La carte accompagnait la première de
deux lettres
de Lahontan au duc de Jovenazo, datées de Lisbonne, les 1er
et 7 septembre
1699. La carte et les deux lettres se trouvent aujourd'hui
à
Séville : AGI, Indiferente General, no 1530. La
première
lettre présente d'abord la carte du Mississippi (ce sont ses
deux premiers
alinéas), puis elle propose la transcription, en deux
parties ou deux
envois, du Journal de voyage du Mississippi (1688) de Jean Cavelier
de La Salle,
transcription de la main de Lahontan, qu'on trouve également
aux archives,
sous la même cote, no 1530.
Lahontan offre ses services au roi d'Espagne
par
l'intermédiaire de Domingo del Júdice, duc de
Jovenazo. Il
prétend détenir des informations sur l'exploration du
Mississippi,
ce qu'il illustre du Journal de Jean Cavelier (promettant d'autres
mémoires à ce sujet); il propose également un
argumentaire
sur la possession espagnole de tout le golfe du Mexique, contre les
expéditions d'Iberville qui préside à ce
moment à la
fondation de ce qui deviendra la Louisiane.
En pratique, les deux envois au duc de
Jovenazo recopient
en deux parties le Journal de Jean de La Salle, tandis que Lahontan
porte sur une
carte du Mississippi le trajet décrit par ce journal. Ou,
pour être
plus précis, les renseignements ethno-géographiques
du sud-ouest
du Mississippi, tirés du journal, sont ajustés aux
connaissances
que Lahontan a lui-même, comme les Français de
Nouvelle-France
à ce moment, du bassin hydrographique du nord-est du grand
fleuve. Cela
donne la superbe carte en couleur du Mississippi, oeuvre d'art et
de
littérature.
Les deux lettres de Lahontan au duc de
Jovenazo, la carte
du Mississippi et le journal de Jean Cavelier de La Salle
constituent trois
pièces documentaires qui s'enchaînent les unes aux
autres : la
relation est de 1688 ou peu après; la carte est datée
de 1699 et
les deux lettres, comme la transcription du journal de voyage, des
1er et 7
septembre 1699. Le dépôt de ces documents
auprès du Conseil
des Indes est également daté et même
personnalisé, le
tout ayant été remis au Grand Chancelier du Conseil,
le marquis del
Carpio, le 31 janvier 1700.
La note qui accompagne le dépôt
est reproduite
dans les OEuvres complètes (BNM) de Lahontan,
p. 1160,
n. 2, avec une très légère faute de
transcription,
d'ailleurs corrigée dans la traduction (il faut lire
« las
dos cartas », « les deux
lettres »). En
voici non seulement la traduction, mais la compréhension
immédiate
que j'en propose dans le contexte : « J'envoie au
Conseil des
Indes les deux lettres du baron de Lahontan, et les documents dont
elles parlent,
adressées au duc de Jovenazo au sujet de la colonisation des
Français dans le Golfe du Mexique et de l'exploration du
Fleuve du
Mississippi, afin que vous me disiez ce que je dois faire à
ce
sujet ». Ce sont ces tout derniers mots qui sont
d'interprétation difficile, para que en vista de
todo, ce qui peut
signifier à la vue de tout cela, mais aussi tout simplement,
« en vue, en fonction de tout cela », à
ce sujet,
me represente lo que se le offreciere, « que vous
me disiez ce
qu'il vous plairait que je fasse ».
Or, cela concerne Lahontan ! Dans sa
deuxième
lettre, au début et à la fin, celui-ci se plaint de
ne recevoir
encore, en une semaine ou dix jours, aucune réponse du duc
de Jovenazo.
Son correspondant ne s'est donc pas montré empressé
de donner suite
à ses propositions et on sait, de fait, par la publication
des deux
premiers volumes de son ouvrage en 1702 (l'ouvrage en deux volumes
est
postdaté 1703), que l'offre de service n'a pas
été
accepté. La question est de savoir ce qu'il en est vers le
31 janvier
1700. Quand est-ce que la cour d'Espagne a compris que Lahontan ne
détenait aucune information stratégique
importante ? En
pratique, la meilleure preuve que Lahontan n'a rien à offrir
à la
couronne d'Espagne se trouve dans sa carte du Mississippi qui
reprend les
données de Jean de La Salle, alors que non seulement elles
datent de 1688
pour la cour de France, mais qu'elles ont déjà
été
publiées dans la relation supposée d'Anastase Douay
parue dans le
Premier Établissement de la Foi dans la
Nouvelle-France en 1691,
il y a près de dix ans à ce moment. — Et pire
encore, en
géographie du Mississippi, la carte de Coronelli est du
domaine public
depuis 1689.
Cela dit, on sait que les communications ne
sont pas
très rapides encore vers 1700. On peut compter que
l'information
journalistique se déplace à un rythme annuel entre
l'Amérique et l'Europe, surtout pour l'Amérique du
Nord où
il faut compter avec l'hiver qui bloque le Saint-Laurent.
L'information
économique, l'information parallèle, doit être
beaucoup plus
efficace. En revanche, il ne fait pas de doute que l'information
politique,
militaire et stratégique doit forcément se compter en
trimestre
dans les pires cas, en mois, voire en semaines, dès qu'elle
se trouve en
Europe. Par exemple, lorsque Lahontan informe le duc de Jovenazo,
dans sa lettre
du 7 septembre 1699, du retour de l'expédition d'Iberville
(revenue en
juin) et annonce la préparation
« virougeuse » du
projet d'y envoyer « des » vaisseaux avec
« quantités de gens », il est probable
que l'espion
improvisé se discrédite avec des informations
depuis
longtemps connues, et beaucoup plus précisément,
à la cour
d'Espagne.
