1) 15: 11 P 1868
verluisant
>
ver luisant
2) 15: 15 P 1868, B 1869
sang
à >: sang, à
3) 15: 18 B 1869 ruines
# ruine
4) 15: 22 P 1868, B 1869
temps une > temps, une
5) 15: 23 P 1868, B 1869 Moi
à >
Moi, à
6) 15: 24 P 1868, B 1869 à
elle avec
>
à elle, avec
7) 16: 1 P 1868 ver-luisant > ver luisant
8) 16: 1 P 1868, B 1869 le
ver(-)luisant
à
moi > le ver luisant, à
moi
9) 16: 2 P 1868, B 1869
tue-la » —
Pourquoi ? lui
dis-je. Lui >
tue-la — Pourquoi ? lui dis-je ».
Lui
10) 16: 3 P 1868, B 1869
Prends-garde > Prends garde
11) 16: 3 P 1868, B
1869
à
toi, le plus > à toi; le plus
12) 16: 4 P 1868 s'appelle la prostitution > B 1869
s'appelle
la Prostitution > s'appelle Prostitution
13) 16: 6 P 1868, B
1869
inconnue. « Je pris
> inconnue.
Je
pris
14) 16: 7 P 1868, B 1869
pierre, après > pierre;
après
15) 16: 7 P 1868, B 1869 effort je
>
effort, je
16) 16: 8 P 1868, B 1869 je la
soulevai à peine > je la soulevai avec peine
17) 16: 9 P 1868, B
1869
bras, je gravis > bras. Je
gravis
18) 16: 10 P 1868, B
1869
une haute montagne > une
montagne
19) 16: 10 P 1868, B 1869
sommet; de là > sommet :
de là
20) 16: 10 P 1868, B 1869 de
là
j'écrasai > de là,
j'écrasai
21) 16: 11 P 1868
ver-luisant > ver luisant
22) 16: 12 P 1868, B 1869
d'homme, la pierre gt; d'homme; la
pierre
23) 16: 13 P 1868, B
1869
églises; elle >
églises. Elle
24) 16: 13 P 1868, B 1869 un lac
dont > un
lac, dont
25) 16: 14 P 1868, B 1869 instant
tournoyantes
>
instant, tournoyantes
26) 16: 16 P 1868, B 1869
surface, la lumière > surface;
la lumière
27) 16: 18 P 1868, B 1869 Moi
à elle
>
Moi, à elle
28) 16: 19 P 1868, B 1869 faute si
>
faute, si
29) 16: 20 P 1868, B 1869 Elle
à moi
>
Elle, à moi
30) 16: 20 P 1868, B 1869 Un jour
les > Un
jour, les
31) 16: 22 P 1868, B 1869 partir
pour >
partir, pour
32) 16: 25 P 1868, B 1869
abîmes qui
>
abîmes, qui
33) 16: 26 P 1868, B 1869 Moi
à elle
>
Moi, à elle
34) 16: 26 P 1868, B
1869
Adieux !... encore >
Adieux !
Encore
35) 16: 27 P 1868, B 1869
adieux !... je t'aimerai > adieux ! Je t'aimerai
36) 16: 27 P 1868, B 1869
toujours !
Dès > toujours !...
Dès
37) 17: 3 P 1868, B 1869 qui depuis
longtemps
ont
> qui, depuis longtemps,
ont
38) 17: 6 P 1868, B 1869 passe, c' > passe :
ce
39) 17: 6 P 1868, B 1869 c'est >
ce n'est que
40) 17: 7 P 1868, B
1869 du
Montévidéen. Enfants > du
Montévidéen ». Enfants
Cette coquille des deux premières
éditions est
vraiment
regrettable,
car rien ne nous permet de croire que la correction a
été faite
correctement à la troisième édition. Au
contraire. Cf.
n. (p).
