TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

Bibliographie des recueils de récits de rêve
Historique et analyse critique de « Reves.ca »
   Voici la bibliographie de travail sur les « recueils » de récits de rêve. Son premier objectif est de présenter les réalisations comparables au travail en cours ici, le RRR. « Comparable » non pas au sens de la réalisation, de l'importance ou de l'ampleur, mais bien parce qu'il s'agit de recueils différents, ou bien concurrents ou complémentaires. En effet, l'objectif principal de cette bibliographie est de soumettre ces recueils à l'analyse narrative, tout comme le RRR. Il s'agit donc d'établir le corpus des recueils de rêves en français. J'y ajoute les recueils qu'on trouve sur l'internet, dans toutes les langues.

Table des matières

Bibliographie des recueils de récits de rêve

Anthologies de récits de rêve

André Breton (et Albert Béguin), Trajectoire du rêve, Paris, GLM, 1938, 132 p.

François Gachot, les Chefs-d'oeuvres du rêve, Paris, Anthologie Planète, 1966, 382 p.

Jean Pierrot, le Rêve, de Milton aux surréalistes, Paris, Bordas (coll. « Univers des lettres », « Série thématique »), 1972, 176 p.

Recueils d'écrivains

1938. Marguerite Yourcenar, les Songes et les sorts, Paris, Grasset. Rééd. en 1980, puis dans Essais et mémoires, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1991, qui réédite l'édition originale, suivi d'un « dossier ». L'édition originale, précédée d'une longue préface, est constituée de vingt-deux (22) rêves; la réédition de 1980 en ajoute une dizaine.

1945. Michel Leiris, Nuits sans nuit, Paris, Fontaine. Ce premier recueil comprend 107 récits. Il est réédité en 1961 sous le titre Nuits sans nuit et quelques jours sans jour (Paris, Gallimard). Son Journal (1922-1989), éd. Jean Janin, Paris, Gallimard, 1992, comprend environ 200 récits de rêves.

1967. Eugène Ionesco, le Journal en miettes, Paris, Mercure de France, 1967, 255 p., rééd. Gallimard (coll. « Idées »), 1973, 212 p. Comprend une dizaine de récits de rêve.

1969. Henri Michaux, Façons d'endormi, façons d'éveillé, Paris, Gallimard (coll. « Le point du jour »), 244 p.

1973. Jean Latour, 700 rêves, Paris (?), Idéa, 263 p.

1973. Georges Perec, la Boutique obscure, 124 rêves, Paris, Denoël, 265 p. Rédaction de 124 « textes » correspondant à des récits de rêve, quelques-uns réduits à quelques conventions typographiques.

1973. Raymond Queneau, « Des récits de rêve à foison », Paris, les Cahiers du chemin, no 19, p. 11-14. Invention de quelques récits de rêve sur le modèle de la réthorique surréaliste du genre.

1975. Michel Butor, Matière de rêves, vol. 1 à 5, Paris, Gallimard, 1975-1985. Ces volumes contiennent quelques rêves, quatre ou cinq, mais parfois de trente ou quarante pages !

1977. Traduction par Anne-Christine Taylor du Livre de mes rêves de Jack Kerouac, Paris, Flammarion.

1981. Jacques Borel, Petite Histoire de nos rêves, Paris, Luneau Ascot.

1985. Claude Ollier, Fables sous rêve, journal de 1960 à 1970, Paris, Flammarion. Comprend plus de 150 récits de rêve et de nombreux fragments oniriques. Je ne sais pas encore si les Cahiers d'écolier (1950-1960) et les Liens d'espace (1970-1975) accordent autant d'importance aux rêves.

1987. Yves Bonnefoy, Récits en rêve, Paris, Mercure de France.

2003. Hélène Cixous, Rêve je te dis, Paris, Gallilée. L'ouvrage compte une centaine de récits de rêve.

Recueils de rêves (non littéraires)

Charlotte Beradt, Rêver sous le IIIe Reich, trad. de Pierre Saint-Germain, Paris, Payot (coll. « Critique de la politique »), 1981, 2002, 204 p.

