TdM


Guy Laflèche, Université de Montréal

TGdM

  • Prologues
  1. Le texte imprimé et le texte électronique
  2. L'« ILE » des simoniaques, un bel exemple
  3. Le copyright et le droit d'auteur, CONTRE !
  4. Historique des sites littéraires sur la toile
  5. Droit de reproduction sur la toile, POUR !
  6. La bibliothèque électronique de Google, POUR !
IMEC / Laflèche
Ref. Cabinet Pierrat (Paris)

Droits de reproduction sur la toile
(copyrights sur le Web)
dans les sites personnels sur les oeuvres littéraires

Texte imprimé et texte électronique

        J'ai déjà publié ce premier chapitre : « Les livres uniques, l'imprimé du futur », Texte (« Revue de critique et de théorie littéraire », Université de Toronto), nos 31-32, 2002, p. 261-278.

        En voici quelques idées pour reformuler brièvement mon exposé dans le cadre de cet essai. Quel est l'avenir du livre en face du développement de l'informatique et de l'électronique ? Plus prometteur que jamais. Je commence par faire l'éloge du texte électronique que l'on appelle parfois pompeusement l'« hypertexte », ce qui est un mythe. Le texte électronique est tout bonnement un document html (Hyper Text Markup Language). Il s'agit de tous les fichiers, de tous les documents accessibles sur la toile et dans l'univers du multimédia, rien de plus. L'avenir du livre n'est pas là. La belle succession « manuscrit, imprimé, électronique » n'est pas plus juste que la série « vélo, moto, auto ». En revanche, c'est la fabrication du livre à venir qui est sur le point de changer du tout au tout. Toujours sur papier et sous la forme qu'on lui connaît, on ne le trouvera plus en librairie, tout simplement. Chaque foyer disposera bientôt d'une imprimante de livres de poche et on aura dans son quartier un atelier où se trouveront de superbes imprimantes de livres. Dorénavant, vos livres seront uniques, absolument uniques. Vous choisirez le papier, l'encre et les dimensions du livre; vous déterminerez la mise en page qui vous convient, vous choisirez le caractère d'imprimerie et, mieux encore, c'est vous qui « composerez » le livre en choisissant parmi les options offertes par les éditeurs électroniques, soit les types d'annotations, les illustrations, les index, etc. Bref, l'imprimé du futur, ce seront les livres uniques.

        Dans cette perspective, on voit bien que l'imprimé, le texte destiné à la lecture, n'est nullement menacé par le texte électronique, bien au contraire. Les deux médiums ont des fonctions largement complémentaires et jamais le second ne pourra remplacer le premier, puisque l'informatique et l'électronique sont déjà dédiées à la production de l'imprimé et qu'en outre elles permettent justement de ne plus imprimer ce qui n'est pas spécifiquement destiné à la lecture. Et de ce point de vue, les fonctions des deux systèmes d'informations sont incomparables : le texte électronique sert à la consultation, le texte imprimé, à la lecture. Au Moyen Âge des communications écrites, il arrive souvent qu'on « consulte » un texte imprimé pour y chercher longuement une information; comme il nous arrive encore parfois de « lire » un texte électronique qu'on ne parvient pas à imprimer. Mais ce sont là d'évidentes aberrations.

        Or, c'est dans ce contexte qu'il faut situer les sites personnels consacrés aux auteurs littéraires sur la toile. Disons-le, les éditeurs qui, aujourd'hui, se sentent menacés par la reproduction des oeuvres ou d'extraits des oeuvres sous copyright sont doublement dépassés. D'abord, ils n'ont pas compris que leur avenir se trouve dans l'édition électronique destinée à l'imprimante de livres; ensuite, ils ne voient pas que le texte électronique est le meilleur moyen de promouvoir la vente de leurs livres.

        Prenons un romancier au hasard, Louis-Ferdinand Céline, et mettons-nous à la place de son éditeur. Comme il n'existe actuellement sur le marché aucune imprimante pouvant produire ses romans sous forme de livres (l'imprimante de livres), il n'y a encore aucun risque de compétition de ce point de vue. Au cours des cinq prochaines années (car ensuite les oeuvres de Céline seront du domaine public), je suis le seul et unique à pouvoir les vendre sous forme de livres. Aussi, en bon commerçant, mais également à titre d'éditeur responsable devant le privilège de pouvoir seul publier ce romancier que j'ai choisi de promouvoir, je suis très heureux de tous les sites personnels qu'on voudrait bien consacrer à son oeuvre sur la toile. Comme il s'agit d'un grand auteur controversé, il est probable que les sites proliféreront si je les favorise et je mettrais même en place si possible un des sites les plus riches et des plus complets, des mieux informés, sur mon romancier.