41) 17: 8 P 1868, B
1869
Alors,
agenouillez-vous, pleins de miséricorde > Alors, pleins
de
miséricorde, agenouillez-vous
42) 17: 9 P 1868, B 1869 ..., et > ...;
et
Pas d'additions ou de soustractions
significatives, mais de
nombreuses petites
corrections. Et les variantes de la ponctuation sont à
nouveau
très
fréquentes, soit pour marquer les ellipses, comme celle de
la variante
(4), soit encore pour isoler les circonstanciels (2), soit même pour isoler des propositions,
en faisant
de
nouvelles phrases (17), (23)
et (34).
On peut imaginer que l'orthographe verluisant (1), en un seul mot, puisse être de Ducasse,
de sorte que
le
typographe de la première édition corrige les
deuxième
(7) et troisième (21)
occurrences en
ajoutant un trait d'union (ver-luisant). Pourquoi ? Parce que
si
l'orthographe est corrigée dès la seconde
édition, c'est
tout
simplement que le mot composé fait partie d'une série
de mots
fréquents et usuels (ver de terre, ver solitaire et ver
à soie).
Je
le signale en me disant que Ducasse n'a peut-être pas du tout
à
l'esprit l'« analyse » du mot composé
(et j'y pense
parce qu'au Québec la luciole et le lampyre s'appellent
aussi d'un mot
composé, mais plus flamboyant encore : c'est la mouche
à
feu).
S'il écrit ver luisant, le Montévidéen pense
certainement
la
réalité concrète sous son vrai nom :
luciérna,
luciérnaga ! C'est à dire en espagnol. Je
signale qu'en
Uruguay l'insecte en question est beaucoup plus gros et s'y
multiplie en plus
grand
nombre que je n'en ai jamais vu sous nos latitudes.
Cela dit, il faut convenir que le ver luisant
désigne
préférablement l'insecte femelle rampant,
dépourvue
d'ailes,
tandis que la luciérnaga correspond plutôt à
l'insecte
volant;
or c'est bien le premier qu'on peut écraser, non le
second.
De nombreuses coquilles sont reproduites
scrupuleusement à
la seconde
édition, qui en ajoute, mais sont corrigées à
la
troisième, notamment la disposition des guillemets. Au
premier
échange de répliques avec le ver luisant, les
guillemets
étaient fermés par erreur après la
première
réplique (9). Plus loin, les guillemets
s'ouvraient
inopinément sans raison (13). Pire
encore, dans le
cas
de la dernière réplique, les guillemets
n'étaient pas
fermés (40).
Enfin, je pense qu'il faut signaler la
curiosité qui
consiste en une
simple
inversion (41) de l'attribut du
complément direct
(« pleins de miséricorde »),
placé
après,
puis avant le syntagme verbal
(« agenouillez-vous »).
Pourquoi ? D'abord parce que c'est la première fois
qu'on
rencontre
un déplacement dans la réécriture, mais
ensuite parce
que,
c'est le cas de le dire, c'est bonnet blanc et blanc bonnet, car on
n'en voit
pas
la nécessité, le sens ou la portée, alors que
précisément l'ordre des mots attendus en
français n'est
pas
toujours respecté par Ducasse et qu'il n'y change jamais
rien à
la
troisième édition...
Cette curiosité fait ressortir par
contraste une
caractéristique
très nette de l'intervention de l'auteur à la
troisième
édition : le poète ne s'y livre pratiquement
jamais
à
des caprices de reformulations stylistiques, qui pourraient donner
l'impression
d'un embellissement ou d'une amélioration de l'expression.
Ce serait
plutôt l'inverse, comme on le voit avec la soustraction
très
inattendue de l'adjectif qualifiant une haute montagne (18).
(a) Dans le contexte immédiat
de la
première
phrase,
le mot a une très forte connotation. Il s'agit du pacte
avec le
diable,
avec une puissance diabolique, une force du mal.
Lautréamont a vendu son âme
à la prostitution.
Mais en
échange de quoi ?
