El bozo
TdM Règles d'établissement Strophe 3.5 Glossaires Index TGdM
Édition interactive des Chants de Maldoror du comte de Lautréamont par Isidore Ducasse
sous la direction de Guy Laflèche, Université de Montréal
<< Chant 6, strophe 4 >>
Variantes Commentaires Notes Faurissonneries
 

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II

      Il tire le bouton de cuivre, et le portail de l'hôtel
moderne tourne sur ses gonds. Il arpente*f la cour,
parsemée de sable fin, et franchit les huit degrés du
perron. Les deux statues, placées*i à droite et à gauche
comme les gardiennes de l'aristocratique villa,
ne lui barrent pas le passage. Celui qui a tout renié,
père, mère, Providence, amour, idéal, afin de ne plus
penser qu'à lui seul, s'est bien gardé de ne pas suivre
les pas qui le précédaient (a). Il l'a vu entrer dans un spacieux
salon du rez-de-chaussée, aux boiseries de
cornaline (1). Le fils de famille (2) se jette sur un sofa, et
l'émotion l'empêche de parler. Sa mère, à la robe
longue et traînante*g, s'empresse autour de lui, et l'entoure
de ses bras. Ses frères, moins âgés que lui (b), se
groupent autour du meuble, chargé d'un fardeau (c);
ils ne connaissent pas la vie d'une manière suffisante,
pour se faire une idée nette de la scène qui se passe
.
Enfin, le père élève sa canne, et abaisse sur les assistants
un regard plein d'autorité. Appuyant le
poignet sur les bras du fauteuil, il s'éloigne de son
siège ordinaire, et s'avance, avec inquiétude, quoique
affaibli par les ans, vers le corps immobile de
son premier-né. Il parle dans une langue étrangère,
et chacun l'écoute dans un recueillement respectueux (d) :
« Qui a mis le garçon dans cet état ? La Tamise brumeuse
charriera encore une quantité notable de
limon avant que mes forces soient complètement
épuisées. Des lois préservatrices*i n'ont pas l'air
d'exister dans cette contrée inhospitalière. Il éprouverait
la vigueur de mon bras, si je connaissais le
coupable
. Quoique j'aie pris ma retraite, dans l'éloignement (e)
des combats maritimes, mon épée de commodore,
suspendue à la muraille*i, n'est pas encore
rouillée. D'ailleurs, il est facile d'en repasser le fil.
Mervyn, tranquillise-toi; je donnerai des ordres à
mes domestiques, afin de rencontrer la trace de celui
que, désormais, je chercherai, pour le faire périr de
ma propre main. Femme, ôte-toi de là, et va t'accroupir*f
dans un coin; tes yeux m'attendrissent, et tu
ferais mieux de refermer (f) le conduit de tes glandes
lacrymales. Mon fils, je t'en supplie, réveille tes
sens*i, et reconnais ta famille; c'est ton père qui te
parle... ». La mère se tient à l'écart, et, pour obéir
aux ordres de son maître, elle a pris un livre entre
ses mains (g), et s'efforce de demeurer tranquille, en
présence du danger que court celui que sa matrice
enfanta. « ... Enfants, allez vous amuser dans le
parc, et prenez garde, en admirant la natation des
cygnes, de ne pas tomber dans la pièce d'eau... ».
Les frères, les mains pendantes*f (h), restent muets; tous,
la toque surmontée d'une plume arrachée à l'aile de
l'engoulevent de la Caroline, avec le pantalon de velours
s'arrêtant aux genoux, et les bas de soie rouge (3),
se prennent par la main, et se retirent du salon,
ayant soin de ne presser le parquet d'ébène que de
la pointe des pieds. Je (i) suis certain qu'ils ne s'amuseront
pas, et qu'ils se promèneront avec gravité dans
les allées de platanes. Leur intelligence est précoce.
Tant mieux pour eux. « ... Soins inutiles, je (j) te berce
dans mes bras, et tu es insensible à mes supplications.
Voudrais-tu relever la tête ? J'embrasserai tes
genoux, s'il le faut. Mais non... elle retombe inerte ».
— « Mon doux maître, si tu le permets à ton esclave,
je vais chercher dans mon appartement*v un flacon
rempli d'essence de térébenthine, dont je me sers
habituellement quand la migraine envahit mes tempes,
après être revenue du théâtre, ou lorsque la
lecture d'une narration émouvante, consignée dans
les annales britanniques de la chevaleresque histoire