      Curieusement, on trouve peu de recueils de récits de rêve non littéraires en français. D'où l'importance de l'ouvrage suivant.

Jean Duvignaud, Françoise Duvignaud et Jean-Pierre Corbeau, la Banque des rêves : essai d'anthropologie du rêveur contemporain, Paris, Fayard, 1979. Corpus de 2 000 rêves, dont l'ouvrage donne de nombreux exemples tout au long de l'analyse sociologique.

      Parmi des dizaines, on retiendra provisoirement les deux ouvrages suivants à titre d'exemples :

Montague Ulmann et Nan Zimmerman, la Sagesse des rêves, New York, Stanké, 1979, 252 p.

Thérêse-Isabelle Saulnier, Guide d'analyse des rêves, Montréal, Québec-Amérique (coll. « Santé : guides pratiques »), 1990.

Sur la Toile

http://www.unibo.it/sogno

      « Il sogno racontato (nella litteratura moderna ». Le projet de recherche regroupe plusieurs dizaines de chercheurs sous la direction de Remo Cesarani de l'Université de Bologne (Università degli Studi di Bologna). Le recueil regroupe les textes de plus de 150 auteurs en langue originale et en traduction italienne.

http://Singulier.info/rrr

      C'est le présent Recueil de Recueils de Récits de Rêve (RRR).

http://sommeil.univ-lyon1.fr

      Site du centre de recherche Michel Jouvet à Lyon. Bibliographies et documents sur le sommeil, les rêves et l'éveil.

http://www.oniros.fr/

      Base de données oniriques fondée en 1985 par l'Association française pour l'étude du rêve : Oniros. Neuffontaine, France (revue, bibliothèque).

http://www.reves.ca

      « Base de données » sous la direction de Christian Vandendorpe à l'université d'Ottawa. Compilation de textes divers, dont une petite proportion de récits de rêve. Ces récits sont noyés sans analyse dans d'innombrables brefs fragments évoquant des rêves ou même des textes où il est très vaguement question du rêve, voire souvent de textes présentant le mot ou le thème, sans plus. Il suit que cette compilation compulsive est inutile, inutilisable.

      Comme c'est moi qui ai créé le projet de recherche ayant conduit à cette prétendue « base de données », j'en propose ci-dessous l'historique et l'analyse critique.

Analyse critique de la « base de donnée » Reves.ca

http://www.dreambank.net

      « DreamBank » sous la direction d'Adam Schneider et de G. William Domhott. Psychology Department, University of California, Santa Cruz. Vaste corpus de rappels de rêve en anglais. Il s'agit en fait d'une base de données proposant actuellement vingt mille (20 000) récits de rêve, base de données que l'on trouve au coeur d'une configuration de nombreux documents et analyses correspondant à des travaux en cours. L'ensemble monumental est le prolongement du site de recherche DreamResearch.net.

http://www.asdreams.org

      Fichiers de l'Association for the study of dreams largement animée par Richard atlett Wilkerson. La seule bibliographie de ses propres publications est vraiment impressionnante.

Il existe par ailleurs de nombreux autres recueils sur la Toile, notamment dans les sites personnels sous la forme du journal de rêves. En attendant qu'on en trouve quelques-uns répertoriés et sommairement présentés ici, on peut tout bonnement lancer la recherche « Journal de rêves » sur son système de rechrche pour en trouver à l'instant plusieurs dizaines.

 

