1 — Réactions
critiques
1.1 — Guy Laflèche,
Ce livre est une ordure
Voici la première pièce au
dossier de l'Affaire Gosselin. Il s'agit de ma réplique au
compte rendu de Louis Hamelin, qui est d'elle-même une
dénonciation du livre d'Yves Gosselin, et de son auteur, et
de son éditeur Jacques Lanctôt. J'ai adressé
ce texte au Devoir le 22 octobre 2003, moins de trois jours
après la parution du compte rendu d'Hamelin (18-19
octobre).
|
Yves Gosselin, Discours de réception,
Montréal, Lanctôt, 2003, 162 p.
Ce livre est une
ordure
Guy Laflèche
Université de Montréal
Le titre de cette réplique est de
moi : ce livre est
une ordure.
Il
s'agit
du livre d'Yves Gosselin publié par Lanctôt
Éditeur et
dont
Louis Hamelin servait un irresponsable compte rendu dithyrambique
dans le
Devoir de samedi dernier.
On ne publie pas aujourd'hui un roman dont le
personnage principal
est le
romancier
Louis-Ferdinand Destouches dit Céline sans
s'inquiéter de sa
teneur.
On n'en publie pas non plus un compte rendu dans le cahier des
livres du
Devoir sans s'assurer de la compétence de son auteur.
La
chaîne d'irresponsabilités ici comprend Yves Gosselin,
Jacques
Lanctôt et ses employés, Louis Hamelin et
Jean-François
Nadeau
responsable du « Cahier des Livres » au
Devoir. Cela fera
beaucoup
d'excuses
à présenter. J'espère que le Devoir
pourra les
faire dès samedi prochain en première page du
journal,
avec la publication de la présente réplique en
première
page
du cahier des livres.
Comme il me faudrait trois fois plus d'espace
que Louis Hamelin
pour
répliquer à son compte rendu, je vais tenter de m'en
tenir
à
l'essentiel dans cette intervention critique.
L'éditeur Lanctôt écrit ou
laisse écrire
en
quatrième page de couverture du livre de Gosselin que
Louis-Ferdinand
Céline est une « ordure
canonisée ». Il
s'agit
là d'une opinion qui, exprimée sans autre forme de
procès, est
une insulte gratuite. D'abord Céline n'a jamais
été
canonisé par personne, sinon par les lecteurs et les
critiques qui ont
reconnu ses indéniables talents d'écrivain,
s'agissant du plus
grand
romancier français du XXe siècle. Il ne s'agit pas
non plus
d'une
« ordure ». Il s'agit d'un homme qui a
été
fascisant, antisémite, raciste et pacifiste, aux sens
précis
et peu
honorables que ces mots ont dans la société
française et
dans
l'Europe de l'entre-deux-guerres. Il y a deux ouvrages qui mettent
en
perspective
la dérive idéologique que Destouches a payée
fort cher,
mais
dont, à sa honte, il ne s'est jamais ni expliqué ni
excusé.
Il s'agit de l'essai de Jacqueline Morand sur « Les
idées
politiques de Louis-Ferdinand Céline » (1972) et
de la
biographie
critique remarquablement bien informée de Philippe
Alméras
(« Céline entre haines et passion » chez
Laffont,
1994).
Jacques Lanctôt et sa maison d'édition
littéraire doivent
des
excuses à tous ceux qui aiment assez la littérature
et ses
écrivains pour se scandaliser de la stigmatisation
outrancière
d'un
Céline comme « ordure
canonisée ».
Les excuses de Louis Hamelin seront plus
simples à
présenter,
car
évidemment il n'a manifestement pas la conscience historique
élémentaire pour apprécier l'ouvrage dont il
fait
bêtement la promotion. Mais je ne sais pas s'il est possible
de
s'excuser
de son ignorance lorsque l'intelligence est en cause. Lorsqu'il
écrit
qu'« il faut un minimum de culture pour mettre en
branle une
farce
pareille », il fait preuve évidemment d'une
nonpareille
inculture. Retrouver le style ou même l'esprit du style de
Céline
dans cette assommante et lourde tartine, c'est faire preuve d'une
rare
insensibilité au talent de l'écrivain
français. Mais le
plus
grave, évidemment, est de ne pas comprendre que l'histoire
ne saurait
être un « vulgaire tapis » ou une
« allée de quilles pour jongleur
doué ».
Le
critique fait preuve d'une irresponsabilité dont il est peu
probable
qu'il
se relève sans présenter rapidement ses excuses et
refaire ses
devoirs critiques le plus vite possible.
Le « discours de
réception » d'Yves
Gosselin met
en
scène un narrateur falot qui s'adresse à
l'Académie
française pour y présenter l'apologie de
Louis-Ferdinand
Céline peu après son décès. Le roman
est
constitué de ce discours. À partir du
véritable
personnage que
fut
Destouches, l'auteur nous invente, à travers ce
« discours », un Céline fictif, le
Céline
que
nous connaissons tous, mais tel qu'il serait devenu, dans une
Europe où
l'Allemagne nazie aurait été victorieuse. Dans cette
triste
fiction,
Louis-Ferdinand Destouches serait devenu un fanatique partisan
d'Hitler, le
rencontrant à plusieurs reprises pour le soigner, il aurait
cessé
d'écrire des romans (mais n'en aurait pas moins obtenu le
Nobel !)
pour
devenir hygiéniste avec l'appui de tous les
ministères du
maréchal Pétain. Et pourquoi ? Pour inventer
de
formidables
médicaments, vaccins à l'eau de mer et traitements
électriques
permettant de régénérer les races. Toutes les
cinq
pages,
environ, on retrouve de multiples développements tout aussi
idiots sur
ses
« idées » eugénistes (en regard
des articles
que
Céline a rédigés en réalité et
que nous
pouvons
lire facilement aujourd'hui). À cela s'ajoute un chapelets
de
niaiseries
égrenées tout au long du livre (Céline a un
trois-mâts
à Saint-Malo, il devient un fanatique défenseurs des
animaux et
se
fait d'ailleurs inhumer au cimetière de ses chiens). Je ne
vois
vraiment
pas qui peuvent intéresser de telles inventions d'enfants
d'école
sous-doués.
Mais l'essentiel n'est pas là. Il
consiste tout simplement
dans
le discours antisémite, raciste et fasciste du narrateur,
rapportant
des
propos supposés du grand homme, discours qui culmine au
centre du livre
(p.
81-84) dans l'apologie frénétique de l'holocauste
d'Auschwitz.
Je peux expliquer le plus sommairement
possible pourquoi ce
discours fictif
est
proprement odieux. L'auteur ne voit pas que son
« discours »
(qui se voudrait outrancier mais ne l'est nullement) est une grave
édulcoration non seulement de la réalité, mais
même
des
discours antisémites qui ont été tenus en
réalité, et par Céline lui-même, au
moment
où se
mettaient en place les camps de concentration nazis. La cause en
est que
Louis-Ferdinand Destouches,
contrairement au personnage que le pauvre Gosselin
fabule
sous son nom, n'était pas une baudruche insane et ignoble.
Et c'est
cela,
précisément, qui est terrible, ce dont notre pauvre
Gosselin
(bis)
n'a aucune conscience. Il s'imagine probablement que les
associations juives
vont
monter aux barricades pour fustiger son livre, dont son
éditeur fera
fortune. Il ne sera pas accusé de racisme, mais bien plus
gravement
pour
un intellectuel de manquer de jugement et de sens historique. Par
ailleurs,
ce qui
est assez grave pour un écrivain, il est clair que Gosselin
analyse
à contresens l'oeuvre et la pensée de Céline
et on en
voit
partout l'illustration navrante. Céline ne peut être
un
académicien d'aucune façon, il ne peut
défendre la langue
française (de Rabelais à... Dumas !), son
premier roman n'a
rien
de
particulièrement hygiéniste, etc. Mais le plus grave
et le plus
irresponsable est de lui attribuer un délire fasciste,
raciste et
antisémite qui, par sa logorrhée même, est une
édulcoration de la grave responsabilité historique
que porte
l'auteur
de Bagatelles pour un massacre.
Une dernière chose, non des moindres.
Il y aurait là
« humour décapant » et
« pastiche
réussi » selon le critique Hamelin. Un
véritable
« électrochoc » propre à
provoquer des
« chocs salutaires » d'après
l'éditeur
Lanctôt. Le livre de Gosselin ne dénonce rien du
tout, ni
l'antisémitisme ni les dangers de la
génétique. Rien.
Ce
livre n'est pas un pamphlet ni un ouvrage polémique. Il ne
vise rien
du
tout. Pourquoi ? Mais parce que l'auteur, manifestement, n'y
exprime
pas
trois
idées : il n'en a pas une. Il n'a surtout pas
idée du mal
inutile que
fait son livre, pour rien.
On me permettra tout de même cette
conclusion positive :
Céline,
lui,
n'était pas un crétin.
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1.2 — Marc Laudelout,
Anticélinisme primaire
J'ai édité ici, dans ce
répertoire internet, la réaction critique de Marc
Laudelout, avant qu'elle ne paraisse au Bulletin
célinien (vol. 22, no 248, décembre
2003, p. 15). En contrepartie, Marc Laudelout renvoyait
à l'adresse de mon site internet en appendice à sa
réaction : « Voir aussi le site internet de
Guy Laflèche (www. etc), professeur au département
des études françaises de l'Université de
Montréal ». Si les premiers
intéressés, les lecteurs du Devoir, ne savent
encore rien de l'affaire que la direction leur cache sciemment, les
spécialistes de l'oeuvre de Céline, eux, en sont
déjà informés — et aussi bien que
précisément !
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Anticélinisme
primaire
L'offensive vient, cette fois, du Canada
où, ironie,
Céline
envisagea un moment de s'exiler. Cela s'appelle Discours de
réception et la couverture nous montre Hitler parlant
à un
rassemblement de SA, en 1933.
Extrait de la quatrième de
couverture :
« Nous sommes
en 1953 : Hitler a gagné la guerre. La France est
réduite par
l'Occupant à un État semi-agricole où
règne une
idéologie agrarienne célébrant les vertus du
travail, de
la famille et de l'hygiénisme. Ce jour-là, Abel
Morandon,
médecin maréchaliste, prononce son discours de
réception
à l'Académie française, un éloge de son
prédécesseur Louis-Ferdinand Céline, mort
quelques mois
plus tôt d'une embolie cérébrale, et dont le
dernier
ouvrage, La mort des juifs, a rencontré un vif
succès
outre-Rhin ».
