de
tels effets, avec un fond d'aristocrate épris, etc. Quel
style... « Le passé est ici un vieux disque
usé qui rejoue sans cesse et se heurte à un
présent qui dérange, à travers le filtre
poético-tragique du regard unique de Daniel
Schmid » (7/04/2001, C5). Il n'y a que Schmid pour
inspirer une telle phrase.
79. « D'autres distributeurs demeurent
carrément dubitatif » (18/04/2001, B10).
— On peut aussi s'amuser des perles stylistiques comme
celle-ci, même si je renonce généralement
à les noter. Il y en a trop.
80. Le Village des vierges : « Il montre
aussi par l'absurde l'horreur de la situation qui sévit en
Afrique du Sud, pour laquelle il n'est d'ailleurs pas de
situation évidente. Mieux vaut sans doute demeurer
vierge plutôt que de succomber au sida dans un pays où
le préservatif répugne à tous »
(18/04/2001, B10).
— Le contexte ne permet pas de comprendre le sens de la
proposition. Le mot « situation » n'a aucun
sens. Peut-être faut-il comprendre
« solution ». Autrement, s'il s'agit de
choisir entre la virginité et le sida, on se demande ce qui
pourrait être « évident » dans ces
« situations ».
81. « Le bon côté de ces
événements-là, c'est quand même de
pouvoir attraper au vol les réflexions d'une femme qui fait
des livres en enlevant des mots plutôt qu'en les
empilant » (15/04/2001, C2).
— Je suis assez fier de ma perspicacité, car il est
peu probable que le lecteur de l'article comprenne cette phrase que
j'interprète ainsi : Annie Ernaux a l'art
d'écrire sobrement, de manière elliptique; à
croire qu'elle soustraie des mots, plutôt que d'en
rajouter.
82. « Le beau Thierry Lhermitte en a marre. Marre de
faire la promotion des films, marre d'être producteur, marre
de tout ce qui entoure le métier d'acteur comique à
succès qui s'est aussi engagé dans la
machine » (24/04/2001, A1).
— Le titre annonce, il est vrai, la « machine
cinéma ». Sauf que le titre vient de l'article,
de cette phrase, de son dernier mot,
incongru.
83. Toujours à propos de Lhermitte :
« Pénétrer au coeur de la bête de
cirque le fait râler encore plus » (24/04/2001,
A8).
— Pénétrer ? Elle inverse les rôles,
avec le « beau Thierry Lhermitte », j'en suis
persuadé. Pénétrer au coeur d'une
bête ? Une bête de cirque, en plus ?
84. Monsieur Thierry Lhermitte a-t-il vraiment dit :
« Le succès c'est très agréable,
mais ça ne me fait pas sauter de joie au plafond,
confesse-t-il » (24/04/2001, A8).
— Mon cher Thierry, tu peux bien sauter de joie ou sauter au
plafond, mais je t'en prie, n'exagère pas, et ne fais pas
les deux en même temps. On n'est pas au cinéma et
d'ailleurs on n'a pas le cascadeur pour cela. Il n'y a qu'Odile
Tremblay pour rapporter des choses aussi surprenantes.
85. « ... lourde comme une grille de prison. Une grille
qu'il ne brûle que d'ouvrir en criant : De
l'air ! » (24/04/2001, A8).
86. « Rappelons qu'AMC, une entreprise américaine
[étatsunienne], a connu des difficultés
financières récentes [récemment] et a dû
fermer 586 cinémas aux États-Unis. Jack Gardner
incombe ces déroutes non à l'afflux
intempestif [sic] de mégaplexes en Amérique du Nord
mais aux vieux [la vieillesse, la vétusté]
cinémas qu'AMC, à l'instar de plusieurs chaînes
rivales, avait sur les bras ». (27/04/2001, B10).
— Incomber n'est pas un verbe transitif direct. Et par
ailleurs, les déroutes ne peuvent pas non plus incomber
à quelque « afflux » que ce soit,
car on imagine mal un « afflux de
mégaplexes » ayant des charges et devoirs. —
On peut s'amuser du dernier syntagme, même si l'on ne peut le
compter au nombre des perles : les bras de la
chaîne ! Il s'agit plutôt d'un emploi fautif de
l'expression, car il est bien peu probable qu'une chaîne de
cinémas comme AMC se sente quelque responsabilité que
ce soit envers ses « vieux cinémas ».
Elle ne les avait donc pas sur les bras : elle les
possédait et devait les gérer à perte, elle en
a finalement fermé 586. Mais c'est exactement ce que dit la
journaliste ! Oui, mais elle l'écrit en style
d'Odile.
87. « Les cinémas ouvrent vendredi prochain, mais
il faudra attendre l'automne pour que soit sur pied
l'écran géant » (27/04/2001, B10).
— Peut-on enseigner le génie de la langue ? En
général, on naît avec, entre l'âge de
trois et cinq ans. Mais bien entendu, il faut aussi tenter d'aider
ceux qui ne l'ont pas naturellement. C'est difficile. Ici, par
exemple, il faut faire comprendre qu'on peut mettre sur pied un
projet ou un projecteur. L'un est une abstraction et l'autre a des
pattes. Il suit qu'un objet concret ne peut jamais être mis
sur pied s'il n'a pas de pattes. Donc, un écran ne se met
jamais sur pied.
88. « Le réalisateur est à la fois ravi de
l'aubaine et mal à l'aise de respirer des bulles hors
de son élément » (11/05/2001, A10).
89. « Rare retour, coup de tonnerre et coup de coeur, sa
version remaniée et allongée de 53 minutes à
partir des rushs initiaux jeta ici tout les festivaliers par
terre » (12/05/2001, A1/A12).
— Il s'agit de la nouvelle version d'Apocalypse now,
les festivaliers « jetés par terre »
sont ceux de Cannes et la phrase au passé simple se trouve
dans le Devoir.
90. « Allez comprendre un film de Godard avec la
raison. On le saisit à travers un jeu plus subtil
d'interférences, mais il demeure ésotérique,
bien entendu » (16/05/2001, A8).
— Avec quoi alors ? Surtout s'il s'agit d'exprimer le
contraire, à savoir qu'un Godard ne se comprend pas. Pour
ce qui est de le « saisir », on voudrait
comprendre (avec la raison, si possible) de quoi le jeu
d'interférences est plus subtil ? Plus subtil que la
raison, bien entendu. Alors, qu'est-ce qui saisit ? Quel
organe ? C'est pas clair.
91. « À preuve, bien des festivaliers sont sortis
de son Mulholland Drive [David Lynch] en se grattant la
tête de perplexité » (17/05/2001,
A1).
— Et ce n'est pas tout : « la rumeur prenait
la forme d'un millier de points d'interrogation
répercutés dans le palais des Festivals puis à
travers les rues animées ». Manifestement, l'as
des reporters de Cannes a des visions.
