1) 8: 24 P 1868, B 1869 humains au >
humains, au
2) 9: 1 P 1868, B 1869 Moi je >
Moi, je
3) 9: 2 P 1868, B 1869 cruauté, délices >
cruauté !
Délices
4) 9: 2 P 1868,
artificielles,
mais > artificielles; mais
5) 9: 3 P 1868, B 1869 mais qui >
mais, qui
6) 9: 10 P 1868, B 1869 mais ce >
mais, ce
7) 9: 11 P 1868, B 1869 car avec >
car, avec
8) 9: 11 P 1868, B 1869 main je >
main, je
9) 9: 14 P 1868, B 1869 contraire il >
contraire, il
10) 9: 15 P 1868 B 1869 Maldoror
> son héros
11) 9: 16 P 1868 B 1869 hommes : > hommes.
Comme à la strophe
précédente,
l'édition de
Bordeaux
ne présente aucune variante par rapport à la
première
édition, y compris les deux-points qui annoncent la strophe
suivante,
comme
celle-ci le fera encore à son tour. Il ne s'agissait donc
pas d'une
coquille, comme on pourrait le penser à première vue,
bien que
la
liaison ne sera finalement pas retenue (P 1899), probablement
parce
qu'elle
contredit l'« autonomie » des strophes,
même
lorsqu'elles
s'inspirent de celle qui précède.
Remplacer le nom de Maldoror par le syntagme
« son
héros » contribue à mettre l'accent sur
l'auteur et son
projet, qui sont le sujet de la strophe.
(a) Renversement de perspective :
on
écrit
évidement pour trouver ou pour obtenir des
applaudissements. J'y
reviens n. (c).
(b) Pour la compréhension
littérale
du texte,
il
faut voir qu'on trouve ici la forme minimale du
tête-à-queue qui
consiste simplement à tranformer le complément
déterminatif
(des hommes) en adjectif déterminatif (humain), de
façon
à
créer un flottement que le lecteur doit évidemment
interpréter. Pris comme adjectif qualificatif, les
applaudissements
humains s'opposeraient à d'autres
applaudissements... La
figure de style
artiste a donc un impact thématique propre à relier
la
Providence
à l'Éternel en regard des hommes.
(c) La réalisation très
particulière de
la
première phrase, et surtout de sa proposition principale,
procède de
la réécriture d'une expression comme celle-ci, dans
le cas
où
l'on tenterait de défaire toutes ses
périphrases : il y a
des
écrivains qui recherchent le succès dans la
bonté, celle de
leurs qualités imaginaires ou supposées. L'indice de
ce jeu de
réécriture se trouve évidemment dans le verbe
rechercher
(a) qui aurait dû être remplacé
par un
antonyme.
(d) Dans la logique des deux
premières
strophes, il
s'agit
d'un pluriel, qui désigne les lecteurs, ce qui se comprend
dans la
continuité des applaudissements humains. Si le vouvoiement
peut venir
à l'esprit (comme on le voit chez plusieurs traducteurs),
c'est
à
cause du contraste dont il sera tout de suite question.
(e) Ce n'est pas à cause des
périphrases que
ce
fragment amusant se comprend mal, mais parce que
« hérisser », « dresser les
cheveux sur
la
tête », paraît employé à
rebours.
Normalement,
l'homme se hérisse de peur (ou s'il est indigné, sur
la
défensive, dans le sens abstrait). Par ses points de
suspension, le
narrateur semble analyser le renversement qui s'est
opéré depuis
le
début de la strophe : s'étant
présenté
d'abord
comme le peintre de la cruauté, propre à faire peur,
le voici
à solliciter l'écoute de ses lecteurs (d'où la
teinte de
vouvoiement dans cette sollicitation). Hérisser ne
s'emploie en ce
sens
qu'appliqué aux animaux : le chien de garde, en
particulier, se
hérisse de fureur.
(1) « Le génie ne
peut-il pas
s'allier avec
la
cruauté dans les résolutions secrètes de la
Providence ? » donne lieu à un assez
extraordinaire
contresens dans la première traduction en espagnol, qui
interprète : « le génie ne peut-il pas
s'éloigner avec (alejarse con) la cruauté
dans les
résolutions secrètes de la
providence ? » !
