TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

Le récit de rêve surréaliste
Le corpus de la Révolution surréaliste
Introduction Auteurs OEuvres Chronologie

Table des matières

  1. Table des 35 récits de rêve
  2. Les quinze auteurs
  3. Classement par ordre de fréquences

Le modèle ou les caractéristiques du rêve surréaliste

Présentation

    Voici une anthologie aussi artificielle que vivante de récits de rêve.

    La Révolution surréaliste aura constitué le laboratoire du récit de rêve pour les surréalistes. Il est donc juste d'en faire une classe à part. Ce recueil constitue sans conteste le noyau du genre. Et ses développement périphériques (notamment les recueils de Leiris et de Perec) n'en altéreront pas les caractéristiques fondamentales. On se reportera au mémoire de Marie-Ève Boucher : le Récit de rêve surréaliste ou la Révolution d'un genre (Université de Montréal, Littératures de langue française, 2006, 128 p.), dont on trouvera un sommaire des conclusions ci-dessous, soit le modèle ou les caractéristiques du rêve surréaliste.

    La section « Rêves » de la Révolution surréaliste comprend trente-cinq textes de quinze auteurs que nous analysons comme suit.

1. Table des 35 récits de rêve

la Révolution surréaliste, no 1, 1er décembre 1924

 1  Georgio de Chirico
 2  André Breton (1 de 3)
 3  André Breton (2 de 3)
 4  André Breton (3 de 3)
 5  Renée Gauthier

la Révolution surréaliste, no 2, 15 janvier 1925

 6  Michel Leiris (1 de 4)

la Révolution surréaliste, no 3, 15 avril 1925

 7  Collombet, 10 ans
 8  Duval, 11 ans
 9  Lazare, 11 ans
10  Max Morise (1 de 6)
11  Antonin Artaud (1 de 3)
12  Antonin Artaud (2 de 3)
13  Antonin Artaud (3 de 3)
14  Paul Éluard (1 de 6)
15  Paul Éluard (2 de 6)
16  Paul Éluard (3 de 6)
17  Paul Éluard (4 de 6)
18  Paul Éluard (5 de 6)
19  Paul Éluard (6 de 6)
20  Pierre Naville (1 de 3)
21  Pierre Naville (2 de 3)
22  Raymond Queneau
23  Jacques-André Boiffard

la Révolution surréaliste, no 4, 15 juillet 1925

24  Max Morise (2 de 6)
25  Michel Leiris (2 de 4) - quatre textes

la Révolution surréaliste, no 5, 15 octobre 1925

26  Michel Leiris (3 de 4) - cinq textes
27  Max Morise (3 de 6)
28  Max Morise (4 de 6)
29  Max Morise (5 de 6)

la Révolution surréaliste, no 7, 15 juin 1926

30  Marcel Noll (1 de 2)
31  Marcel Noll (2 de 2)
32  Michel Leiris (4 de 4)

la Révolution surréaliste, nos 9-10, 1er octobre 1926

33  Louis Aragon
34  Pierre Naville (3 de 3)

la Révolution surréaliste, no 11, 15 mars 1926

35  Max Morise (6 de 6)


2. Les quinze auteurs

 1  Aragon, Louis
 2  Artaud, Antonin
 3  Boiffard, Jacques-André
 4  Breton, André
 5  Chirico, Giorgio de
 6  Collombet, 10 ans
 7  Duval, 11 ans
 8  Éluard, Paul
 9  Renée Gauthier
10  Lazare, 11 ans
11  Leiris, Michel
12  Morise, Max
13  Naville, Pierre
14  Noll, Marcel
15  Queneau, Raymond


3. Classement par ordre de fréquences

Nombre de « rêves »

11 - Michel Leiris (quatre « textes oniriques », dont deux comptent respectivement 4 et 5 « rêves »)

6 - Paul Éluard, Max Morise
3 - Antonin Artaud, André Breton, Pierre Naville
2 - Marcel Noll

1 - Louis Aragon, Jacques-André Boiffard, Giorgio de Chirico, Collombet, 10 ans Duval, 11 ans, Renée Gauthier, Lazare, 11 ans, et Raymond Queneau (8 auteurs)

Nombre de publications

Michel Leiris donne onze (11) rêves en quatre (4) publications (les nos 2, 4, 5 et 7). Et ainsi de suite.

4 - Michel Leiris (11), Max Morise (6)
2 - Pierre Naville (3)

1 - Louis Aragon, Antonin Artaud (3), Jacques-André Boiffard, André Breton (3), Giorgio de Chirico, Collombet, 10 ans, Duval, 11 ans, Paul Éluard (6), Renée Gauthier, Lazare, 11 ans, Marcel Noll (2) et Raymond Queneau (12 auteurs)


Le modèle ou les caractéristiques du rêve surréaliste

      La caractérisation du rêve surréaliste qui suit est extraite du mémoire de Marie-Ève Boucher, le Récit de rêve surréaliste ou la Révolution d'un genre (mémoire de maîtrise, Université de Montréal, Littératures de langue française, 2006, 128 p.) : on y trouvera énumérés, au chapitre 2, les dix caractéristiques du genre (p. 46-58).

