Deuxième des trois rêves de Naville
dans la Révolution surréaliste
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Pierre Naville,
la Révolution surréaliste,
no 3,
section « Rêves »,
15 avril 1925
II
Un homme jeune, vêtu assez pauvrement,
est debout contre un des piliers soutenant la ligne du
métropolitain qui passe boulevard Pasteur. Comme je le
croise, il m'arrête et me questionne sur la technique de la
peinture; je lui donne tous les renseignements que je suis capable
de lui fournir et je m'apprête à continuer mon chemin.
Mais il me retient en disant à peu près :
« Et puis, je dois vous dire aussi, j'aime une femme,
mais elle me repousse ». Il a l'air navré, et je
suis pressé de m'éloigner. Avant de le quitter, et
pour paraître compatir à son chagrin, sans doute, je
lui demande son nom : « À l'occasion, nous
pourrons nous revoir », ajouté-je. Il me
répond : « Werther » (1). À l'ouïe de ce nom, j'entre dans une
violente colère, mais je reste sur place à gesticuler
en disant : « Ah non, par exemple ! s'appeler
Werther et s'occuper de technique picturale ! Ah ça
c'est un peu fort, vous vous appelez Werther et vous vous
mêlez de cela ! ».
Notes
(1) Il s'agit évidemment du nom du
Romantique par
excellence, le héros de Goethe : les Souffrances du
jeune
Werther, 1774.
Références
La Révolution surréaliste, no 3, Paris,
Éditions
Jean-Michel Place, réimpression, 1975, p. 4-5.
Édition originale
La Révolution surréaliste, no 3, Paris,
Gallimard, 15 avril
1925, p. 4-5.
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