MM 1.3 (octobre 2003)
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2.3  L'apparat textuel

   On appellera l'apparat tout ce qui « accompagne » le texte ou s'y insère : les citations, les références et les renvois.  Certes, la disposition et la production des citations et des références concernent encore accessoirement la mise en page.  Mais elles sont tellement importantes dans les études littéraires qu'il faut en faire une section à part.  On peut dire que les règles que vous avez parcourues jusqu'à maintenant servent à présenter le texte de l'étude, le corps du travail d'analyse.  Celles que je vous expose pour finir permettent d'y intégrer les textes et les faits textuels à l'étude.  Nous avons d'ailleurs évoqué cette question lorsque je vous ai présenté les diverses formes de l'annotation en utilisant le tableau systématique que Gérard Genette (6) nous a proposé pour décrire le « paratexte ».  Et peut-être avez-vous entendu parler de l'étude d'Antoine Compagnon sur les diverses formes et fonctions de la citation dans le discours occidental (7).  En tout cas, une chose est sûre, les citations et les notes, les renvois et les références représentent des mécanismes intellectuels extrêmement complexes (8), en théorie, mais qui obéissent en pratique à des règles et conventions aussi simples que contraignantes.  Autrement dit, citer un texte et en donner la référence, voilà ce qu'on apprend à faire dès le début de ses études littéraires.  Il faut ensuite plusieurs années pour comprendre que la critique, comme on dit, est largement un art de la citation ou une culture des références !

   On peut dire également que les règles exposées jusqu'ici sont largement communes aux spécialistes des sciences de l'homme, tandis que celles qui suivent sont beaucoup plus souvent propres aux études littéraires.  En effet, même pour les linguistes et les historiens, par exemple, les textes et en particulier les oeuvres littéraires sont des documents qu'ils utilisent et interprètent à leurs fins, l'étude de la langue ou de l'histoire.  Au contraire, le texte ou l'oeuvre est la fin en soi des études littéraires.  Savoir citer les oeuvres et en donner les références présentent donc pour nous une importance considérable.  Et voilà pourquoi les historiens et les linguistes finissent souvent par adopter nos méthodes en ce domaine :  tout simplement parce que nous avons besoin de plus de précisions qu'eux.  Ces précisions, les voici encore sous forme de règles et de consignes.

2.3.1  La citation

   Elle consiste simplement à rapporter un texte que l'on recopie.  Du point de vue de la mise en page ou de la typographie, elle se fait de deux façons :  soit entre guillemets, soit en retrait.  On cite entre guillemets, dans le corps du texte, les courts fragments qui n'ont pas plus de trois lignes.  « La citation, nous dit Bernard Beugnot, a [...] partie liée avec des genres comme la lettre et le dialogue (9) ».  Dans cette citation sur la citation, j'ajoute bien entendu l'incise (« nous dit Bernard Beugnot ») et je marque du signe [...] les mots ou les passages que je ne reproduis pas;  ici, la citation complète serait :  « la citation a en effet partie liée avec des genres comme la lettre et le dialogue ».  Attention, vous ne remarquez peut-être pas que l'article « la » est maintenant en minuscule (comme il se trouve d'ailleurs dans le texte que je cite).  La graphie du texte cité est intégrée au texte qui le cite, de sorte que la première lettre de la citation est mise en minuscule ou majuscule selon les besoins de la syntaxe.  L'appel de note, ici le numéro 9 entre parenthèses, se met à l'intérieur des guillemets de la citation.  Remarquez enfin que le dernier signe de ponctuation suit la fermeture du guillemet.  La seule exception à cette dernière règle concerne les ponctuations expressives que l'on fait suivre d'un nouveau point, le point final : ce serait, par exemple, « hélas ! (9) ». (point).