Par contre, on doit se demander
jusqu'où son
correspondant peut être dupe, puisque quatre mois plus tard
on interroge
encore le Conseil des Indes de Séville à propos de
ces informations
périmées...
Quinze ans plus tard, le duc de Jovenazo
recevra une
pension de 24 000 pesos (le 7 avril 1715) à titre de
vice-roi de
Nouvelle-Espagne, au tribunal (audience) de Mexico, vallée
d'Oaxaca (D.
Ricardo Magdaleno, Titulos de Indias, cat. XX del A. G. de
Simancas,
Valladolid, 1954, p. 152). Nous n'en sommes pas là.
Lahontan a
connu et fréquenté le salon de don Domingo del
Júdice,
prince de Chelamar, duc de Jovenazo, à Saragosse, de la
mi-juillet
à la mi-octobre 1695. Le duc est alors vice-roi du Royaume
de Saragosse
(c'est ce que Lahontan décrit dans sa septième et
dernière
lettre du troisième volume de son ouvrage, dans ses
Voyages de Portugal
et de Danemarc, Lettre XVII du 8 octobre 1695, SVA,
p. 211 et
suiv., BNM, p. 983 et suiv.). À ce moment, Domingo del
Júdice
est déjà l'ambassadeur déchu de France depuis
quinze ans.
Le duc de Jovenazo, en effet, a
été
nommé ambassadeur le 27 juillet 1679 et a reçu toutes
ses lettres
de créance à Turin le 15 septembre, avec un salaire
annuel de
12 000 écus. Louis XIV a refusé de le recevoir
au Palais
(« por resentimiento contra él por haber intentado
quemar la
Armada francesa de Massela durante la guerra »). Il le
relègue
à ses audiences publiques. Aussitôt, l'Espagne lui
interdit de
faire son entrée sous quelque prétexte que ce soit
à la cour
de France et lui désigne un successeur, le marquis La
Fuente, le 11
janvier 1680, qui sera en poste en 1682. En 1685, c'est le comte
Delval qui sera
l'ambassadeur suivant (le marquis de Villagarcia, nommé
avant lui, ne se
rendant jamais à Paris). — Ces renseignements se
trouvent à
l'index des ambassadeurs, p. 760.
C'est dix ans plus tard que Lahontan, fuyant
la France,
fait la connaissance du duc de Jovenazo à Saragosse. Et
c'est encore
près de cinq ans plus tard qu'il lui propose ses services,
depuis
Lisbonne. Il faudrait savoir quel poste le duc occupe alors,
vraisemblablement
à Madrid, pour expliquer précisément la
démarche de
Lahontan, même si cela n'est pas tout à fait
nécessaire pour
la comprendre.
L'important est que la carte du Mississippi
constitue la
« carte » maîtresse ce cette intervention
qui n'aura
pas de suite.
Julio Gonzales, Catalogo de mapas y planos de la Florida y
Luisiana,
Madrid, 1979, carte no 29, en couleur, 745 × 520 mn
[ajouté
au crayon: « Mexico, 548) »].
— Données du catalogue informatisé des AGI au
30 avril 2008.
Ces données se trouvent maintenant sur l'internet, avec la
reproduction
de la carte, en fichier pdf, mais la résolution du fichier
n'est pas assez
grande pour la lire dans ses petits détails :
AGI : PARES = Portal de archivos españoles
Rechercher la « signatura » :
MP-FLORIDA_LUISIANA,29 (1699)
dans la section « Mappas y planos ». Lahontan.
Mapa
Mississippi.
En voici la traduction. Cote : MP —
Florida y
Luisiana, 29. Titre abrégé : Rio Mississipi.
Date :
1699. Titre complet : Mapa del Mississipi dedicada al
Excellentisimo
Señor Duque de Jovenazo por su servidor don Armando Arie
[sic], Baron de
Lahontan, 1699. Données mathématiques :
échelle de 100
(lieues ?) aux 120 mn. Coordonnées :
longitude est,
264o-285o; latitude nord, 26o-56o. Dimensions : 745 ×
520. En
couleur. Documentation annexe : avec des documents relatifs
à la
population française du golfe du Mexique et au voyage du
Mississippi.
Note : À l'angle 2 [nord-est], une
découpure de 140
× 125 mn; « explication », avec un
écu,
à l'angle 3 [sud-ouest]. Toponymie. Anc. cote :
« MP, México, 548 ». Cote
d'origine :
Indiferente, 1530.
Jean Delanglez, éd., « Lahontan's map »
et
« Schema of Lahontan's map », the Journal of
Jean
Cavelier : the account of a survivor of La Salle's Texas
expedition (1684-
1688), Chicago, Institute of jesuit history, 1938,
p. 172/173. La
photographie de la carte de Séville et celle de sa
reproduction
schématique se trouvent en appendice de l'ouvrage, devant
l'index. Ces
reproductions correspondent évidemment à la lettre de
Lahontan au
duc de Jovenazo qui lui transmet cette carte, mais elles ne sont ni
présentées, ni utilisées dans l'ouvrage. Il
suit que les
transcriptions du shémas des alnnotations du nord-ouest et
du sud-est,
extrêmement importantes, n'ont jamais eu le moindre impact
sur les
études portant sur la rivière Longue. Par exemple,
l'ouvrage de
Delanglez est cité dans l'édition
encyclopédique suivante
(p. 1160, n. 1) sans qu'il soit tenu le moindre compte de
cette
publication documentaire exceptionnelle à sa date, 1938.