Dans un livre récent, Céline est
à la fois
qualifié d'ange et de démon. Ici, il est vu comme un
« mythe littéraire » et une
« ordure
canonisée », excusez du peu.
Céline-Bardamu se décrivait
comme
« scientifiquement
médiocre » (l'Église).
Promotion ?
L'auteur, un dénommé Gosselin, l'imagine en grand
inventeur de
plusieurs produits miracles, soulageant successivement
Pétain, Hitler
et Goering, pour n'en citer que quelques-uns. Cette diatribe
anticélinienne est d'une peu commune vulgarité et
témoigne d'une méconnaissance abyssale de
l'écrivain.
Jugez plutôt : le Céline de Gosselin est
académicien,
chantre de la Révolution Nationale, apologiste des
études
gréco-latines, admirateur de Henri Pourrat et de
Barrès, ami
fervent et laudateur de Brasillach, et bien entendu,
irréductible
partisan de l'extermination des juifs.
À quand un pamphlet intelligent contre
Céline ?
Ce n'est
sans doute pas pour demain, il faut le craindre. La fiction a,
hélas,
ses limites, et, pour être efficace, il faudrait que la
fabrication soit
crédible. On assiste ici à une sinistre bouffonnerie
d'une
bêtise insondable. Qu'il se soit trouvé dans la
« Belle Province » un éditeur assez
borné
pour rendre publique cette prose affligeante est une autre mauvaise
nouvelle
pour nos amis québécois.
Marc Laudelout
Le Bulletin célinien
celinebc@skynet.be
http://www.lfceline.fr.st
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1.3 — Guy Laflèche,
« Fin de la parenthèse
et
retour aux
fumées d'Auschwitz »
On trouvera dans les fichiers du Devoir
le
soi-disant
compte
rendu du premier roman d'Yves Gosselin par
Christian Desmeules. Comme on le voit, ce prétendu compte
rendu est en fait une défense et illustration du choix
imposé par Jean-François Nadeau et une attaque
sournoise à mon endroit pour avoir dénonocé ce
choix. J'ai bien entendu répliqué aussitôt.
Ici, et non dans les pages du journal où je suis interdit de
parole.
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Le Devoir plaide le « second
degré »
Contrairement à la soldate du Pentagone,
celui du Devoir est volontaire : l'acheté à
crédit, le vendu, est « payé
pour »
C'est le plaisant placide du beau bocal où il chronique.
« Fin de la
parenthèse
et
retour aux
fumées d'Auschwitz »
Quelle horreur que cette totale insensibilité. Ainsi le
Devoir
continue-t-il de manipuler l'information de la manière la
plus
sordide.
En effet, la réplique du Devoir à mes
protestations
paraît aujourd'hui. « Journal d'une
ménagère
à Auschwitz » (le Devoir, 27
décembre 2003,
p. E7). Elle est évidemment de Jean-François
Nadeau, par
un autre de ses sosies (les moustachus dans l'âme ne manquent
pas),
Christian Desmeules, après Louis Hamelin. Le sbire ne s'en
cache pas
dans la longue parenthèse qui fait plus du tiers de son
prétendu
compte rendu du Jardin du commandant, le premier roman
d'Yves Gosselin
(Montréal, 42e Parallèle, 2003, 284 p.). Honte
à
lui.
Voici les deux phrases qui me visent et servent de réplique
aux
protestations que j'ai développées dans ce fichier
internet
depuis plus de deux mois maintenant :
« Mais ceux qui savent lire liront Discours de
réception. Les autres, lecteurs au premier
degré,
agités du bocal ou polémistes en mal de batailles,
ceux qui
connaissent leurs lettres mais sans jamais dépasser
l'alphabet,
ceux-là
pourront toujours croire qu'il s'agit d'autre chose que d'une
critique impitoyable de l'antisémitisme et des
idéologies
totalitaires ».
Évidemment, je ne suis pas nommé, mon fichier sur la
Toile n'est
ni présenté ni même désigné. Je
suis,
à moi tout seul, de nombreux « agités du
bocal ou
polémistes en mal de batailles ». Comme je suis
interdit de
parole dans le Devoir, il y a évidemment quelque
lâcheté à Christian Desmeules de m'inventer une
armée et des armes de destruction massive
(« L'attention
suscitée par Discours de réception [..] nous
y
ramène » : quelle attention ? —
les
manipulations
du Devoir ?). Ainsi, le sosie du puissant
directeur-adjoint
peut-il s'épargner toute argumentation pour remplir la
mission
de défendre le journal où il exerce le métier
de
chroniqueur (genre soldate d'Irak, version le Devoir). Non
seulement
il a, lui, droit de parole dans le journal, mais il est
manifestement en
service commandé. Honte à lui.
On aimerait savoir en effet d'où il tient le livre de
Gosselin paru au
42e Parallèle et on aimerait également savoir de
quelle maison
d'édition il s'agit.
Christian Desmeules s'ajoute ainsi à la chaîne
d'irresponsablilités que je dénonce. Surtout que je
n'ai pas la
réponse à ces deux questions, fort simples.
D'ailleurs, les
deux questions n'en font qu'une et la réponse n'est pas
à choix
multiple : Jean-François Nadeau, président du
jury du Prix
littéraire des collégiens et qui a personnellement
choisi le
livre d'Yves Gosselin, a commandé à son
chroniqueur, évidemment fort heureux de l'être et
payé pour, de défendre son choix. Comme Christian
Desmeules
ne donne pas son adresse de courrier électronique et que les
journalistes du Devoir (dont J.-F. Nadeau) refusent de
répondre
à mes questions, j'en suis évidemment réduit
à
proposer ces déductions sans pouvoir les vérifier.
Mais on
admettra qu'elles sont assez vraisemblables. En tout cas, elles
font mentir
ma prédiction. Je croyais qu'on ne trouverait jamais
personne le
moindrement intelligent ou cultivé pour prendre la
défense du
livre d'Yves Gosselin. J'avais oublié l'argument de Sartre
contre
Céline (faux, mais qui lui a valu le pamphlet
« À
l'agité du bocal ») : « il
était
payé pour ». Christian Desmeules est chroniqueur
du
Devoir pour le Cahier des Livres dirigé par
Jean-François
Nadeau. Honte à lui, honte à eux.
Je n'ai pas encore vu le Jardin du commandant,
mais il est clair que
le compte rendu de Christian Desmeules vaut exactement, ni plus ni
moins,
celui de Louis Hamelin sur le Discours de
réception :
invraisemblable résumé dithyrambique, sans l'ombre de
la moindre
analyse critique, manifestant une totale insensibilité pour
les
horreurs nazies avec lesquelles Gosselin s'amuse, les chroniqueurs
s'en
amusant eux aussi beaucoup.
Le Devoir plaide donc « l'ironie et le second
degré ». Ainsi s'ouvre la parenthèse de
Christian
Desmeules pour la défense du Discours de
réception.
Celui-ci dénoncerait
l'« antisémitisme » et
les « idéologies totalitaires »
(écho de la
quatrième de couverture de Lanctôt Éditeur).
Comment ? « Par l'absurde ». Or, je l'ai
démontré dès le début, personne ne peut
prendre
au « sens propre » le Discours de
réception
(ce dont le pauvre Christian Desmeules a le front de m'accabler,
à sa
courte honte, honte à lui). J'ai expliqué
tout cela déjà précisément et
longuement.
Reprenons pour le pauvre homme ce qu'expose ma toute
première
réplique au Devoir, le premier texte de ce fichier.
D'accord,
Yves Gosselin ne tient pas le discours antisémite de son
personnage.
Non. Mais alors, quel est donc ce « sens
second », ce
« sens profond », ce « sens
figuré » que manifesterait le roman d'Yves
Gosselin ?
(évidemment, nous connaissons la réponse,
exposée ici en
long et en large, mais pas les lecteurs du chroniqueurs au
Devoir
où j'ai été interdit de parole, tous ceux
d'entre eux du
moins qui ne connaissent pas le présent fichier
... dont le
chroniqueur cache l'existence ! honte à lui ?
oui, honte
à lui, hypocrite et malveillant). Christian Desmeules
affirme que je
suis un imbécile incapable de comprendre qu'il s'agit d'une
« critique impitoyable de l'antisémitisme et des
idéologies totalitaires » (écho de la
quatrième
de couverture de Lanctôt Éditeur, je le
répète : mais dites donc,
est-ce qu'il
est payé aussi pour défendre le budget publicitaire
de
Lanctôt Éditeur au Devoir ? lui
aussi ?). Mais
lui, Christian Desmeules a compris qu'il s'agit d'une
« critique
impitoyable de l'antisémitisme et des idéologies
totalitaires ». Pour moi, d'après lui, il
s'agirait
« d'autre chose ». De quoi donc ?
... un roman
de crétins, oui. Honte à lui de cacher cela à
ses
lecteurs. Mais Christian Desmeules, qui n'en est pas à une
lâcheté près, est payé pour, pour jouer
les
plaisants placides du beau bocal où il chronique. Honte
à lui,
donc.
Mais est-ce que ce serait trop lui demander de bien vouloir nous
expliquer
comment la mise en scène d'un bouffon peut lui
paraître relever
de la critique, alors qu'il s'agit d'un discours loufoque tout
à la
fois anachronique (et parsemé d'anachronismes),
profondément
niais et débile (question
« eugénisme » et
autres balivernes relatives à Céline),
manifestant un plaisir évident de jouer les données
historiques
avec une parfaite immoralité et une répugnante
vulgarité ? Le pauvre chroniqueur s'amuse d'ailleurs
à
relever quelques charmants anachronismes (agrémentés
de
réserves qu'il n'expose pas, honte à lui,
n'étant pas
payé pour cela). Christian Desmeules attendait vraiment ce
livre, il
lui a appris quelque chose ? Rien du tout. Manifestement, le
Discours de réception ne dénonce ni
Céline, ni
l'antisémitisme, ni rien, je l'ai écrit clairement il
y a deux
mois, tout simplement parce que l'auteur, je le
répète, n'a
absolument rien à dire ni rien à exprimer.
C'est clair : ce livre est une ordure.
Pourquoi ? Mais parce que c'est exactement le contraire qui
est
vrai : ce discours « antisémite »
n'a
absolument aucun sens second, figuré ou profond; or, ce
discours de
« premier degré » (qui n'en a pas
d'autres),
bouffonnerie pour incultes, porte sur Auschwitz.