   Lorsque la citation ferait plus de trois lignes dans le texte courant, on reproduit le passage, à simple interligne, en retrait et sans guillemets (puisque le retrait remplace les guillemets).  On compte un retrait de dix frappes sur la marge de gauche (et il n'est pas nécessaire d'en faire sur la marge de droite).  En voici un exemple à propos des divers types de citations évoqués par Bernard Beugnot dans son article (citations d'autorité, critiques ou érudites) :

     On est ainsi en présence de toute une gamme d'emplois dont
     l'inventaire précis se montrerait éclairant pour les attitu-
     des prises face à la citation; ce que Malebranche, par
     exemple, raille sous l'expression d'« esprit de polymathie »,
     représente comme la perversion de la citation érudite,
     devenue simple « objet de parade » (Valery Larbaud)
     dont la convocation n'obéit à aucune autre nécessité que
     l'exhibition d'un savoir, corps inerte qui est à l'image
     de l'univers clos où s'enferme le citateur (10).

L'appel de note, comme on le voit, vient encore dans la citation (jamais au nom de l'auteur ou dans la présentation ni dans l'étude de la citation) et avant la ponctuation finale, pour la bonne raison qu'il est dans la phrase.

   Inutile de dire que la citation est toujours littérale.  On prend soin d'ajouter la mention [sic], « c'est ainsi, c'est bien cela », après les fautes qu'on y trouve et que l'on reproduit scrupuleusement.  Disons à ce propos que la citation est de l'ordre du style direct ou du style indirect, comme on dit en grammaire.  En style direct, on peut lui ajouter une incise (par exemple, « nous dit Bernard Beugnot », comme je l'ai écrit plus haut dans la phrase écrite par B. Beugnot);  en style indirect, on met entre parenthèses toutes les transformations grammaticales que l'on doit faire subir à la phrase citée.  Ainsi, en tête de son ouvrage, Antoine Compagnon se présente, enfant, « (les) ciseaux à la main, (il) découpe du papier, du tissu [...].  (Son) geste se voudrait minutieux (11) ».  Il est clair, bien entendu, que l'auteur s'est exprimé à la première personne (parlant de mes ciseaux, écrivant je découpe et mon geste) et qu'on a mis entre parenthèses les transformations dues à la citation en style indirect.

2.3.2  L'appel de note et la note, les nombres (en chiffres ou lettres)

   Comme on le voit, je place dans ce dossier l'appel de note entre parenthèses.  Dans un texte imprimé, comme ce sera le cas de votre dissertation, il faut être le plus discret possible.  On utilise donc le simple exposant.  Le ou les chiffres indiquant le numéro de la note sont surélevés d'un demi-interligne, tout de suite après le mot auquel il se rapporte (sans espace), et dans un corps plus petit si l'on veut.  Par exemple, vous le voyez, mon dernier appel de note est : (11).  Sur papier, je place les chiffres arabes en exposant au dernier mot de la citation, sans parenthèses, devant le guillemet français fermant.  Même chose pour l'appel de note huit (8), qui donne aussi une référence, mais pas la référence à une citation (12) :  dans cette phrase, les appels de note seraient ici en exposant aux mots « note » et « citation » respectivement.  Voyez par exemple l'article de G. Genette que vous devez lire pour ce cours pour voir exactement ce que je veux dire ici.

   On doit éviter de mettre un appel de note sur un nom propre et on ne met jamais d'appel de note sur un chiffre ou un nombre.  C'est l'occasion de préciser qu'on n'utilise le moins possible les chiffres dans notre domaine :  on préfère écrire les nombres en toutes lettres.  On n'écrit jamais, par exemple, que son travail aura 3 parties, mais bien trois parties.  Pourtant, on écrit obligatoirement en chiffres les numéros (de page ou de chapitre, par exemple :  chapitre 11 ou chapitre XI).  On peut écrire en chiffres arabes les âges (25 ans), les mesures (10 cm, 3 km) et généralement toutes les données statistiques, notamment s'il s'agit d'en comparer plusieurs (supposons que l'on doive comparer des livres de 120 et de 800 pages).  On écrit obligatoirement en chiffres romains les siècles :  XVIe et XVIIe siècles.  Et à ce propos, ajoutons quelques précisions typographiques :  on n'écrit jamais XVIIième ou XVIIème, ni XVIIme :  on écrit XVIIe (et on peut mettre la lettre e en exposant).  Avec une machine à écrire classique, on utilise la lettre L minuscule, l, pour représenter le chiffre 1 (le i majuscule, I, ne s'utilise que dans les chiffres romains).

