El bozo
TdM Règles d'établissement Strophe 3.5 Glossaires Index TGdM
Édition interactive des Chants de Maldoror du comte de Lautréamont par Isidore Ducasse
sous la direction de Guy Laflèche, Université de Montréal
<< Chant 6, strophe 1 >>
Variantes Commentaires Notes Faurissonneries
 

P. 281
CHANT SIXIÈME


 

 
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      Vous, dont le calme enviable ne peut pas faire
plus que d
'embellir le faciès (a), ne croyez pas qu'il
s'agisse encore de pousser, dans des strophes de quatorze
ou quinze lignes, ainsi qu'un élève de quatrième,
des exclamations qui passeront pour inopportunes,
et des gloussements sonores de poule cochinchinoise,
aussi grotesques qu'on serait capable de l'imaginer,
pour peu qu'on s'en donnât la peine; mais il est préférable
de prouver par des faits les propositions que
l'on avance. Prétendriez-vous donc que, parce que
j'aurais insulté, comme en me jouant, l'homme, le
Créateur et moi-même, dans mes explicables hyperboles,
ma mission fût complète ? (b). Non : la partie la
plus importante de mon travail n'en subsiste pas
moins, comme tâche qui reste à faire. Désormais,
les ficelles du roman remueront (c) les trois personnages
nommés plus haut : il leur sera ainsi communiqué
une puissance moins abstraite. La vitalité se
répandra magnifiquement dans le torrent de leur
appareil circulatoire (1), et vous verrez comme vous
serez étonné vous-même de rencontrer, là où d'abord
vous n'aviez cru voir que des entités vagues appartenant
au domaine de la spéculation pure, d'une
part, l'organisme corporel avec ses ramifications de
nerfs et ses membranes muqueuses, de l'autre, le
principe spirituel qui préside aux fonctions physiologiques
de la chair (2). Ce sont des êtres doués d'une
énergique vie qui, les bras croisés et la poitrine en
arrêt (d), poseront prosaïquement (mais, je suis certain
que l'effet sera très poétique) devant votre visage,
placés seulement à quelques pas de vous (e), de manière
que les rayons solaires, frappant d'abord les tuiles
des toits et le couvercle des cheminées, viendront
ensuite se refléter visiblement sur leurs cheveux terrestres
et matériels. Mais, ce ne seront plus des anathèmes (f),
possesseurs de la spécialité de provoquer le
rire; des personnalités fictives qui auraient bien
fait de rester dans la cervelle de l'auteur; ou des
cauchemars placés trop au-dessus de l'existence ordinaire.
Remarquez que, par cela même, ma poésie n'en
sera que plus belle. Vous toucherez avec vos mains
des branches ascendantes d'aorte et des capsules
surrénales; et puis des sentiments ! (3). Les cinq premiers
récits (g) n'ont pas été inutiles; ils étaient le frontispice
de mon ouvrage, le fondement de la construction,
l'explication préalable de ma poétique future :
et je me devais, à moi-même, avant de boucler ma valise
et me mettre en marche pour les contrées de l'imagination,
d'avertir les sincères amateurs de la littérature,
par l'ébauche rapide d'une généralisation
claire et précise, du but que j'avais résolu de poursuivre.
En conséquence, mon opinion est que, maintenant,
la partie synthétique de mon oeuvre est complète
et suffisamment paraphrasée*i. C'est par elle que
vous avez appris que je me suis proposé d'attaquer
l'homme et Celui qui le créa. Pour le moment et pour
plus tard, vous n'avez pas besoin d'en savoir davantage !
Des considérations nouvelles me paraissent
superflues, car elles ne feraient que répéter, sous une
autre forme, plus ample, il est vrai, mais identique,
l'énoncé de la thèse dont la fin de ce jour verra le
premier développement (h). Il résulte, des observations
qui précèdent, que mon intention est d'entreprendre,
désormais, la partie analytique; cela est si vrai
qu'il n'y a que quelques minutes seulement
j'exprimai le voeu ardent que vous fussiez emprisonné
dans les glandes sudoripares de ma peau (i), pour
vérifier la loyauté de ce que j'affirme, en connaissance
de cause. Il faut, je le sais, étayer d'un grand
nombre*i de preuves l'argumentation qui se trouve
comprise dans mon théorème; eh bien, ces preuves
existent, et vous savez que je n'attaque personne,
sans avoir des motifs*h sérieux ! Je ris à gorge déployée,
quand je songe que vous me reprochez de
répandre d'amères accusations contre l'humanité*v,
dont je suis un des membres (cette seule remarque
me donnerait raison !) et contre la Providence : je
ne rétracterai pas mes paroles; mais, racontant ce
que j'aurai vu, il ne me sera pas difficile, sans autre
ambition que la vérité, de les justifier. Aujourd'hui,
je vais fabriquer un petit roman de trente pages (4);
cette mesure restera dans la suite à peu près stationnaire.
Espérant voir promptement*h, un jour ou
l'autre, la consécration de mes théories acceptée (j) par
telle ou telle forme littéraire, je crois avoir enfin
trouvé, après quelques tâtonnements, ma formule
définitive. C'est la meilleure : puisque c'est le roman !
Cette préface hybride (5) a été exposée d'une manière
qui ne paraîtra peut-être pas assez naturelle,
en ce sens qu'elle surprend, pour ainsi dire, le lecteur,
qui ne voit pas très bien où l'on veut d'abord le
conduire; mais, ce sentiment de remarquable stupéfaction,
auquel on doit généralement chercher à
soustraire ceux qui passent leur temps à lire des
livres ou des brochures, j'ai fait tous mes efforts pour
le produire. En effet, il m'était impossible de faire
moins, malgré ma bonne volonté (k) : ce n'est que plus
tard, lorsque quelques romans auront paru, que
vous comprendrez mieux la préface du renégat, à la
figure fuligineuse (6).