Avec ceux dont il prend la relève, Christian Desmeules
s'amuse beaucoup de ces irresponsabilités :
« Auschwitz », « On
déporte, on s'approprie, on extermine »,
« ...les
fumées nauséabondes qui s'échappent jour
après
jour des fours crématoires du camp de
concentration... »,
« les coulisses de l'horreur mécanisée
d'Auschwitz », « ...une montagne de chaussures
d'enfants », « fumées
d'Auschwitz ». Et
comme les autres, ce qui est terrible (pour nous tous, au
Québec du
moins), les bonnes intentions de Christian Desmeules ne font
absolument aucun
doute. Il est persuadé de collaborer au « pari
exigeant
d'une littérature de combat » pour
« secouer
l'indifférence et l'oubli ». De la
« dynamite ». Honte à lui, honte
à nous.
Un bouffon qui déblatère, jouer à raconter des
histoires
(celle d'une « petite madame » qui ignore
tout...) :
il ne passe pas par l'esprit de ces cuistres de l'information qu'il
s'agit
là d'un criminel comportement enfantin ? Sous
prétexte de
littérature, dans le Cahier des Livres, c'est le
Devoir qui joue
à manipuler ainsi l'information de manière sordide.
Quelle
horreur.
Guy Laflèche,
27 décembre 2003
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2 — Lettres ouvertes
2.1 — Aux journalistes du
Devoir
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Dimanche, 2 novembre 2003
Employés, journalistes et dirigeants
du Devoir,
Mesdames, messieurs,
Vous m'excuserez de faire ainsi irruption dans votre boîte
électronique, mais je tiens à ce que vous soyez
informés
des protestations que j'adresse à la direction de notre
journal.
Lecteur du Devoir depuis toujours, je présuppose
que vous
considérerez tous que ce journal appartient tout autant
à ses
lecteurs qu'à ses artisans, même si chaque
numéro est
d'abord votre oeuvre et celle de la direction et de la
rédaction, ce
jour-là, ces années-là, où vous y
travaillez.
1- En 1995, M. Sansfaçons refusait obstinément de
faire
paraître un très simple texte d'opinion mettant en
cause mes
collègues historiens. Qu'à cela ne tienne, j'en ai
fait une
publicité, publicité
refusée par M. Descôteau
pour
le numéro des 11-12 novembre 1995. À ma
connaissance, c'est
le seul
texte d'opinion jamais refusé comme publicité au
Devoir (texte d'opinion qui ne pouvait prêter
à
aucune accusation de diffamation ou autre, s'agissant simplement
d'une
polémique intellectuelle entre collègues
historiens).
2- En 2002, le Devoir a refusé
obstinément que je
puisse protester contre le résultat d'un reportage (bien
caché,
mais bien payé par la publicité) nous appelant tous
à
« fêter »
l'anniversaire du suicide d'Aquin. J'ai
distribué mon tract
comme un brave lors de l'événement à la
cinémathèque, pour expliquer que le suicide d'Aquin
était
un mythe, s'agissant d'un « aliénicide »
(c'est-à-dire
de la mort d'un suicidaire, d'une personne victime d'une maladie
mentale, qui
aurait dû être soigné et qui, dans ce cas,
serait
probablement encore parmi nous aujourd'hui). Aujourd'hui
même, au
contraire, on lit dans notre journal sous la plume du pauvre Michel
Biron un
nouvel avatar du mythe, « Aquin ou le suicide comme
oeuvre
d'art »,
compte rendu du pauvre Sheppard. Désolant. Il me
paraît
criminel de faire ainsi l'apologie du mythe d'un suicide. Or, cela
serait
aujourd'hui impossible ou du moins plus difficile, je crois, si mon
journal
avait simplement permis que je m'exprime dans ses pages, ce que
j'ai
réclamé en vain à hauts cris.
3- En 2003, maintenant, c'est d'antisémitisme qu'il s'agit,
comme vous
le verrez ci-dessous.
Évidemment, il faut que ce soit gros, très gros pour
que je
tienne absolument à intervenir encore dans le journal
où je me
sens ostracisé. Cette année, comme l'année
dernière, il s'agit d'une réaction d'un
spécialiste des
études littéraires sur une question soulevée
par une
publication de notre journal dans le « Cahier des
Livres ».
Je n'ai pas d'autres objectifs par le présent message que de
vous
transmettre ces informations et, évidemment, mes
protestations. Aux
journalistes parmi vous, je serais reconnaissant de faire
connaître ces
informations, puisque c'est votre métier. À tous
ceux
d'entre vous qui
seriez d'accord avec la légitimité de mes
protestations, je
serais reconnaissant de vous voir protester auprès de la
direction de
notre journal.
Voici mainteant la lettre que j'ai tenté de vous faire
transmettre par
le Syndicat des journalistes du Devoir qui n'a pas
accusé
réception de mon envoi et qui est le principal objet du
présent
message :
|
Le 30 octobre 2003
Monsieur Paul Cauchon, président,
Syndicat des journalistes du Devoir.
cc redaction@ledevoir.com
Cher monsieur Cauchon,
Accepteriez-vous de transmettre copie du présent message aux
journalistes du Devoir ? Il me semble que la direction
de votre
journal ne devrait pas s'y opposer, si même elle ne
décidait pas,
à votre demande, de le faire elle-même pour y ajouter
sa version
ou ses raisons.
Depuis une semaine aujourd'hui, j'ai adressé au journal une
énergique et virulente protestation contre le compte rendu
de Louis
Hamelin sur le livre d'Yves Gosselin mettant en scène un
discours
antisémite fictif absolument inacceptable. Je n'accuse
nullement
Gosselin ou Hamelin — et encore moins le Devoir
— de
partager
les idées véhiculées par le roman, mais de
manquer
d'intelligence au point d'insulter les victimes des camps de
concentration
nazis, les juifs collectivement et, par conséquent, nous
tous. C'est
simple et c'est mon titre : ce livre est une ordure.
Toute personne intelligente qui l'a en main ne met pas dix minutes
en s'en
rendre compte.
Le texte de ma réaction critique se trouve à
l'adresse suivante :
< http:_//_www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/gos.html >.
Le Devoir a évidemment le pouvoir de refuser de
publier ma
réplique. Je crois toutefois qu'il a le devoir de la
publier
intégralement, comme j'avais le devoir moral de
l'écrire. J'ai
longtemps donné, à l'Université de
Montréal
où je suis professeur, un cours entièrement
consacré
à l'oeuvre de Céline, mes deux articles
spécialisés sur son style et ses pamphlets
antisémites
font autorité et ses romans occupent toujours une place
importante dans
mon enseignement. Je suis donc bien placé pour expliquer
pourquoi le
roman d'Yves Gosselin est ignoble d'ignorance et de niaise
forfanterie, que
sa publication chez Lanctôt et sa promotion au
Devoir sont
moralement inacceptables.
Je ne sais pas pourquoi la direction refuse de faire paraître
mon
intervention critique. Toutefois, si je pense à vous
écrire,
c'est tout simplement parce que je vois aujourd'hui la
publicité de
Lanctôt Editeur en première page du journal (elle fait
évidemment partie du budget du Cahier des Livres...). Je
n'accuse pas
la direction de protéger sa publicité, mais je pense
qu'avec
l'ostracisme dont je suis victime à votre journal, cela
pourrait bien
être une explication parmi d'autres et qu'il y a là
apparence de
conflit éthique. Aux journalistes et notamment au Syndicat
d'en juger
en regard des explications que vous devriez exiger et obtenir de la
rédaction.
Quoi qu'il en soit, je ne vous demande rien d'autre que de faire
parvenir la
présente aux journalistes du Devoir, libre
à la
rédaction d'y ajouter sa version. Je vous serais
reconnaissant de
m'indiquer dès demain vendredi, 31 octobre, si cela a pu
être
fait ou non, auquel cas je m'adresserai personnellement à
chacun des
journalistes, un à un, au cours de la fin de semaine qui
vient, si mon
travail peut m'en laisser le temps.
Je vous prie d'agréer, cher monsieur Cauchon, l'expression
de mes
meilleurs sentiments,
__gl>-
Guy Laflèche,
Professeur titulaire,
Études françaises,
Université de Montréal.
|
|
Voilà. Je sais bien que je fais figure de triste Hidalgo,
du genre Don
Guichote de Montréal, mais vous avouerez que s'agissant de
suicide
à distinguer de l'aliénicide, puis maintenant
d'antisémitisme et de camps d'extermination nazis, il n'y
ait pas de
quoi rire.
Bien à vous tous,
__gl>-
|
|
2.2 — Message au groupe de
discussion
LITOR
Depuis plusieurs jours, le groupe de
discussion LITOR interroge
la
pensée du linguiste et philosophe britannique George Steiner
à
l'occasion d'une entrevue à la radio française
où il
tiendrait, avec d'autres, des propos réactionnaires, ce qui
n'est pas
interdit, évidemment. En revanche, quelques membres de
notre groupe
trouvent que quelques passages de ses essais frisent
l'antisémitisme
ou la justification des camps de la mort. C'est dans ce contexte
que je
propose le cas qui nous intéresse ici. Voici le message que
j'ai
adressé aux membres du groupe.
|
Jeudi, 20 novembre 2003
Bonjour,
Passons à autre chose ? Pourquoi pas.
Mais avant, je voudrais remercier tous les intervenants dans ce
débat
concernant George Steiner. J'ai actuellement devant moi Dans le
château
de Barbe-bleue, que je viens d'acheter, mais je n'ai pas pu
trouver
à
Montréal son Transport de A. H., ni en
édition
originale, ni dans la
collection Livre de poche, ni même dans les
bibliothèques que je
fréquente. Ce qui me stupéfie, évidemment,
dans les
extraits de François
Rastier, c'est le discours délirant sur les camps
d'extermination des
Juifs. Ces ouvrages sont parus depuis 20 ou 30 ans et il faut
LIT+OR, des
extraits de notre modérateur, puis des extraits de l'un de
nous, F.
Rastier, pour qu'enfin on s'interroge ?
Justement, puisqu'il faut bien passer à autre chose, puis-je
vous
proposer
un sujet semblable qui me désole actuellement ?
Le journal le Devoir de Montréal a publié le
19 octobre
dernier un
compte rendu pleine page, avec illustrations, d'un
« roman » paru
à Montréal
(chez Lanctôt Éditeur) intitulé Discours de
réception, d'un certain Yves
Gosselin. Le « roman » prête tout
simplement, sur
plus de 150
pages, un
délirant et abject discours antisémite à un
personnage
faisant l'éloge du
romancier Louis-Ferdinand Céline (dans le contexte où
le
fascisme nazi
aurait triomphé lors de la dernière guerre).