En effet, mais c'est là une importante
caractéristique narrative
des
Chants, le mot ne convient pas du tout à l'histoire
qui
précisément se propose de l'expliquer,
c'est-à-dire au
contexte de la strophe dans son ensemble. Le lecteur qui la relit
ne peut
manquer
de constater cette inadéquation. Si l'on cherche le mot
juste, celui
qui
conviendrait à la situation finale de l'histoire
racontée dans
la
strophe, on trouve sans peine le mot contrat, qui
désignerait un
échange de serments (amoureux), et non pas une entente
légale,
comme
dans le contrat de mariage qui, incidemment, n'a pas de
correspondant en
espagnol
où on utilise le pluriel las capitulaciones
matrimoniales : tengo
unas
capitulaciones con la prostitución, j'ai un contrat avec la
prostitution...
Cela dit, il ne s'agit nullement d'un hispanisme, ni même
d'un mot
employé dans un sens qu'il n'a pas en français.
Disons les
choses
comme ceci : il s'agit d'un vocable qui échange son
sens avec
celui de
l'histoire qu'il lance, de sorte qu'il prend un sens second dans la
mesure
où il ne change pas lui-même la signification de
l'histoire.
Après tout, si le narrateur nous dit qu'il a fait un pacte
avec la
prostitution, il suffit de l'ajouter à l'histoire qui
n'en
comprend
pas ou ne le raconte pas !
(b) Liaison. Ce mot, vague à
souhait, ne
poserait
aucun
problème n'était la situation temporelle qu'il est
censé
déterminer en regard de la suite. En effet, aucun des
événements racontés dans la strophe ne
paraît se
situer
le jour suivant le pacte, puisque tous les éléments
paraissent
venir
les uns à la suite des autres sans qu'on puisse en situer
aucun le jour
suivant). Dès lors, la liaison ne désigne pas le
pacte, comme
on
serait pourtant porté à le croire (este peligroso
acuerdo,
traduit
explicitement Pariente). Le mot relation a donc son sens
très courant
et
populaire, précisément dans le langage des rapports
amoureux,
de
relation amoureuse illicite.
Surgit alors la question du caractère
ponctuel du rapport
amoureux en
regard
duquel on peut se situer la nuit précédente. On peut
comprendre
qu'il s'agit du début de la relation, mais également
du rapport
sexuel. Inutile d'ajouter que si l'on doit s'interroger à
ce propos,
c'est
précisément que la liaison avec cette belle femme nue
qu'on a
désignée comme la Prostitution est d'une
chasteté
fraternelle
assez peu en rapport avec sa nature.
(c) Au sujet du ver luisant, voir plus
haut les
conclusions
que
l'on peut tirer à son sujet de l'analyse des variantes
et, plus bas, celles qui découlent de la recherche des sources.
(d) Lorsque les dents claquent de
peur, il faut
bien entendu
que
les mâchoires suivent. Le mot évoque le squelette et
celui-ci
le
cimetière et la mort.
(e) Jean-Luc Steinmetz propose ici la
note
suivante :
« on croyait à l'époque que la
débauche
pouvait,
à la longue, rendre poitrinaire — ce que sera
Marguerite Gautier,
l'héroïne de la Dame aux camélias (1848)
d'A.
Dumas
fils. Le jeune homme mort est présenté comme une
victime de la
prostitution » (Steinmetz, p. 390).
Poitrinaire, pulmonaire, tuberculeux et
phtisique, ne s'agit-il pas
là
plus
simplement de la maladie physique correspondant, pour le moral, au
spleen des
romantiques ? Sans vouloir contredire l'interprétation
tout
à
fait légitime de Jean-Luc Steinmetz, je ne pense qu'il qu'il
faille
voir une
corrélation déjà établie entre le
poitrinaire et
la
débauche, même dans le cas du roman d'Alexandre
Dumas.