Réal Ouellet, éd., OEuvres complètes de
Lahontan, Les
Presses de l'Université de Montréal, 1990. L'ouvrage
édite
les deux lettres de Lahontan à Jovenazo (p. 1114-1116,
ainsi que la
transcription du Journal de Jean Cavelier de La Salle
(p. 1160-1181). La
carte du Mississippi, qui fait corps avec ces deux documents, ne se
trouve ni
présentée ni étudiée, l'éditeur
ayant confondu
la carte du Mississippi avec... celle de la rivière
Longue !
(p. 1114, n. 4).
Guy Laflèche, Polémiques, Laval, Singulier,
1992, p.
147-149. Analyse critique de l'ouvrage précédent;
présentation de l'impact de la découverte de la carte
du
Mississippi sur l'interprétation de la carte de la
rivière Longue
et du récit de son exploration dans la Lettre XVI des
Nouveaux
Voyages.
María Antonia Colomar, Mississippi (Rio), Mapas Generales
(1699),
Madrid, Testimonio Campañia Editorial, 2001, reproduction en
fac-similé dans un format très
légèrement
réduit, 70 × 49 cm. Le coffret comprend un
fascicule où
la carte est sommairement présentée (en trois pages)
par M. A.
Colomar en fonction des explorations du Mississippi et de sa
situation aux
Archives de Séville.
Mapa del rio Mississippi
Je ne conserve pas le
« s » long,
s'agissant d'éditer un texte manuscrit où les deux
« s », court et long, sont une question de
calligraphie.
Pour les minuscules « v » et
« u »,
chaque fois que la lecture n'est pas évidente, j'adopte
l'usage moderne.
Dans les passages en majuscules, je ne conserve pas les points qui,
généralement, séparent les mots.
Je dis tout de suite que Lahontan
écrit
« mappa » avec deux « p »,
ce qui pouvait
être encore d'usage à l'époque, mais qu'il
l'accorde au
féminin, ce qui est un gallicisme : mapa est masculin
en espagnol.
On verra que la carte distingue le fluvio (fleuve)
Mississippi de ses
rios (rivières), ce qui est encore un gallicisme
(7.0). Mais on
verra aussi des fragments rédigés tout bonnement en
français
(en 8.15, notamment). Cela dit, comme je propose la transcription
diplomatique
d'un document peu accessible, je ne ménage pas les
« [sic] » pour indiquer ces anomalies.
En bas de la carte, sous l'encadré
sud-est,
l'échelle de 12 cm correspond à cent unités
non
identifiées (marquées 20, 40, 60, 80 et 100). Il
s'agit
manifestement de lieues, puisque c'est l'unité de mesure
aussi bien de la
carte de la rivière Longue que celle de la Carte
générale
de Canada qui précise : « Echelle de 100
lieues a 20 par
degré selon les navigateurs français »,
soit la mesure
classique de la lieue : 3 milles ou 5,556 km.
En marge ouest de la carte les latitudes nord
sont
marquées de 56, 55, 54, etc., jusqu'à 26. Sur la
marge sud, les
degrés des longitudes ouest vont de 264, 265, 266, etc.,
jusqu'à
285.
Si l'on s'en tient aux dimensions de la
carte, soit 74,5
par 52 cm, cela correspond à 621 par 430 lieues, 1863 par
1290 milles ou
3450 par 2389 km. Le Mississippi est évidemment
disproportionné et dans toutes ses dimensions. Il suffit de
préciser que son embouchure ne se trouve pas au 27e
parallèle, mais
bien au 30e, ce qui fait une différence
considérable.
Faux-titre, au centre en haut de la
carte :
« MAPPA DEL RIO MISSISIPI ».
Un carré a été
découpé
dans le coin nord-est de la carte. S'agit-il d'une
soustraction ? d'une
correction ? d'une simple réutilisation ?
À l'origine,
est-ce que la carte comprenait un encadré à cet
endroit ?
À remarquer que cet espace
correspondrait à
une partie incongrue de la Carte générale du Canada
de Lahontan,
qui paraîtra en tête de ses Nouveaux Voyages, soit
à une
excroissance du fleuve Saint-Laurent (sic !),
entrecoupée du LAC DES
ALEMIPIGON, conduisant tout au nord à l'ENTREE DU GRAND LAC
DES
ASSENIPOILS (lectures de Guillaume Delisle). S'il s'agissait du
dessin original,
la coupure, la soustraction serait une correction anticipée,
s'agissant
de la partie la plus faible de la Carte générale. Si
tel
était le cas, on pourrait en déduire que la Carte
générale du Canada ne sera qu'une belle illustration
destinée au grand public et qui ne méritera pas
d'être ainsi
corrigée.
« MAPPA DEL MISSIP[I] ¦ [écusson] ¦ DEDICADA
[sic] AL
EXCELE\MO/ ¦ Señor DVQVE DE IOVENAZO ¦ por su
servidor don
Armando de ¦ Arce Baron de Lahontan. 1699 ».