        Allons plus loin. Comme je suis un éditeur de livres et que je n'ai nullement l'intention — on le voit bien — de me lancer dans le commerce du texte électronique, alors j'ai tout intérêt à ce que de très larges extraits des oeuvres de Céline se trouvent facilement sur la toile, voire son oeuvre complète. Voilà en effet qui servirait mes intérêts. Faire connaître mon auteur et ses oeuvres, c'est tout ce qu'il faut pour trouver de nouveaux lecteurs, des lecteurs qui achèteront forcément mes livres. En plus, le texte électronique est le meilleur instrument pour favoriser l'étude d'une oeuvre et de mille manières; si les spécialistes comme les amateurs peuvent facilement consulter tous les romans de Louis-Ferdinand Céline sous forme de texte électronique sur la toile pour l'étudier, alors il est certain que cela favoriserait encore plus la lecture et la relecture de son oeuvre — et bien entendu la vente de mes livres ! Je ne suis pas éditeur pour rien.

        Malheureusement, l'éditeur de Louis-Ferdinand Céline, ce n'est pas moi, mais Antoine Gallimard, et la preuve en est, si je puis dire, qu'il a tenté de faire fermer le meilleur site consacré à l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline. Gallimard n'est pas le seul des éditeurs qui ne savent pas où se trouve leur intérêt et qui, de ce point de vue, ne connaissent pas l'avenir de leur métier, l'avenir du livre.

        À la vérité, plusieurs éditeurs voient une menace dans le texte électronique, s'ils ne sont pas de mauvaise foi (car on verra que les attaques du site Céline d'Infonie étaient vraisemblablement concertées), puisqu'ils utilisent ce prétexte pour sévir sur la toile comme de vulgaires cowboys.

Supplément
de Guy Jules Verne Laflèche
(20 mai 2009)

L'imprimante de livres Expresso de Jason Epstein et Dane Neller

      Croyez-le ou non, je suis un génie. Moi-même, j'en ai souvent douté. Mais je dois me rendre à l'évidence. Bien entendu, l'Expresso n'est pas encore tout à fait l'imprimante de livres que j'avais décrite, ni celle qui sera bientôt dans nos foyers, et encore moins celle qu'on trouvera sous peu dans les ateliers des éditeurs de nos quartiers. Mais c'est tout de même une avancée technologique fort proche de ce que j'avais prévu et qui ne manquera pas de se réaliser avant longtemps dans le détail.

      J'ai rédigé mon article sur l'avenir du livre — qui est dans l'imprimante de livres — en septembre 2002, après l'avoir préparé au cours de l'été. Il est paru dans les nos 31-32 du volume double de l'année 2002 de Texte, imprimé en 2003.

      L'Epresso n'existait évidemment pas encore, mais l'imprimante de livres que je décrivais prenait forme au même moment, un peu après, seulement quatre ans plus tard. En effet, c'est en 2003 que Jason Epstein et Dave Neller ont fondé l'ODB, On Demand Books (voir ondemandbooks.com d'où sont tirées les informations qui suivent). Les conférences d'Epstein à la NYPL, qui impliquait le projet, sont de 1999.

      Mais la suite est simplement le tout début de la réalisation de ce que j'avais exposé comme l'avenir inéluctable du livre, soit la réalisation des imprimantes de livres. La première version de ma machine s'est trouvée au Word Bank InfoShop de Washington en avril 2006, puis à Alexandrie, en Égypte bien entendu, en septembre 2006. L'Expresso Book Machine en est alors à sa version 2.0 et ce prototype coûtait 200.000 $. À partir de 2007, le début de la réalisation de ma prédiction fait fureur, on en lit des dizaines de reportages dans les journaux et le Times Magazine déclare qu'il s'agit de la meilleure invention de l'année (29 mars 2007). Aujourd'hui, quelques centaines d'Expressos se trouvent dans les grandes bibliothèques, dont celle de l'Université McGill à Montréal (voir l'article d'Isabelle Paré dans le Devoir du 29 mars 2009, p. F2). L'imprimante de livres peut produire l'un des deux millions et demi d'ouvrages du domaine public accessibles sur l'internet, dont l'essentiel vient de Recherche de livres de Google, en trois minutes. Seule restriction : le livre imprimé, encollé et relié ne peut pas dépasser 550 pages. En revanche, on s'attend à ce que le coût actuel de 50.000 pour l'achat de l'imprimante passe très bientôt à 20.000 $, ce qui signifie qu'on la trouvera avant une décennie dans tous nos foyers.

      Cela dit, Jason Epstein aurait intérêt à lire de près mon article pour ne pas être doublé par la concurrence. S'il a presque en main mon imprimante personnelle de livres de poche, il est encore bien loin de pouvoir produire les imprimantes de quartiers, avec leurs formidables jeux de compositions électroniques, parce que cela impliquera des milliers d'éditeurs informaticiens à travers le monde.

      D'ailleurs je compte investir toute ma fortune dans le premier consortium qui développera la chaîne d'ateliers de reliures d'art qu'on trouvera jumelés aux imprimeurs de livres de nos quartiers.

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