Je pense plutôt que la question de
savoir pourquoi
l'adolescent mourut
poitrinaire, soit le sens de la question elle-même,
« vous
savez
pourquoi », n'est pas de l'ordre de la langue, du langage
ou de
l'encyclopédie. Sans vouloir non plus suggérer une
réponse
particulière, je pense que je peux signaler que le mot
adolescent est
repris
de la strophe précédente, on il désignait
déjà
une victime.
On trouve d'ailleurs une autre énigme
plus loin, sous forme
de
prophétie : « Un jour, les hommes me rendront
justice;
je ne
t'en dis pas davantage » (p. 16: 20).
Par ailleurs, les deux énigmes se
trouvent dans une strophe,
chargée
d'implicite (à commencer par l'implication du
Créateur), qui
d'une
part présente deux personnages énigmatiques (le ver
luisant et
la
belle femme nue qui a nom Prostitution), des
allégories, des
symboles ou des personnifications, mais également dans une
histoire qui
prend la forme de la légende (l'histoire légendaire
qui donne
le fin
mot de l'énigme sur les vents d'hiver).
(f) T : toi; le plus faible (P 1869,
p. 16: 2).
Il faut
évidemment revenir à la leçon des deux
premières
éditions : cf. variante (11).
(g) Les larmes aux yeux, la
rage au
coeur.
L'emploi de la préposition dans au lieu de
à
ici
est tout à fait attendu en espagnol : con
lágrimas en los
ojos
y (la) rabia/furia en el corazón (Gómez, Pellegrini,
Saad,
Ávarez, Serrat, Alonso, Pariente).
(h) On comprend, mal, qu'il met la
pierre sur son
épaule
avec [= à l'aide de] ses bras, puis qu'il la
maintient
là, toujours avec ses bras, durant sa marche.
(i) On s'enfonce dans le sol,
dans
la terre
ou
sous terre.
(j) La morphologie heurte nettement la
syntaxe : ou bien
l'apposition devrait venir devant le verbe : les eaux,
tournoyantes,
s'abaissèrent un instant; ou bien on attendrait ici le
participe
présent tournoyant; et dans ce cas, le plus naturel serait
de mettre
le
verbe à l'indicatif : tournoyaient en creusant.
Pourtant la
phrase
d'Isidore Ducasse propose une représentation visuelle du
phénomène digne de la physique mécanique.
(k) On bonne logique, on attendrait
l'imparfait : la
lumière ne brillait plus. Mais on ne saurait
corriger le
texte
ici, car ne n'est pas seulement une affaire de logique : non
seulement
il
n'est pas dit que la lumière s'est éteinte avec
l'écrasement
du ver luisant, mais elle a pris une telle autonomie dès son
apparition, se
répandant dans les airs jusqu'à l'horizon, qu'on peut
comprendre
sa
disparition comme un événement (ce qu'exprime le
passé
simple).
(l) T : ne me méprisent pas (P
1869, p. 16:
25).
L'addition des deux sujets (toi et les monstres) donne la
première
personne
du pluriel.
(m) Apparemment, avec cette
proposition, nous ne
somme pas
comme
plus haut dans la rhétorique de l'énigme. Disons
d'abord qu'en
espagnol on prend le deuil pour qqun, en français
de
qqun
(el luto por mi), mais cela ne change évidemment pas
le sens.
Quel
est-il donc dans cette l'expression ? Je peux proposer deux
interprétations, soit prendre le deuil à cause de lui
(les
villes
sont endeuillées à cause de lui qui a
abandonné
la
vertu, qui y a vraisemblablement fait le mal); soit prendre le
deuil pour
lui,
à son sujet, faire son deuil de lui. On pourrait
également
penser
que le mot est pris uniquement dans son sens abstrait, les villes
étant
depuis longtemps tristes et affligées à cause de lui
(mais sans
qu'il
faille déplorer de morts particulières).
Cela dit, on peut comprendre que la
prostitution règne
depuis longtemps
dans
les grandes villes, mais c'est là une question
d'interprétation
et
non la signification de la proposition relative.