92. « Connues comme Barabas dans la Passion qu'elles sont
ici, les panthères » (18/05/2001, B10).
— D'accord, je triche, et consigne encore une phrase
segmentée, car belle comme une apparition de l'ange à
la Vierge dans le premier des quatre Évangiles qu'elle est
là, cette structure syntaxique.
93. « C'est rempli de gags et de bonnes idées (en
plus de clins d'oeil à l'oeuvre antérieure
d'Imamura), mais des longueurs déparent,
hélas ! la sauce teriyaki » (19/05/2001,
B12).
— Que les longueurs déparent un film, c'est
déjà bien surprenant, mais quand on passe à la
sauce, cela devient surréaliste.
94. « Tout dépendra en fait des priorités
d'un jury forcé de trancher parmi la
profusion » (19/05/2001, B12).
— D'un côté il y a beaucoup de films de
qualités (c'est le sens de la
« profusion ») et le jury est là pour
distribuer les palmes (il doit donc
« trancher », au sens de choisir, qui convient
ici). Et voilà comment un jury se retrouve dans une si
étrange position, forcé de trancher
« parmi » la « profusion ».
Rien de plus difficile. Il risque de passer dans le beurre.
95. « Est-il besoin de préciser que ce
bruit-là [il s'agit de la rumeur publique intitulée
« le grand buzz »] met une tonne [?] de
pression sur les épaules du cinéaste palmé
d'office par la rumeur et suscite un poids d'attente
équivalent sur celles des festivaliers »
(18/05/2001, A1).
— De toute ma vie de festivalier, jamais je n'ai eu aucun
poids sur mes épaules, sauf mon sac à dos. Bien
entendu, on comprend sur quelles frêles épaules
festivalières pèse la rumeur publique. Ce qui prouve
que ce n'est nullement une question de contenu ou de style, mais
un simple problème de rédaction. Il faut
deviner le sens de ce qui est écrit noir sur blanc, comme un
sac à dos noir sur des épaules blanches. Il faut
deviner ce qu'il y a dans le sac.
96. « C'est la langue la plus parlée ici,
à part le français et l'anglais »
(16/05/2001, B9).
— Est-ce que l'italien ne serait pas la langue la plus
parlée à Cannes après le
français et l'anglais, durant le festival du
cinéma ? Je crois qu'il ne s'agit pas tout à
fait d'une faute de grammaire et que j'ai en conséquence le
droit de la consigner ici.
97. « Faut dire aussi que l'Italie possède
avec le cinéma un vieux lien de prestige »
(16/05/2001, B9).
— Qu'est-ce donc qu'un « lien de
prestige » ? Dites
ce que vous voulez, en posséder un
« avec » le cinéma, ce doit être
prestigieux. Il faut sûrement comprendre que l'Italie a un
passé cinématographique prestigieux. Et ça,
on peut le dire.
98. Les vedettes du cinéma pornographique :
« Le Festival de Cannes les ignore, mais
basta ! Elles font partie du décor, et la
couleur locale serait moins fellinienne en leur
absence » (16/05/2001, B9).
— « En leur absence », je crois que cela
se dit simplement « sans elles » en
français. En revanche, « basta ! »
prend ici un sens que ni le français ni l'espagnol ne lui
connaissent.
99. « La rumeur portait Moretti gagnant et le jury
présidé par Liv Ullmann a enfourché la
même vague » (22/05/2001, A1).
100. Quelques rappels !
100a. « Plus étrange fut le laurier
d'interprétation masculine moissonné par
Benoît Magimel » (22/05/2001, A8).
100b. « Les films français de la
compétition, pourtant fort méritants cette
année, se retrouvent en panne de lauriers »
(22/05/2001, A8).
100c. « Michel Piccoli dans Je rentre
à la maison, le merveilleux film de Manoel de
Oliveira, mangeait un pain sur la tête de tous les
autres acteurs de la course » (22/05/2001, A8).
— J'ai beau chercher, je ne trouve rien qui corresponde
à cette expression que je ne connais pas. La formule
évoque une tournure anglaise : to make something
over someone's head, mais il serait surprenant qu'il
s'agisse d'une expression anglaise. C'est d'ailleurs une
caractéristique très évidente du style d'Odile
que de ne jamais produire le moindre anglicisme. Cela fait
même partie de sa toujours très strite correction
grammaticale.
Une toute petite rallonge ? En 2007, on y a droit
101. La ville où se déroule Toi de
François Delisle : « Tout se joue dans un
espace-temps quasi métaphorique où les questions
fendent l'air et retombent au sol, sans
réponses » (31/08/2007).
— Des questions qui ne volent pas haut ?
102. Ben X, petit film pour adolescents qu'Odile Tremblay a
été toute contente de voir couronné au FFMM
2007 (la Grande Jaune faisait partie du jury, il faut dire) :
ce film est « coiffé d'un dénouement
inattendu » (27/08/2007).
— La coiffe, cela se porte sur la tête et, donc, un peu
en tête, au commencement; la fin, c'est la queue, le
dénouement, pour ne pas parler de la finale. Bref, ce n'est
vraiment pas là qu'on met son beau chapeau inattendu.
103. Anne-Marie Cadieux dans Toi, encore :
« l'actrice se met à nu, debout sur ses
failles » (28/08/2007).
— Équilibriste ou contorsionniste, elle n'a qu'a bien
se tenir.
104. Le FFMM a bien beau couronner un petit pet
cinématographique pour son grand prix des Amériques
(ex aequo avec un film que je n'ai pas vu), c'est mon avis,
Odile Tremblay en est vraiment ravie, je le répète.
Mais elle s'inquiète : le festival de Serge Losique est
« sans vrai sang neuf d'assistance »
(4/09/2007).
105. En plus, « le palmarès a aligné de son
côté des coups de chapeau mérités et des
incongruités » (4/09/2007).
106. Sans compter que « la dénonciation politique
(sic) de la tyrannie », avec DP75-Tartina City, a
été « servie sur fond d'images floues et
incertaines » (4/09/2007).
107. David Cronenberg : « Le cinéaste torontois
sort de plus en plus souvent d'une marge qui semblait se confondre
avec son style » (16/09/2007).
— Cronenberg va sûrement sortir de la marge comme
d'autres
doivent sortir d'une ombre qui se confond avec leur style.
108. Puisqu'on parle d'ombre, alors une petite
dernière
découpure. Dans ce film de Cronenberg, Naomi Watts
« est plus monolithique que les autres interprètes
et sa zone d'ombre, moins distincte »
(16/09/2007).
Ces huit petits exemples
découpés cet automne me rappellent le bon temps
où je m'amusais ferme à ce petit jeu de massacre. Il
n'est sûrement pas inutile de montrer qu'on peut encore y
jouer tous les jours dans le Devoir. Cela vaut bien le jeu
des deux dessins « Êtes-vous
observateur ? » de la Presse.
