Comment un sociologue le moindrement
responsable
pourrait-il comparer les marques du féminin aux
étoiles
jaunes dont le régime hitlérien marquait les Juifs ?
Il y
a là quelque chose de tellement disproportionné qu'il
faut
bien y voir le monstrueux scandale d'une inqualifiable bourde,
surtout
quand Nicole Gagnon n'y trouve qu'une « comparaison un
peu
grosse ». D'un sociologue, on attendrait plus de retenue
sur une telle
question. Il faut en exiger des excuses.
Comme grammairien de la langue
française,
à double titre de linguiste et de spécialiste des
études françaises, j'ai préparé une
étude substantielle de la question en 1990. À
l'Université
de Montréal où je travaille, on appelle cela un
service
à la communauté, car c'était l'époque
où commençait à sévir le
« style
bigenre ».
En effet, j'en ai proposé la publication au Devoir
qui n'a pas
donné suite à ma proposition. J'ai publié
cette
analyse dans mon dernier recueil d'articles intitulé
Polémiques (Laval, Singulier, 1992) sous le titre
« Le
style
bigenre ». Il suffit de le lire pour comprendre que
Nicole Gagnon
accumule sur le sujet plus d'ignorances qu'elle ne fait
d'affirmations,
toutes plus saugrenues les unes que les autres.
Pour rétablir les faits et simplement
pour poser
correctement les questions, il me faudrait au moins dix fois plus
d'espace que n'en occupent les deux torchons publiés dans
le
Devoir à ce sujet par Nicole Gagnon, ce qui est assez
naturel. Lorsqu'on n'a aucune compétence sur un sujet
donné,
il
arrive qu'on accumule beaucoup de faussetés et
d'étourderies, avec de nombreux préjugés.
Dans le
cas qui nous occupe ici, on ne compte pas les erreurs de faits
grammaticaux (sur les déclinaisons en genre), les fautes
d'interprétation sur les mécanismes linguistiques (la
nature et les fonctions du genre dans nos langues
indo-européennes), de même que les aberrations sur les
usages stylistiques, ceux dont relèvent justement nos
dérivations et compositions pour désigner au
féminin
en français les titres, les fonctions, les métiers et
les
professions appliqués à une femme lorsqu'elle est
personnellement
désignée.
Ce serait seulement amusant si l'universitaire
n'accumulait autant d'injures et de mépris dans un style
dont elle
ne voit manifestement pas la portée, notamment à
l'égard de la linguiste et grammairienne Marie-Éva de
Villers qui a montré autant de compétence que de
retenue
amusée dans sa réplique du 26 février (et qui
se
voit grossièrement qualifiée de
« linguistine »
et de
« doctorelle », alors qu'elle intervient
précisément à
titre de spécialiste, ce qui n'est pas le cas de Nicole
Gagnon
à ce qu'on sache). D'ailleurs, j'espère que
l'auteure du
Multidictionnaire se montrera un auteur plus courageux que
moi, car il
faut probablement être une linguiste pour avoir la patience
de
corriger point par point les ignorances qu'on lit sous la plume de
« madame le sociologue Gagnon », lorsqu'elle se
prend pour
« un » autre.
Bref, Nicole Gagnon pourrait être
comparée
à un éléphant dans un magasin de porcelaine,
n'était le ridicule de son papotage et l'infamie de ses
injures.
Que voilà bien plutôt un bel éléphant de
porcelaine !
En effet, la langue n'appartient pas aux
linguistes.
Mais les analyses linguistiques peuvent être plus ou moins
pertinentes. À mon avis, la meilleure intervention publique
sur la
féminisation des noms de professions et le style bigenre au
Québec depuis le début de l'année est celle de
Mme
Maria Therese Pérez-Hudon parue dans « La
boîte aux
lettres » du journal la Presse (29 janvier).
Elle comparait
simplement l'usage
de l'espagnol et du français sur ce point,
c'est-à-dire les
choix de deux langues romanes obéissant aux mêmes
mécanismes sur le genre grammatical. Bien informée,
elle le
faisait avec une pétillante intelligence que Nicole Gagnon
aurait tout avantage à méditer.
Appendice
Dimanche, 5 avril 1998.
Dimanche, 19 avril — rappel.
Le Devoir, rédaction.
Madame, monsieur,
Je ne trouve pas correct que Mme Gagnon ait pu
publier
coup sur coup deux interventions dans votre page
« Idées » et que
dans la seconde, au lieu de s'excuser de ses bévues, elle
ait
ajouté froidement d'autres insultes envers ma
« collègue »
(des HEC, je suis de l'UdeM et ne la connais nullement), Mme de
Villers.
Si vous n'avez pas reçu d'autres protestations et ne pouvez
donc
en publier d'autres, alors je vous serais très reconnaissant
de
faire paraître la mienne.
Je vous adresse donc à nouveau mon
texte du 5
avril,
__gl>-
Guy Laflèche, études
françaises,
Université
de Montréal
Le devoir n'a pas publié ce texte qui
paraît ici pour
la
première fois.
TdM —
TGdM
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