(n) On dit unir A avec B, de
sorte que A
est uni
à B. « Uni avec », pour uni
à,
est un pléonasme assez courant pour figurer parfois dans les
dictionnaires
du français.
(o) Avec la capitale de l'Uruguay,
c'est la
réalité
socio-politique du monde qui fait irruption d'un mot pour la
première
fois
dans le Chant I. Plus encore, sauf celui de Maldoror,
absolument
aucun
nom propre n'était apparu jusqu'ici, de sorte que
l'ouverture du Chant
6
sera en contraste évident avec les chants
précédents.
Peut-on évaluer l'impact de la
désignation du
narrateur sur le
lecteur avant qu'il en soit à la dernière strophe du
Chant
I, qui lui apprendra, par recoupement, que
l'« auteur »
est né à Montevidéo ? Qu'est-ce donc
qu'un
Montévidéen ? Celui (Maldoror
montévidéen...) qui
a quitté les grandes villes et traversé la mer pour
se
réfugier là-bas ? On peut également
penser que,
dans le
contexte où on le trouve, le mot en perde largement sa
réalité, c'est-à-dire son sens
géographique, pour
désigner celui qu'on peut imaginer sur un Olympe, dans une
région
qu'on devine de langue espagnole...
(p) T : Montévidéen
». Enfants,
c'est moi
qui
vous le dis. Alors (P 1869, p. 17: 7-8).
Les deux premières éditions ne
fermaient pas les
guillemets
ouverts
en tête de la réplique : « Ce n'est
pas... La
troisième édition, comme on le voit à la
variante (40), les fermaient après le nom de
Montévidéen. L'analyse montre que c'est une erreur,
erreur qui
peut
bien être de Ducasse, mais qui est plus vraisemblablement du
typographe
qui
s'est avisé que les guillemets devaient être
fermés et
qui,
naturellement, les a fermés après la première
phrase qui
peut
à première vue constituer à elle seule la
réplique
(une
phrase étant d'elle-même une unité).
Étudions d'abord cette
hypothèse. Dans ce cas,
l'apostrophe
« enfants », qui suit alors la
réplique,
paraît une apposition, une reprise ou une relance de
« ô
peuples », ceux auxquels le narrateur s'adresse. Et dans
cette
interprétation de l'hypothèse, le mot ne peut
avoir son sens
littéral : c'est une évidente
désignation
affective
(mes chéris ou mes petits, niños ou chicos). En
revanche, si
l'on
veut au contraire que le mot puisse avoir son sens
littéral,
il
faut comprendre que c'est toute la strophe qui vient d'être
racontée
aux enfants ! histoire qui racontait que le narrateur
s'adressait pour
finir
aux peuples... Comme on le voit, c'est assez compliqué.
Mais quoi
qu'il
en soit, c'est ce mot « enfants » qui est
représenté ensuite par le pronom dans
l'impératif
« agenouillez-vous », de sorte qu'on
passe
curieusement des peuples aux « enfants » et de
ceux-ci aux
hommes. Mais la difficulté la plus grave est d'ordre
syntaxique. Il
est
difficile d'expliquer sur quoi porte la phrase emphatique ou le
pronom
« le » dans « c'est moi qui vous
le
dis ». Difficile n'est d'ailleurs pas le mot :
dès que
l'on
pose cette question, on voit aussitôt que la phrase n'a alors
aucun sens
et
que cette hypothèse doit être rejetée.
Dès qu'on aborde ensuite
l'hypothèse proposée
ici, on
voit
bien qu'il est facile de la prouver juste. Le sens des mots et des
pronoms
en est
évidemment changé, mais sans les curiosités et
absurdités de l'hypothèse
précédente :
l'apostrophe « enfants » doit être
prise dans
son
sens littéral, de sorte que c'est à leurs enfants
que les
peuples sont sommés d'adresser la réplique,
c'est-à-dire
d'expliquer le sens des mugissements des vents d'hiver. Dès
lors le
pronom
de l'impératif
« agenouillez-vous » trouve
son
sens naturel, les peuples, auxquels le narrateur s'adresse,
d'où
découlent les hommes qui sont sommés en
conséquence
de prier. Le sens de la phrase emphatique ne pose plus aucun
problème
(c'est la phrase précédente) : « c'est
moi qui
vous
le dis que les gémissements des vents d'hiver ne viennent
pas de
l'esprit
de Dieu, mais des plaintes de la prostitution et du
Montévidéen », diront les peuples, les
populations,
tous
les hommes aux enfants.