   L'appel de note correspond bien entendu au numéro de la note :  la numérotation est continue du début à la fin de la dissertation (comme elle l'est tout au long d'un article de revue ou du chapitre d'un livre) :  on peut ainsi y renvoyer très simplement, sans mention du numéro de la page.

   Lorsque l'on remet un travail universitaire, on en fait une édition.  Ce travail aura au moins un lecteur, le correcteur.  Voilà pourquoi les notes viennent en bas de page (elles sont « infrapaginales »).  On ne place les notes à la fin du travail, sur des feuilles séparées et à double interligne, que dans le cas où l'on destine le texte à un éditeur qui en fera lui-même l'édition.  Autrement, le lecteur doit avoir la note sous les yeux au moment où il en a besoin.

   La mise en page des notes, contrairement à celle que je fais ici dans ce dossier, obéit à la plus grande simplicité.  Les notes viennent à simple interligne, sans ligne blanche entre elles.  On place simplement le numéro de la note à gauche, sans aucune ponctuation (ni point, ni tiret, ni parenthèse fermante);  on ajuste ensuite la note en retrait.  Les notes sont séparées du texte par un trait de douze frappes (suivi d'une ligne blanche).  Voici à peu près ce que cela donne pour nos trois dernières notes.  Il faut en profiter pour faire observer qu'une note se termine toujours par un point (.), au cas où on ne le remarquerait pas.



10 B. Beugnot, op. cit., p. 11. Antoine Compagnon était en train de
   réaliser le programme que propose ici B. Beugnot: cf. supra,
   n. 7.
11 A. Compagnon, op. cit. n. 7, p. 15.
12 Et il peut fort bien se produire, comme c'est le cas de celle-ci,
   qu'une note contienne non pas une référence, mais un commentaire,
   apportant par exemple des précisions complémentaires.


Il faut un coup d'oeil pour localiser le numéro de la note qui nous intéresse sur la marge de gauche en bas de la page.  Et il est impossible de trouver une mise en page plus simple que celle-ci.  Lorsque la dernière note se poursuit sur la page suivante, on sépare les notes du texte de cette seconde page par un trait non plus de douze frappes, mais par un trait pleine page.  Supposons que je reporte les deux dernières lignes de la note douze, cela se verra clairement à la page suivante, même si la première ligne se terminait par un point.  Voici le bas de la page suivante.



   note contienne non pas une référence, mais un commentaire, apportant
   par exemple des précisions complémentaires.
13 Pierre Popovic, « Note provisoire sur une loquèle inachevée (l'Homme
   rapaillé
de Gaston Miron) », Voix et Images (Montréal),
   vol. 21, no 3 (printemps 1996), p. 507-517.
14 A. V. Thomas, Dictionnaire des difficultés de la langue
   française
, Paris, Larousse, 1956.


2.3.3  La référence

   La référence bibliographique comprend trois champs.  Le nom, le titre et l'adresse, exactement comme l'en-tête ou la page de titre.

   Dans une note on n'inverse jamais le prénom et le nom d'un auteur et on ne met pas son nom en lettres majuscules.  On inverse le prénom et le nom et on écrit le nom en lettres majuscules dans un cas très précis :  dans les bibliographies, et seulement lorsque les ouvrages sont placés par ordre alphabétique des auteurs, comme c'est le cas de la seconde  section de la bibliographie du présent exposé, mais pas de la première, où les ouvrages ne sont pas classés dans l'ordre alphabétique.  En tête de la référence bibliographique, prénom et nom viennent donc normalement en ordre !