[« Carte du Missisipi dédiée à son
excellence le
duc de Jovenazo par son serviteur Armand d'Arce, baron de Lahontan,
1699 »].
À noter que la dernière lettre,
le dernier
« I » de la première ligne, est perdue
dans
l'encadré. L'imposant écusson est à
décrire et
à interpréter, tout comme le petit écu qui
surmonte le
dessus ou le fronton de l'encadré.
Une première série
d'« annotations », sans titre, dans
l'encadré du coin
nord-ouest, constitue, de par sa position et son contenu, une
présentation
générale de la carte. Elles portent sur trois sujets
différents : la rive ouest du Mississippi, au nord, les
forts
français disséminés sur les affluents du
Mississippi et le
contenu général de la carte. Ce sont les trois
alinéas
suivants.
« Esta banda del rio Missisipi ¦ es muy conocida de
muchos ¦
Salvages amigos de los France ¦ zes. Solo [mis pour
salvo] en
[ajouté en surcharge] el lago de los Apaches, ¦
aun no
estuvieron alla. Pero ¦ se saben muchas noticias dellos.
« Aquellas fortalezas pequeñitas [sic :
pequeñas,
pequeñinas] ¦ quadradas sirven a los Francezes ¦
de
almagäzenes [dérivé apparemment fantaisiste
de
almacén, à partir de la forme française du
même mot
arabe] por los pellejos ¦ que estan comprando[s] [sic,
pour
« comprados »] de los Selva ¦ ges [sic,
pour
Salvages].
« Luego se podran conocer los bosque[s,] ¦ montes
[y : la
préposition est rayée] [,] prados y rios en
está [sic]
¦ mappa ».
Un défaut du papier forme tache, au
centre, à
droite de l'encadré, de sorte que les deux derniers mots du
premier
alinéa et le dernier mot de la ligne suivante ont
absorbé de
l'encre en trop et que le mot « noticias » est
séparé du mot précédent par un espace
blanc
marqué d'un trait de plume, ce qui montre justement que la
« tache » préexistait à la
rédaction.
[« Ce côté du fleuve Missisipi est bien connu de
beaucoup de
Sauvages amis des Français. Seulement [mis pour
sauf] au lac des
Apaches, ceux-ci [les Français] n'ont pas encore
été
là. Mais on en connaît beaucoup d'informations de
ceux-là
[les Amérindiens].
« Ces petits forts carrés [que vous voyez sur la carte]
servent de
magasins aux Français pour les pelleteries qu'ils
achètent aux
Sauvages.
« Ensuite, on peut prendre connaissance des forêts, des
montagnes, des
prairies et des rivières sur cette carte ».]
La première note de cet encadré
correspond
à la première note de l'encadré du coin
opposé de la
carte, le coin sud-est). Le mot banda,
« côté »,
« rive » ou
même « bord », prend son sens ici de par
la position
des deux encadrés. Dans cette première note, la
région
désignée comme non explorée encore est l'ouest
du haut
Mississippi, jusqu'au lac des Apaches et la Masotanta; dans
l'encadré
suivant, la région désignée est à
l'opposé,
soit la rive est du bas Mississippi, depuis l'Ohio.
« ANNOTACION ¦ Esta banda del rio missipi [sic] aun
¦ no fue
descubierta :: y assi no se ¦ sabe que gente [h]ay, ni que
rios, ¦
paises, &c.
« Los ringlones negros que salen ¦ de la bayia
[bahía] de St
Louis y van a los ¦ Ilinois por la terra a dentro es ¦ la
carrera que
el clerigo Cavelier ¦ siguio quando vino en Canada en ¦
el año
1688 ».
[ « NOTE : Ce côté du fleuve Missisipi n'a pas
encore
été exploré; et ainsi on ne sait quels gens
l'habitent, ni
rien des rivières, pays, etc.
« La file des gros points noirs qui sortent de la baie de
St-Louis et vont
au lac des Ilinois par l'intérieur des terres, c'est le
chemin que
l'abbé Cavelier a suivi quand il est venu au Canada en
1688 ».]
6.1. « LAGO SUPERIOR ». Le lac est
complètement
isolé, d'abord parce que le coin du nord-est de la carte a
été découpé, mais également et
surtout parce
que le passage explicite du lac Supérieur au Mississippi par
le portage
liant la rivière du Tombeau à la rivière aux
Boeufs
disparaît : la rivière du Tombeau prend la place
de la
rivière aux Boeufs qui n'est plus nommée. L'impact
corrélatif de l'isolement du lac Supérieur est de
séparer
visuellement le Mississippi de la Nouvelle-France (ce qui est
encore plus net si
l'on a la carte du Canada sous les yeux). L'effet artistique est
immédiat, donnant à la vallée la forme d'un
arbre nettement
enserré dans un cône. L'effet imaginaire est tout
aussi vif et sera
souligné par les consonnances espagnoles de la
typonimie :
« el Rio Missisipi » est ici un territoire
espagnol.
6.2. « LAGO DE los Illinois ». C'est le
Michigan.
6.2.1 Au nord, du nord au sud, deux villgages et un fort,
« Outaouas », « Hurones »
et
« F. de Francezes ».