La réplique forme alors un tout. Dans
cette
hypothèse, en
effet,
l'articulation des phrases concorde avec le contenu de la
réplique, qui
répète trois fois les morphèmes du
présentatif (ce
n'est pas... qui : ce n'est que... Enfants, c'est... qui),
suivie de la
conclusion que le narrateur tire de la réplique
proférée : dites [la réplique],
alors
agenouillez-vous, etc.
Je sais que la première
hypothèse a en sa faveur un
argument
dont je
n'ai pas parlé, puisque c'est précisément
l'objet de
cette
analyse : c'est la version proposée par la
troisième et
dernière édition parue du vivant de Ducasse. Il
s'agit
là
d'un argument d'autorité, une norme artificielle. La
seconde
hypothèse, celle qui s'impose au terme de l'analyse,
présente
justement l'argument contraire, celui de la plus grande
simplicité,
où tout s'explique et s'intègre sans aucun effort,
les
éléments lexicaux (peuples, enfants et hommes),
morphologiques
(les
pronoms vous et moi) de même que syntaxiques (le sens de
le
dans
« je vous le dis » et l'articulation des
phrases).
Le sens de la strophe, du point de vue de la
forme
littéraire, en
devient
plus clair : voilà une légende populaire, dont
les
« peuples » feront part des conclusions
à leurs
enfants.
On n'avait jusqu'ici trouvé aucune
source à cette
strophe.
En cherchant les occurrences de ver luisant au
TLF, j'ai d'abord
trouvé un rapprochement possible avec l'un des quatorze
contes d'Anne Claude
Philippe comte de Caylus (1692-1765) intitulé
« Mignonnette »; le recueil, Féeries
nouvelles
a paru en 1741 dans le vol. 24 du Cabinet des
Fées
(rééd. Paris et Genève, Barde et Mauget /
Cuchet, 1786).
Je consigne cette première analyse, même si j'ai bien
mieux à
proposer maintenant, comme on va le voir : Pinçon est
sur les traces
de Mignonnette qui a été enlevée. La nuit
tombe. Il
aperçoit à ses pieds une petite lumière
qu'il prend
d'abord pour un ver luisant. Mais voici qu'elle grossit
jusqu'à
envelopper une femme vêtue de brun et sûrement
bien
belle : c'est la fée Prâline, qui va donner au
héros les
objets magiques qui lui permettront d'accomplir sa mission. Le
texte de Caylus ne
présente pas d'autres points de comparaison avec la strophe
de Ducasse et
absolument aucune rencontre textuelle.
Or, j'ai trouvé exactement le contraire
dans Manfred,
le drame de
George Gordon Byron qui va nous occuper longuement à la
prochaine strophe,
1.8. Je veux dire des rapprochements
lexicaux nombreux
et précis, mais pas du tout de motif d'inspiration !
comme si Ducasse
s'était inspiré d'images concrètes pour
construire une
scène absolument sans rapport avec l'oeuvre qui
l'inspire.
Au début de la pièce, le comte
Manfred convoque les
sept esprits,
« la terre, l'océan, l'air, la nuit, les
montagnes, les
vents » et l'étoile de sa destinée (trad.
Laroche,
vol. 3, p. 4). A la fin de l'entretien, Manfred demande que
l'un des esprits
prenne forme. Voici alors le texte qui inspire Ducasse dans la
présente
strophe (les italiques sont dans le texte) :
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