0. Contrairement à toutes les autres formes de récits de rêve (et notamment le rêve romantique), il est fort aisé de circonscrire le corpus du récit de rêve surréaliste. Le genre est créé par André Breton (Littérature, 1922, repris et complété dans Clair de terre en 1922 et 1923), soit avec un ensemble de cinq rêves, d'où découle en 1924 (avec encore la lancée de trois autres récits de Breton au premier numéro), le recueil qui sera constitué par la Révolution surréaliste, édité ici. La suite dépendra de quelques rares écrivains marqués au fer du surréalisme : Leiris, Perec et Queneau.

      André Breton lui-même s'écartera du « genre », dès Nadja (1928) et particulièrement avec les Vases communicants (1932), puis avec Trajectoire de rêve (1938) où il s'associe avec Albert Béguin, pour relancer la réflexion dans de toutes autres perspectives : la méfiance critique, l'auto-analyse et la perspective historique, à partir du romantisme allemand.

      En effet, la manière même du rêve surréaliste, qui en fait l'homogénéité, est de se présenter comme matière brute (comme dans l'« art brut »). Ce n'est pas le rêve d'un individu, il ne se situe pas dans une oeuvre littéraire (comme un roman), une autobiographie ou dans un journal personnel et, pour bien dire, ce n'est pas un récit de rêve, mais bien un rêve. Le rêve surréaliste n'est même pas daté !

      Il se caractérise par les dix traits suivants, en commençant par ses caractères narratifs.

1. La densité événementielle. Le récit se présente sous la forme d'une cascade d'événements qui produit une forte densité narrative. Les événements sont manifestement très nombreux en regard de la longueur des récits; ce sont donc des récits sommaires, des récits accélérés où les descriptions, les scènes et les dialogues (ou plutôt les répliques) sont à peine esquissés.

2. La dérive narrative. Si les événements se bousculent, il s'ensuit que les séquences spatiales et actantielles s'enchevêtrent de sorte que les séries se chevauchent. Une séquence narrative n'est pas achevée qu'une autre est déjà commencée.

3. Emboîtement de configurations actantielles : les configurations (A) se développent par additions de personnages.

4. L'unité narrative. En dépit de la dérive narrative et des emboîtements actantiels, c'est paradoxalement l'unité du récit qui frappe. Cela tient d'abord à ce que la situation de départ (Sd) est fortement marquée, mais cela tient ensuite à ce que les situations initiales et finales (Si et Sf) — en réalité le premier et le dernier événements, E1 et Ei — sont aussi fortement ponctuées. Il y a dérive narrative, mais elle a nettement un début et une fin; et le tout s'achève même sur une « finale ». Il s'agit d'une construction esthétique très éloignée du modèle du récit de rêve moderne.

5. L'illogisme et l'absurde sont manifestement exacerbés. Tout se passe comme s'il s'agissait d'illustrer la « logique » onirique de manière systématique : l'extravagant et le bizarre sont mis en relief par une série manifestement aléatoire d'événements où les fautes de causalité sont aussi nombreuses que percutantes.

6. Les répliques de type « cadavres exquis », comme les autres formes de collages (le collage de citations, en particulier), sont une des formes rhétoriques de cette absurdité onirique. Elles sont évidemment typiquement surréalistes.

7. Il en va de même des « objets surréalistes », dont l'urinoir mobile est probablement la plus belle illustration — c'est le ready-made onirique !

8. Justement, toute cette panoplie de l'absurde et de l'illogique se déroule dans un monde diurne, quotidien et réaliste : aucun cauchemar; le rêve surréaliste ne connaît ni la noirceur, ni la terreur, ni même la moindre appréhension. Nous sommes aussi éloignés de la logique du merveilleux que de l'irrationnel du fantastique. L'histoire est simple, claire et nettement absurde, et elle se passe à midi, au coin de la rue.

9. L'art, la littérature et les surréalistes. Les motifs littéraires des rêves surréalistes sont nombreux. Le trait peut paraître aussi secondaire qu'attendu, puisque ce sont des surréalistes qui rêvent. Mais il faut tout de même être logique et convenir que les rêves surréalistes ont bien été racontés par des surréalistes (même lorsque Raymond Queneau les parodie). La preuve en est que les récits des trois enfants en tête de la rubrique du numéro 3 de la revue ne participent évidemment pas au genre.

10. La sexualité. Juste retour des choses, à propos de la chose : si Breton reprochera à Freud d'avoir été pudibond dans l'interprétation de ses rêves, alors même que la sexualité devait être au coeur de la psychanalyse, le moins que l'on puisse dire est qu'elle est curieusement absente du rêve surréaliste. À tel point que l'on pourrait s'amuser à contester que le rêve de Renée Gauthier (la seule femme parmi de nos rêveurs) soit surréaliste ! Elle est toute seule à désigner explicitement la chose.


Introduction Auteurs OEuvres Chronologie