   Suit le titre.  Le titre de l'article ou du chapitre se met entre guillemets, comme on le voit dans les notes (3) ou (8).  Suit le titre de la revue ou du livre où l'article se trouve.  Ce titre se met en italique (ou en souligné).  Cette règle s'applique tout aussi bien dans le corps du texte :  en général, on met entre guillemets les titres d'oeuvres (« Candide ») et en italique (ou en souligné) les titres de livres (Candide si l'on désigne le livre publié sous ce titre par Voltaire, Romans et contes, pour désigner le recueil où l'on trouve généralement « Candide »).  C'est à la suite du titre que l'on trouve le nom de celui qu'il est convenu d'appeler l'« éditeur intellectuel » en français, c'est-à-dire l'auteur de l'édition critique ou le responsable de l'édition documentaire.  C'est le cas de l'édition par René Nollet (éd. René Nollet) du discours de Buffon à la note (2).

   L'adresse bibliographique comprend elle aussi également trois champs :  la ville, l'éditeur et la date.  Il faut faire attention que le nom de la ville de publication n'est pas forcément celle où le livre est imprimé, ni celle où l'on a enregistré le copyright.  Il faut donc connaître la ville où se trouve l'éditeur :  Gallimard ou Les Presses universitaire de France sont à Paris, Le Cercle du Livre de France et Fides sont à Montréal.

   Au nom abrégé de l'éditeur (Seuil, plutôt qu'Éditions du Seuil; Gallimard, plutôt qu'Éditions Gallimard), on ajoute, entre parenthèses le nom de collection (abrégé coll. et non col. réservée pour colonne), que l'on donne entre guillemets.  Voir les notes (3) et (6), par exemple, qui distinguent les collections « Tel quel » et « Poétique » du Seuil.  Dans le cas des revues, on peut faire suivre leur titre du nom de la ville d'édition entre parenthèses; on en donne ensuite les numéros du volume (vol.) et du ou des numéros (no ou au pluriel : nos, en mettant les lettres finales o et os en exposant si possible), en chiffres arabes, suivis de la date de parution entre parenthèses.  Soit, par exemple, la référence au titre incroyable que Pierre Popovic a donné à son dernier article sur Gaston Miron (13).

   La date d'édition correspond généralement à la date de l'achevé d'imprimer (que l'on trouve souvent à la toute fin du livre en édition francophone), mais dans le cas de la première impression seulement, malheureusement.  Autrement, elle peut ne correspondre ni à l'achevé d'imprimer de la réimpression, ni à celle du copyright.  Comme dans le cas de la ville de l'éditeur, il faut la connaître.  Dans le cas où on ne la trouve pas, on donne celle du copyright, en la faisant précéder du petit c, sans espace (« c1973 » = l'année du copyright est 1973).

   Avant de donner la référence proprement dite d'une citation, c'est-à-dire le numéro de la page sur laquelle elle se trouve dans le livre ou l'article, on donne généralement les pages où se trouve l'article ou le nombre de pages du livre.  Pour l'article, on dit qu'il se trouve de la page 507 à 517, dans l'exemple qu'on vient de donner (13), sous la forme suivante : p. 507-517.  Le pluriel pp. est une abréviation anglaise (on ne l'emploie donc jamais);  on n'écrit pas « page » en toutes lettres et un simple tiret sépare les numéros de la première et de la dernière pages.  Lorsque le texte cité court sur deux pages, mettons 507 et 508, la référence se donne de la même manière : p. 507-508.  C'était le cas de la citation de Buffon, note (2), p. 13-14.  Pour compter le nombre de pages d'un livre, on donne en chiffres romains les premières pages numérotées de cette façon ou celles qui précèdent la page 1, s'il y a lieu;  on donne ensuite le nombre de pages en chiffre arabe, en les comptant jusqu'à (et y compris) l'achevé d'imprimer.  Ainsi l'ouvrage de L.-É. Blanchet qu'on trouve en bg. 7  comprend :  VIII-158 p.