1. Variantes

Corrections justifiées

1) 283: 2 ... et je devais à moi-même... > et je me devais, à moi-même,...

      Bien entendu, le complément, à moi-même, est explétif, une fois la correction faite, soit je me devais. Toutefois, la soustraction de l'explétisme serait une réécriture et non plus seulement une correction. L'explétisme doit donc rester en place, encadré de virgules.

2) 283: 20 ... cela est si vrai qu'il n'y a que quelques minutes seulement, que j'exprimai le voeu ardent que vous fussiez emprisonné dans les glandes sudoripares de ma peau. Soustraction de la conjonction. — Voir la n. (i).


2. Commentaires linguistiques

(a) Faciès (face, figure, aspect), le mot latin, au point d'avoir gardé sa forme latine, ne se trouve plus en espagnol au XIXe siècle qu'au sens strictement médical (Garnier). Si le dictionnaire de l'Académie espagnole le conserve pieusement, il y a bien longtemps qu'il ne se trouve plus dans les dictionnaires courants. En revanche, non seulement le français le conserve aux sens spécialisés (médecine, anthropologie, etc.), mais les romanciers du XIXe siècle l'utilise souvent et le vocable se trouve toujours dans nos dictionnaires. Sous la plume d'Isidore Ducasse, à l'ouverture du Chant 6, il s'agit donc d'un mot aussi français que recherché, d'autant plus qu'il est employé avec l'article défini (et non le possessif, comme on l'attendrait de l'hispanophone).

(b) « Prétendriez-vous [...] que [...] ma mission fût complète ?  ». L'adjectif est mis pour accomplie, comme le prouve la périphrase qui suit : « la partie la plus importante de mon travail n'en subsiste pas moins, comme tâche qui reste à faire ». La faute est surprenante, parce que l'auteur écrira très correctement plus loin, à la strophe 6.8, il « ne se cachait pas qu'il avait une mission difficile à accomplir » (p. 316: 10). Or, il s'agit d'une simple distraction, Ducasse ayant déjà en tête une idée qu'il formulera quelques lignes plus loin, soit une partie de mon « oeuvre est complète » (p. 283: 8).

(c) L'hispanisme ne saurait être plus approprié pour décrire des marionnettes, même si paradoxalement les trois personnages n'en seront plus. Voir les n. suivantes.

(d) La poitrine en arrêt. Le vocable, poitrine, dénote l'hispanisme, opposant bomber le torse et sacard el pecho. En revanche, « en arrêt » paraît une belle construction bien française dans le contexte.