de nos ancêtres, jette ma pensée rêveuse dans les
tourbières de l'assoupissement*f ». — « Femme, je ne
t'avais pas donné la parole, et tu n'avais pas le droit
de la prendre. Depuis notre légitime union, aucun
nuage n'est venu s'interposer entre nous. Je suis
content de toi, je n'ai jamais eu de reproches à te
faire, et réciproquement. Va chercher dans ton appartement*v
un flacon rempli d'essence de térébenthine.
Je sais qu'il s'en trouve un dans les tiroirs de
ta commode, et tu ne viendras pas me l'apprendre.
Dépêche-toi de franchir les degrés de l'escalier en
spirale, et reviens me trouver avec un visage content ».
Mais la sensible Londonienne est à peine arrivée
aux premières marches (elle ne court pas aussi
promptement qu'une personne des classes inférieures)
que déjà une de ses demoiselles d'atour redescend
du premier étage, les joues empourprées de sueur,
avec le flacon qui, peut-être, contient la liqueur de
vie dans ses parois de cristal. La demoiselle s'incline
avec grâce en présentant son offre*e, et la mère, avec
sa démarche royale, s'est avancée vers les franges
qui bordent le sofa, seul objet qui préoccupe sa tendresse.
Le commodore, avec un geste fier, mais bienveillant,
accepte le flacon des mains de son épouse.
Un foulard d'Inde en (k) est trempé, et l'on entoure la
tête de Mervyn avec les méandres orbiculaires de la
soie. Il respire des sels; il remue un bras. La circulation
se ranime, et l'on entend les cris joyeux d'un
kakatoès des Philippines, perché sur l'embrasure de
la fenêtre (4). « Qui va là ?... Ne m'arrêtez point... Où
suis-je ? Est-ce une tombe*i qui supporte mes membres
alourdis ? Les planches m'en paraissent douces... Le
médaillon qui contient le portrait de ma mère, est-il
encore attaché à mon cou ?... Arrière, malfaiteur, à
la tête échevelée. Il n'a pu m'atteindre*i, et j'ai laissé
entre ses doigts un pan de mon pourpoint. Détachez
les chaînes
des bouledogues, car, cette nuit, un voleur
reconnaissable*i peut s'introduire chez nous avec
effraction, tandis que nous serons plongés dans le
sommeil. Mon père et ma mère, je vous reconnais, et
je vous remercie de vos soins. Appelez mes petits
frères. C'est pour eux que j'avais acheté des pralines,
et je veux les embrasser ». À ces mots, il tombe
dans un profond état léthargique. Le médecin, qu'on
a mandé en toute hâte, se frotte les mains et s'écrie :
« La crise est passée. Tout va bien. Demain votre
fils se réveillera dispos. Tous, allez-vous-en dans vos
couches respectives, je l'ordonne, afin que je reste
seul
à côté du malade, jusqu'à l'apparition de l'aurore
et du chant du rossignol (l) ». Maldoror, caché
derrière la porte, n'a perdu aucune parole. Maintenant,
il connaît le caractère des habitants de l'hôtel,
et agira en conséquence. Il sait où demeure Mervyn,
et ne désire pas en savoir davantage. Il a inscrit
dans un calepin le nom de la rue et le numéro du
bâtiment. C'est le principal. Il est sûr de ne pas les
oublier. Il s'avance, comme une hyène, sans être vu,
et longe les côtés*e de la cour. Il escalade la grille*v
avec agilité, et s'embarrasse un instant dans les
pointes de fer; d'un bond, il est sur la chaussée. Il
s'éloigne à pas de loup. « Il me prenait pour un malfaiteur,
s'écrie-t-il*g; lui, c'est un imbécile. Je voudrais
trouver un homme exempt de l'accusation que
le malade a portée contre moi
. Je ne lui ai pas enlevé
un pan de son pourpoint, comme il l'a dit. Simple
hallucination hypnagogique (m) causée par la frayeur.
Mon intention n'était pas aujourd'hui de m'emparer
de lui; car, j'ai d'autres projets ultérieurs (n) sur cet
adolescent timide ». Dirigez-vous du côté où se
trouve (o) le lac des cygnes; et, je vous dirai plus tard
pourquoi il s'en trouve un de complètement noir
parmi la troupe, et dont le corps, supportant une
enclume, surmontée du cadavre en putréfaction d'un
crabe tourteau, inspire à bon droit de la méfiance à
ses autres (p) aquatiques camarades (5).


1. Variantes

Correction justifiée

1) 293: 10  [Maldoror] s'est bien gardé de ne pas suivre les pas qui le précédaient.