2.3.3 bis   La référence aux oeuvres et aux études non imprimées

   On cite exactement comme un article de revue une émission de radio ou de télévision (que l'on aura pris soin d'enregistrer) : cela signifie que l'on en donne précisément la date de diffusion (du genre : « L'oeuvre de Kafka », le Cercle de minuit, émission de TV5, 3 février 1997, 23h30).  Il n'est pas trop difficile de citer de la même manière, plus précisément comme s'il s'agissait d'un recueil, un disque (audio) vinyle ou laser, une cassette audio ou vidéo, de même qu'un disque multimédias (du genre : Philippe Quéau, « Internet, média du futur », le Monde diplomatique, juin 1995, repris dans le Monde diplomatique sur CD-ROM, nov. 1989 - sept. 1996, disque multimédias, Paris et Montréal, Le Monde et CEDROM-SNI, 1996).

   Mais dans le cas particulier de l'information en direct prise sur Internet ou Minitel, par exemple, l'adresse bibliographique ne suffit pas; il faut ajouter deux types de renseignements importants : le premier est la date de consultation, car les fichiers se transforment rapidement, et le second type de renseignements attendus sera un ou deux éléments stables qui permettront de retrouver le fichier dans quelques années, lorsqu'il aura changé d'adresse, ce qui se produit très souvent, notamment à cause des déplacements et des restructurations des fichiers informatiques (ces éléments stables peuvent être l'adresse postale, le nom du responsable et le numéro de téléphone, par exemple).  Voici donc comment se rédigerait la référence au TLF dans la note 5 de notre dissertation, supposons :

5  Ces renseignements sont tirés du corpus du Trésor de la langue
   française (TLF) consulté le 3 février 1997 à l'American and French
   Research on the Treasury of the French Language (AFRTFL Project) :
   http://humanities.uchicago.edu/ARTFL (adresse postale : University
   of Chicago, Department of Romance Languages and Literatures,
   Chicago, Illinois 60637, USA; téléphone : 773-702-8488;
   responsable : Mark Olsen).

2.3.4  La transcription des titres

   Donner le titre d'un livre paraît une chose fort simple.  Cela peut devenir un véritable casse-tête si l'on ne connaît pas les règles élémentaires de transcription qui tiennent autant de la syntaxe que de la bibliographie.

   Si l'on veut intégrer le sous-titre d'un article ou d'un livre, le plus simple est de le séparer du titre par les deux-points dans tous les cas où il n'est pas lié par une conjonction (on écrit « Candide ou l'optimisme » et « Micromégas : histoire philosophique » sont deux contes de Voltaire).

   Pour tout ce qui concerne l'usage des majuscules dans les titres, il faut toujours appliquer rigoureusement les règles du Dictionnaire des difficultés de la langue française d'Adolphe V. Thomas à l'article « Titre (14) ».  Je les résume rapidement, en les généralisant.  Dans les titres, on utilise les majuscules pour les mêmes raisons que dans n'importe quel texte (pour les noms propres de personne ou de personnage, par exemple).  Cela dit, on ajoute la majuscule au premier mot et au premier mot seulement des titres d'article ou de chapitre que l'on met entre guillemets.  Dans le cas des titres des livres, qui sont soulignés ou en italique, on fait la même chose, SAUF si ce titre commence par un article défini (le, la, les).  Dans ce cas, l'article prend la minuscule, tandis qu'on met la majuscule au premier substantif qui suit de même qu'à tous les adjectifs qualificatifs qui précèdent éventuellement ce premier substantif et lui seulement (la Divine Comédie, les Beaux, Bons et Jolis Péchés d'une marchande de mode ou la Belle Dame blonde sans merci).  Cela donne donc (soyons sérieux!) le Devoir, la Nouvelle Héloïse, les Fleurs du mal, Splendeurs et misères des courtisanes et la Seconde Main ou le Travail de la citation (quand un titre comprend deux syntagmes unis par « ou », on considère qu'il s'agit de deux titres).