Analyse critique de « Reves.ca »
de Christian Vandendorpe

Historique

      J'ai conçu le projet de recherche intitulé « Étude du récit de rêve en littérature : structure narrative, grilles d'interprétation et codage objectif » en 1998. Ce titre a en fait été fabulé par Christian Vandendorpe, pour plaire aux fonctionnaires du CRSH. Mon titre était simplement : « Etude de la structure narrative du rêve et de ses interprétations dans les littératures d'expression française ». Titre simple, net, clair et précis. Pas de flafla pour fonctionnaires. J'ai mis en place mon séminaire sur l'étude narrative du récit de rêve en 1998-1999. J'ai publié l'analyse narrative qui sert de point de départ à ce travail dans mes Matériaux pour une grammaire narrative en 1999 (réédité en 2007). J'ai mis en place l'équipe de recherche constituée avec moi d'Antonio Zadra de l'Université de Montréal et de Christian Vanderdorpe de l'Université d'Ottawa. C'est ce dernier qui devait présenter le projet que j'avais conçu, comme « responsable », car il était le seul à pouvoir le diriger, Antonio Zadra et moi ayant d'autres champs de recherche principaux. Le 12 juillet 1999, Christian Vandendorpe se retirait inopinément du projet, pour nous revenir en septembre, tout disposé à diriger « notre » travail. J'en ai donc entièrement rédigé le projet, tandis que Christian Vandendorpe en organisait le budget (ce qui explique qu'il allait être le seul à avoir droit à d'importants dégrèvements de cours). Mon seul objectif à ce moment, c'était d'obtenir du financement de recherche pour mes étudiants du Conseil de Recherches en sciences humaines du Canada (CRSH) où nous présentions notre demande de subvention.

      Nous n'avons pas obtenu la subvention la première année où nous l'avons demandée. Contre l'avis formel des deux autres membres de l'équipe, Antonio Zadra et moi, Christian Vandendorpe a décidé d'office de présenter le projet au CRSH comme recherche « interdisciplinaire », ce qui était franchement surréaliste pour un projet concernant les études littéraires auquel collaborait un psychologue. Évidemment, nous avons obtenu la subvention. Subvention de trois ans, 2001-2004.

      J'ai travaillé durant tout l'été avec mes étudiants au projet. C'est après plus d'un an, en juin 2002, que j'ai compris que nous ne nous comprenions vraiment pas. À ce moment, Christian Vandendorpe avait mis en place ce qu'il appelait sans rire une « base de données » où il enfournait sans aucune analyse tout ce que ses étudiants pouvaient trouver de textes où se rencontraient les mots « rêve » ou « songe » dans les données de FRANTEXT. C'était et c'est toujours d'ailleurs du copié-collé ! Il s'agit de « Reves.ca ».

      Avec mes étudiants, dans mon séminaire de recherche, j'ai alors consacré quelques semaines passionnantes à faire l'analyse critique du fouillis que constitue ce non-corpus (mars-avril 2003) — on trouve aujourd'hui les résultats de cette recherche dans l'article ci-contre : « Les effilochures de rêve ». Je pensais que les résultats de ce travail allaient convaincre mon collègue d'Ottawa qu'il faisait fausse route. Ce fut peine perdue. J'ai eu beau lui expliquer cent fois ce qu'on lit ici et qu'on trouve développé ci-contre, jamais je n'ai pu taper un neurone sensible de sa compétence scientifique. Pourtant, ne s'agit-il pas d'une question méthodologique assez élémentaire ? Ce n'est vraiment pas très difficile à comprendre. Pour un scientifique, c'est une toute simple question préliminaire. On le voit dans mon exposé du projet de recherche initial, où les critères de sélection des récits de rêve font naturellement partie de la délimitation du corpus. On le voit, à plus fortes raisons, dans RRR où tous les critères sont explicitement exposés. Bref, du point de vue scientifique la question se formule ainsi : où trouve-t-on sur « Reves.ca » les critères définissant les récits de rêve retenus ? Où trouve-t-on définis les diverses données de la prétendue « base de données » ? C'est simple et la moindre des choses : qu'est-ce qu'un « cauchemar » pour « Reves.ca » ? Question élémentaire entre toutes ! On veut savoir qui tape sur la touche « cauchemar » et à partir de quels critères. Alors imaginez le psychodrame lorsque la question porte sur la définition du rêve dans une base de rêves ! Trois ans à répéter inlassablement la question sans jamais obtenir la moindre réponse, c'est long. Mais c'est surtout loufoque, lorsque sa participation à un tel travail implique sa propre crédibilité.

      Entre-temps, nous avions lancé un projet de colloque qui allait finalement se dérouler à Montréal au printemps 2004. Alors que j'étais responsable du colloque de Montréal, Christian Vandendorpe considérait que c'était sa propriété. Plus que cela, comme c'est lui qui contrôlait à Ottawa la subvention pour en publier les actes, il en a vite pris la direction et en a fait sa chose.