6.2.2 À l'ouest, c'est la route d'entrée sur le
Mississippi :
elle est beaucoup moins nettement tracée que sur la carte du
Canada. De
plus, on note que la baie des Puants (Green Bay) n'est pas
portée sur la
carte, non plus que le nom de la rivière des Puants (Fox
River) qui porte
ici celui de « R. OVTAGAMI », soit l'un des
villages qu'on
y trouve.
(a) À l'embouchure de la rivière, sur deux lignes,
« Fortaleza de los Francezes ¦ con tres poblaciones
de
gentiles ». La carte de la rivière Longue portera
également l'inscription « 1 village de
François et
3 de Sauvages ». Tout cela corrige ce qui restera
curieusement
fautif sur la carte générale lorsqu'elle
paraîtra en 1702,
portant « villages de Francois », au pluriel
(CGC, 5.2).
(b) Suit un petit village, « Malomini »,
porté sur les
deux autres cartes, « village
des Malominis » (NV, L16,
p. 137).
(c) Puis vient le village « Outagami »,
également
porté sur les deux autres cartes, « le fort des
Outagamis » (NV, p. 143). Suit le portage implicite
dans la carte
du Mississippi, explicitement indiqué de la croix sur autres
cartes.
— Les trois villages qui entourent le fort des
Français (a) sont
de Sakis, de Pouteouatamis et de Malominis (L16, p. 137).
Trois villages
jalonnent la rivière sur la carte générale,
comme dans la
Lettre XVI, soit successivement ceux des Kikapous, des
Malominis et des
Outagamis (NV, p. 143).
On distinguera d'abord, puisque c'est la
logique de la
carte, les affluents du haut Mississippi, jusqu'à la
rivière
Illinois, y ajoutant l'Ohio. Ensuite, on suivra en sens inverse le
trajet de
Jean Cavelier de La Salle, depuis la baie de St-Louis
jusqu'à
l'Illinois.
7.0 Le « Missisipi ».
La carte distingue le fleuve (fluvio) des
rivières
(rios) qui s'y jettent. Le fleuve est désigné deux
fois, à
sa source, tout au nord : « FLVVIO
MISSISIPI »; puis
à son embouchure : « FLVVIO DE
MISSISIPI ». Il
s'agit d'un gallicisme, puisque l'espagnol ne distingue pas les
fleuves des
rivières : le vocable « fluvio »
n'existe pas en
castillan.
Quatre flèches en indiquent le cours
nord-sud
(vis-à-vis les latitudes 50,5o, 39o, 33o et 29o nord)
Du nord au sud, les affluents du Mississippi
sont les
suivants.
7.1 « Rio Issati », avec quelques villages des
« Issatis » (1),
quelques-uns à la source du Mississippi, tout au nord, entre
deux lacs;
un autre à la source de la rivière Issati, au pied
d'un groupe de
montagnes.
À l'ouest du Mississippi, entre
l'encadré du
coin nord-ouest et le fleuve, l'espace est occupé par quatre
villages
situés aux coins d'un vaste rectangle qui porte
l'inscription
suivante : « 4 poblac ¦iones de ¦
Titaos (2) buenos ¦
[p]agadores » [quatre
villages de Titaos, bons pagayeurs] : ces trois derniers mots,
ces deux
dernières lignes sont de lecture difficile, incertaine,
parce que le
tracé s'en perd dans la couleur du rectangle.
7.2 « Rio de los Frãceses », avec trois
villages de
« Nadouessis » (3),
à l'embouchure, au centre et à la source, devant un
grand lac non
identifié.
7.3 Rivière non identifiée venant de l'ouest, prenant
sa source
dans un lac orienté nord-sud, avec un village
« Nadouessi » (singulier) à chacune de
ses
extrémités. Il s'agit du seul affluent de la rive
ouest avant le
rio Masotanta qui conduit au lac des Apaches.
7.4 « R. DEL SEPVLCRO » (4), avec deux villages de
« Nadouessis »,
l'un à l'embouchure et l'autre à la croisée,
devant le lac
Supérieur, un affluent venant du nord, en volutes, tandis
que la
rivière du Tombeau vient de l'est (est-sud-est), depuis un
lac anonyme
situé sous le lac Supérieur.
7.5 « Rio del carbon » (5), même embouchure que le suivant. Au
nord, sur
l'embouchure des deux rivières, se touve
désigné un
« Fortano de Francezes ».
7.6 « R. negro » (6),
même embouchure que le prédédant. Les deux
affluents
prennent naissance dans une petite chaîne de montagnes.
7.7 « R. OVISCONSING », avec deux villages
« Nadouessi » (singulier) de part et d'autre du
Mississippi,
à l'embouchure. L'affluent prend sa source d'une
région
montagneuse, voire d'une chaîne de montagnes que franchit le
Mississippi,
sous le rio Negro. Un éventuel portage conduirait à
la R. Outagami
(plus haut, 6.2.2) qui se jette dans le lac des Illinois, le
Michigan.
La rivière
« Ouisconsink », la
Wisconsin, se trouve sur les deux autres cartes de Lahontan, qui la
nomme
« Ouisconsinc » dans la
Lettre XVI des NV
(p. 145, 3 occ.).
7.8 « R. MASOTANTA » (7), avec à son embouchure un village
nommé
« Massopota ». C'est le premier affuent
identifié qui
vient de l'ouest, du lac des Apaches.
« LAGO DE LOS APACHES ». On trouve trois
villages
« Panassa » à l'est du lac, avec la
précision
« Panassa : aliados de los Panamia », pour
le village
qui est le plus au sud. À l'ouest, la mention suivante
contourne deux
villages sur la rive du lac, pour se rendre à un
troisième
village : « 3 poblaciones de Massotanta ».