Il se trouve que je connais fort bien l'oeuvre romanesque et
pamphlétaire
de Louis-Ferdinand Destouches dit Céline que j'ai longtemps
enseignée à
l'Université de Montréal et qui occupe toujours
beaucoup de
place dans mon
enseignement. J'ai donc tenté en vain de répliquer
à
cette ordure (car il
n'y a pas d'autre mot pour qualifier ce
« roman » — dont
j'ai fait
précisément le titre de mon intervention).
Ici intervient LITOR. Littérature et ordinateur. C'est
sous
prétexte de
« littérature » que le Cahier des Livres
du
Devoir peut
faire la promotion
d'un « roman » abject qui tout à la fois
méprise
l'oeuvre romanesque de
Céline et en même temps amoindrit, détourne et
déforme son discours
pamphlétaire antisémite, fasciste et raciste dans un
formidable
crachat à
la figure de tous les survivants des camps de la mort nazis, nous
tous.
Voilà pour la « Littérature »
où j'ai
été absolument incapable de protester.
Heureusement, dans LITOR, il y a
« ordinateur ».
D'abord le fichier internet que j'ai pu mettre en place à ce
sujet :
< http:_//_www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/gos.html >,
ensuite, le présent message ! (sur LITOR, car la
proportion des
membres
par ailleurs branchés et actifs sur la Toile y est
évidemment
plus forte
qu'ailleurs, de sorte que plusieurs d'entre vous avez
immédiatement
accès
au site dont vous avez l'adresse ci-dessus).
Sans l'internet et sans le courriel, il me serait impossible de
protester.
Alors peut-être ne faut-il pas être surpris qu'une
transcription
d'extraits d'une entrevue par Patrick Rebollar et les extraits de
François Rastier sur les essais de George Steiner ne nous
parviennent
que
trente ans après les faits et précisément sur
LITOR, pas
ailleurs. C'est
en tout cas grâce à l'ordinateur, c'est-à-dire
la
communication
électronique qu'il permet.
Je me débranche en vous saluant tous, — Guy
|
|
2.3 — Lettre ouverte
à la
Fondation Marc Bourgie
|
Lundi, 24 novembre 2003.
Mme Claude Bourgie-Bovet,
Fondation Marc Bourgie,
cbourgie@prixlitterairedescollegiens.ca
Madame,
Depuis près d'un mois maintenant, je dénonce
l'ouvrage d'Yves
Gosselin dont
le Devoir a lancé la promotion. Le
journal a
refusé que je réplique au
compte rendu incompétent qu'il a laissé
paraître. Je vois
que cette
promotion est en fait une compromission, puisque le livre de
Gosselin est
maintenant devenu l'un des cinq ouvrages destinés par le
journal au
Prix
littéraire des collégiens.
Mon seul objectif est de dénoncer le
« roman »
d'Yves Gosselin, car il
s'agit tout simplement d'une ordure. Si un ouvrage pornographique
et
franchement imbécile comptait au nombre des cinq oeuvres
soumises au
jugement des collégiens, ce ne serait rien du tout en regard
de
l'ouvrage
abject dont il est question ici.
Vous trouverez ma dénonciation circonstanciée
à l'adresse
suivante :
< http:_//_www.mapageweb.umontreal.ca/lafleche/po/gos.html >.
Je ne sais pas comment vous sortirez de cet imbroglio, mais je
pense que
le mieux est de tout simplement dénoncer
l'incompétence des
journalistes
du Devoir. De toutes façons, comme
je m'en
charge, vous auriez avantage
à prendre contact avec moi à ce sujet pour que je
puisse vous
aider au
mieux de mes connaissances.
Peut-être n'avez-vous pas pensé que les universitaires
sont
à votre
service ? — contrairement aux journalistes,
évidemment
au service
de la
promotion de leur journal.
Et question de compétence, vous ne pensez pas que ce serait
plutôt aux
centres de littérature québécoise des
universités
de Montréal et de Laval
(regroupés sous le nom de CRILCQ, le
Centre de recherche
interuniversitaire
sur la littérature et la culture québécoises)
de
procéder de manière
compétente à la mise en place du mécanisme
propre
à choisir correctement
les oeuvres à soumettre aux collégiens ? Chose
certaine,
dans ce cas, le
livre inqualifiable que je dénonce n'aurait jamais eu aucune
chance de
se
retrouver en lice.
Je vous rappelle que mon objectif est de dénoncer un livre
infect.
Vous
devriez trouver dans mon fichier internet assez de raisons pour
vous
convaincre que je ne dois pas avoir tout à fait
tort !
La question qui devrait vous importer est celle-ci :
le
Devoir savait
depuis exactement le jeudi 23 octobre 2003 que je
dénonçais
l'ouvrage.
J'ai mis mon site internet en place deux jours plus tard, le 25
octobre.
C'est trois semaines plus tard seulement que le roman a
été
proclamé en
lice. J'ai fait mon devoir en dénonçant
immédiatement
le livre au
journal. Vous devez maintenant faire le vôtre en
dénonçant le journal au
public.
Nous n'avons pas de choix.
Je vous prie d'agréer tristement l'expression de mes
meilleurs
sentiments,
__gl>-
Guy Laflèche,
Professeur titulaire,
Université de Montréal
Copies conformes
Copie du présent message a été adressée
et s'est
rendue aux adresses suivantes :
Mme Francine Turbide, collège Montmorency,
administration,
fturbide@cmontmorency.qc.ca
M. Bernard Descôteaux, directeur du
Devoir,
redaction@ledevoir.com
M. Stanley Péan, écrivain, porte-parole du PDC,
stanpean@hotmail.com
Mme Francine D'Amour, collège de Montmorency,
fdamour@cmontmorency.qc.ca
Remarque : les autres professeurs du Comité de coordination
n'ont pas
d'adresse électronique. Les responsables sont priés
de leur en
faire
parvenir copie, dont merci.
M. Pierre G Mailhot, a/s Mme Oria Hamadi,
ohamadi@cgpvicto.qc.ca
c.c. aux journalistes et employés du Devoir.
|
|
3 — Communiqués de
presse
4 — Le CRILCQ et son
Lamartine
Le CRILCQ est le Centre de
recherche
interuniversitaire sur
la littérature et la culture québécoises. Il
s'agit du
nouveau centre regroupant le Centre d'études
québécoises
(CÉTUQ) de l'Université de Montréal et le
Centre de
recherche en littérature québécoise (CRELIQ)
de
l'Université Laval, à Québec.
Pour que tout soit clair sur ce point, je
dirai tout de suite que
j'ai
toujours été un farouche opposant de ces machines
administratives dès qu'elles ont dépassé leur
fonction
initiale, celle du centre de documentation, pour devenir des
structures
gérant la recherche et des fonds de recherche. À
Québec
et à Montréal, c'est un demi-million de dollars par
année
qui est englouti dans le CRILCQ, une fortune, l'essentiel
étant
détourné de la recherche, la seule qui importe dans
notre
domaine, la recherche responsable conduite sous la
responsabilité
intellectuelle des professeurs d'université, avec leurs
étudiants.
Oublions un moment la pastorale
littéraire du CRILCQ qui
finance tables
rondes, conférences, lectures, soirées, causeries,
colloques,
ateliers, séminaires et journées d'études
—
et leurs
publications ! Un centre de littérature
québécoise,
me semble-t-il, devrait s'occuper de rassembler la documentation
pour les
chercheurs, les professeurs et les étudiants. La
documentation, la
recherche — la documentation au service de la recherche. Pas
de
chance, je
peux illustrer à moi tout seul, ici, les deux failles des
deux piliers
foudroyés de l'édifice. Ce n'est pas pour rien que
j'ai
toujours été un farouche opposant du
développement
tentaculaire inadéquat de ces centres.
D'abord, question recherche, l'étude
que j'ai publiée
en 2001
fait la preuve que les ouvrages fondateurs du Centre de Laval (le
CRELIQ) sont
tout bonnement des amalgames de plagiats d'assistants de recherche
recopiés par leurs responsables se livrant à leur
tour au
démarquage de texte. C'est ce qu'on doit apprendre aux
collégiens à ne jamais faire et qui a produit tout ce
qui
concerne la Nouvelle-France (qui est mon domaine de recherche) dans
la Vie
littéraire au Québec, puis les Écrits
de la
Nouvelle-France, dirigés ou rédigés par
Maurice
Lemire, fondateur du Centre. J'analyse cela mot à mot dans
« Les sauvages de l'histoire
littéraire »,
Recherches amérindiennes au Québec
(vol. 31,
no 2, 2001, p. 105-111). Je ne fais pas d'amalgame ou ne
généralise rien du tout : j'explique sur un cas
particulier que les « compilations »
d'assistants
conduisent rarement à la recherche dans notre domaine et
souvent au
pire, dont exemple.
Ensuite, question documentation, je viens de
réaliser une
étude
critique sur le détournement (il n'y a pas d'autres mots) du
patrimoine
documentaire des deux Centres de littérature
québécoise : l'Union des écrivains
québécois en a fait sa chose, ce qui lui permet de
délivrer des certificats d'écrivain, privilège
de ses
membres. Encore un scandale, c'est bien probable. Pour bien
saluer mes
critiques vis-à-vis du CRILCQ, j'en fais sur l'heure un
nouveau
chapitre de mes polémiques :
L'« ILE » des simoniaques
Voilà pour le CRILCQ, qui ne m'inspire vraiment pas de bons
sentiments.
Cela dit, je puis garder le sens des
proportions. Je suis un
irréductible opposant au Centre de littérature
québécoise, soit, mais ce n'est pas une raison de
penser qu'il
ne peut en sortir que du mal, du mauvais et du pire. Je proposais
même
à la Fondation Marc Bourgie, on s'en
souviendra, de confier
au CRILCQ
l'organisation du Prix littéraire des
collégiens.
C'est donc avec stupeur et
incrédulité que j'ai
appris le
12 janvier que le CRILCQ mettait en oeuvre sa pastorale
littéraire
au service du Prix des collégiens de la Fondation Marc
Bourgie. Il
faut savoir que cela faisait alors deux mois que je
dénonçais
l'affaire Gosselin auprès de mes collègues, alors que
ce sont
quelques-uns d'entre eux, les membres et responsables du CRILCQ
à
Montréal, qui organisaient l'événement.
Alors voici ma correspondance à ce
sujet. Suivra son
analyse.