   J'insiste sur le fait que ces règles simples se justifient par la structure du titre, par le critère du classement bibliographique des livres et par l'intégration syntaxique d'un titre dans le corps d'une phrase.   Dans le corps du texte, en effet, il serait tout à fait inattendu que l'article prenne la majuscule dans un syntagme nominal :  prenons par exemple celui du journal le Devoir ou disons, justement, le titre du Devoir (on n'écrira jamais, bien entendu, le titre de Le Devoir), pour l'opposer à celui de La guerre de Troie n'aura pas lieu ou celui d'Un homme et son péché, soit une phrase complète, soit un syntagme qu'on doit pouvoir distinguer d'une référence à un éventuel ouvrage sur l'Homme et son péché).  Or, en effet, dans le classement alphabétique, le Devoir se range à la lettre D et non à la lettre L (tandis qu'Un homme et son péché se classe à la lettre U).  Je vous invite donc à consulter le dictionnaire d'A. V. Thomas qui vous apprendra en outre que le verbe ou l'adjectif s'accordent généralement en nombre (et même en genre) avec un titre :  on écrira « Madame Bovary, souvent adaptée au théâtre, vient d'être portée à l'écran par Claude Chabrol ».  Lorsqu'on prépare une dissertation sur Bérénice, souvent jouée, c'est utile à savoir, n'est-ce pas ?

2.3.5  Le renvoi et les systèmes de renvois

   Lorsqu'on a déjà donné la référence d'un ouvrage et qu'on veut y renvoyer à nouveau, lorsqu'on s'apprête à renvoyer plusieurs fois notre lecteur à un même ouvrage, on peut le faire de plusieurs façons.  Il existe toutefois trois méthodes courantes dans les études littéraires.

   Je vous présente d'abord la méthode qui est devenue classique, celle que vous devrez utiliser pour votre dissertation (avec celle que je vous présenterai ensuite, si vous le désirez), pour la simple raison que c'est précisément celle que vous trouverez dans la plupart des études littéraires rédigées en français.  Elle consiste à utiliser une petite série d'abréviations latines, qu'on peut tout aussi bien traduire en français sans rien changer au système.  Ce sont celles que vous avez vues dans mes notes jusqu'ici :  idem = le même [auteur], celui dont il était question à la note précédente;  ibid. (pour ibidem) = dans le même [ouvrage] dont il était question à la note précédente; op. cit. (= opus citatum, l'oeuvre déjà citée, ou opere citato = dans l'oeuvre citée) et on fera bien de préciser où, comme je le fais ici note (11) :  « A. Compagnon, op. cit. n. 7, p. 15 », ce qui se traduit « Antoine Compagnon, oeuvre citée note 7, page 15 ».  Revoyez rapidement les notes, à partir de la première (1), et regardez comment s'y distribuent les points d'abréviation et les espaces :  l'abréviation latine, avec son point d'abréviation, est presque toujours suivie d'une virgule, mais si tel n'est pas le cas, les points d'abréviation ne sont suivis que d'UN espace (et non de deux, comme c'est le cas du point de ponctuation), ainsi qu'on le voit dans l'indication suivante: op. cit. n. 3, soit : op. (+ un espace) cit. (+ un espace) n. (+ un espace). Il y a toujours un espace entre « p. » et le numéro de la page; il y a un espace entre les deux parties de l'abréviation « op. cit. », pas de virgule entre cette abréviation et « n. », qui indiquera le numéro de la note et enfin un espace entre « n. » et le numéro de la note.  Vous avez cela sous les yeux tous les jours dans les articles que vous lisez et consultez.  Vous rencontrerez encore quelques abréviations moins courantes :  loc. cit. (locus citatum = à l'endroit cité), supra (= plus haut), infra (= plus bas) ou passim (= ici et là dans l'ouvrage).