Au sud,
viennent ensuite deux villages « Panamia »,
juste avant une
agglutination de nombreux villages en forme de carapace de
tortue :
« Panamia : 20 poblaciones ».
La rivière Masotanta comprend donc une
forte
concentration de Panamias au centre de son cours; elle vient du
lac des Apaches
entouré de Panamias au sud, de leurs alliés Panassas
à l'est
et de Massotanta à l'ouest.
L'affluent correspond à la
« R. des
Otentas » de la carte de la rivière Longue, qui
porte une fleur
de lys, indiquant qu'on ne connaît que son embouchure. Dans
le
récit de son exploration, dans la Lettre XVI des
Nouveaux
Voyages, Lahontan présente le village des Otentas, avec
la
précision suivante : « Ils nous dirent que
leur
Rivière étoit assez rapide, qu'elle tiroit sa source
des Montagnes
voisines, & que vers le haut elle étoit habitée en
plusieurs
Villages par les Panimaha, les Paneassa &
Panetonka » (BNM, p. 426). Pour les
éditeurs de
la BNM, il s'agirait de la rivière Des Moines (Iowa) et les
trois tribus
seraient respectivement un groupe de Panis de la rivière
Plate, un autre
groupe de Panis de la rivière Arkansas et une tribu comanche
du sud
Wyoming (BNM, p. 1230-1231). Notons que le mot Apache ne
vient
jamais dans
l'oeuvre de Lahontan.
On trouve donc les équivalences
suivantes :
Masotanta/Otenta, avec la variante inattendue Massopota,
Panamia/Panimaha et
Panassa/Paneassa, tandis que Panetonka n'a pas d'équivalent
sur la carte
du Mississippi. Bizarrement, les Masotantas et les Onontas, dont
la
rivière porte pourtant le nom, occupent dans les deux cartes
des positions
opposées, soit ici les sources lointaines de la
rivière, et son
embouchure sur la carte générale, qui sera reprise
par celle de la
rivière Longue.
7.9 « R. Ilinois ». Depuis un village non
identifié
à l'embouchure, la rivière mène aux
« Ilinois » où un portage conduit au lac
des Ilinois;
la rivière dévie ensuite vers le sud-est, dans la
chaîne de
montagnes où l'Ohio prend sa source. Deux forts jalonnent
l'Illinois.
Le premier, à mi-parcours, est
« Crevecoeur » (aussi
désigné sur la carte de la rivière Longue); on
lit, en
dessous du carré représentant la fortification,
« fortaleza ¦ franceza ». Le second se
trouve au lac
Michigan, tout à côté du village des Illinois
et commande le
portage, donc : « fort de ¦ S. La
Salle » et
village des « Ilinois ».
7.10 Au village « Akansa », deux affluents de
l'ouest du
Mississippi se rejoignent, d'abord
« Missourites » (8) (écrit sur trois
lignes,
« Mis
¦ souri ¦ tes »), qui trouve sa source au nord,
à
coté d'un village du même nom,
« Misourites »;
ensuite « R. TAMAROA » (9), plein ouest, encadrant deux villages du
même nom,
« Tamaroa » (singulier).
7.11 « Rio Oyo » (10), qui vient des montagnes du sud du lac
Michigan,
jallonné de deux villages
« Chaouanuns ». Au nord,
sur le Mississippi, se trouve le village
« Chicacha ». On
le retrouvera plus bas, au terme de l'itinéraire de Jean
Cavelier de La
Salle (8.25).
Au sud de l'Ohio, la région est
inexplorée;
on ne trouve plus aucun affluent venant de l'est.
La carte du Mississippi de Lahontan est,
depuis le golfe
du Mexique jusqu'aux villages des Akansa, une représentation
du trajet
décrit dans la relation de Jean Cavelier de La Salle qui
accompagne la
carte. Ce trajet marqué en pointillé présente
un
itinéraire très différent de ceux qu'on peut
effectuer
depuis le haut Mississippi, parce qu'il ne suit pas les cours d'eau
(le
Mississippi, qu'on ne « trouvera » pas avant
l'Arkansas),
mais les traverse, comme le font les Amérindiens du Texas et
les
explorateurs espagnols de Nouvelle-Espagne ou du Mexique.
L'itinéraire
n'énumérera plus les rivières, mais bien les
villages et les
groupes de villages. Dans la présente section, la carte est
lue à
la lumière de la Relation de La Salle (BNM,
p. 1160-1181).
8.1 « Fort St Louis, dans [sic, pour en] la baya
St
Louis » et « Baya del [e]spiritu
Santo ». Le nom
de la baie et du fort de Saint-Louis ne se trouve pas dans le texte
de Jean
Cavelier, mais dans une note marginale du manuscrit :
« Remarque : il est à remarquer que de la
baye de Saint
Esprit à celle ci où entre mr de Lasalle et à
qui il donna
le nom de Saint Louis il doit y avoir environ 100
lieues » (BNM,
p. 1162, n. 8).
La baie de Saint-Louis est aujourd'hui la baie
de Matagorda.