4.1 — Appel à mes
collègues
contre
l'initiative
du CRILCQ
|
13 janvier 2004, 19h42
Professeurs du département des Études
françaises,
Université de Montréal.
Chers collègues,
Oui, encore l'affaire Gosselin.
Le CRILCQ annonce dans son « Babillard, calendrier des
activités 2003-2004 »
(sans aucune date d'édition ni de version d'ailleurs) en
page 6, dans
ses
« Rencontres d'écrivains », une
série de
rencontres « Dans le cadre du Prix
littéraire des collégiens », avec les
cinq auteurs
en lice, dont le fameux
Yves Gosselin.
Comme j'ai adressé mes communiqués aux responsables
du CRILCQ
de Montréal
et de Québec, mes fichiers d'analyses et de protestations ne
peuvent
avoir
échappé aux directeurs et à leurs
comités de
direction. Si j'étais
membre du CRILCQ, je m'opposerais énergiquement à ce
qu'on fasse
la
promotion du Prix des collégiens cette année 2004 et
dénoncerais le fait
de donner quelque tribune que ce soit au dénommé Yves
Gosselin.
Il ne
s'agit pas de censure, il ne s'agit pas de le faire taire, bien au
contraire, mais on ne saurait lui donner une tribune où il
ne peut de
toutes manières que dire des âneries, c'est
forcé,
étant donné la nature
et le contenu de ses deux romans.
Est-ce que les responsables du CRILCQ, c'est bien le cas de
le dire,
veulent s'ajouter à la chaîne des irresponsables que
je
dénonce?
Bien tristement, — Guy
|
|
4.2 — Réponse
spontanée du
directeur
du
CRILCQ
|
Jeudi, 13 janvier 2004, 20h10
Cher Guy,
À titre de responsable intérimaire du CRILCQ, je
prends acte de
ton dernier message au sujet de la table ronde à venir avec
les
finalistes du Prix des collégiens. Je précise que je
n'ai pas
lu le roman concerné, Discours de réception,
et que je
n'ai guère l'intention de le lire : si ce roman t'a
indigné, je
dirais que le sentiment général est qu'il s'agit
surtout d'un
assez mauvais roman, passablement ennuyeux. Mais enfin, un jury de
plusieurs
personnes l'a retenu... Aucun d'entre eux, en tout cas, n'y a lu un
manifeste
antisémite et je n'ai encore vu aucun journal qui ait
porté
l'affaire devant le grand public. Ni ton
préféré, le
Devoir, ni aucun autre. Le Congrès juif et le B'nai
B'rith ne se
sont par ailleurs pas (encore) manifestés. Pas plus que les
profs de
CEGEP dont les étudiants sont en train de lire les romans en
lice.
Donc, à moins d'un revirement de dernière heure, tu
me
permettras de maintenir le programme actuel et la table ronde
prévue,
avec tout le respect que je dois à ton opinion.
Très cordialement,
Pierre Nepveu
Directeur intérimaire,
CRILCQ
|
|
4.3 — Réplique
à
la
réponse
inacceptable
de Pierre Nepveu
|
14 janvier 2004
Re : Le CRILCQ et l'affaire Yves Gosselin
Mon cher Pierre,
La présente n'est pas personnelle. J'écris au
directeur du
CRILCQ.
Je ne répondrai pas, évidemment, au message que tu
m'as
envoyé en réponse
à la protestation que j'ai adressée aux
collègues et en
particulier aux
dirigeants et membres du CRILCQ parmi nous. À moins qu'une
discussion
s'ouvre à ce sujet entre nous, ce qui me surprendrait
beaucoup, je n'ai
pas à te répondre, ni personnellement, ni devant les
collègues.
En revanche, tu dois être bien conscient que le CRILCQ, lui,
sera
l'objet
de mes foudres, ce qui ne devrait pas donner lieu à
polémique,
pas plus
qu'avec le Devoir, la Fondation Marc Bourgie, Lanctôt
Éditeur, etc. En
général, une fois écrasées mes victimes
perdent
la crédibilité de
simplement pourvoir répliquer. Je te jure que ce sera le
cas du
CRILCQ,
pour la raison évidente que je ne saurais porter des
accusations contre
les journalistes et dirigeants du Devoir et épargner
le CRILCQ
parce que
ce sont mes collègues qui y travaillent. Je suppose que tu
comprends
cela. C'est une question d'honnêteté
intellectuelle.
Tu me demandes ironiquement si je te permets de maintenir la table
ronde
réunissant les finalistes du Prix des collégiens.
Bien
sûr que non. Je
n'ai absolument aucun pouvoir au CRILCQ, ni même droit de
parole, n'y
étant pas membre. Cela dit, pour utiliser ta formule
ironique, tu me
permettras aussi de dire que, non, je ne respecte pas du tout les
opinions
du CRILCQ que tu transmets dans ta lettre.
Et c'est l'objet de mon message : je me permets, sans aucune
arrière
pensée, de te demander de bien vouloir t'assurer que ton
message
reflète
bien la position du CRILCQ, notamment son Comité de
direction et ses
autres comités supérieurs s'il s'en trouve. Je
suppose que oui,
ayant
parlé à X tout à l'heure : il m'a dit
qu'à son
avis ton message
représentait bien la position du CRILCQ (ce qui n'est pas
mon
problème,
mais le tien, je te le dis amicalement). Toutefois, après
quelques
minutes seulement (car on ne pouvait se parler longtemps : il
devait
retrouver ses gants !), il n'avait pas l'air certain
d'être
d'accord avec
cette position, car, contrairement à toi il veut absolument
voir le
livre et paraissait plus que sensible à mes positions
— et
même
absolument certain que je ne pouvais pas avoir tort (c'est pour te
dire). Mais pour lui, la question ne se pose pas, car il est en
sabbatique.
Je ne sais pas encore quelle forme prendra mon opposition à
la Table
ronde
du CRILCQ sur le Prix des collégiens, mais je devrais
normalement
commencer par en signaler l'existence, le fait que j'ai
protesté en
vain,
sans publier mon message qui n'apporte rien de neuf, mais en
reproduisant
le tien qui, lui, présente la position du CRILCQ et m'est
adressé de ta
part à titre de Directeur.
Je n'attendrai pas ta réponse pour agir, évidemment.
En
revanche, si tu
avais besoin d'un délai pour consulter (à nouveau)
les instances
ou les
comités du CRILCQ, tu voudras bien me dire combien de temps
il te faut.
Si l'événement était annulé, j'en
serais fort
heureux : c'est mon premier
objectif. Faute de quoi mon second est de le dénoncer.
J'en ai le
droit
et je ne te demande pas la permission. Je tiens seulement à
t'en
informer
clairement d'abord.
Bon jeudi, bon vendredi, et ce sera enfin la fin (de semaine),
—
Guy
Ou plutôt : Guy Laflèche, titulaire.
|
|
4.4 — Piteuse
réponse
du
directeur
|
15 janvier 2004
Cher Guy,
Je ne crois pas avoir utilisé l'ironie dans ma lettre, en
tout cas ce
n'était pas mon intention. Cela dit, oui, je crois en effet
que
j'aurais
besoin d'un délai pour consulter le comité de
direction du
CRILCQ. La
réponse que je t'ai faite ne saurait être
considérée comme la position
officielle du CRILCQ avant que j'aie parlé à mes
collègues. Et puis, il me
fait plaisir de t'annoncer que je me suis ravisé et ai
décidé d'acheter le
roman de Gosselin, pour me faire une idée plus juste de
l'enjeu.
Cela dit, je t'avertis tout de suite que je ne vais pas m'engager
dans une
série d'échanges interminables et de courriels
fleuves. Tu seras
informé en
temps et lieu de la position officielle du CRILCQ et des mesures
à
prendre
au besoin.
Très cordialement,
Pierre Nepveu,
Directeur du CRILCQ.
|
|
4.5 — Réponse
officielle du
CRILCQ
|
19 janvier 2004
Cher Guy,
À la suite de nos échanges, le comité de
direction du
CRILCQ s'est réuni aujourd'hui, ce lundi le 19 janvier
à midi,
pour discuter de « L'affaire Yves Gosselin ».
Je tiens
à préciser que, contrairement à ce que j'avais
annoncé, j'ai pris la peine de lire le roman d'Yves
Gosselin,
Discours de réception, ce qu'ont aussi fait Gilles
Dupuis et
Patrick Poirier.
Au terme de cette réunion nous en arrivons aux conclusions
suivantes.
1. Sans nier que le roman d'Yves Gosselin puisse être
tendancieux et
complaisant, pour autant qu'il fait tenir à un
académicien
fictif de 1953 un discours lourdement antisémite, nous
sommes d'avis
que le roman comme tel ne saurait être
considéré comme
antisémite et cela pour deux raisons : a) le paratexte
(4e de
couverture, épigraphes) dit explicitement le contraire; 2)
le roman se
sert clairement de la figure de Louis-Ferdinand Céline,
à qui
l'académicien rend hommage, pour critiquer
l'hygiénisme et
l'eugénisme contemporains, le
discours anti-juif
du personnage se
situant dans une dénonciation plus large, et
évidemment
ironique, de toutes les impuretés et de toutes les
« tares » humaines au nom du progrès
médical
et technique et d'une « sainte alliance » entre
la France
et l'Allemagne qui fait bien sûr allusion à l'Europe
nouvelle.
2. Nous croyons que l'indigence de ce roman, l'importance
outrancière
que l'éditeur semble lui accorder [sic], le traitement de
Louis-Ferdinand comme « ordure
canonisée » en 4e
couverture, ainsi que toutes autres questions concernant la valeur
littéraire de l'ouvrage et la qualité de son auteur
[?] ne sont
aucunement de notre ressort. Il n'est pas en notre pouvoir, et ce
n'est pas
notre rôle, de remettre en question le choix du jury (nous
nous
dissocierions toutefois de ce choix si nous jugions le roman
haineux ou
diffamatoire).
3. Le rôle du CRILCQ se bornant à organiser des tables
rondes
autour desquelles les finalistes du Prix des collégiens sont
réunis,
et compte tenu des observations ci-dessus, nous croyons qu'il y a
lieu de
maintenir les activités déjà annoncées.
Chacun
conserve évidemment l'entière liberté de se
présenter à ces tables rondes, d'interroger l'auteur
et, au
besoin, de dénoncer son travail et ses idées, sans
procès
d'intention et compte tenu de la liberté de parole de
chacun.