Le Festival des films du monde de
Montréal 2012 passera
à l'histoire pour avoir été l'occasion de la
première
tentative de saboter le style d'Odile.
Il faut dire que j'en vois
rétrospectivement un
présage
dès le milieu de juillet dans un malheureux quiproquo, c'est
le cas de le
dire. J'avais lu distraitement un article intitulé
« Fenêtre d'art engagé : la Maison du
développement durable inaugure demain son espace de
diffusion »
(16/06/2012, B8). À ma grande stupeur, le papier
était signé
« Geneviève Tremblay, le
Devoir ». Je sais bien
que les Tremblay sont les Dupont du Québec, mais de
là à
trouver deux « madame Tremblay » journalistes
au même
journal, le Devoir, je ne pouvais pas le prévoir et,
sur le coup,
j'ai pensé que Mme Tremblay avait décidé de
changer de
prénom. Vous vous rendez compte de l'impact que ce
changement aurait eu sur
le présent chapitre de mes Polémiques ?
Quelques temps,
j'ai pensé à un terrible mauvais coup. Pensez-y un
instant :
« Le style de Geneviève » ! Cela ne
fait plus un
titre et n'aurait désormais aucun sens. Et sans son titre,
mon essai de
critique stylistique perd évidemment son sens et même
sa raison
d'être. Sans parler de la composition rythmique (1)+(1)+(0)
et (1)+(1)+(0),
soit le+stil+(e) do+dil+(e), il lui faut absolument l'assonance
interne [sti]
et [di] où le [i] se prononce comme dans
« Paris »,
sinon la désignation perdrait tout son charme.
Heureusement, ce n'était qu'une
fumée sans feu
(voyez en passant : une « fumée sans
feu », pour
dire que finalement il n'y avait pas d'anguille sous le caillou,
ce n'est vraiment
pas une réussite; ne maîtrise pas le style d'Odile
qui veut). La
stupéfaction est venue avec le festival, en tête du
cahier
« Culture/Livres » du 18-19 août 2012.
Odile Tremblay
y fait une présentation du FFMM avec une remarquable
entrée en
matière, pleine page, annonçant la venue de Volker
Schlöndorff,
qui présentera son dernier film, la Mer à
l'aube, en plus d'y
donner une « leçon de maître ».
Il faut vraiment
aller lire cette page pour comprendre que nous sommes devant un
moment
exceptionnel. Non seulement on n'y trouvera aucune perle, aucune
bourde, mais on
y lit même deux expressions radicalement contradictoires avec
le style
d'Odile. D'abord parce que le film de Schlöndorff
présente des
« protagonistes évoluant au milieu de
zones grises » (E1d),
ensuite parce
qu'on y lit la note suivante : « À noter
qu'outre la Mer à
l'aube, plusieurs films présentés au FFMM cette
année, du
23 août au 3 septembre, abordent le Seconde Guerre
mondiale »
(E1f). En réalité, ce que n'auront pas manqué
de noter les
fanatiques comme moi du style d'Odile, c'est que les
« zones
d'ombre » sont devenues de très correctes
« zones
grises » et, cette année bénie 2012,
le festival ne
roulera pas, mais sera tout simplement
présenté du 23
août au 3 septembre, en plus bien entendu de ne pas
être
désigné, pour la première fois de son
histoire, comme une
« cuvée ».
Il y a de quoi être vraiment surpris,
très
étonné, incrédule. Or, cela ne fait
absolument aucun doute.
Vous pouvez relire plusieurs fois, vous avez là toute une
page où la
journaliste ne s'exprime pas dans le style d'Odile. Et le
phénomène
incroyable se répète encore le 21 août, avec
deux articles
(pleine page, encore, 4 colonnes sur 6), sauf que toute la page est
écrite
au passé simple et qu'une perle, une seule et unique, s'est
glissée
sous la plume de la journaliste, à savoir que
149. Tony Scott « courtisa peu les indépendants et
les
scénarios porteurs » (21/08/2012, B8).
— À la rigueur, on courtise un scénariste, mais
certainement pas son
scénario, et le vocable porter et ses composés
ne sont pas
intransitifs: ni les scénaristes, ni les scénarios ne
sont
« porteurs », sauf en style d'Odile, bien
entendu, où
tout peut être porteur de tout, on n'est pas regardant.
Exemple :
Ridley Scott, lui, n'a jamais craint les scénarios porteurs
(du virus
d'« Alien »).
Cela dit, une perle isolée dans deux articles sur toute une
page, c'est
comme une hirondelle en plein hiver, cela n'annonce rien de bien
bon et
certainement pas le renouveau stylistique espéré.
Or, c'est encore
pire dans l'article suivant, jeudi, le 23 août :
« FFMM : petit guide du cinéphile »
(23/08/2012) : pas une seule perle à signaler. Et
encore les 25/26
août : le documentaire d'Alexandre Trudeau a droit
à une entrevue
sans faute. Il y a quelque chose qui ne va pas. Manifestement, un
correcteur est
à l'oeuvre qui efface les perles et reformule les figures de
style. Un sale
mouton s'est introduit dans le repaire du Devoir. Le FFMM
va perdre cette
année l'un de ses plus beaux atouts. C'est du sabotage. Le
rendez-vous
annuel ne devra plus compter dorénavant que sur sa
programmation...
Et cela ne s'améliore pas le 27
août, d'autant
que j'avais vu le bon film rétro de Bernard Rose avec les
deux Huston,
l'oncle Danny et le neveu Jack (dont O. Tremblay m'apprend milles
petits
détails, notamment l'inspiration qui vient d'un film
inédit d'Orson
Welles avec un « personnage » de John Huston,
père et
grand-père des deux acteurs : ciel ! en plus de
changer de style,
la journaliste va devenir intéressante). Fabuleux. Je
parle de l'article
d'O. Tremblay, « D'un Huston à l'autre »
(27/08/2012),
sans aucun trait du style d'Odile. On en retrouve toutefois une
perle de bon
augure dans l'article suivant, même page, la première
perle de
l'année au FFMM :
150. « La mise en scène glisse sur une
caméra de
mobilité » (27/08/2012, B8).
— Ouf ! D'accord, ce n'est pas encore le style d'Odile, avec
trois ou quatre
perles par article, mais c'en est déjà une. Tout
n'est pas perdu.