Le fort de
Saint-Louis est construit sur la « rivière
à laquelle on
donna le nom de Vache » (BNM, p. 1163, la Garcitas
Creek,
Berthiaume, Cavelier, p. 176), nom que Lahontan ne
porte pas sur
sa carte, ce qui est surprenant. D'un côté, Lahontan
retient tous
les autres toponymes du journal sans aucune exception, tandis que
d'un autre
côté la rivière aux Vaches est la seule
dénomination
retenue par Jean Cavelier des très nombreuses
rivières que La Salle
avait baptisées d'un nom français : deux
rivières aux
Cannes, la seconde renommée la Mignone ou la Princesse (Rio
Navidad), en
souvenir des amours du Sieur Barbier, la Sablonnière (Sandy
Creek), du som
du Sieur de la Sablonnière, la rivière des Malheurs
ou la Maligne
(le Colorado), la rivière Huens (du nom du Sieur Huens), la
rivière
aux Canots (Rio Brazos) — toutes identifications que je
reprends (entre
parenthèses) de Pierre Berthiaume.
Cela dit, le fort et le magasin, ou le petit
village
fortifié, seront en fait construits en deux étapes,
d'abord sur la
baie, peu après l'arrivée dans le golfe du Mexique,
à la
suite du départ du navire du capitaine Beaujeu, puis de la
perte de la
frégate. Ensuite on s'établit tout au fond de la
baie, à
deux lieues de l'embouchure de la rivière aux Vaches (que
Joutel nomme la
rivière aux Boeufs, p. 113. éd. Margry, 3: 209
et 259). On
détruira par la suite le « camp de la
mer » (PEF, 2:
291). Une première tentative de regagner la France via les
Illinois, puis
Québec tourne court; l'équipe, qui s'est rendu chez
les Cenis et
les Naansis (8.20), revient au fort Saint-Louis. Alors commence le
dernier
voyage de Robert Cavelier de La Salle — puisqu'il sera
assassiné en
cours de route par des mutins, le 19 mars 1687, tout juste avant
l'arrivée
aux Cénis (8.18). Vingt-cinq personnes restent au fort
Saint-Louis,
dix-sept entreprennent l'expédition sous la direction de La
Salle, mais
cinq seulement (exception faite de deux déserteurs qui
rentreront cinq ans
plus tard) parviendront au fort des Illinois, dont l'abbé
Jean Cavelier
de La Salle, frère de Robert. Le périple aura
duré du 6
janvier 1687 (BNM, p. 1167) au 15 septembre (BNM,
p. 1179),
du golfe du
Mexique au fort des Illinois, où Jean Cavelier passe
l'hiver.
8.2 « Kinesta » (1) et
« Erigona » (2), puis
encore « Erigona ». La première
occurrence de ce
dernier mot se trouve sur le dessin du village et se perd dans sa
couleur ocre,
de sorte qu'il est probable que le mot ait été
réécrit à droite. Il s'agit de deux villages
sur la
rivière qui vient de l'ouest sur la baie, la plus au sud.
— Il n'est
pas question de ces villages dans le journal de Jean Cavelier.
8.3 Au nord de cette première rivière, une seconde,
anonyme, puis
une troisième, encore parallèle, « R. de
las
Catias » (3); le
village qui se
trouve à son embouchure, sur la baie de Saint-Louis, devrait
être
le « village des Bracamos » (BNM,
p. 1167),
mais ce nom
se lit plutôt « Acatessos » (4), se perdant dans le dessin du village,
sous la
couleur.
8.4 « Kouaras » (BNM, p. 1168) : le
village
se trouve de
l'autre côté de la rivière, au nord du village
précédent (5).
Le
trajet conduit
à un village dont le nom s'efface au fil de la
rédaction,
« karacorresa » (?); ce village (6) est au bout de la rivière, à
l'ouest; celle-ci
oblique ensuite vers le nord-est.
8.5 « Kanoatinoa » (BNM, p. 1169); la
carte
porte «
2 villages de Kanoatinoas » (7)
(« village » se trouve bien en
français).
8.6 De l'autre côté de la rivière se trouve le
village (8)
« Ticapanas »
(BNM, p. 1170).
8.7 « Taracas » (9) :
village à l'est du trajet, entre les deux rivières.
Le nom ne se
trouve pas dans la relation.
8.8 « Palomas » (BNM, p. 1170),
très grand
village (10) sur la
rivière nettement
identifiée sur la carte, « R.
QVINIPISSA » (11), premier affuent du
Mississippi.
8.9 « Palakea » (BNM, p. 1171). À
la source d'un
affluent de la rivière, à l'ouest, « 10
poblaciones de
Palaquas », dont on trouve aussi deux importants villages
à la
source de la rivière Quinipissa, orthographiés
respectivement
« Palakeas » et
« Palakias » (12).
8.10 « Akas » (BNM, p. 1171), village au
nord de la
Quinipissa (13).
8.11 « Penoy » (BNM, p. 1171), premier
village sur un
affluent de la Quinipissa, venant du nord (14).
8.12 « Sasori », « village des
Sassoris »
(BNM, p. 1172), second village de l'affluent (15).
8.13 « Tipoy » (BNM, p. 1172),
Amérindiens qui ont
la tête plate (16).
8.14 Au nord-est, à l'est de cet affluent de la Quinipissa,
se trouve le
second affluent du Mississippi, « R. TAENSA »,
avec un
village du même nom, au nord, à l'embouchure du
Mississippi (17).