Nous espérons, cher Guy, expliquer ainsi le plus clairement
possible
notre position. Tout en respectant la tienne, nous souhaitons aussi
qu'en
homme qui déteste à bon droit la censure et qui
préconise
la liberté d'expression, tu écouteras nos
arguments.
Très cordialement,
Pierre Nepveu, directeur intérimaire
CRILCQ, site Université de Montréal.
|
|
↑ Le CRILCQ et son Lamartine
« Lamartine ». Pierre
Nepveu est poète
et je
trouve très amusant de le désigner du nom du plus pur
représentant de la confrérie. Ce n'est
évidemment pas
sa poésie ni son oeuvre poétique que je
désigne ainsi,
mais sa fonction ou son travail dans ce domaine, si je puis dire.
Poète. Plus poète que Lamartine, je pense que c'est
impossible
à imaginer.
Mais en réalité, ce que je
caractérise ainsi,
ce sont les
directeurs de nos Centres de littérature
québécoise. Je
sais que c'est terrible, mais je crois que je peux en faire la
démonstration : ces gens-là sont tous des
Lamartine.
Il faut dire que Lamartine représente
pour moi l'art
d'écrire
pour ne rien dire. Lorsqu'on n'a pas trois idées, en
comptant
largement d'ailleurs, il faut tout de même du génie
pour en faire
des Méditations poétiques, puis de
Nouvelles
Méditations poétiques, sans compter ses
Harmonies
poétiques et religieuses. Comment est-il possible
d'avoir tant de
succès lorsque l'on n'a rien à dire ?
Directeurs, il faut
que tout le monde comprenne que nous n'avons que de bons sentiments
(et rien
d'autre !). Mais je reconnais que c'est un art et je le
retrouve tout
pur dans les admirables textes administratifs des directeurs du
CRILCQ. Et
Pierre Nepveu plus que tout autre.
Mais tout Lamartine qu'il soit, le directeur
d'un Centre de
littérature québécoise ne parvient pas
toujours à
ne rien dire. Il arrive que la vacuité de son expression
finisse par
signifier quelque chose. Lorsqu'il s'agit de racisme et
d'antisémitisme, en particulier, le dérapage est
clair :
la volonté de ne rien dire et de ne pas agir est si
évidente que
Lamartine
lui-même y perdrait des plumes
(l'« aigle »), voire
sa plume.
Ainsi, c'est au CÉTUQ et à son
Lamartine que le
Québec
doit l'affaire LaRue, dont j'ai tiré la conclusion dans mes
Polémiques, soit la nature du texte de Monique LaRue,
qui s'est
étouffée de bonnes intentions, avec tous ceux qui
l'ont
« soutenue » dans cette triste entreprise, dont
son texte
témoigne à l'évidence, l'Arpenteur et le
navigateur, Montréal, Fides et CÉTUQ
(oui !), 1996 —
publication orchestrée par Pierre Nepveu qui l'a lui
même
défendue dans le Devoir (26 avril 1997), alors
même
que la directrice Lise Bissonnette lui servait de porte-voix. Un
scandale
intellectuel rare. Revoir au besoin mon analyse à ce
sujet :
L'arpenteuse du racisme.
Je rappelle toutefois ma conclusion, fort simple : Monique
LaRue n'est pas raciste, mais le texte de sa conférence,
lui, l'est
profondément. J'ai expliqué pourquoi. Or, la faute
en revient
au CÉTUQ et à ses conférences lamartiniennes,
jouant de
la
« transculture ».
La pastorale littéraire de ces centres
de recherche n'est
pas
innocente.
Le cas se présente à nouveau
aujourd'hui, mais
à
l'inverse. Cette fois-ci, c'est le Devoir qui est le
premier
responsable de l'affaire Gosselin. Il est donc naturel que le
CRILCQ lui
renvoie l'ascenseur !
Si l'on revoit chacune des cinq étapes
de l'affaire Gosselin
selon ma
correspondance avec le CRILCQ et son Lamartine, on constate vite
que
l'essentiel est de noyer de poisson. En logique, on commence par
oublier (1)
la majeure : l'ouvrage d'Yves Gosselin retenu ou
imposé parmi les
finalistes du Prix littéraire des collégiens n'a
aucun
intérêt ni aucune valeur littéraire, en plus
d'être
profondément antisémite — même si les
bonnes
intentions
de l'auteur, qui n'est pas antisémite, ne font aucun doute;
cela doit
être dénoncé. Le CRILCQ remplace tout cela par
ce qui a
l'air d'une « indignation » ou une simple
« intervention » de ma part, d'où (2) la
mineure : mais personne ne dénonce cet ouvrage !
Dès
lors (3) la conclusion est simple, puisque c'est ce qu'il s'agit de
« justifier » : ce n'est pas le
rôle du CRILCQ
de dénoncer un ouvrage... qui ne l'est pas et ne doit donc
pas
l'être. CQFD. La table ronde sera maintenue. Et la seconde
lettre de
Pierre Nepveu d'agiter le grelot de la censure.
Quel style, vraiment. Lamartine.
Génial.
↑ Les noms
Il faut donc rétablir les faits. Les
noms d'abord :
Gilles
Dupuis, Pierre Nepveu et Patrick Poirier ne sont pas ceux qui
avaient lu le
livre d'Yves Gosselin lors de la réunion du 19 janvier, mais
bien les
trois seuls membres du Comité du CRILCQ
présents ! Lorsque
l'on sait que l'un d'entre eux, Patrick Poirier, est un
employé (le
coordinateur scientifique du CRILCQ), on comprend l'attitude de
Pierre Nepveu
dès son premier message !
Ce qu'on voit surtout, c'est que le
« Comité de direction » du CRILCQ, c'est
l'évêque, un seul de ses curés et son bedeau.
Mettons que c'est pour le moins problématique dans les
circonstances où il était si simple d'annuler la
table ronde, puisqu'elle n'était pas approuvée par un
nombre assez significatif de membres du Comité de direction
du CRILCQ. L'évêque, le curé et le
bedeau, titre génial du tout nouveau Peter
Greenaway : il ne pouvait pas se terminer magistralement,
comme tous ses autres films ?
Je
serais
curieux de savoir comment la question a été
traitée au
Centre de Québec où elle n'a probablement même
pas été abordée, puisque je n'étais pas
là
pour
intervenir.
↑ L'action
L'action ensuite : c'est évidemment la
caution
donnée au
Devoir, à son jury et au Prix de la Fondation Marc
Bourgie.
Il s'agit bien là d'une
« chaîne
d'irresponsabilités », chaque maillon étant
justifié par (la
« responsabilité » de) tous
les autres. Je rappelle le texte de la publicité qui
paraît
aujourd'hui... dans le Devoir : « Olivieri,
librairie-bistro : Prix
littéraire des collégiens 2004. Le
CRILCQ et la fondation Marc Bourgie présentent une causerie
animée par Stanley Péan avec trois des finalistes en
lice : Yves Gosselin, Discours de réception,
François
Gravel,
Adieu Betty Crocker, Lise Tremblay, la
Héronnière.
— Lundi, 23 février, 19h30 » (le
Devoir,
21 février 2004, p. F6).
Donner une tribune à un
négationiste, c'est criminel.
Promouvoir les turpitudes d'Yves Gosselin, c'est pire : c'est
cautionner
un très grand nombre d'irresponsables, intellectuels
patentés,
qui refusent de répondre de leurs actes, qui ont
refusé de
répondre même tout simplement à mes
questions.
Peu importe l'issue du concours (sauf si le
roman d'Yves Gosselin
sortait
vainqueur !). L'institution littéraire fabrique sa
justification
de la manière la plus implacable : éditeurs,
chroniqueurs,
directeurs de journaux, membres d'un jury, promoteurs d'un prix et
responsables de centres littéraires. L'auteur est le seul
qui n'est
pour rien dans l'affaire ! Il suffit de lire sa tartine pour
le
comprendre.
↑ Le résultat
Justement, le résultat enfin :
l'analyse incorrecte du
Discours de réception d'Yves Gosselin.
En effet, la seconde
lettre de Pierre Nepveu, rédigée au nom du CRILCQ,
participe
manifestement de la critique ou plutôt de l'absence de
critique des
chroniqueurs du Devoir et de Voir. Certes, on
commence,
après trois mois d'analyse critique de ma part, à
prendre
conscience de quelques faiblesses de l'ouvrage, mais pas au point
d'y voir le
livre sans aucun intérêt ni aucune valeur
littéraire dont
il s'agit. Plus encore, son propos est lu au
« second degré » en fonction des bonnes
intentions
de l'auteur.
D'ailleurs, pour les
« responsables » du
CRILCQ, la seule
question qui importe est celle de l'antisémitisme, mot qui
ne vient pas
une seule fois dans ma corresponsance comme on le voit (s'agissant
d'un centre
littéraire, c'est bien de littérature qu'il devrait
s'agir et
cela devrait suffire à discréditer l'ouvrage). Il
leur
importe de ne pas y donner prise et ils veulent donc s'assurer de
leur
parfaite innocence, ce dont personne ne peut douter : aussi
précisent-ils bien que s'il s'agissait d'un
« roman haineux
ou diffamatoire (sic) » ils s'en dissocieraient sans
hésiter. Comme on le voit, la question qui se pose pour eux,
c'est eux. Un
Lamartine
ne doit pas s'engager, évidemment, mais il doit
impérativement
se désengager. Ces « responsables » ne
doivent
avoir aucune « responsabilité ». Bref,
si Yves
Gosselin n'est pas passible d'une condamnation pour discours
haineux ou
diffamatoire (sic) et si son roman n'est pas antisémite
(sic), alors
on n'en demande pas plus.
Pour ma part, comme on le voit à la
lecture de mon premier message, le 13 janvier, la question
n'est pas de
savoir jusqu'où on peut aller sans engager sa
responsabilité,
mais celle de savoir s'il n'est pas moralement criminel de
participer à
la promotion de l'ouvrage de quelque manière que ce soit.
Là
est la question. Et elle porte sur l'analyse du texte d'Yves
Gosselin, son roman, dont l'analyse est
de notre compétence, surtout si l'on est membre d'un Centre
de
littérature québécoise. Et c'est bien ce
que font les
« responsables » du CRILCQ pour
désengager leur
« responsabilité ». Je suis
désolé,
mais il faut les prendre au mot. On se fichera complètement
de leurs
ridicules réserves. C'est seulement leur défense du
livre
d'Yves Gosselin qui peut nous importer, puisqu'il s'agit pour eux
de se
justifier. Ils écrivent :
|
« le discours anti-juif du personnage se situant
dans une dénonciation plus large, et évidemment
ironique, de
toutes les impuretés et de toutes les "tares" humaines au
nom du
progrès médical et technique et d'une "sainte
alliance" entre
la France et l'Allemagne qui fait bien sûr allusion à
l'Europe
nouvelle ».