Je signale qu'on en est à près
d'une semaine de
l'ouverture du FFMM 2012. On compte donc à ce jour deux
perles, les perles
149 et 150. Normalement, à ce moment, depuis plus de dix
ans, c'est par
dizaines qu'on peut les énumérer, comme en font foi
les
dépouillements ci-dessus. Que s'est-il donc passé
cette
année ? Il n'y a, à mon avis, qu'une seule
explication
possible : nous avons des correcteurs ou pour bien dire des
saboteurs
à l'oeuvre. Je ne vois pas d'autres explications. —
Ne pouvant
interroger la journaliste, j'en suis réduit à des
hypothèses
et je n'en trouve pas beaucoup. Mme O. Tremblay n'a tout de
même pas pris
des vacances et payé un nègre pour écrire ses
papiers durant
toute la première semaine du FFMM. Ou bien les correctrices
du journal ont
pris sur elles de revoir systématiquement ses papiers.
Ensuite ?
Elles sont tombées en congé de
maternité ? Ou Mme O.
Tremblay s'est fâchée qu'on réécrive ses
textes ?
En tout cas, tout redevient heureusement à la normale
à partir du 29
août 2012. Le style d'Odile s'exprime avec plus de force et
d'originalité que jamais. Les saboteurs ont
été heureusement
neutralisés. Les perles défilent et s'enfilent
dès lors
normalement. Les
festivaliers vont pouvoir se remettre des chocs successifs qu'ils
ont
éprouvés chaque matin, jour après jour, en
ouvrant le
Devoir.
151. « "La Mer à l'aube" a le mérite
d'aborder des zones
d'ombres [sic] avec cette histoire (véridique) d'otages
français... » (29/08/2012, B8).
— Vous le voyez bien que les « zones
d'ombres » sont revenues. Cela ne s'invente pas,
après la
correction du 18 août des « zones
d'ombres » en
« zones grises ».
152. « On salue la performance d'Arcand en homme
habité par sa
détresse » (29/08/2012, B8).
— On aimerait le voir habité par son
allégresse, mais il faut
tout de même se poser la question de savoir si la
détresse et
l'allégresse nous habitent ou si ce ne serait pas l'inverse
(l'actif et non
le passif). En fait, si je ne me trompe pas, on est tout bonnement
heureux ou
malheureux, désespéré parfois. En tout cas,
il faut saluer
la performance stylistique. Attendez tout de même la fin du
film :
153. « Dans l'excellente finale, vibre la grâce de
ce monde
flottant » (29/08/2012, B8).
154. « Elle a un beau sourire, Liv Ullmann, et
dégage une
humanité, une chaleur qui illuminent la pièce. Une
vérité aussi » (30/08/2012, A1).
— Bref, une chandelle, une vraie chandelle... Lisez
la suite et vous
allez tout savoir sur l'épouse de Bergman :
« Elle est
retournée en Suède sur l'île de Faro, qui
abrita leur
passion, leur gloire et leur détresse, retrouva un
ours en peluche
et des pans de mémoire » (30/08/2012, A8).
155. « Les images de "Léolo", chef-d'oeuvre de
Jean-Claude Lauzon
(1992), nous hantent encore. Se bousculent dans les têtes
cinéphiles... » des images que la journaliste
énumère (30 août 2012, B7).
— Vous n'allez pas le croire, mais dans ma propre
« tête
cinéphile » j'ai le très exact souvenir
qu'O. tremblay
avait trouvé que le film de Lauzon était un pur
navet. — Mais
restons-en au style d'Odile, aux « têtes
cinéphiles ». Après les têtes
carrées, les
têtes brûlées, les têtes de mule, nous
voilà au
cinéma !
156. « On cherche souvent son profit au FFMM. Il faut
être
chanceux ou farfouiller dans les projections, avant de tomber
sur un bon
morceau » (2/09/2012, C10).
— Le « bon morceau » en question, c'est
« Anfang 80 » qui raconte les amours de vieux
routiers :
157. « Le scénario multiplie les bâtons
dans les roues
de ces octogénaires [sic] frappés par
l'amour [sic],
au grand scandale de leur entourage » (2/09/2012,
C10).
— Octogénaires à vélo ? Non. En
style d'Odile,
on écrit spontanément : « les roues
des
octogénaires ». Alors c'est très facile de
leur mettre des
bâtons dedans. Ne pensez pas faire de même dans
« les roues
d'Odile Tremblay », car stylistiquement (on peut bien
inventer ce néologisme ici), elle ne roule pas, elle plane.
Alors imaginez ! Un scénario qui couperait les ailes
(du style)
d'Odile. Non, finalement, les roues des octagénaires, cela
n'a pas son
égal.
Pour finir en beauté, on a droit au
fion annuel du
mardi du travail, si je puis dire (c'est le jour qui suit le
premier lundi de
septembre, fête du travail, alors que se termine
habituellement le FFMM).
Lundi, tout le jury s'était dispersé, et...
158. ... « C'est le Québécois du lot [...]
qui remit cette
palme » (4/09/2012, B7).
— Il est difficile de s'exprimer plus vulgairement (et non
sans comique
involontaire, avec le passé simple des précieuses),
mais en style
d'Odile, dans le Devoir, c'est tout à fait
acceptable.
159. Cela dit, c'est tout de même Karl Merkatz,
l'octogénaire à
roulettes, qui « repart avec le prix
d'interprétation masculine,
reçu avec générosité »
(4/09/2012,
B7).
— Fouille-moi, mais je n'ai aucune idée de ce que cela
peut vouloir
dire. Je ne donne jamais grand chose, car je ne suis pas
très
généreux, mais je reçois toujours tout
« avec
générosité ».
160. Le FFMM s'est clôturé avec Un bonheur n'arrive
jamais
seul. « Ce film s'accroche aux ressorts comiques
burlesques du
cinéma américain [= étatsunien], avec
personnages qui
trébuchent, gaffent et s'éprennent par-delà
les fossés
qui les séparent. Le scénario ne tient jamais la
route et semble
émerger d'écrans d'hier »
(4/09/2012, B7).
Et non, ce n'est pas fini. Voici la preuve
que les
correcteurs et saboteurs du style d'Odile auront mené leur
travail de sape
en vain durant presque une semaine. Les derniers mots de ce
dernier article nous
ramènent à la marque de commerce du style d'Odile,
ses
« zones d'ombre » ! Avec la phrase
segmentée de
style titi parisien en prime.
161. « Il est venu souvent au FFMM, le Suédois Jan
Troell » [...]. Son film : « Avec ce
héros
politique, doublé d'un personnage antipathique dans sa vie
privée,
le film joue dans les zones d'ombre » (14/09/2012,
B7).
— Finies les « zones grises ». Que les
saboteurs
aillent se rhabiller. Malgré l'évidente tentative de
correction, qui
aura duré près d'une semaine, c'est manifestement le
style d'Odile
qui triomphe.
Et cela va pour sûr se poursuivre.
Dès le 6
septembre qui voit paraître le premier papier de la
journaliste sur le
Festival international du film de Toronto.