8.15 Au sud de la Taensa, on trouve le village
« Coroa » (18), puis,
encore au sud, sous un écart du Mississippi, passé
deux grandes
îles du fleuve, on lit la note suivante sur trois
lignes :
« FORT que le Sieur ¦ de la Salle fit la. Avril
¦
1686 ». À remarquer, bien entendu, que la note
est
rédigée en français. Et le fort est
dessiné sur le
promontoire du Mississippi, à l'embouchure de la
Quinipissa.
8.16 Mais après le village de Tipoy, le trajet bifurque au
nord-ouest,
vers le village qui se trouve tout au nord de l'affluent de la
Quinipissa, soit
le village (19) des
« Anamis » (BNM, p. 1173).
8.17 Vers l'ouest, le très grand village
« Senis »
(BNM, p. 1666, 1173-1176). En fait la relation
présente
un grand,
puis un petit village de Senis; mais la carte en dessine trois; le
trajet
conduit toutefois d'est en ouest, d'un grand à un petit
village, tandis
qu'un troisième, petit, se trouve au sud de celui-ci (20).
8.18 « Nasoni » (21),
des « Nassonis » (BNM, p. 1174) : le
trajet
présente alors une boucle conduisant à ce village que
l'on tente
d'éviter, car il est hostile aux Senis que l'on vient de
quitter. C'est
dans les environs de ce village que Robert Cavelier de La Salle est
assassiné (du moins dans la version de Jean Cavelier que
nous devons
suivre avec Lahontan). Les survivants séjournent alors chez
ces Nassonis,
avant de revenir chez les Senis.
8.19 « Katinoy » (22),
village à l'ouest des Nassonis, en dehors de
l'itinéraire.
8.20 « Naansis » (BNM, p. 1176).
L'itinéraire est
réajusté vers le nord-est où l'on rencontre
d'abord deux
villages de Naansis, tandis que la carte en identifie trois (23); on trouve aussi deux villages à
l'embouchure de
leur rivière, sur le Mississippi, deux villages non
identifiés.
8.21 « Cadotako », puis deux fois
« Cadotaco » (24) :
« Cadotacos » (BNM, p. 1177-1178). Trois
villages de
Cadotacos se suivent jusqu'à la « R.
SOVMA » (25).
8.22 « Ouidachos » (BNM, p. 1178),
village (26) de l'autre côté
de la
rivière Souma. À l'ouest, en remontant la
rivière, on
trouve d'abord le village des
« Nacoas » (27), puis
« Natchetos » (28) : ces deux villages ne sont pas
nommés dans la
relation.
8.23 « Cahinio » (BNM, p. 1178), au nord,
sur un affluent
de la Souma (29).
8.24 « Akansa » (30),
village où se trouvent alors Couture et Perrot (BNM,
p. 1178 et 1179).
Le petit groupe se trouve alors sur le Mississippi.
8.25 On rejoint ici la liste des affluents du haut Mississippi
énumérés plus haut (no 7.11) :
« Chicacha » (BNM, p. 1179), village de
l'autre
côté du Mississippi, au nord de l'Ohio (31).
La suite du trajet de Cavelier
n'énumère plus
aucun village.
— Description et interprétation de l'écusson du
titre, avec
l'écu qui surmonte l'encadré (en 3).
L'analyse
ethno-toponymique de la
carte de Lahontan, qu'on trouve ci-contre, interroge maintenant ses
sources en
fonction d'une douzaine de toponymes qu'on ne trouve pas dans le
journal de Jean
Cavelier. Où donc Lahontan les a-t-il pris ?
La conclusion la plus simple et la plus
importante que l'on
tire de la Carte du Mississippi de Lahontan est bien entendu la
preuve que la
rivière Longue est une affabulation. On n'avait même
pas besoin
d'étudier la carte pour le savoir. On trouve actuellement
le sommaire de
cette conclusion dans le fichier suivant.
L'invention de la rivière Longue : introduction
générale.
Mais ce n'est pas tout. L'étude de
genèse se
poursuit avec l'analyse de la carte. On sait maintenant que la
Lettre XVI
des Nouveaux Voyages a connu deux versions, un voyage
« touristique » sur le Mississippi depuis le
Wisconsin
jusqu'à l'Illinois, puis l'affabulation de l'exploration
d'une
prétendue rivière Longue. Or, entre la
première et la
seconde version de la Lettre XVI, la clé de
l'affabulation se trouve
dans le dessin de la Mappa del rio Missisipi. C'est le
développement de la rêverie sur l'Ottenta
(première version
de la Lettre XVI) en une fabuleuse rivière Masotanta
(la même
rivière, sur la Mappa) — c'est l'Iowa —,
doublée des énigmes des rivières des
Missouris, des Osages,
des Tamaroa et des Akansa (sic, amalgame de la Mappa)
— c'est le
Missouri —, développement qui explique l'invention de
la
rivière Longue, que le fabulateur porte au nord, bien au
nord, au nord du
Wisconsin !
Ce dont il ne peut se douter,
évidemment, c'est
qu'à ce moment, en 1699, mais surtout en 1702-1703, les
explorations et
les établissements français sur son 46o
parallèle
discréditent son invention. Évidemment pas pour le
grand public
auquel s'adresse son ouvrage, bien entendu. Mais pas non plus, ce
qui est
extraordinaire, pour les savants cartographes Claude et Guillaume
Delisle !
C'est : « La rivière Longue
redessinée, puis
effacée par Guillaume Delisle ».
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