— On peut les lire au
texte.
|
|
Vraiment ? Mais vraiment ? — Voilà
en tout cas ce qu'écrivent sérieusement nos trois
universitaires. Avec la rhétorique de savants professeurs
de lettres
qui s'y connaissent,
ils affirment que « bien sûr » le
discours antisémite avec lequel joue Yves Gosselin se situe
dans une
« dénonciation plus large » et
même
« évidemment ironique ».
Clairement,
évidemment, bien sûr, voilà un
autoritarisme
factice qui n'a pas besoin de la moindre illustration textuelle (et
pour
cause !). En fait, leur innocence déclarée (et
fort
crédible, il faut le dire) profite précisément
de
l'innocence crasse de l'auteur que je dénonce depuis quatre
mois : les (bonnes) intentions d'Yves Gosselin ne font
absolument aucun
doute. Quel sens faut-il alors donner au roman ? Mais
voyons, bien
sûr, c'est évident, disent nos intellectuels :
il s'agit
de dénoncer l'eugénisme (!) et l'« Europe
nouvelle », « la "sainte alliance" entre la
France et
l'Allemagne » ! Je les cite au texte, car autrement
ce serait
incroyable, tellement c'est déplacé d'esbrouffe
intellectuelle.
Un petit roman de cent cinquante pages publié au
Québec,
où ne se trouve aucun exposé critique, serait en fait
une
dénonciation de l'Europe nouvelle et d'un nouvel
eugénisme, ce
qui
est évidemment, pour
qui a lu cette tartine vide de la moindre idée, à
mourir de
rire.
Bref, Gilles Dupuis, Pierre Nepveu et Patrick
Poirier, qui ne sont
pas des
humoristes et vraiment pas drôles, voudraient (pour se
justifier) faire
croire qu'ils ont parfaitement bien saisi, dans
Discours de réception, combien ce roman était
politiquement impliqué dans un grand débat qui
sévirait
actuellement en Europe. On aimerait beaucoup qu'ils nous
illustrent leur
« lecture » de quelques citations prises du
discours
bouffon dégradant faisant l'éloge d'un vulgaire
antisémitisme et un loufoque eugénisme
prêtés
à Céline.
La vérité est simple : ce
n'est pas vrai.
Nulle part le
texte de Discours de réception ne dénonce ni
n'analyse
de quelque manière ces « idées »
d'Europe
nouvelle impliquant une alliance de l'Allemagne et de la France
actuelles, ni
évidemment quelque question que ce soit relative au
débat sur
l'éthique biologique ou génétique. Inutile de
les mettre
au défi d'illustrer cela avec le roman d'Yves Gosselin, car
c'est
impossible.
Si leur analyse du roman est fausse, se
situant exactement au
même
niveau que celles des chroniqueurs du Devoir et de
Voir, elle
est tout autant dangereuse, pire encore de la part d'universitaires
patentés.
Avec un peu, beaucoup d'imagination, c'est
entendu, on peut croire
que ce sont
bien là les intentions de
l'auteur. Mais on ne trouve rien, absolument rien de tel dans le
roman.
Or, c'est bien à des collégiens,
pour des
collégiens
qu'on présente une oeuvre littéraire exclusivement
sur les
intentions de son auteur ? C'est ce qu'aura enseigné
la pastorale
littéraire du CRILCQ avec sa table ronde.
Pourtant, j'explique depuis le début
que la
réalisation est
opposée aux intentions. La portée de mon analyse
critique, dans
la perspective d'un Centre de littérature
québécoise, est
considérable, alors même que le CRILCQ en fait fi. Il
ne sera
pas inutile de la résumer : elle montre que le roman
d'Yves
Gosselin n'a aucun intérêt ni aucune valeur
littéraire,
alors même qu'il a été choisi de manière
qui le
disqualifie par un jury formé par le Devoir pour ses
intérêts (le journal ayant publié un compte
rendu
dithyrambique du roman par son chroniqueur Louis Hamelin et ayant
refusé ma réplique.); l'ouvrage
prête à Louis-Ferdinand Céline un discours
inacceptable
parce qu'il est injustifié; par ailleurs, Discours de
réception est un
ouvrage profondément antisémite, alors même que
l'auteur
avait de très
bonnes intentions, au-dessus de son talent, et même
au-delà.
Tout cela concerne directement les
compétences d'un Centre
de
littérature québécoise, ses responsables et
ses
membres.
Chose certaine, Gilles Dupuis, Pierre Nepveu
et Patrick Poirier,
qui ont lu
le roman et utilisent le CRILCQ pour en faire la promotion, font
preuve d'une
rare insensibilité, aussi bien du point de vue
littéraire que
moral.
5 — Les marionnettes du
ventriloque
On n'en finira pas. Voici un nouvel
épisode de l'affaire
Gosselin.
Il est typique
de l'écriture journalistique. Un journal, la
rédaction d'un
journal, voire
quelques journalistes peuvent manipuler l'information sans y
toucher. Il leur
suffit, ventriloques, d'utiliser quelques innocentes marionnettes.
C'est ce
qui
se passe cette fin de semaine du 17 avril 2004 au Devoir.
Qu'on en juge.
Aux lecteurs du Devoir
Auto-publi-reportage
C'est en première page que le
Devoir affiche
aujourd'hui :
« Ook Chung
remporte le Prix des collégiens ». Pour les
innocents
lecteurs du journal, c'est
une bonne nouvelle. Voilà un écrivain qui remporte
le Prix
littéraire des
collégiens. En réalité, ce n'est pas une
nouvelle, c'est
une scandaleuse
publicité. Première page et photo au verso du cahier
(p.
A10).
La participation du Devoir au Prix
littéraire des
collégiens de la Fondation
Marc Bourgie, orchestré par le Devoir lui-même,
est pour
le journal une
entreprise publicitaire, un travail de promotion et aussi un
instrument de
pouvoir
aux mains des éditeurs qui contrôlent largement son
Cahier des
livres.
En tout
cas, voilà une présentation du concours 2004
totalement
dépourvue d'analyse
critique, de l'ordre de la désinformation.
L'« événement » de vendredi,
c'est à
première vue le dévoilement du gagnant du prix,
la veille, le 16 avril, au Salon
du livre de
Québec. Participer à un événement,
voire
l'orchestrer, et en faire un
« événement »
de première page, pour un journal, cela ne peut pas
être
très objectif. C'est pour le moins de l'ordre de
l'auto-publi-reportage. En tout
cas, on
peut dire que le journal sait mettre ses bonnes oeuvres en
évidence...
Le résultat
figure non seulement en première page du journal, mais
comprend aussi
une page complète du
Cahier des livres (p. F4).
Mais comme le Devoir manipule depuis le
début
l'information
dans cette affaire — le pire des crimes qu'on puisse
reprocher
à des
journalistes
—, il n'est pas trop surprenant que le journal trahisse sa
mission, celle
précisément de... l'information. Par
conséquent,
voilà une innocente nouvelle en
première page !
De qui est-elle ?
Isabelle Porter
C'est la journaliste Isabelle Porter qui
« couvre » le
Salon du livre de Québec
pour le Devoir.
Doit-on supposer qu'elle ignore tout de
l'affaire Gosselin et peut
rendre
compte
de l'événement créé par le
Devoir sans en
tenir compte ? Car, bien entendu,
l'événement, c'est le prix remporté par un
écrivain, alors c'est le résultat du
concours qu'elle doit bien présenter, mais comment le
présenter
sans tenir compte
de la critique que j'en ai faite toute l'année ?
Le plus simple serait évidemment de
l'ignorer, puisque c'est
ce qu'il
s'agit de
faire.
C'est du journalisme, ça ?
Ce ne sera pas nécessaire d'examiner
longuement ce reportage pour y voir toute une série de
publicités et congratulations du niveau des salles
paroissiales de l'ancien temps. « En plus du prix remis
à Ook Chung, on a fait tirer, parmi les étudiants
participants, des abonnements au quotidien le Devoir, six
bourses d'études accordées par la fondation Marc
Bourgie, ainsi qu'un voyage culturel et sportif en
France... » (p. A10).
J'aimerais interroger Isabelle Porter.
Serait-ce possible ?
Je voudrais
savoir
comment et jusqu'où elle a participé à
l'épuration
de l'information dans la
constitution du publi-reportage kétaine au service du
journal et des bonnes
oeuvres
des
responsables et partenaires du Prix littéraire des
collégiens.
Pourtant, la question la plus importante n'est
pas dans les
réponses
d'Isabelle
Porter — car je suppose d'office que la journaliste de
Québec a été manipulée. En effet,
c'est la direction du Devoir qui publie
le reportage
de
la journaliste en première page. Or, ni
Jean-François Nadeau
ni Bernard Descôteaux
ne peuvent plaider eux la naïveté ou l'ignorance, si
tel pouvait
être le cas de la
journaliste. Ils ont donc fabriqué la nouvelle, la
première
page, voire le
reportage signé « Isabelle Porter ».
Isabelle Porter ne le sait peut-être
pas, mais elle est bien
la
marionnette de
ventriloques...
Tommy Gagné Dubé
Le directeur des pages culturelles du
Devoir nous
présente
« les meilleurs
textes des étudiants [= collégiens] consacrés
aux cinq
oeuvres en lice » du Prix
des collégiens, qui, dit-il, « s'impose
désormais
comme l'un des plus importants
au Québec » (p. F4). On sait déjà
que le Prix
de la Fondation Marc Bourgie,
orchestré par le Devoir, est promu en première
page comme
« l'un des plus
importants au Québec », de sorte que le
journaliste,
efficace, peut tout de suite en tirer profit. Inutile d'attendre
pour savoir
si le journal la Presse, par exemple, en fera
également un
« événement » dans son cahier
Lecture de
demain... Oublions le conflit
d'intérêts journalistique dans cette
déclaration anodine.
Question : qui a choisi ces
« meilleurs
textes » ?
Les mêmes qui avaient choisi le livre
d'Yves
Gosselin ?
On va vite comprendre qu'il nous faut
absolument la réponse
à
cette nouvelle
question. Qui a choisi le texte de Tommy Gagné Dubé
sur le
roman d'Yves Gosselin ?