162. « Le TIFF commence jeudi avec "Looper" de Rian
Johnson,
production fantastique d'action aux temps multiples qui
devrait
dérouter l'auditoire du bal d'ouverture »
(6/09/2012, B10).
— On serait dérouté à moins.
163. « Il a encore grossi, ce rendez-vous de
films, avec sa riche
moisson dont 146 premières mondiales et les meilleurs
morceaux de
Berlin, Cannes et Venise » (6/09/2012, B10).
164. Deux des films lancés à Cannes
« suscitent la
hâte ici » (6/09/2012, B10).
165. « Dans ce festival-là, adopté par
Hollywood, les
festivaliers viennent tâter le pouls des productions
oscarisables, lancent
des buzz et des paris » (6/09/2012, B10).
— Quand un des bons morceaux suscite la hâte à
Toronto, il n'est
pas nécessaire de prendre le pouls de cette production pour
le savoir
battant : c'est alors que le style d'Odile est à son
meilleur.
Festival de Cannes 2013
En attendant le FFMM 2013 de l'automne, voici
quatre perles d'un seul des nombreux articles de la journaliste
venus de Cannes ce printemps, la moitié d'un article en
fait,
le compte rendu du dernier film de François Ozon,
« Jeune et jolie ».
166. « Dans nos salles obscures, voici la vie
secrète des adolescents servie en thème du
jour » (17/05/2013, B2).
167. « Ce film manque de tonus, mais porte avec
son élégante désinvolture une
mélancolie sexuelle [?] en panne de
sens » (17/05/2013, B2).
La « panne de sens » est une tournure classique
en style d'Odile, mais porter « une mélancolie
sexuelle », c'est plus original.
168. [Buñuel m'a devancé, dit Ozon].
« C'est forcément à "Belle de jour" qu'on
pense ici. Des scènes d'hôtel s'affichent en
miroir discret. Même double vie menée sans
cupidité, sous de vertigineux mobiles... »
(17/05/2013, B2).
Le contexte rend la phrase soulignée encore plus comique,
car... on comprend ce qu'elle « voudrait »
dire ! Je vous laisse évidemment le plaisir de
traduire vous-même, bien entendu.
169. [Marina Vacht]. « Mais ce beau profil glacé
manque de vrai mystère. N'est pas Catherine Deneuve,
qui veut » (17/05/2013, B2).
Même traduite à partir du fait que Catherine Deneuve
jouait un « personnage mystérieux »,
l'expression manquer de mystère reste fabuleuse, mais
le plus mystérieux, un vrai mystère, sera toujours le
sens à donner à « manquer de vrai
mystère ».
On peut présumer qu'on n'assistera pas
cette année, comme l'an passé, à une autre
tentative de sabotage de notre style d'Odile. S'il faut du moins
en juger par la première phrase du premier article de la
journaliste sur le FFMM 2013. La voici :
169a. « Au fil des ans, le Festival des films du monde,
pris en sandwich entre Toronto et Venise, vitrines de prestige et
de stars, a mis de plus en plus l'accent sur la
relève » (7/08/2113, B8).
Dire qu'« au fil des ans, le FFM a [...] mis de plus en
plus l'accent sur la relève », c'est probablement
juste, notamment à cause de sa section des Premières
oeuvres. Chose certaine, la phrase est parfaitement correcte. En
revanche, la participiale « pris en sandwich entre
Toronto et Venise » n'est pas recevable, parce qu'il faut
comprendre qu'il s'agit de festivals et non pas de villes
(Montréal est bien située entre Toronto et Venise,
mais du point de vue spatial, on aurait là tout un
sandwich !), ce qui vient d'abord à l'esprit,
étant donné la construction de la proposition. Mais
le style d'Odile se manifeste de manière spectaculaire dans
l'apposition à ce qu'il faut comprendre comme les festivals
de Toronto et de Venise qui sont des « vitrines de
prestige et de stars ». Bien sûr, la philosophie
du style en question est rigoureusement respectée :
sans trop de peine, on comprend à peu près ce que
l'apposition doit vouloir dire, mais qu'elle exprime avec un
vocabulaire et une structure du plus haut comique. Cela signifie
certainement que les festivals en question sont prestigieux
(ce sont des « vitrines de prestige » ?)
et qu'on y rencontre beaucoup de vedettes (des « vitrines
de stars » ? on y met les stars en
« vitrines » ?). Ou peut-être
faut-il
comprendre aussi qu'il est prestigieux pour un film d'y
être présenté et cela grâce aux vedettes
qui y viennent ? Une seule chose est assurée, et c'est
apparemment bien dommage, le FFMM n'est pas, lui, une
« vitrine de prestige et de stars ».
Boycottage : le festival privé du style d'Odile
Et non, le style d'Odile n'aura pas
été victime d'une tentative de sabottage cette
année. Pire, c'est la journaliste elle-même qui aura
décidé de tenter de saboter le FFMM en le privant de
son style : boudage, boycottage, sabottage. À notre
grande surprise, la journaliste se sera
révélée cette année pour ce qu'elle est
peut-être, finalement, une vraie tête de linotte. Son
comportement aura été scandaleux, profondément
immoral. Comme nous avons trop peu de perles à nous mettre
sous la dent, je prends le temps de rendre compte de
l'événement :
Portrait d'une journaliste du Devoir en
tête de linotte. Cela dit, les quelques perles qui
suivent font la preuve que le FFMM aura été
cruellement privé cette année de la plume de la
journaliste. Je ne serai pas seul à trouver ce boycottage
stylistique criminel. Qu'on en juge : six perles seulement
pour tout un festival...
170. « ... la
compétition [au FFMM], au fil des ans trop inégale,
ne fait plus l'objet d'une attention exhaustive »
(20/08/2013, B8).
On a, évidemment, des études, des recherches ou des
enquêtes exhaustives, des bibliographies ou des
dépouillements exhaustifs, etc. Mais une
« attention » de cet ordre, non. La preuve en
est, je crois, qu'il faudrait pouvoir mettre le syntagme au
pluriel, ce qui est impossible. On doit donc parler soit d'une
« grande » attention, soit encore d'une
« couverture » exhaustive.
171. « Au
Québec, la SODEC est placée également devant
un vide d'alternatives » (20/08/2013, B8).
Lorsqu'on n'a pas de choix, cela signifie qu'il n'y a pas
d'alternative. Comme on le voit, cela peut donner le vertige,
comme devant le « vide ».
172. « Les
huiles gouvernementales n'avaient pas misé sur les
bons chevaux et refinancent le FFM aussi [= ainsi] par
défaut » (20/08/2013, B8).
On aura compris qu'il s'agissait de chevaux vapeurs et que les
gouvernements n'avaient pas fait correctement le changement
d'huile.
173. « Les
Américains sont à Toronto, aussi toutes les autres
cinématographies, collées
derrière » (20/08/2013, B8).