Il faut ajouter le pronom complément, les pas qui précédaient Maldoror, qui le précédaient. Comme il est difficile de comprendre qu'il s'agit du trajet qui conduit Mervyn du portail au perron, les pas qui précédaient, ce serait les pas précédents (et la relative à valeur démonstrative devrait alors être au présent); ces « pas » seraient donc ceux de Mervyn... à la strophe précédente ! mais de pas, il n'a jamais été question. Trois traducteurs seulement reconduisent la formulation de Ducasse (Serrat, Alonso et Méndez), tous les autres corrigent. Il s'agit d'une coquille, d'autant plus malvenue que la réussite du jeu de mot narratif en devient une tournure lourde dont l'impact se perd. La bourde doit donc être corrigée.

2) 295: 12 ... je vais chercher dans mon appartement un flacon rempli d'essence de térébenthine, et dont je me sers habituellement quand la migraine envahit mes tempes...

Soustraction de la conjonction de coordination devant la relative.

3) 295: 23  Depuis notre légitime union, aucun nuage n'est venu s'interposer entre nous. Je suis content de toi, je n'ai jamais eu de reproches à te faire : > , et réciproquement.

4) 296: 13  Le commodore [...] accepte le flacon [d'essence de térébenthine] des mains de son épouse. Un foulard d'Inde y > en est trempé, et l'on entoure la tête de Mervyn avec [...] la soie.

Évidente faute d'inattention : on ne trempe pas un foulard dans un flacon d'essence, mais on l'imbibe de son contenu.

5) 297: 22  Il me prenait pour un malfaiteur, s'écrie-t-il : > ; lui, c'est un imbécile.


2. Commentaires linguistiques

(a) T : [Maldoror] s'est bien gardé de ne pas suivre les pas qui précédaient > les pas qui le précédaient. Cf. v. 1.

(b) Moins âgés que lui : lourde formulation pour, ses jeunes frères, d'autant qu'on trouve l'hispanisme premier-né (primogénito) dès la phrase suivante.

(c) Le meuble, chargé d'un fardeau. Bien entendu, le pronom déterminatif manque, le sofa étant chargé de ce fardeau, d'un tel fardeau, mais il est impossible que la tournure on ne peut plus emphatique ne soit pas voulue. Ces désignations alambiquée, précieuses et maniérées, parsemées tout au long de la strophe, caricaturent le caractère aristocratique de la famille de Mervyn. Un sommet sera pour le père d'ordonner à son épouse de « refermer le conduit de (ses) glandes lacrimales » ! (p. 294: 15).

(d) Il parle dans une langue étrangère et chacun l'écoute dans un recueillement respectueux : la faute de rédaction tient à l'expression maniérée de la strophe signalée à la note précédente. Le « commodore » parle tout simplement anglais ! Le Britannique désigne la Tamise à la phrase suivante et caractérisera ensuite la France comme une contrée inhospitalière et sans lois protectrices. — Bien sûr, il faut comprendre que, dans un roman au réalisme social, un vieux père puisse être emporté devant l'énigmatique désarrois de son fils au retour d'une leçon d'escrime à Paris, où l'on risque d'être talonné par de très malveillantes personnes. Disons que la suite prouvera qu'il n'avait pas tort et qu'il devait craindre bien pis. Il faut surtout comprendre que c'est exactement l'effet que veut produire ce deuxième chapitre du roman, comme aussi le suivant, avant de basculer dans un comique de plus en plus loufoque, après une strophe délirante (6.6) digne des Chants précédents.

(e) Dans l'éloignement. On attendrait, en m'éloignant; mais en fait, c'est le complément circonstanciel qui ne convient pas : quoique depuis ma retraite, je suis loin des combats maritimes...

(f) Refermer, pour fermer.

(g) Prendre un livre + entre ses mains = évident explétisme.

(h) Les mains, pour les bras pendants. À remarquer que les mains pendantes n'est pas un hispanisme, même si plusieurs traducteurs reprennent littéralement la curieuse expression, tandis que les bras pendant en est un, pour les bras ballants.

(i) Je, je suis certain : cette intervention à la première personne ne peut être attribuée qu'au narrateur. Or, son contenu correspondrait plutôt à une réflexion du commodore et il suffirait de la mettre entre guillemets pour comprendre que c'est le père qui parle ainsi de ses jeunes enfants. Chose certaine, puisqu'on doit se poser la question, c'est une faute de rédaction (ou pour le moins de typographie).