   Lorsque l'on doit citer très souvent des extraits d'une ou de quelques oeuvres, par exemple l'oeuvre sur laquelle porte principalement une dissertation ou un article, on peut tout simplement en donner la référence entre parenthèses.  Reprenons par exemple un fragment de notre extrait de l'article de Bernard Beugnot, celui où il nous rappelle que la citation a « partie liée avec des genres (p. 8) » très importants.  On le voit, la référence suit simplement la citation dans le texte.  Pour cela, il suffit de l'avoir indiqué, au moment de la première citation, dans la note où l'on donne la référence complète à l'ouvrage, comme je vais le faire ici, pour vous en donner un exemple (15).  Je peux ensuite renvoyer à la bibliographie de son article (p. 14-19), pour en signaler l'importance, sans avoir à en faire une note, ou en citer la conclusion, qui compare la citation aux « grandes figures [de style] classiques (p. 13) ».  Je peux renvoyer ainsi aux pages 14-19 et ensuite à la page 13 de cet article sans avoir à faire une note infrapaginale (mais la pagination vient toujours entre parenthèses, comme dans la phrase précédente, jamais dans le texte comme dans la présente phrase).  La seule condition à respecter est qu'il n'y ait aucune ambiguïté possible.

   La troisième méthode efficace dans notre domaine consiste à utiliser la bibliographie du travail, qui doit alors contenir toutes les références.  Il suffit en effet d'y renvoyer, soit dans les notes, soit dans le texte même.  On peut faire cela de plusieurs façons.  En rangeant les auteurs par ordre alphabétique et leurs ouvrages par ordre chronologique, il suffit de renvoyer au nom de l'auteur et à la date de parution de l'ouvrage en question.  Nos seconde et troisième notes, (2) et (3), porteraient alors les références suivantes :

2  Buffon (Georges-Louis Leclerc), 1753, p. 13-14.
3  G. Genette, 1969b, p. 40.  Ici, je suppose arbitrairement que l'ar-
   ticle de G. Genette serait le second ouvrage de lui répertorié en 1969
   dans la bibliographie (d'où la référence « 1969b »).

Ce qu'on peut tout aussi bien faire dans le corps du texte, ce qui permet d'éliminer toutes les notes de références (pour ne conserver que les notes de commentaires).  Supposons que je reprenne la formule célèbre (2) selon laquelle « le style est l'homme même (Buffon, 1753, p. 22) », on voit comment la référence s'y présente.

   On peut procéder d'une autre manière.  En numérotant tous les ouvrages de la bibliographie, on y renvoie tout simplement par leur numéro d'ordre.  Supposons que l'ouvrage de Buffon est le troisième et celui de G. Genette le douzième dans la bibliographie du travail, les deux notes porteraient les références suivantes, où bg. est mis pour « bibliographie » :

2  Buffon (Georges-Louis Leclerc), bg. 3, p. 13-14.
3  Gérard Genette, bg. 12, p. 40.

Et bien entendu, on peut encore avantageusement utiliser le système dans le corps du texte.  Voici la forme que prendrait la référence de la formule de plus en plus célèbre :  « le style est l'homme même (Buffon, bg. 3, p. 22) ».

   Avec ce système, on évite les renvois un peu alambiqués des ibid., op. cit. et loc. cit..  En plus, on n'a pas à recopier en note ce qu'on trouvera en bibliographie.  En revanche, le lecteur n'a pas sous les yeux, au moment précis où il en a besoin, les informations qu'il doit chercher à la bibliographie.  C'est pour cette raison que l'on préfère le système classique du renvoi à la première note où un ouvrage est cité.  Dans les études littéraires, il est souvent essentiel, extrêmement significatif, impérieux de savoir tout de suite et très précisément de quelle oeuvre, de quel livre, voire de quelle édition une citation est faite.  Aussi préfère-t-on en donner la référence en note, pour le lecteur, même si les renseignements se retrouveront à la bibliographie.  D'ailleurs, il ne s'agit pas vraiment d'une répétition :  le sommaire de la bibliographie s'adresse à celui qui consulte le livre, tandis qu'il sert de « signets » au lecteur, qui a pris connaissance des ouvrages cités au fil du texte, sachant qu'il peut en retrouver les références sans avoir à les noter.  C'est le cas ici de la référence au dictionnaire de A. V. Thomas que vous trouvez en note (14) et à la bibliographie (bg. 4).