(e) Ces personnages poseront « devant votre visage, placés seulement à quelques pas de vous ». Il ne s'agit plus ici d'explétismes, mais de lourdes redondances amusantes. Devant votre visage = devant vous + à quelques pas de vous. Devant le visage (= en face) et la distance (de quelques pas) ridiculisent la réalisme romanesque, comme c'est le cas de tout le passage, mais la caricature s'exprime ici syntaxiquement.

(f) Des anathèmes, des personnages maudits. Il faut reprendre depuis le début, depuis les personnages qui ont été « insultés », pour comprendre la périphrase qui les dit « possesseurs de la spécialité de provoquer le rire » : ces « personnalités fictives » étaient de comiques caricatures; le trait suivant, qui les présente comme extraordinaires et cauchemardesques, paraît tout le contraire d'une périphrase (c'est la litote ou l'antiphrase), jusqu'à les désigner comme des cauchemars.

(g) Les cinq premiers récits, pour les cinq premiers chants. Après les personnages, les genres littéraires. Toute la suite de la strophe a créé beaucoup de confusion chez les commentateurs et les critiques littéraires. Or, la faute en est au narrateur (ici l'« auteur » des Chants) dont le discours est à ce point embrouillé qu'on n'arrive plus à prendre au sens premier ses mots les plus simples, soit récit pour chant, ces cinq récits pour le frontispice de l'ouvrage, puis analytique et synthétique, enfin préface et roman. Il est possible, comme on l'a dit, que l'auteur (c'est Isidore Ducasse) ne sache pas trop ce qu'il écrira par la suite, de sorte qu'on peut être tenté d'analyser ce qu'il dit vouloir faire à la lumière de ce qu'il fera. Mais je pense que ce n'est pas de bonne méthode. La strophe doit au contraire se lire littéralement, soit la description de ce qu'il a déjà fait (c'est le passé des cinq premiers chants, l'épopée maintenant achevée), en regard de ce qu'il compte écrire dorénavant, qui sera du genre romanesque (un roman, de petits romans, des strophes romanesques), dont il écrit ici la préface.

(h) « ... dont la fin de ce jour verra le premier développement ». Cette finale de la phrase paraît contradictoire, puisque précisément la partie synthétique, celle des cinq premiers chants, ne sera pas développée. En fait le mot est mal choisi, car le « premier développement » annoncé est celui de la partie analytique, la suite des chants, que leur auteur se propose d'entreprendre dès aujourd'hui. Voir la n. (4).

(i) « ... cela est si vrai qu'il n'y a que quelques minutes seulement, que j'exprimai le voeu ardent que vous fussiez emprisonné dans les glandes sudoripares de ma peau ». Jean-Luc Steinmetz note que ce « deuxième » que « n'a pas lieu d'être ». Je le soustrais donc (cf. v. 2). Mais en fait nous sommes devant une cascade de conjonctions parce que la tournure « il n'y a que » fait double emploi avec l'adverbe « seulement » : il y a quelques minutes seulement = il n'y a que quelques minutes. Or, cela se trouve dans une proposition surperlative ouverte par « cela est si vrai que », elle même suivie de la complétive « j'exprimai le voeu que ».

      Mais il n'y a pas que la syntaxe qui prête à confusion, car le contenu de la phrase est faux. Jamais le narrateur n'a présenté son anatomie, mais bien celle de ses personnages, dont la sienne, si l'on veut, mais celle du personnage qu'il est par ailleurs; et jamais il n'a voulu « emprisonner » son lecteur dans les « ramifications » de nerfs et de muqueuses qu'il s'est contenté de lui présenter. Bon, d'accord, dans un roman populaire (nous y sommes déjà), on ne prend pas tout au pied de la lettre...

(j) « Espérant voir promptement, un jour ou l'autre, la consécration de mes théories acceptée par telle ou telle forme littéraire ». Il ne s'agit pas ici d'explétisme, mais de redondance. Une théorie consacrée est évidemment acceptée. Mais on peut comprendre l'inverse, c'est-à-dire que la théorie sera acceptée si elle est consacrée par..., et ce sera par le roman !

