Les interventions du redoutable polémiste (nous le sommes tous) restent généralement sans réplique, malheureusement, ses victimes n'éprouvant pas le besoin qu'on mesure davantage la justesse de la critique et c'est bien dommage, cela nous permettrait de rire encore un peu, car si le polémiste est intervenu, c'est évidemment parce que ce n'était pas drôle du tout. La formule : polémique = réplique (pamphlétaire (sans réplique)).
L'éléphant de porcelaine L'arpenteuse du racisme La brouillonnologue de la CGMM Notre critique et sa poésie
Les fulminations de Dominique Deslandres, de René Latourelle et de Robert Toupin contre le « Mythe contemporain Laflèche »

Polémiques II

Guy Laflèche,
Université de Montréal

La pleureuse de l'Académie

      Le Devoir publiait coup sur coup, le 20 février et le 3 avril 1998, deux mercuriales de Nicole Gagnon contre la féminisation des titres, des fonctions, des métiers et des professions. En deux épisodes, rarement aura-t-on lu autant de sottises. D'ailleurs, on ne compte plus le nombre de fois où le professeur est intervenue dans le Devoir sur ce beau sujet, se prenant sérieusement pour la pleureuse de l'Académie française. Voici la réplique que j'ai alors adressée au Devoir, sous le titre « L'éléphant de porcelaine ».

      J'avais pourtant déjà pris contact avec Nicole Gagnon, à la suite de son mauvais pamphlet dans le journal des professeurs, Université (mars 1996), pour lui signaler mon travail à ce sujet. Nicole Gagnon étant sociologue de formation et ignorant manifestement tout des questions linguistiques et grammaticales dont je suis spécialiste, je pensais qu'elle pourrait être mieux informée par mon analyse et ensuite plus nuancée dans ses opinions, qu'elle pourrait même revenir sur ses préjugés qui n'ont aucun fondement dans la grammaire de la langue française.

      Elle n'en a tenu aucun compte, comme on peut le voir dans le recueil de ses articles à ce sujet paru sous le titre l'Antiféministe (Montréal, Stanké, 1998, 112 p.), « pamphlet » paru peu après la nouvelle polémique qu'elle a réussi à relancer dans le Devoir.

      Et ce n'est pas tout ! Le mauvais livre fait pour l'essentiel de mauvais articles parus dans le Devoir, le journal qui a refusé de faire paraître la présente réplique, s'est mérité, précisément dans le Devoir, un compte rendu dithyrambique et donc fort mal informé de Louis Cornellier : « Le féminisme à la varlope » (20 novembre 1998, p. D7). J'ai aussitôt signalé au philosophe l'adresse du présent fichier.

      Voici donc ma réplique. On y trouvera tout ce que savait et devait savoir Nicole Gagnon depuis deux ans, avant de lancer ses mercuriales dans le Devoir et de reprendre tout cela ensuite chez Stanké, dans son grand rôle, la pleureuse de l'Académie.

Devinette

Dans combien de temps
le Devoir
se fera-t-il encore
le haut-parleur de Nicole Gagnon
pour amuser ses lecteurs
d'une nouvelle
« polémique »
sur la féminisation des titres ?

L'éléphant de porcelaine

      Comment un sociologue le moindrement responsable pourrait-il comparer les marques du féminin aux étoiles jaunes dont le régime hitlérien marquait les Juifs ? Il y a là quelque chose de tellement disproportionné qu'il faut bien y voir le monstrueux scandale d'une inqualifiable bourde, surtout quand Nicole Gagnon n'y trouve qu'une « comparaison un peu grosse ». D'un sociologue, on attendrait plus de retenue sur une telle question. Il faut en exiger des excuses.