Bref, si l'on comprend bien, le TIFF les a tous dans le cul ?
Le style d'Odile donne parfois dans ces vulgarités qu'on est
toujours aussi amusés que surpris de lire dans le
Devoir. J'exagère ? Bien entendu, puisque je
m'amuse de cette expression sodomique. Mais je n'ai tout de
même pas inventé ce « collé
derrière ». Ce sont vraiment les bonnes soeurs,
les Ursulines de Québec, qui ont ainsi apris son
français à Odile Tremblay ? Elles doivent
parfois en rougir. Collé derrière...
174. « Le coup de barre du 37e Festival des films
du monde est donné ce jeudi » (22/08/2013, B8).
La journaliste qui prêche pour un changement d'orientation ne
doit pas trop savoir ce qu'elle dit.
175. « N'empêche que "Cha, cha, cha" pourrait
être une production télévisuelle,
orpheline d'un vrai langage cinématographique
et de personnages de complexités »
(24-25/08/2013, C10).
On voudrait parodier le style d'Odile avec trois expressions
loufoques en une seule phrase qu'on n'y réussirait jamais
mieux que la journaliste du Devoir.
176. Cela dit, nous en venons à un nouveau festival, le
TIFF, qui « roule » jusqu'au 15 septembre
2013, avec beaucoup de « stars ». Un
« cru » qui serait « traversé
par des vagues, des thématiques » [sic]
(5/09/2013, B8).
— Rendez-vous, s'il n'est pas encore impitoyablement
boycotté par le Devoir au FFMM qui
« roulera » du 21 août au 1er septembre
2014. On soupçonne que le « cru »
manquera cruellement de « stars » sur son tapis
rouge. Mais nous, ce que l'on attend, ce n'est pas ce fla-fla,
mais l'éblouissant éclat stylistique, les perles
éclatantes et brillantes du style d'Odile. — Oui, je
sais qu'on peut en lire toute l'année sous sa plume, mais
comme je l'ai déjà expliqué je réserve
ma récolte à ses comptes rendus du FFMM. Mais,
mais ! ne serais-ce pas là une des raisons profondes de
son boycottage ? — Puisqu'il ne me lit que durant le
FFMM, celui-là, je vais tarir sa source de perles et me
fermer comme une huitre... Cruelle, va !
Depuis deux ans, en 2013 et 2014, le
Devoir a notablement contribué à la tentative de sabotage du Festival des films
du monde de Montréal (FFMM) et le journal, militant ainsi
pour un renouveau de l'événement, l'a non seulement
dénigré, mais boycotté, ne lui accordant que
quelques rares articles, souvent de l'ordre des potins
négatifs en provenance de la SODEC. Et pendant ce
temps-là,
il consacre chaque année une exceptionnelle
couverture au festival de Cannes. N'est-il pas insolite de couvrir
cet événement on ne peut plus français, alors
même qu'on ignore avec beaucoup d'énergie un festival
qui se déroule chez nous ? Quel intérêt
y a-t-il à nous présenter une
« compétition » qu'on n'aura pas
l'opportunité de juger avant que les films en question ne
soient sur nos écrans ? C'est
généralement un an plus tard, si l'on ne tient pas
compte du cas caricatural où le film est déjà
projeté au Québec !
Cela me paraît bien inutile et la preuve
en est facile à faire, puisqu'il suffit de poser la question
pour savoir que la réponse est « rien du
tout » : qu'est-ce que les articles du
Devoir consacrés tous les jours au festival de Cannes
cette année nous aurons appris d'important ? Je vous
le disais bien. Lisez ou relisez ces articles et vous ne serez
jamais capables de répondre autre chose.
Mais, il faut bien le dire, le style d'Odile
est tout à fait approprié au clinquant de Cannes
(qu'on ne trouve pas, malheureusement, à
Montréal). Cela se voit dans les attributs en
apposition : Isabelle Hupper, « frêle
icône insaisissable » (19/05/2015, A1),
« muse éternelle, plus cérébrale que
charnelle » (ibid.), « la rousse
égérie » (19/05/2015, A8);
« Devin Druid, formidable de révolte en adolescent
mutique » (19/05/2015, A8) — mutique ?
là, je pense que les bonnes soeurs qui ont enseigné
son français à la journaliste, pour une rare fois, ne
seraient pas trop contentes, car muet devrait suffire, sauf
à désigner une grave maladie cérébrale;
oui, d'accord, faudra voir le film pour en décider, mais on
verra alors quelque chose de très rare, un « jeune
garçon aux prises avec son âge » !
—. « Byrne, incandescent
d'impuissance » ! (19/05/2015, A8);
« Vincent Rottiers, impeccable » (22/05/2015,
B2); « fabuleux Antonythasan (prix
d'interprétation possible) » (22/05/2015, B2);
« sublime Shu Qi » (22/05/2015, B2). Avec, il
fallait s'y attendre, la contre-figure : « des
inconnus magnifiques aux noms imprononçables »
(22/05/2015, B2) ou « des acteurs inconnus,
singulièrement peu inspirants (Karl Glusman, Aomi Muyock et
Klara Kristin) ».
En plus, je pense qu'on peut se réjouir
d'avoir ces articles sous les yeux quotidiennement, puisque l'on
est privé maintenant de ce plaisir lorsque se déroule
le FFMM. Si l'on ne fait plus d'une pierre deux coups, savourant
le style d'Odile alors qu'on participe au festival de
Montréal (et qu'on peut juger de la pertinence ou non de ses
articles), on est toutefois d'autant plus attentif au style
qu'aucun de ces articles ne nous intéresse vraiment. Car je
me demande bien qui d'autre que la journaliste peut s'imaginer un
instant que les lecteurs du Devoir sont passionnés
comme elle par la question de savoir qui (oui, qui, pas quel film)
remportera la « palme » : avec le film du
Norvégien Joachim Trier, « on imagine sans peine
les regards du pays scandinave tournés vers la Côte
d'Azur » (19/05/2015, A8). Dheepan :
« Bientôt inscrit en lettre d'or au palmarès
cannois ? » (22/05/2015, B2) — Oui ! ma
chère. Comme nous attendions tous avec
fébrilité cette confirmation.
Le lecteur, lui, et c'est mon cas, a
plutôt la passion des perles stylistiques. En voici des plus
belles.
177. « Le Hongrois Laszlo Nemes ne joue pas dans le
champ des stars, mais son cadre, un crématorium
d'Auschwitz, fait boum à lui tout seul »
(« Sans stars, point de salut », 13/05/2015,
B8).
178. « Dans ce film d'action pure [Mad Max, fury
road], sommet du genre, avec une musique formidable, en
pulsation cardiaque au bord de sa propre fin du monde, le
scénario, exsangue, répète ses cascades
à qui mieux mieux » (15/05/2015, A1).