      Il faut dire que nous avions mis en place un divorce à l'amiable pour demander une nouvelle subvention. Il était convenu que je demanderais une subvention en études littéraires afin de poursuivre l'étude narrative du récit de rêve, tandis que Christian Vandendorpe (avec l'équipe que j'avais constituée !) et moi, demanderions le renouvellement de la subvention. Je devais rester l'un des trois co-directeurs de l'équipe « Reves.ca »; Christian Vandendorpe a décidé seul et d'office que je ne serais que collaborateur. Soit.

      En réalité, ni moi ni personne ne savait qu'il soumettait la demande, avec son épouse Annette Hayward de l'Université Queen, en m'écartant d'office du projet.

      Résultat, je n'ai pas obtenu ma subvention de recherche — tandis que lui a obtenu la sienne (encore une fois pour travail « interdisciplinaire » !) — ce qui est assez normal puisque je prétendais dans ma demande faire partie d'une équipe où j'avais été écarté, comme le voyaient bien les fonctionnaires et les responsables du CRSH qui examinaient ma demande où je vantais la réciprocité de RRR et de « Reves.ca » !...

      Il n'y a pas de raison que ces faits ne soient pas connus. D'autant que je n'ai pas ni ne porterai jamais plainte auprès du CRSH. En revanche, j'y gagne le droit de dire publiquement ce que je pense de « Reves.ca » et du travail de Christian Vandendorpe. Finalement, je m'estime gagnant, aussi bien du point de vue moral qu'intellectuel. Après tout, au lieu que ce soit RRR et « Reves.ca », c'est la vérité, l'un contre l'autre.

      Heureusement, je ne suis pas nul en traitement informatique, de sorte que j'ai pu récupérer mon travail et les collaborations de mes étudiants pour en mettre en place le présent site — RRR — qui continue à se développer de manière scientifique. Il faudrait je pense que tous les textes qui ont été édités par mon équipe à Montréal (et qui sont aujourd'hui publiés dans RRR) soient soustraits du site « Reves.ca », car il n'y a plus d'entente de réciprocité depuis que j'ai été écarté de l'équipe du projet que j'avais mis en place. Le contraire est d'autant plus aberrant que plusieurs des textes que j'ai édités avec mes étudiants ne sont pas du domaine public et ne se trouvent donc pas ici, mais se retrouvent illégalement sur « Reves.ca ».

Analyse critique

      La critique sera plus cruelle que l'historique, puisqu'il s'agira non plus de bienveillance ou de malveillance, mais de compétence et en particulier du caractère scientifique ou non des travaux.

      Le point de départ de la critique est fort simple (et je le connais bien, car je n'ai pas cessé durant trois ans de l'expliquer en long et en large à Christian Vandendorpe) : il ne suffit pas d'utiliser un logiciel php gérant (en principe) des bases de données pour en créer une. Encore faut-il avoir des données à mettre dedans. Et les données sur un corpus, un échantillon ou une population, cela découle nécessairement de son analyse. On n'allait tout de même pas mettre en place une base de données sans avoir d'abord des données à mettre en banque. Eh bien oui ! Pendant que j'éditais à Montréal des récits de rêve à étudier, on inventait à Ottawa rien de moins qu'une « base de données » tout bonnement constitué d'un corpus, rien de plus. Un recueil, une collection ou une compilation de textes devient comme par enchantement une base de données du seul fait d'être géré par le logiciel php. Il suffisait d'y penser.

      Prenons, par exemple, le nombre de mots. Dans mon esprit, au début de notre travail, je pensais qu'on allait découper dans nos textes le nombre de mots consacrés au récit de rêve (pour le distinguer du méta-récit qui l'encadre et, souvent, des interprétations qui le suivent). Non. Pour Christian Vandendorpe, c'était là beaucoup trop de travail. S'il fallait se mettre à étudier nos textes pour en tirer des données, on n'en sortirait jamais ! Alors, magiquement, le « nombre de mots », c'est celui des textes de chaque entrée, que le rêve y compte pour dix ou dix milles mots, 10% ou 90% de l'entrée. On appelle cela inventer des données, des données évidemment insignifiantes.