      À remarquer que si l'adverbe promptement est induit de pronto que Ducasse doit avoir à l'esprit, sa bonne traduction serait ici bientôt, sinon l'adverbe entre en contradiction avec l'expression, un jour ou l'autre, qui ne peut être promptement, mais pourrait être bientôt.

(k) « En effet, il m'était impossible de faire moins, malgré ma bonne volonté... ». Il découle de l'analyse de la n. (5), de notre point de vue, qu'il faudrait lire, de faire mieux ! mais ce n'est pas évidemment ce qu'a voulu exprimer Ducasse, puisqu'il veut au contraire justifier son exposé « hybride ». Serait-ce un lapsus pour, faire plus ? (faire encore plus confus pour stupéfier davantage le lecteur). Trois traducteurs (Gómez, Pellegrini et Pariente) corrigent très judicieusement, sans s'engager davantage : il m'était impossible de faire autrement (otra cosa).


3. Notes

      Si l'on voulait lire dans l'ordre de leur composition les deux strohes qui forment ensemble la préface du « roman » constituant le Chant 6, il faudrait lire d'abord la strophe 6.2.

(1) Appareil circulatoire. Depuis le début de la phrase et jusqu'à la désignation des branches de l'aorte et des capsules surrénales (cf. n. (3)), le vocabulaire de tout ce passage est pris d'un manuel ou d'un traité d'anatomie. Mais on verra (note suivante) que son inspiration est beaucoup plus précise et incisive.

(2) La désignation, par contraste, de « l'organisme corporel » et du « principe spirituel qui préside aux fonctions physiologiques de la chair », n'est plus d'ordre anatomique. Ces deux propositions, comme plus loin l'insertion des « sentiments » dans l'anatomie, se situent dans un vaste débat sur une question très précise, la place de l'« âme » dans le corps. Il s'agit, évidemment, du rapport du corps et de l'âme, de la matière et du spirituel, mais aussi, littéralement, de la place précise qu'occupe l'âme dans la configuration anatomique. Le savant philosophe sur ces questions est alors Rudolf Hermann Lotze (1817-1881) et son livre le plus représentatif à ce sujet paraîtra en français six ans après les Chants de Maldoror (1870), soit en 1876 : les Principes généraux de psychologie physiologique (trad. d'Auguste Penjon, Paris, Germer Baillière, coll. « Bibliothèque de philosophie », 1876, rééd. 1881). Les trois chapitres de l'ouvrage discutent « De l'existence de l'âme », « Du mécanisme physico-psychique » et « De la nature et de la destinée de l'âme ». Tout au long de l'ouvrage, on retrouve le vocabulaire qu'utilise ici Ducasse. En voici un tout petit extrait du début du livre : « nous pouvons accorder dès maintenant aux partisans de ces théories [ceux qui croient que tout élément matériel a par ailleurs une vie intérieure] que dans cette complète dissemblance entre les phénomènes physiologiques et les phénomènes psychologiques, il n'y a absolument pas une raison suffisante de les ramener à deux genres différents de substance, la matière et l'âme » (p. 6).

      Il est parfois question des publications de R. H. Lotze dans la Revue des deux mondes, mais je n'y ai trouvé aucun article assez précis pour avoir inspiré ces lignes de Ducasse. Cela dit, les publications de Lotze sur l'âme participent d'un mouvement général qui a ses représentants en France (Charles Tzaunt Waddington, De l'âme humaine, 1862, par exemple). L'important pour nous, question « débat », est que le petit développement d'Isidore Ducasse présente exactement la pensée de l'école de Lotze et non celle des « matérialistes », pour qui l'âme serait un pur produit de la matière (du cerveau, et ce sera l'esprit), voire de l'imagination.

(3) « Vous toucherez avec vos mains des branches ascendantes d'aorte et des capsules surrénales; et puis des sentiments ! ». Les branches d'aorte comme les capsules surrénales, cela fait partie du vocabulaire très ordinaire de l'anatomie du système circulatoire. Mais évidemment pas... les sentiments, les sentiments qu'on toucherait avec ses mains ! Cela concerne (sur le mode humoristique) les débats évoqués à la note précédente.