179. Les premiers films de George Miller : « Un
monde en manque d'hydrocarbures, où l'homme était un
loup pour l'homme » (15/05/2015, A1).
La phrase est correcte, en plus d'être
juste. Mais elle est parfaitement incompréhensible pour qui
ne connaît pas ces films où le carburant, si je puis
dire, était le manque de carburant, ce que remplace la
pénurie d'eau dans le nouveau film du réalisateur.
Et le lecteur ne comprendra pas mieux plus bas, avec la description
du « paysage désertique » qui est
« cette fois en manque d'eau », car il
ne pourra faire le rapport entre une phrase illisible et le nouvel
exposé, précisément parce qu'elle était
incompréhensible et que nous en sommes à un autre
sujet. Voilà une caractéristique très
importante du style d'Odile : on lit une expression, un
fragment textuel, qui vient abruptement dans l'exposé, sans
le contexte qui devrait lui donner son sens. C'est l'explication
que je viens d'en donner. Il s'agit là d'un trait de style
inhérent à tous ceux qui écrivent pour
eux-mêmes
et on le trouve fréquemment et tout
naturellement dans le genre du journal intime, par exemple. Mais
il est interdit sous la plume d'un journaliste, puisqu'il est
contradictoire avec le genre. C'est un trait du style d'Odile
auquel je n'ai pas été assez attentif jusqu'ici, pour
la raison toute simple qu'il n'a rien de spectaculaire. Il est
pourtant du plus haut comique de tenter de se représenter le
lecteur qui cherche à s'imaginer ce que peut bien être
un « monde en manque d'hydrocarbures ». Je
crois l'avoir trouvé : un monde qui ne va pas vite.
Mais, ciel !, c'est la thématique de la
« panne », chère au style d'Odile.
180. Woody Allen, en conférence de presse :
« Il reste enfermé en lui-même le plus
longtemps possible, dans sa coquille
d'huître » (17/05/2015, A7).
L'une des plus belles perles produites depuis
quinze ans.
181. Isabelle Hupper en capitaine de navire amiral :
« Ses souvenirs de Cannes sont au long cours »
(19/05/2015, A1).
182. Il faut dire qu'il s'agit d'une « étoile de
tapis rouge » (19/05/2015, A8).
Après les fleurs de tapis, les
étoiles.
183. Isabelle Hupper et Gabriel Byrne : « un couple
bien assorti par une aura de mystère »,
d'autant que Byrne, « avec une douleur en lui, est
à son sommet dans les rôles
d'intériorité, comme ici en père et en
mari désemparé » (19/05/2015, A8).
184. « Tout est en place dans Louder than Bombs
pour [produire] une oeuvre supérieure, qui glisse
pourtant de son cadre comme une anguille, sans se laisser capturer,
faute de bruit et de fureur » (19/05/2015, A8).
On croyait être vraiment au sommet avec
un Woody Allen s'enfermant dans sa coquille d'huître (plus
haut, no 180). On n'avait encore rien lu. Une
« oeuvre » qui « glisse de son
cadre », comme une « anguille », qui
ne « se laisse pas capturer »,
« faute de bruit et de fureur » !
Mettez-vous
au style d'Odile et essayez d'atteindre ce sommet. Bonne
chance.
185. « L'actrice française dit avoir aimé
jouer cette femme multiple, livrée en fragments
recueillis par d'autres » (19/05/2015, A8).
I. Hupper a vraiment dit cela ? Bien
sûr que non. Elle est citée verbatim par la
journaliste, qui ne se rend pas compte de la différence de
style. En bon français, l'actrice a ainsi
présenté son personnage : « Tour
à tour maternelle, absente, dépressive, volontaire,
elle est conforme au souvenir que chaque membre de sa famille
conserve d'elle. Rarement dans un film a-t-on abordé
à ce point les diverses tonalité d'une personne en
fonction des regards posés sur elle. Mais elle-même
ne sait plus se définir » (19/05/2015, A8).
Quelle niaise platitude que ce style d'Isabelle.
186. Disons-le tout net : « Louder than
Bombs aborde le couple en étiolement »
(19/05/2015, A8).
Je ne saurais dire pourquoi l'expression
paraît si bizarre, puisqu'on parlerait sans trop de surprise
d'un couple en déclin, en crise, etc. Probablement parce
que le syntagme a une forme adverbiale et que, dès lors, il
paraît s'appliquer à première vue au verbe,
soit une manière d'aborder le sujet, « en
étiolement » ! Mais la phrase désigne
clairement un couple « qui s'étiole »,
ce qui est beaucoup trop simple pour figurer dans le style
d'Odile.
187. Et pour en finir avec Louder than Bombs, « il
manque au scénario une turbulence pour trouver sa pleine
charge. Sa subtilité paraît en mal de coup de fureur,
sa pudeur, de grands tremblements », et, attendez
l'illustration de la comparative : « à
l'instar du personnage de Byrne, qui évide les
confrontations » (19/05/2015, A8).
C'est tout de même une perle rare :
une pudeur en manque de grands tremblements. Bref, le film n'est
pas assez osé. Mais l'expression n'en est pas moins
bellement pornographique.
188. Bref, « un mal qui honore presque Joachim Trier,
tant il va à l'encontre des courants du jour, mais qui
coupe les griffes à ce qui aurait pu être un
des pur joyaux de la sélection cannoise »
(19/05/2015, A8).
189. Voici deux personnes qui ont décidé de
« saisir leur société par les
cornes » et d'aborder « le milieu du travail en
perte d'humanité » (19/05/2015, B7).
190. « L'ombre des frères Dardenne plane sur tout
le film, au traitement comme au thème, avec une force
scénaristique en moins » (19/05/2015, B7).
Conclusion de ces deux dernières
propositions : « la cruauté du monde du
travail s'insinue pourtant entre chaque scène comme un
poison transmis jusque dans nos veines ». La Loi
du marché de Stéphane Brizé est vraiment
un film terrible.
191. « Denis Villeneuve se grattait la tête,
étonné de prime abord de voir son narco-thriller
américain [=états-unien] Sicario atterrir en
compétition » (20/05/2015, A1).
192. Le film « interroge les méthodes des agents
avec meurtres et tortures » (20/05/2015, A1).
Enfin un film qui se livre à des
interrogatoires musclés sur les agents de la CIA et du
FBI.
193. La programmation du festival de Cannes 2015 :
« éclectique jusqu'à l'incohérence,
s'épivardant comme une boule de billard »
(20/05/2015, B8).