      Même chose, à plus fortes raisons, de ce qui est improvisé au fil du clavier par Christian Vandendorpe, sans aucune analyse préalable, ni même les moindres critères explicites à l'appui : il s'agit de l'affectation des entrées selon les « genres » (littéraire, religieux (sic), témoignage, psycho-médical, ethnologique, philosophique (sic) et historique !) — rien de plus niais, s'agissant de répartir les textes correspondant à des rêves littéraires. Or, la désignation des textes sur les fiches n'a aucun impact sur le « menu déroulant » en question, mais n'en est pas moins loufoque. Cela donne, par exemple : « prose », « prose, roman », « prose, récit », etc. Rubrique « Type de récit ». Alors là, l'« étude narrative » est impressionniste : « sommaire », « images statiques », « plusieurs épisodes », « scène brève » (sic), « plusieurs actions » (sic), et autres approximations... Parlons enfin de la rubrique « thème » (heureusement sortie de la banque si je ne me trompe pas). Alors, là, il n'y avait que Christian Vandendorpe qui pouvait remplir cette rubrique pour donner : « Métamorphose du rêveur ou d'un personnage », « rencontre avec une forme maléfique ou un démon » et même, alors là vraiment cochon, « expériences sexuelles ». N'importe quoi.

      Or, évidemment, des « données », cela se justifie doublement. Un corpus doit être rigoureusement délimité et proprement discriminé; et les catégories qui l'analysent doivent être aussi rigoureusement définies. On ne saurait employer à la sauvette la notion de « cauchemar » et encore moins divers éléments de « mots clés » improvisés sur le vif. La matière d'une banque doit être homogène et les catégories qui l'analysent univoques. C'est le principe bien connu du classeur et de son classement. C'est de l'ordre élémentaire de l'épistémologie scientifique. Autrement, il va sans dire que vous n'avez qu'un pupitre d'enfant d'école. Et c'est bien le fouillis que constitue « Reves.ca » dès qu'on soulève le beau présentoir.

      Une partie de ces clés viennent d'une adaptation de la grille de C. S. Hall et R. L. Van de Castle par Antonio Zadra. Je n'ai jamais été appelé à participer à l'analyse critique de ce prétendu « codage objectif », que j'ai souvent contesté abstraitement avant d'en voir le résultat publié en 2005. Je n'en dirai donc rien ici. En revanche, je trouve fabuleux l'utilisation de ce « codage » dans la banque de Christian Vandendorpe. Je veux bien qu'un psychologue adepte de la méthode Hall & Van de Castle s'interroge sur les « émotions » positives ou négatives (sic) exprimées sur un corpus donnés (ici 60% d'effilochures de rêve), mais le bon sens dit qu'on ne saurait inverser la grille d'analyse pour en faire... des données ! Un instant ! Réfléchissons ! « Reves.ca » vous permet d'obtenir la liste des effilochures d'une période donnée qui expriment la frustration. Ou la tristesse, la joie, la colère, la curiosité, la peur, le calme, le désespoir, l'excitation, etc. Et vous pouvez choisir entre cinq personnages : ange, Dieu, diable, spectre et créature mythique. Mettons que l'analyse actantielle a fait quelque progrès depuis la mise au point de la grille de Hall & Van de Castle, s'ils sont pour quelque chose dans l'affaire. Le plus problématique, on le comprendra facilement, est la discrimination arbitraire des « types » de rêve (cauchemar, lucide, prémonitoire et récurrent), types qui ne sont pas hétérogènes, qui n'ont aucune commune mesure entre eux et dont on ne donne aucune définition, ni objective (et pour cause !), ni même littéraire : quand et comment un rêve est-il déclaré comme un cauchemar ? selon quels critères un lecteur le percevra-t-il comme tel ? quelle est la frontière entre le mauvais rêve et le cauchemar ? — Et comme la très grande majorité des rêves littéraires s'achèvent sur le réveil (tiens ! voilà par exemple une bonne « donnée » qui n'est pas dans la banque de rêves...), le psychologue ne pourrait utiliser ce critère pour les discriminer.