(4) Imprimés, chacun des chants a en moyenne cinquante pages. Le manuscrit de chacun d'eux, dans les feuilles ou les cahiers qu'utilise Ducasse, devrait donc correspondre à ces trente pages. Il suit que le premier roman que se propose d'écrire l'auteur correspondra bien au Chant 6. Malheureusement, ce sera le seul ! (même si la dernière phrase de la strophe en annonce à nouveaux plusieurs : « lorsque quelques romans auront paru »).

      En revanche, les strophes de 14 ou 15 lignes, dénigrées à l'ouverture de la présente strophe (p. 281: 4-5), ne mesurent rien de la rédaction de Ducasse, s'agissant de celle des élèves de quatrième. C'est le contenu et non la forme qui était alors visé.

      Même remarque en ce qui concerne le temps de rédaction. Si « la fin de ce jour » (p. 283: 16) verra la rédaction du « premier développement » de cette partie analytique que sera le roman, cela concerne tout le Chant 6 (ce qu'on comprendra mieux lorsqu'on saura que les strophes 6.1 et 6.2 ont été rédigées dans l'ordre inverse). Pour l'instant, il faut s'en tenir à la lettre du texte, à partir d'aujourd'hui je vais fabriquer un petit roman ou je vais entreprendre de le fabriquer.

(5) « Cette préface hybride... ». Ce développement alambiqué qui achève la strophe sur la « bonne volonté » de l'auteur est remarquable par sa dénégation, la prétention d'avoir fait volontairement ce dont précisément on s'accuse et s'excuse. En clair, l'auteur s'excuse d'être assez difficile à suivre, ce que les auteurs de littérature populaire tiennent à éviter par-dessus tout, mais lui, il l'a fait volontairement (faisant tous ses efforts pour « surprendre » et « stupéfier » son lecteur) et, d'ailleurs, il ne pouvait faire mieux ! À l'ouverture du dernier chant, la fanfaronnade correspond exactement à l'aveu lucide qui terminait le premier chant : « ne soyez pas trop sévère pour celui qui ne fait encore qu'essayer sa lyre ».

(6) Le « renégat, à la figure fuligineuse ». La rupture narrative est volontairement surprenante. C'est Maldoror qui est présenté (ou se présente) comme l'auteur de cette préface, l'auteur de la présente strophe.

      Je pense qu'aucun lecteur ne peut être dupe de ce que j'appellerais, pour m'amuser, la romancification de l'aveu présenté à la n. précédente. Ce fion signifie clairement « d'ailleurs, ce n'est pas moi, le comte de Lautréamont, qui vous a rédigé cette préface hybride, c'est Maldoror » !


4. Faurissonneries

      Après l'édition de chacune des strophes, ce fut de moins en moins une surprise de lire son commentaire par Robert Faurisson. Pourtant, encore aujourd'hui, après l'édition de la strophe 6.1, je me surprends à être tout attentif à le lire, en quête d'un fait ou d'un trait qui m'aurait échappé. Je viens donc d'ouvrir son livre, pour lire son long commentaire de trois pages.

      On vient de voir que l'identification du narrateur, de l'« auteur » de la strophe, à Maldoror tenait aux tout derniers mots et qu'aucun lecteur ne pouvait adhérer à cette pirouette. Erreur. Pour Robert Faurisson, c'est bel et bien Maldoror qui rédige cette strophe, ce qui lui donne un sens vraiment curieux : « Maldoror » ne renie pas ses idées, « Maldoror » nous assure que..., se mettre dans la peau de « Maldoror », etc. « Isidore Ducasse [...] met dans la bouche de Maldoror... » (p. 147, n. 1).

      En fait, toute la strophe est présentée comme une rédaction de Maldoror, dont le nom ne revient pas moins de dix fois. Le contresens est évident.

      Et, par conséquent, tout le contenu de la strophe échappe au « commentaire », de sorte qu'il est parfaitement inutile ou, pour bien dire, vide. Ces trois pages du commentateur ne correspondent en rien au texte de la strophe 6.1. Je rappelle méchamment que le titre du livre de Robert Faurisson est « A-t-on lu Lautréamont ? ». Lui, en tout cas, on le voit, ne l'a pas lu du tout.

Variantes Commentaires Notes Faurissonneries
Tables du début de la présente strophe