Anthologie
Le songe médiéval, le songe classique
On ne trouvera pas ici un recueil au sens
où on l'entend sur RRR, mais bien une anthologie du songe
médiéval.
Nos recueils sont des compilations de
récits de rêve destinées à en faire
l'étude, notamment l'étude narrative. C'est sur la
base du recueil général de ces récits qu'a
été menée jusqu'ici l'étude du
rêve surréaliste et entreprises les études du
rêve/songe romantique, du rêve
« fantastique » du réalisme (et
notamment de la littérature fantastique) et du rêve
des romanciers modernes du XXe siècle. Ces travaux ont
été réalisés au fil des ans dans le
cadre de mon séminaire sur l'étude narrative à
l'Université de Montréal.
Dans le cas des premières
représentations de l'onirisme dans la littérature
française, on a procédé à l'inverse,
c'est-à-dire qu'on a d'abord mené l'étude
narrative du songe médiéval avant d'en recueillir des
exemples significatifs, ce qu'on a fait au fur et à mesure
de l'analyse, tout au long des trois dernières années
du séminaire (2008-2011). En fait, les deux
premières années de travail ont porté
exclusivement sur le songe médiéval, tandis que la
troisième année a permis de développer
l'enquête dans un cadre plus large. L'objectif de la
troisième année du séminaire (2010-2011)
était, au début, d'étudier le
« songe classique » à la Renaissance (et
accessoirement au XVIIe siècle), mais il est vite apparu que
le « songe classique » était tout
simplement la réalisation du songe, absolument, dans
toutes ses formes, soit les songes bibliques et
évangéliques, ceux des littératures grecque et
latine, puis de tout le Moyen Âge, suivi de la Renaissance et
du Grand Siècle, le XVIIe.
Certes, le XVIIe siècle allait voir
éclore la forme embryonnaire du rêve qu'on trouvait
déjà au Moyen Âge (exceptionnellement,
forcément, s'agissant de l'embryon) : ce sera la
représentation moderne de l'onirisme, le récit de
rêve (au sens strict), qui ne s'imposera et ne se
développera qu'au cours du XIXe siècle, pour prendre
toute son ampleur au XXe siècle.
Il suit, première conclusion de nos
travaux, qu'il n'y a pas de « Renaissance » du
songe classique au XVIe siècle, un renouvellement qui
s'appuierait sur les songes bibliques et gréco-romains,
comme c'est le cas des grands genres humanistes. Au contraire, le
« songe médiéval » n'est qu'une
période, rien de plus, dans le développement continu
des formes du songe classique qui ne cessera de s'imposer et
de s'enrichir jusqu'au coeur du XVIIIe siècle, alors
même qu'il sera en compétition avec une toute nouvelle
forme d'onirisme, le rêve et le récit de
rêve.
Il faut même aller un peu plus loin
(dans la pensée et le temps) : l'apothéose du
songe se trouvera finalement chez les romantiques, ceux-là
même qui vont les premiers imposer le récit de
rêve moderne, tout le contraire du songe.
Pour illustrer le nouveau chapitre de cet
essai, le songe en France au Moyen
Âge, voici donc une anthologie du songe
médiéval encadrée de quelques exemples des
songes classiques qui ont précédé et suivi.
Je m'en suis tenu au plus petit échantillon possible pour
représenter un très vaste corpus. Justement,
contrairement au rêve, c'est la
variété des formes du songe qui frappe.
Pourtant, on peut sans peine toutes les représenter par dix
(groupes de) textes médiévaux, encadrés de six
textes des songes classiques antérieurs et
postérieurs. En revanche, tous ces songes classiques sont
minutieusement présentés dans le contexte le plus
large possible (chaque fois du moins qu'ils ne sont pas à
eux-mêmes leur propre contexte), car voilà une autre
différence radicale entre le songe et le rêve. Alors
que le rêve tend à se présenter sous la forme
d'un récit de rêve, autonome, l'équivalent ne
se trouve jamais : il n'existe pas telle chose qu'on pourrait
nommer un « récit de songe ». La cause
en est qu'il ne s'agit pas d'une forme narrative (un récit),
mais d'un discours herméneutique (même lorsqu'il lui
arrive de se présenter sous la forme narrative d'un
récit ou du fragment d'une histoire).
Bref, on ne saurait proposer un recueil de
songes comme on réalise des recueils de rêves. Alors
voici une anthologie de songes avec le discours
herméneutique explicite ou implicite où chacun prend
place.
1
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3
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5
6
7
8
9
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12
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15
16
17
18
19
20
|
-850
-850
2-8
45-67
1060
1115
1150
1176
1220
1225
1261
1283
1309
1309
1356
1387
1573
1584
1643
1691
|
Homère, Odyssée,
le songe de
Pénélope
La Bible, « Genèse »,
les songes de Joseph, etc.
Ovide, les Métamorphoses,
le songe d'Alcyoné
Évangiles de Luc et de Matthieu,
les
« annonciations »
Turold, la Chanson de Roland,
les songes de Charlemagne
Guibert de Nogent, De vita sua,
le second songe de sa mère
Béroul, le Roman de Tristan,
le songe d'Iseut
Chrestien de Troyes, Cligès,
le songe de l'empereur Alis
Anonyme (un moine sistercien), la Queste du Graal,
deux
songes de Bohort
Anonyme, Joseph d'Arimathie,
le second songe du roi Label
Jacques de Voragine, la Légende dorée,
le songe de l'évêque
Néron
Dante, Vita nuova,
le songe inaugural de Dante
Jean de Joinville, Vie de saint Louis,
premier songe
—— second songe de
Joinville
Anonyme, la Geste du chevalier au cygne,
le songe d'Élias
Jean Froissart, Chroniques,
le songe de Charles VI
Robert Garnier, Hippolyte,
le songe d'Hippolyte
Pierre de Ronsard, le Bocage royal,
« songe »
Pierre Corneille, Polyeucte,
le songe de Pauline,
Jean Racine, Athalie,
le songe d'Athalie.
|
Comme on le voit, deux songes s'ajoutent
à l'anthologie des songes gréco-romains et
médiévaux, soit deux textes du corpus des
Récits de rêve en cours d'élaboration, les
songes de Pauline et d'Athalie. On comprend, bien entendu, que le
récit de rêve, en gestation depuis le Moyen Âge,
ne remplace pas par magie d'un seul coup la tradition
millénaire du songe au XVIIe siècle. Bien au
contaire, pour notre travail d'étude narrative, tout le
siècle des classiques et des baroques (avant la
résistance des romantiques) représente la
période passionnante où s'opposent et
s'entremêlent le discours herméneutique du songe et le
récit de rêve. Les
« songes » de
Descartes auraient été certainement la plus
claire illustration du phénomène, trop claire et
nette. La réalité, complexe, se trouvera mieux
représentée par deux songes que l'on trouve au sommet
de la littérature classique française, deux songes
encore, un ou deux rêves déjà...
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