      D'ailleurs, ce ne sont pas des « mots clés » qui peuvent servir à organiser scientifiquement des éléments d'un corpus, même si ces étiquettes n'étaient pas à ce point ridicules qu'elles ne résistent pas elles-mêmes à l'analyse — alors qu'on prétend les appliquer à l'analyse du corpus...

      Reprenons tout cela à partir de RRR qui, lui, réalise le corpus d'un projet de recherche scientifique.

      D'abord, évidemment, les récits de rêve littéraires retenus dans RRR sont définis de trois points de vue, avec les critères rigoureux que l'on connaît, sur la base du corpus de Canovas. Ensuite, avec mon projet de recherche, j'ai mis en place un formulaire raisonné qui comprend les rubriques qu'on trouve dans chacune des fiches de la présente édition (identification, texte, références, éditions critiques, notes, variantes et bibliographie). C'est logique. Aucun singe savant ne peut taper dans ce « formulaire ». Il s'agit de mettre en place un corpus déterminé et établi scientifiquement. Les règles de saisie en sont donc explicites. Les règles de traitement aussi.

      Voyez maintenant le corpus de Christian Vandendorpe à « Reves.ca » où mes propres éditions sont affublées de diverses étiquettes complètement loufoques. Quel choc, pour le chercheur responsable que je suis et pour mes étudiants ! Et c'est sans compter les titres et surtitres. Tout le contraire de RRR où les titres sont strictement descriptifs. Sur « Reves.ca », Christian Vandendorpe s'amuse beaucoup en affublant les textes de jugements de valeur qui, d'eux mêmes, défigurent les textes, en changent le sens et très souvent le biaisent.

      Et ce n'est pas tout. Le résultat est de piètre qualité. L'édition des textes n'est tout bonnement pas menée de manière compétente. Par exemple, un auxiliaire de recherche a trouvé par hasard un rêve rapporté par Gilbert de Nogent, le fameux rêve de sa mère, dans le Secret de nos rêves, une vieille affaire du « bibliophile Jacob » (bon, d'accord, je ne connais pas l'ouvrage, mais LES rêves de Nogent, oui !). Il suit qu'on trouve enfourné sur « Reves.ca » le texte estropié et défiguré d'un malheureux fragment du rêve de la maman de Nogent, sans aucune recherche bibliographique, de sorte que la fameuse base de données ignore et l'édition critique d'Edmond-René Labande et l'analyse de Jean-Claude Schmitt. On nous donne une version atrophiée du grand songe de Jean-Paul « Discours du Christ mort », sans expliquer qu'il a connu deux versions antérieures (ni non plus évidemment les produire), sous des titres différents, avant de se trouver jumelé, au centre de Siebenkäs, avec « Le songe dans le songe » (c'est le songe de Marie, l'inverse du premier). Etc. Manifestement, les auxiliaires n'ont pas été correctement dirigés, de sorte que le simple dépouillement bibliographique n'a pas été réalisé, avant l'établissement des textes sur des versions non justifiées. Bref, on enfourne du rêve... Tout le contraire de RRR.

      Et n'importe qui peut constater que « Reves.ca » n'est pas propre à la recherche. Les fameux menus déroulant, c'est bien beau, mais pas très pratique pour le chercheur qui veut simplement imprimer la liste des auteurs répertoriés dans la banque. Et c'est le cas de la moindre fiche, d'autant qu'il est tout simplement impossible de l'imprimer et qu'on ne peut en saisir les textes qu'au prix d'une série d'opérations qui consistent à les retrouver dans le code source de la fiche pour les recopier un à un dans un tiers fichier. Même chose pour l'affichage qui est programmé en valeur absolue, et non en pourcentage de l'écran de réception. Bref, « Reves.ca » n'est pas au service des chercheurs et des étudiants, mais plutôt conçu pour amuser le grand public et pour le prestige de son concepteur. Tout le contraire de RRR.

      À mon avis, la prétendue « base de données » de Christian Vandendorpe n'a absolument aucune crédibilité, aucune valeur scientifique.

   


Retour en tête du fichier