(j) Je, je te bercerai : après la réflexion du père, vraisemblablement, c'est maintenant celle de la mère. Sa réflexion est explicitement suivie d'une réplique adressée à son époux, marquée du tiret, tout comme la réponse du commodore qui suit.

(k) T : Un foulard d'Inde y > en est trempé... Cf. v. 4.

(l) « ... jusqu'à l'apparition de l'aurore et du chant du rossignol ». Mis pour, et qu'on entende le chant du rossignol, ou, et que chante le rossignol.

(m) Hallucination hypnagogique. Si l'expression se trouve deux fois dans la correspondance de Flaubert en 1868, elle se trouve pour la première fois ici, l'année suivante, dans une oeuvre littéraire (TLF). Isidore Ducasse a donc retenu le vocable de sa lecture d'Alfred Maury (cf. strophe 5.3, notes). Au sens strict, il s'agit des images qui se forment dans la période du réveil, s'opposant à celles de l'endormissement; dans les deux cas, il 'agit toutefois d'« hallucinations » à la limite du rêve.

(n) Projets ultérieurs : explétisme, comme on en trouve constamment dans les Chants. Cette caractéristique devra être étudiée, car tout enseignement de la rédaction au collège, ou même dans les petites classes, apprend à les pourchasser et à les éliminer. Évidemment, on en trouve deux explications qui impliquent la rédaction des Chants, l'improvisation d'une part et le peu de soin à se corriger d'autre part. Mais cette seconde explication a aussi sa justification : notre Montévidéen avait bien autre chose à corriger que ses explétismes...

(o) Du côté où se trouve, mis pour, vers.

(p) Ses autres aquatiques camarades. Autre, le déterminant dit indéfini, est entraîné par l'adjectif, d'expression emphatique (s'agissant de cygnes !). Il s'agit de ses camarades.


3. Notes

      Avec ce second chapitre, nous passons du roman d'aventures au roman réaliste, d'ordre psycho-social. Nous passons aussi d'un univers parisien à la description d'une famille aristocratique anglaise richement logée à Paris. Comme on va vite le voir, les rapports interpersonnels des membres de la famille sont manifestement parodiques (accentuant les caractères bourgeois de la strophe 1.11), s'agissant de parodier le genre romanesque. En revanche, ces rapports familiaux sont si grossiers (maître/« esclave » !) qu'on voit mal quel romancier (anglais !) Isidore Ducasse voudrait caricaturer. Il est probable que l'auteur donne simplement libre cours à son imagination pour produire un « roman » qui sera de plus en plus absurdement « romanesque ».

      Comme on va le voir, les hispanismes et le caractère hispanique de la strophe vont s'accentuer en regard de la strophe précédente, qui en était déjà fortement marquée. En particulier, les désignations de personne en mode hispanique vont démultiplier (anachroniquement) les formulations « aristocratiques anglaises » ! — Ce sera de l'anglais en espagnol rédigé en français.

(1) Boiseries de cornaline : note encyclopédique. La seule occurrence du syntagme au TLF est celle qu'on trouve ici. Malgré mes recherches sur l'internet, je n'en ai trouvé aucune autre. En revanche, je crois bien en avoir trouvé la signification (sur RLG). On lit en effet, dans le Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle d'Eugène Violet-le-Duc (1814-1879), la note suivante à l'article « Stelle » (chaires ou rangées de sièges dans le choeur) : les stelles de la cathédrale d'Auch (construite de 1820 à 1846) sont « taillées dans un bois de chêne d'une qualité exceptionnelle, et qui a pris par le frottement l'aspect de la cornaline » (Paris, Morel, 10 vol., vol. 8, 1869, p. 474). Voilà qui correspond exactement aux lambris du salon aristocratique des parents de Mervyn. L'intérêt, pour nous, puisqu'il est bien certain que Ducasse n'a pas construit ce syntagme à partir du fragment de la page 474 du huitième tome du dictionnaire de l'architecte Violet-le-Duc, est de pouvoir trouver où Isidore Ducasse a pu lire une désignation aussi rare que précise, des lambris de chêne de couleur ou d'aspect cornaline, obtenu par frottement ou polissage.

(2) Fils de famille : il est peu probable que se trouve caractérisé ici, presque péjorativement (ce serait le fils à papa), l'enfant d'une famille riche et privilégiée. Il s'agit plutôt d'un innocent hispanisme désignant un enfant, un enfant de cette famille. Dans les deux langues, fils/hijo s'emploie pour désigner l'enfant de l'un ou de l'autre parent, ou des deux; sauf qu'ici, l'expression fils de famille ne convient évidemment pas en français.

