Profession : professeur. J'ai fait un
très beau métier. J'ai été professeur
à l'Université de Montréal durant près
de quarante ans (1973-2011). Pour le grand public, un
« professeur » est un enseignant, et c'est bien
vrai. Mais il faut en distinguer trois catégories, d'abord
l'instituteur, le maître ou la maîtresse d'école
qui enseigne à des élèves, ensuite le
professeur ou l'enseignant qui enseigne au collège à
des collégiens (les tautologies ont le mérite de la
clarté) et enfin ceux qui enseignent à
l'université à des étudiants. La
caractéristique principale des professeurs
d'université, c'est qu'ils sont des enseignants et des
chercheurs. En général ou en principe, la
moitié de leur temps est consacrée à
l'enseignement, l'autre à la recherche. Non, non : ce
n'est pas du tout mathématique, c'est dialectique. D'abord
tous les professeurs n'accordent pas autant de temps à la
recherche et à l'enseignement, ensuite chaque professeur,
tout au long de sa carrière, accorde une proportion variable
de son temps à ses deux activités : en
début de carrière, par exemple, presque tout le temps
d'un professeur peut être investi dans son enseignement,
tandis qu'en fin de carrière, ce pourra être
l'inverse. Mais je viens de dire que ces deux activités
étaient en rapport dialectique. Bien sûr, un
professeur donne parfois un cours de
« service » : il enseignera, par exemple,
l'introduction aux diverses formes de l'étude stylistique du
texte littéraire. S'il le fait dans une perspective
essentiellement historique, il
enseignera ce que tout le monde sait dans son domaine et ce que ses
étudiants
doivent apprendre. Dans ce cas exceptionnel, le professeur est un
enseignant comme le serait le professeur de collège, s'il
devait donner ce cours. Si c'est exceptionnel, c'est parce que le
professeur enseigne les résultats de ses recherches et que
cet enseignement est de lui-même une activité de
recherche. Cela signifie que la matière de son enseignement
est nouvelle, inédite et qu'elle se développera
encore année après année au cours de son
enseignement, grâce à cet enseignement. On peut
comprendre alors de quel beau métier il s'agit. Je dis bien
« métier », car dans le cas des
instituteurs de la petite école et des professeurs du
collège, leur travail correspond vraiment à une
vocation. Ils doivent y mettre beaucoup de talent,
d'énergie et, surtout, beaucoup de cet art de
l'expérience, la pédagogie, qui s'exerce avec
une totale abnégation : répéter,
corriger, répéter encore et encore corriger, puis
trouver toutes sortes de façons ingénieuses
d'être « intéressants » en classe.
À l'université, le professeur doit évidemment
tenter
d'être bon pédagogue, mais serait-il le plus grand
pédagogue de son université, s'il n'est pas aussi un
chercheur efficace et doué, il ne fera pas correctement son
métier. L'enseignement n'est plus ici une question de
vocation, mais simplement une des deux parties du métier.
Sans la recherche et ses résultats, il n'y a pas
d'enseignement universitaire valable.
En voici donc une illustration. Elle
est modeste parce qu'elle est datée du tout début de
mon enseignement. Elle est donc doublement datée :
c'est
l'un des premiers cours que j'ai mis en place
et dans un domaine que j'allais explorer durant de nombreuses
années, l'étude narrative, de sorte qu'aujourd'hui,
je saurais le refaire de manière plus efficace.
Mes analyses seraient plus approfondies, plus
développée et surtout plus convaincantes, mes
conclusions plus évidentes, tout simplement
parce que, grâce à ce cours, j'ai
développé au fil des ans rien de moins qu'une
« grammaire narrative » que j'ai
appliquée à de très nombreux corpus, comme le
roman policier, le roman expérimental (le nouveau roman, les
romans de l'Oulipo et ceux de la Beat Generation) et au songe et au
récit de rêve à travers les âges. Si
j'avais l'occasion de reprendre mon Histoire des formes du roman
québécois, il est clair qu'elle profiterait de la
recherche qui en est née, sans pourtant rien y changer de
fondamental. En fait, tous ceux qui connaissent mon enseignement
et mes recherches, dans le domaine des études narratives,
avec un peu de métier et de travail, pourraient facilement
mettre à jour ce cours pourtant daté : 1976. La
cause en est qu'il s'agit d'un travail scientifique qui n'a rien
à voir avec les humeurs des « critiques
littéraires ».