   Microtechnique.  Sachez qu'on ne pardonne jamais une faute de référence.  Si par malheur il vous arrive de renvoyer votre lecteur à la mauvaise page, à la mauvaise édition ou au mauvais livre, si vous lui faites perdre bêtement son temps, vous serez la première victime de sa mauvaise humeur.  Aussi, une fois votre dissertation bien mise au net, prenez le temps de faire minutieusement les vérifications suivantes :  revoyez vos références une à une en vous reportant aux oeuvres citées (car des fautes de transcription ont pu se glisser à plusieurs étapes de votre travail) et profitez-en pour confronter le mot à mot de chacune de vos citations sur l'original.  Retournez en bibliothèque au besoin.  Ne prenez jamais aucun risque.

3  Conclusion : le cours est fini

   Quel pinaillage !

   Un, deux, deux centimètres et demi à gauche, un, deux, deux centimètres à droite, caractères en dix points (pas en douze), du courrier (pas du times), demi-tour à droite, notes en bas de page, de numérotation continue, quart de tour à gauche, pagination en haut, au centre, mais pas sur la première page de texte...  Quel pinaillage !

   Tout à fait juste.  D'autant plus que ce long exposé de petits détails folichons n'est qu'un résumé succinct des principales règles de présentation matérielle qu'on doit savoir appliquer au cours des trois années du baccalauréat en études françaises.  Vous voudrez parfois vous reporter à la bibliographie  pour savoir comment on règle généralement des questions qui ne sont pas étudiées ici (comment placer des tableaux dans un texte ?  comment présenter sa bibliographie ?  ou comment ciel ! placer la référence à une citation qui se trouve citée à l'intérieur d'une citation ?).  Voilà pourtant la compétence la plus élémentaire que devrait donner une formation universitaire dans le domaine des études littéraires :  après la correction d'épreuves, c'est l'habilité à présenter de manière parfaitement rigoureuse un rapport de recherche.  C'est bien la moindre des choses.  Si je peux étudier le Coup de dés de Stéphane Mallarmé ou les Calligrammes de Guillaume Apollinaire, si je connais les rudiments de la bibliographie matérielle, si j'ai compris que le support matériel d'une oeuvre littéraire en faisait généralement partie, c'est donc que je peux appliquer cette sensibilité et ces connaissances à la présentation matérielle d'un travail de recherche.  Le petit tas de feuilles à remettre le 10 mars prochain, ce sera en tout cas un petit chef-d'oeuvre visuel.  Ce sera déjà ça.

   Microtechniques.  Un renseignement et un conseil.  Le renseignement tient en une phrase :  avec une méthode de dactylographie, on parvient à taper à la machine plus vite qu'on ne saurait écrire à la plume en moins de deux mois, à raison de huit minutes de pratique par jour.  Le conseil :  tapez vous-même vos travaux.  C'est lorsqu'on doit appliquer pour la première fois des règles de présentation matérielle à un travail écrit que cela est long et difficile.  Et aussi fort ennuyant.  En revanche, le faire une seconde fois est vraiment très simple et en changer, enfantin.  Certains ont déjà eu la chance d'apprendre au collège qu'on ne saurait remettre un torchon lorsqu'on respecte ses textes et ceux à qui on les destine.  Ceux-là auront aussi compris qu'on peut toujours améliorer la présentation matérielle de ses travaux de recherche.  Alors une pratique élémentaire s'impose :  il faut faire soi-même la dactylographie et la présentation matérielle de ses travaux, parce qu'on en est personnellement responsable, mais surtout pour s'en donner la compétence.  Encore une fois :  ce sera déjà ça !

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