Je ne connais pas l'étymologie du verbe
s'épivarder qui s'emploie dans la langue
familière au Québec depuis très longtemps et
dans des sens très variés. Il est employé ici
dans le sens courant qu'on trouve souvent dans l'expression
« s'épivarder comme une queue de veau »,
pour dire qu'on va à gauche et à droite, n'importe
où, rapidement, sans rime ni raison. On l'applique aux
enfants qui jouent ou à celui qui s'empêtre dans de
nombreuses actions inutiles. Tel n'est pas le cas en style d'Odile
qui permet de décrire la trajectoire on ne peut plus
réglée d'une boule de billard, qui ne saurait
s'épivarder. Il suit que le style d'Odile est plus à
l'aide avec le titi parisien qu'avec la langue parlée
populaire du Québec.
194. « Donzelli se fait beaucoup reprocher une absence
de point de vue tragique sur l'inceste » (20/05/2015,
B8).
195. Et cet article du 20 mai de se terminer sur un
« À demain, allez ! » !!
(20/05/2015, B8).
196. « Avec son père Henry avant elle et son
frère Peter défile une grosse partie de l'histoire du
cinéma sous les deux syllabes du
patronyme » (21/05/2015, B8).
Les innocentes bourdes font partie
intégrante du style d'Odile. Les deux syllabes du patronyme
des Fonda, pourquoi cela ne désignerait-il pas
également celui des Tremblay et des Dupont ? Les
« deux syllabes du patronyme » pour
« leur patronyme », c'est d'un comique
irrésistible, tout simplement parce que l'expression n'a
aucune justification. C'est tout simple, mais il fallait ne pas y
penser, ce qui n'est pas donné à tout le monde.
197. Attention, voici Youth, « riche d'une
caméra sublime », qui « fourmille
d'idées pas toujours menées à
terme » (!), avec un « scénario assez
échevelé », mais qui « casse
son ton à coups de dénouements
multipliés »; voilà donc un film qu'on
peut rapprocher de sa Grande Bellezza, « avec un
degré de réflexion supplémentaire »
(21/05/2015, B8).
198. Le film de Villeneuve, revenons-y : c'est un
« bon thriller américain
[= états-unien],
mais collé au genre » (21/05/2015,
B8).
Un film qui ne décolle pas ?
(comme le dit l'anglicisme, pour « incapable de prendre
son essor »). Ce serait une figure de style, si ce
n'était simplement une manière maladroite d'exprimer
l'idée que le film suit de trop près le modèle
état-unien de la poursuite policière, sans renouveler
le genre. Bref, c'est un bon film, dans le genre du
« thriller » hollywoodien, mais qui manque
d'originalité.
199. Denis Villeneuve, « qui n'avait jamais mis les
pieds en compétition à Cannes »
(21/05/2015, B8).
Voilà du pur style d'Odile. Comme
disait maman, un petit rien tout nu habillé de bleu. En
français, on le sait, l'article défini
appliqué aux parties du corps équivaut à un
possessif. Quand untel a mal à la tête, c'est
sa tête qui lui fait mal. D'où le sens premier
loufoque d'un Villeneuve qui met ses pieds en compétition.
À Cannes, en plus ! Bien entendu, nous comprenons
vite, intelligents lecteurs du Devoir, que l'expression est
mise pour « venir »,
« participer », etc. Mais c'est
précisément une caractéristique du style
d'Odile. Villeneuve avait déjà « mis
les pieds à Cannes », mais il n'avait jamais
« participé à la
compétition ». La perle consiste à
« mettre enfin les pieds en
compétition ». Bravo.
200. « De fines touches de lyrisme parsèment cet
univers émouvant et sauvage, en appels du
large » (22/05/2015, B2).
201. Dheepan de Jacques Audiard : le film est
salué pour sa puissance, « tout en soulevant des
questions sur son point de vue d'auteur » et, plus loin,
« Mais ce plaidoyer en faveur de l'immigration pour tous,
en se colorant d'un portrait sans nuances d'une France des
banlieues privées de protection, brouille le
message » (22/05/2015, B2).
« On s'interroge sur le point de vue
de son auteur » devient « on s'interroge sur
son point de vue d'auteur », ce qui ne signifie pas la
même chose, en plus de n'avoir aucun sens dans le contexte,
puisque l'auteur en question est un réalisateur, de sorte
que l'expression se comprend d'abord au sens technique, puis au
sens narratif, respectivement l'ocularisation et la
focalisation.
C'est aussi un exemple de la figure que j'ai
signalée plus haut, no 179. Il faudrait savoir ce qu'a
lu et entendu la journaliste pour comprendre ce qu'elle veut dire
ici. Même lorsqu'on verra le film, lorsqu'il sera à
Montréal, cela ne devrait pas nous permettre de saisir le
sens de ce qui semble bien être des opinions, rumeurs et
ragots de festivaliers (soit des opinions sur les vues du
réalisateur ou de son film). Certes, la dernière
phrase de l'article est parfaitement claire, exprimant l'opinion de
la journaliste, mais elle n'éclaire nullement les deux
phrases citées ici, incompréhensibles :
« le spectateur [est] impressionné par un tour de
force cinématographique, mais effrayé par la
détestation aveugle que le cinéaste semble
éprouver envers sa patrie ». Qu'est-ce donc
qu'une « France des banlieues privées de
protection » ? Qu'est-ce donc qu'un plaidoyer qui
« brouille le message » !
202 Expériences extrasensorielles. « Son film
s'en fait l'écho, très fin, un peu minimaliste mais
troublant, avec des plans-séquences qui suivent les acteurs
et révèlent des pans authentiques
d'eux-mêmes »
(24/05/2015, A10).
203. « Le film avait eu en séance de presse des
huées, comme chaque fois qu'une histoire s'aventure en
des zones métaphysiques » (24/05/2015,
A10).
204. Un « beau film peuplé de
mystères » (24/05/2015, A10).
205. Le réalisateur Michel Franco « a offert un
beau rôle intriguant à l'acteur Tim
Roth » (24/05/2015, A10).
Appendice
J'ai mis en orbite ce chapitre de mes
Polémiques le
15 octobre
2001. J'en ai aussitôt informé les journalistes du
Devoir, puisque dans mon esprit c'était un
« scoop ». Et la première
informée a
été la première intéressée,
Odile Tremblay.
Voici le texte de ce premier message, resté sans
réponse comme
les autres.
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Madame Tremblay,
Vous êtes la première à
qui j'adresse copie de
mon
message. Je l'adresserai
ensuite à vos collègues du Devoir (à
quelques-uns du moins, autant que je
pourrai en rejoindre en vingt minutes).
Aussi bien qu'aucun de vos collègues,
ni personne d'autre
n'aient
à vous en
informer.
Comme vous en avez affronté de plus
coriaces que moi (je
pense à
Falardeau), je
ne crois pas que vous soyez trop affectée par mes
critiques.
Vous en
êtes en
tout cas la première informée.
__gl>-
[Suivait l'adresse du présent fichier.]
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TdM —
TGdM
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