Je présente oralement ce travail en
tête des émissions sous le titre
« Situation, contexte, date : 1976 »
où je développe ce qu'on
vient de lire pour situer le cours dans mon enseignement et ma
recherche. Si l'on voulait profiter aujourd'hui de cet
enseignement, il y a trois conditions à réaliser. La
première est de lire les dix romans sur lesquels s'appuie le
cours (ce qu'on peut faire au fur et à mesure qu'on le
suit); la seconde est d'ouvrir le cahier (qu'on trouve ci-dessous
en version pdf); et la troisième est d'écouter
activement les émissions du cours.
« Activement », cela veut dire avec une lecture
récente des dix romans et en ayant le cahier en main ou
à l'écran. Et comme je l'ai souvent
répété, on n'écoute qu'une fois chaque
émission, on ne revient pas en arrière en cours de
diffusion et, bien entendu, si l'on veut assimiler la
matière du cours, il faut prendre des notes tout au long de
son écoute pour produire un plan ou un résumé
du cours avant l'écoute de l'émission suivante. Il
s'agit d'un cours
universitaire et non de conférences destinées au
grand public. Plus encore : ces diverses leçons n'ont
justement rien à voir avec les impératifs de la
conférence ou des émissions radiophoniques. Ces
cours n'ont pas été rédigés (1) avant
d'être donnés, je n'ai au moment de l'enregistrement,
exactement comme dans ma classe, aucun texte à lire; c'est
à partir d'un plan plus ou moins détaillés
selon ses parties, que j'improvise mon exposé. Par
conséquent, les lapsus, les petits bafouillages, les
contradictions apparentes de détail, les
répétitions involontaires et les petites fautes de
toutes sortes font intrinsèquement partie de l'enseignement.
L'étudiant universitaire me corrigera sans peine et n'en
sera pas moins attentif et d'autant plus actif. Il sait que nous
ne sommes pas à la petite école, ni au
collège. Encore moins à la radio ou à la
télévision.
Bref, dans mon esprit, un cours universitaire
est, par définition, brouillon : aux
étudiants de le mettre au propre. Les plus doués
et les plus chanceux en feront des mémoires, des
thèses ou d'autres avancés de la recherche.
Avec les dix romans qu'on trouvera facilement
en librairie et qu'on pourra annoter lors de sa lecture, les deux
autres instruments sont les suivants.
Cahier
—— Ouvrez le fichier, puis enregistrez-le (Fichier >
Enregistrer sous...) sur votre ordinateur. Votre programme de
lecture des fichiers -.pdf, même s'il n'est pas de niveau
professionnel pourra l'ouvrir.
Les émissions
Situation, contexte, date : 1976
- Présentation
- Bibliographie du
roman
québécois
- La narratologie :
l'histoire
- La narratologie : le
récit
- Le modèle
théorique du texte
romanesque
- Histoire de la
critique d'Angéline
de Montbrun
- Angéline de
Montbrun : le
récit ambigu I
- Angéline de
Montbrun : le
récit ambigu II
- Maria
Chapdelaine : le récit
indéterminé
- Un homme et son
péché :
le récit simpliste
- Trente arpents
: le récit
réaliste I
- Trente arpents
: le récit
réaliste II
- Trente arpents
: le récit
réaliste III
- Bonheur
d'occasion : le récit
larmoyant I
- Bonheur
d'occasion : le récit
larmoyant II
- Les lectures
mythiques du roman
québécois
- Poussière
sur la ville : le
récit ambivalent I
- Poussière
sur la ville : le
récit ambivalent II
- Le Libraire :
le récit
ironique
- Prochain
Épisode : le
récit récité
- Une saison dans la
vie d'Emmanuel : le
récit sarcastique
- L'Avalée
des avalés : le
récit tout court I
- L'Avalée
des avalés : le
récit tout court II
- Conclusion
(1) En revanche, plusieurs des parties
de ce cours ont donné
lieu à des publications ultérieures. Les tout
premiers chapitres vont correspondre à mon pamphlet paru
dès l'année suivante, en 1977, le Petit Manuel des
études littéraires, avant de se
spécialiser petit à petit en une Grammaire
narrative. Tandis que j'ai développé les
émissions sur Trente arpents et Bonheur
d'occasion en deux articles qui ont tenu compte de toutes les
publications sur les deux romans à ce moment, ce
qui est évident dans le second cas, puisque j'ai
analysé mot à mot tout ce qui avait été
publié à ce « sujet » tout au
long de l'article (ce sont ses notes infrapaginales), article
repris dans le premier volume de mes Polémiques
(Singulier, vol. 1, 1992, p. 205-235).
TdM —
TGdM
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