(Gómez). Or, cette lecture est bien instructive et toute
naturelle, si
l'on
a en tête la conclusion de la strophe
précédente qui
affirme
justement que le mal ne saurait s'allier avec le bien,
d'où
il devrait
suivre que le génie ne saurait donc s'allier avec
la
cruauté...
Julio Gómez de la Serna ignore
manifestement les secrets
desseins de
la
Providence. En revanche, sa correction désigne
précisément
le moteur de la présente strophe qui trouve encore une fois
sa source
d'inspiration dans la strophe qui la précède.
(2) Marcel Jean et Arpad Mezei
croyaient ce
passage
inspiré
de la première phrase de l'extrait suivant du Paradise
lost
de John
Milton : « Faire le bien, dit Satan à
Béelzébuth, ne sera jamais notre tâche;
faire toujours
le mal
sera notre seul délice, comme étant le contraire
de la
haute
volonté de celui auquel nous résistons. Si donc
sa
providence
cherche à tirer le bien de notre mal, nous devons
travailler
à
pervertir cette fin, et à trouver encore dans le bien des
moyens du
mal » (1: 158-164, traduction de Chateaubriand,
p. 121).
Comme on le voit, c'est plutôt le second
fragment
souligné qui
pourrait transparaître sous la plume d'Isidore Ducasse ou
tout le
passage.
Mais en réalité, Jean et Mezei ont découvert
ici une
source
encore bien plus juste qu'ils ne le devinaient : ce n'est pas
une
phrase,
c'est toute la dialectique de Milton qu'on retrouve dans ce
fragment et, pour
mieux
dire encore, et plus simplement, « le
Maldoror de Milton » !
L'adéquation ainsi posée entre
le Maldoror de
Lautréamont
et
le Satan du Paradis perdu autorise à bon droit la
relecture
de la strophe
précédente (1.3), évidemment : ce
héros qui
fut
« bon » durant ces premières
années
où il
vécu « heureux », « il
s'aperçut
ensuite qu'il était né
méchant ».
Voilà
très précisément le Satan du poème qui
n'en dit
pas
plus sur ces belles années précédant la chute
(exactement
comme notre auteur qui l'établit en quelques lignes :
« c'est
fait » !). Du coup, la variante prend le sens fort
qu'on
pouvait
deviner dès la première lecture : si Maldoror
est
né
méchant, c'est bien entendu qu'il a été
créé
tel. Si aucun rapprochement textuel ne confirme cette comparaison
dans la
strophe
1.3, non seulement il est clair que rien ne l'interdit, mais au
contraire tout
porte à croire que ce Satan-là sert de modèle
au portrait
de
Maldoror qui commence avec cette strophe. C'est ce que dit assez
clairement
la
présente strophe et ce que confirme la source de son
imaginaire.
Contresens :
1) « Pour moi, j'ai du génie mais... »
(p. 57).
Du génie (= aptitude exceptionnelle) et
son
génie
(= talent), cela ne signifie pas la même chose.
2) « Vous êtes étonnés, lecteur, de
voir... » (p. 57). Pas de lecteurs et encore moins
de lecteur
étonnés dans cette strophe.
3) Un « écrivain [...] génial »
(p. 57) :
redoublement du contresens. D'abord, un écrivain de talent
n'est pas
nécessairement génial; en tout cas, ce n'est pas la
même
chose. Ensuite, comme toujours, Robert Faurisson est passé
de
Lautréamont à Maldoror, ce qui est d'autant plus
aberrant que
le
narrateur parle clairement de son héros dans cette strophe.
Le
contresens
devient total.
4) « Recouvrons tout notre sang-froid car, avec cette
partie du
corps
humain qui termine le bras, je suis parvenu facilement et
congrûment
à
les remettre dans leur première position » (p.
57). Notre critique nous invente, je ne sais pourquoi cette belle
priphrase; mais elle est hors propos, car le narrateur se passe
simplement la main dans
les cheveux. La périphrase suggère une redondance,
ce qui est un contresens, évidemment.
5) En vrac : héros prend le sens
d'« héroïque », les cavatines sont
sublimes et,
on s'en doute, c'est Maldoror qui fait entendre ses
Chants.
Total : sept contresens en une seule petite
page.
Encore
n'ai-je pas tout relevé, bien entendu. C'est
déjà trop.
Passons outre.
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