(3) Cette description fort précise de l'habillement de jeunes garçons, dont la famille aristocratique est installée à Paris au milieu du XIXe siècle, ne correspond, me semble-t-il, à aucune gravure ni à aucune présentation des vêtements de l'époque. Du moins je n'ai rien pu trouver de comparable. D'ailleurs les garçons, à ce moment, portent le même habillement que les petites filles, soit la robe, la mode qui vient justement d'Angleterre faisant fureur en France, dans la bourgeoisie et la noblesse, au moins jusqu'à l'âge de dix ans. Les frères de Mervyn devraient donc avoir entre douze et seize ans. Cela dit, ces traits descriptifs du vêtement de jeunes garçons ne viennent peut-être pas d'une gravure, d'une revue du XIXe siècle; il pourrait bien s'agir d'un costume folklorique (mais je n'ai rien pu trouver de comparable dans les tableaux historiques du XVIIIe siècle).

      À noter que l'engoulevent de Caroline se trouve partout en Amérique du Nord et ses plumes décoratives partout au monde. Au XIXe siècle, il y a longtemps que le pantalon de velours n'est plus exceptionnel (le velours, venu d'Orient, se tissait en Italie et en Espagne au Moyen Âge, mais il se fait alors en Europe).

(4) «... et l'on entend les cris joyeux d'un kakatoès des Philippines, perché sur l'embrasure de la fenêtre ». Voilà une note inopinée, merveilleuse incongruité surréaliste. Jean-Luc Steinmetz (LdP) imagine l'oiseau prosaïquement rapporté par le commodore de « ses voyages au long cours » ! On ne trouve aucune oeuvre enregistrée au TLF qui désigne le kakatoès des Philippines (mais, de 1833 à 1864, trois occurrence de cacatoès chez Eugène Sue, une chez Alexandre Dumas et une autre chez Barbey d'Aurevilly, sans rapport avec le contexte des Chants ici); on trouve l'oiseau décrit dans de nombreux traités d'histoire naturelle en 1850-1860 (et bien entendu dans l'Encyclopédie de J.-C. Chenu), mais il est peu probable qu'Isidore Ducasse l'ait emprunté à l'un de ces ouvrages. L'oiseau, en cage, correspond à peu près au perroquet (du moins le petit kakatoès ou cacatoès). Il cadrerait parfaitement bien dans le salon aristocratique des parents de Mervyn, bien entendu. — Sauf que l'oiseau n'est pas dit en cage, mais sur l'embrasure de la fenêtre et que nous sommes à Paris et non en Australie ou aux Philippines...

(5) Troisième « énigme » parodiant le roman feuilleton populaire. Elle résume sommairement la situation finale de la strophe 6.8.


4. Faurissonneries

      Fin du résumé du chapitre II : « Maldoror, caché derrière la porte, a tout entendu et notamment les menaces du père à l'égard de celui qui a mis "le garçon" dans cet état. Maintenant, comme une "hyène", il s'éloigne ! "à pas de loup" » (p. 151). Le professeur n'apprécie pas qu'une hyène s'éloigne à pas de loup, ce qui est amusant et ne porte pas à conséquence. En revanche, la narration n'implique aucun rapport entre les menaces grandiloquentes du commodore et ce que vient d'apprendre Maldoror, c'est-à-dire... l'adresse de Mervyn ! car c'est justement la seule chose qui lui importe pour l'instant (d'où la lettre qu'il adressera à l'adolescent au chapitre suivant).

      Double faute. Robert Faurisson « psychologise » le roman, de sorte qu'il imagine Maldoror prendre au sérieux les menaces du commodore à son endroit; a-t-il peur de lui voir décrocher son épée qui n'est pas encore rouillée et qu'on peut facilement effilée ? En fait, tout lecteur sera mort de rire à lire toute l'ouverture de la strophe. Or, le lecteur sera encore plus amusé de voir le professeur prendre tout cela au premier degré, seconde faute on ne peut plus évidente, car le critique sera bien le seul à prendre au sérieux la caricature d'un grotesque manifestement outrancier, et qui le deviendra de plus en plus avec le déroulement du roman — voir la note (d).

      On voit d'ailleurs Robert Faurisson se résigner à ne plus pouvoir même citer toutes les « énormités » de ce roman du Chant 6. C'est épouvantablement attristant. Trop à dire, rien à dire. Il en est débordé. Il va tout de même y aller de quelques interprétations originales, comme on va le voir aux faurissonneries des strophes suivantes.

Variantes Commentaires Notes Faurissonneries
Tables du début de la présente strophe