      Comme grammairien de la langue française, à double titre de linguiste et de spécialiste des études françaises, j'ai préparé une étude substantielle de la question en 1990. À l'Université de Montréal où je travaille, on appelle cela un service à la communauté, car c'était l'époque où commençait à sévir le « style bigenre ». En effet, j'en ai proposé la publication au Devoir qui n'a pas donné suite à ma proposition. J'ai publié cette analyse dans mon dernier recueil d'articles intitulé Polémiques (Laval, Singulier, 1992) sous le titre « Le style bigenre ». Il suffit de le lire pour comprendre que Nicole Gagnon accumule sur le sujet plus d'ignorances qu'elle ne fait d'affirmations, toutes plus saugrenues les unes que les autres.

      Pour rétablir les faits et simplement pour poser correctement les questions, il me faudrait au moins dix fois plus d'espace que n'en occupent les deux torchons publiés dans le Devoir à ce sujet par Nicole Gagnon, ce qui est assez naturel. Lorsqu'on n'a aucune compétence sur un sujet donné, il arrive qu'on accumule beaucoup de faussetés et d'étourderies, avec de nombreux préjugés. Dans le cas qui nous occupe ici, on ne compte pas les erreurs de faits grammaticaux (sur les déclinaisons en genre), les fautes d'interprétation sur les mécanismes linguistiques (la nature et les fonctions du genre dans nos langues indo-européennes), de même que les aberrations sur les usages stylistiques, ceux dont relèvent justement nos dérivations et compositions pour désigner au féminin en français les titres, les fonctions, les métiers et les professions appliqués à une femme lorsqu'elle est personnellement désignée.

      Ce serait seulement amusant si l'universitaire n'accumulait autant d'injures et de mépris dans un style dont elle ne voit manifestement pas la portée, notamment à l'égard de la linguiste et grammairienne Marie-Éva de Villers qui a montré autant de compétence que de retenue amusée dans sa réplique du 26 février (et qui se voit grossièrement qualifiée de « linguistine » et de « doctorelle », alors qu'elle intervient précisément à titre de spécialiste, ce qui n'est pas le cas de Nicole Gagnon à ce qu'on sache). D'ailleurs, j'espère que l'auteure du Multidictionnaire se montrera un auteur plus courageux que moi, car il faut probablement être une linguiste pour avoir la patience de corriger point par point les ignorances qu'on lit sous la plume de « madame le sociologue Gagnon », lorsqu'elle se prend pour « un » autre.

      Bref, Nicole Gagnon pourrait être comparée à un éléphant dans un magasin de porcelaine, n'était le ridicule de son papotage et l'infamie de ses injures. Que voilà bien plutôt un bel éléphant de porcelaine !

      En effet, la langue n'appartient pas aux linguistes. Mais les analyses linguistiques peuvent être plus ou moins pertinentes. À mon avis, la meilleure intervention publique sur la féminisation des noms de professions et le style bigenre au Québec depuis le début de l'année est celle de Mme Maria Therese Pérez-Hudon parue dans « La boîte aux lettres » du journal la Presse (29 janvier). Elle comparait simplement l'usage de l'espagnol et du français sur ce point, c'est-à-dire les choix de deux langues romanes obéissant aux mêmes mécanismes sur le genre grammatical. Bien informée, elle le faisait avec une pétillante intelligence que Nicole Gagnon aurait tout avantage à méditer.


Appendice

      Dimanche, 5 avril 1998.
      Dimanche, 19 avril — rappel.

      Le Devoir, rédaction.
      Madame, monsieur,

      Je ne trouve pas correct que Mme Gagnon ait pu publier coup sur coup deux interventions dans votre page « Idées » et que dans la seconde, au lieu de s'excuser de ses bévues, elle ait ajouté froidement d'autres insultes envers ma « collègue » (des HEC, je suis de l'UdeM et ne la connais nullement), Mme de Villers. Si vous n'avez pas reçu d'autres protestations et ne pouvez donc en publier d'autres, alors je vous serais très reconnaissant de faire paraître la mienne.

      Je vous adresse donc à nouveau mon texte du 5 avril,

      __gl>-

      Guy Laflèche, études françaises,
      Université de Montréal


      Le devoir n'a pas publié ce texte qui paraît ici pour la première fois.


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