Qui ?
Car il s'agit d'une action immorale
incriminante. Il s'agit
là,
à
mon sens,
d'esclavage intellectuel, de traite des idées et
d'utilisation d'une
personne sans
défense comme bouclier. Je trouve cela ignominieux. Moi
qui travaille
avec des
adultes, des étudiants et non des collégiens, jamais
je
n'utiliserais aucun d'entre
eux pour défendre mes idées ou mon institution. Je
suis
responsable de mes actes,
de mes engagements et de ma pensée, et j'en répondrai
toujours,
précisément parce
que je suis capable de les défendre.
Oui, bon. Pas de rhétorique.
Venons-en simplement aux
faits.
Lettre ouverte à Tommy Gagné Dubé
Voici d'abord le texte du collégien
Tommy Gagné
Dubé
publié par le Devoir
et qui devient, de ce fait, une nouvelle pièce au dossier de
l'affaire
Gosselin.
Les bonnes intentions de Tommy Gagné Dubé ne font
évidemment aucun doute, et c'est
précisément ce qu'exploitent ceux qui l'utilisent
à son
insu. On se retrouve
toutefois avec une présentation du Discours de
réception
aussi irresponsable
que les autres (et c'est bien le cas de le dire), destinée
à la
propagande
favorisant le roman d'Yves Gosselin afin de justifier
rétrospectivement
ce choix
inacceptable et scandaleux parmi les finalistes du Prix
littéraire des
collégiens. Mais lisons ce texte.
Ensuite, j'en ferai l'analyse critique, le
commentant pas à
pas.
|
Un discours-choc
Le livre d'Yves Gosselin se démarque par son
originalité
et par la réflexion
qu'il suscite chez le lecteur
Tommy Gagné Dubé
Trois-Rivières, Sciences humaines / Monde
L'oeuvre d'Yves Gosselin, Discours de réception, est
sans aucun
doute le
livre le plus controversé de l'édition 2004 du Prix
littéraire des collégiens.
D'ailleurs, certaines personnes (1)
trouvaient
aberrant que
ce
livre soit soumis au jugement de jeunes étudiants de niveau
collégial (2). Certes, cette oeuvre a de quoi
choquer (3),
mais la censurer (4) aurait
laissé croire
que nous
manquions de
jugement (2) pour interpréter les passages
parfois
crus de ce
livre (5). Et surtout, cela nous aurait
privés d'une
discussion
endiablée (6) qui fut à la
fois
passionnante
et constructive pour
chacun de nous (7). Malgré le
fait que la
majorité des
participants étaient prêts à condamner cette
oeuvre au
bûcher (22) bien avant le début de la discussion,
l'opinion du
groupe a
changé de façon radicale pour être plutôt
favorable
à l'oeuvre à la fin du débat
(8).
Ce Discours de réception est un roman où
fiction et
réalité s'entremêlent
pour provoquer un effet massue. L'audace d'imaginer un
scénario
où Hitler a gagné
la guerre, où le fascisme a triomphé et où de
Gaulle a
été fusillé ne manque pas
de faire réagir (9). L'auteur
expose (10)
tellement l'antisémitisme à l'extrême qu'une
personne
ayant rigoureusement parcouru
(11) ce livre ne peut percevoir les
idéologies en
cause autrement
que comme totalement absurdes (12).
Avec un acharnement déroutant, il martèle la
conscience (13) du
lecteur afin qu'il voit la bêtise humaine (14) dans
ses habits
les plus pompeux (15). Avec ironie,
Gosselin
présente les effets
pervers de l'endoctrinement (16), et
l'aveuglement meurtrier
(16)
qui en découle, où le juif (17) n'a
plus que
la valeur d'un savon
(18). L'hommage à
l'écrivain
Louis-Ferdinand
Céline devient un
prétexte (19) : on
comprend que
l'apologie est
dérisoire, mais
surtout que nul n'est à l'abri d'une telle aberration, pas
plus le
grand écrivain
que l'universitaire (20) reconnu.
Bien qu'elle ne soit pas accessible à tous en raison de la
connaissance
que l'on
doit avoir des faits et des personnages historiques pour bien
comprendre le
contexte (21), cette oeuvre, on ne
peut plus
choquante (22), se démarque par son
originalité
et par la
réflexion qu'elle
suscite chez le lecteur. Alors si votre intention était de
provoquer
une onde de
choc et d'inciter les gens à réfléchir (23), je n'ai qu'une chose
à vous dire : chapeau M. Gosselin !
Tommy Gagné Dubé
|
|
Analyse et remarques critiques
Cher Tommy Gagné Dubé,
Peux-tu croire que tu sois l'auteur du
meilleur texte sur le roman
d'Yves
Gosselin ? Je ne pense pas.
D'abord, comment est-ce possible que le
« meilleur » texte
sur le livre de Gosselin
soit non seulement favorable, mais totalement dépourvu de la
moindre
critique ? Pas la plus petite réserve... Mon cher
Tommy
Gagné Dubé, je veux vraiment
savoir qui a retenu ton
texte et comment. Cela veut dire, évidemment, que je ne
pense pas que
ton texte
soit bon. Tu sais comme moi qu'il est bien écrit. Mais la
plupart des
mauvais
textes sont bien écrits, surtout les pires, comme celui dont
parle ton
exposé.
Évidemment, toi, tes parents, tes amis
êtes fiers
cette fin de
semaine du 17 avril
2004. C'est cela qui est épouvantable. Tu ne seras
probablement pas
long à
comprendre, je te le souhaite, que tu es tout simplement la
marionnette de
ventriloques qui utilisent ton texte pour exprimer leurs mauvaises
idées,
indéfendables, puisqu'ils sont incapables de les
défendre
eux-mêmes. Tu écris
bien : tu écris pour eux.
Tu es fier d'être aujourd'hui dans le
journal. Ce que tu ne
sais pas
encore, c'est
que tu es déjà un peu ailleurs, ici. Et ce ne sera
pas long que
tu devras toi-même
rendre compte de ton texte. Tu dois comprendre qu'on ne publie
jamais
impunément.
Si tu n'es pas majeur et vacciné, ce n'est pas mon
problème,
étant donné que tu es
maintenant un propagandiste du livre d'Yves Gosselin et que tu
contribues
à sa
promotion.
Pas de cadeaux de ma part : voici mes
notes.
(1) Jamais on ne doit utiliser
l'indéfini
pour
caractériser des
opposants. En plus, je vais t'apprendre que c'est une règle
de
droit : jamais on
ne peut faire témoigner des gens qui ne peuvent pas se
défendre,
ni même corroborer
ou dénier des affirmations. Au collège, au
cégep, on
appelle cela du mémérage.
Tu ne peux donc pas parler de « certaines
personnes », tu
dois nécessairement les
identifier. Tu vas vite comprendre que tu ne pourrais pas
écrire la
suite si tu
les désignais, car ton accusation est insoutenable.
(2) Des « étudiants de
niveau
collégial » cela n'est pas français.
Tu veux dire « à des
collégiens ». Je te
signale d'abord qu'on est, dans la vie,
élève, collégien, puis étudiant. On
parle donc
de collégiens. Personnellement,
je n'ai jamais trouvé qu'il était aberrant de
soumettre le livre
de Gosselin à ton
« jugement », car c'est exactement le contraire
qui
importe : les cas isolés comme
le tien où le jugement fait défaut. Eh oui. C'est
ça
le problème. Mais ne
t'inquiète pas, je n'ai pas l'intention de te dire que tu
n'es pas
intelligent, ni
même que tu manques de bon sens. Sauf qu'effectivement tu
fais la
preuve que tu
manques non pas d'intelligence, mais de sensibilité, comme
on dit, de
sensibilité
littéraire, de bon sens critique et peut-être
d'intuition.
(3) « Certes, cette oeuvre a de
quoi
choquer... ». Tu écris bien.
Des niaiseries, mais c'est bien écrit. Je t'explique cela
plus loin,
en (22).
(4) Censurer ? A qui
parles-tu ? De qui
parles-tu ? Je comprends
parfaitement bien, évidemment, que tu tiens ici un discours
moralisateur qui n'est
probablement pas le tien. Je t'explique l'affaire :
« censurer » le livre d'Yves
Gosselin, cela voudrait dire en interdire la publication, la
diffusion ou la
vente;
cela pourrait vouloir dire aussi le faire interdire une fois mis en
vente.
Mais
tu sais aussi bien que moi que tel n'est pas le cas. Alors, je
répète ma
question : de quoi parles-tu ? Tu ne le sais pas. Mais
je vais
te l'expliquer
sommairement : sans le savoir, tu es le porte-parole de
petits flics qui
m'ont
censuré, moi. J'ai expliqué qu'il fallait être
vraiment
épais pour choisir le
livre d'Yves Gosselin pour le Prix littéraire des
collégiens.
Je te dis bien ce
que j'ai fait : j'ai « expliqué »
pourquoi
c'était aberrant. Évidemment, comme
il s'agit d'épais, tu peux imaginer facilement qu'ils ont
dit que je
voulais
censurer Yves Gosselin. C'est ce que tu
répètes. Comme
tu vois, c'est
exactement le contraire de la censure. Cela consiste pour des
épais...
Oui, bon,
tu dois avoir compris.
(5) Je ne peux pas dire que tu
édulcores la
réalité, car
manifestement tu ne sais pas de quoi tu parles.
« Cru ».
Tu parles de passages
« choquants » ? Comme si de rien
n'était.
Tu te rends comptes ? Non, évidemment.
Tous ceux qui (au Devoir, à Voir), comme toi,
font un
compte rendu
favorable du livre d'Yves Gosselin (livre dont tu n'as pas encore
dit un
traître
mot, je te signale) en disent la même chose que toi :
rien. Ils
ne disent pas ce
qu'on y lit. Non, c'est « cru ». Tu trouves
vraiment que
le mot convient ? Tu
vois, moi je dis que c'est abject et, comme tu peux le voir dans le
présent
dossier, je sais de quoi je parle, car je cite le livre au
texte.
(6) Excuse-moi de t'interrompre, mais
si je
comprends bien
tu
juges un livre par les discussions qu'il suscite ?
C'est-à-dire
qu'un livre
important pour toi, c'est un livre dont les autres parlent et dont
on pourra
se
vanter de l'avoir lu ? Pourtant, la littérature, ce
n'est pas une
affaire de
conversation et je ne vois vraiment pas pourquoi un roman devrait
susciter des
discussions... Moi, tu vois, c'est le dernier de mes soucis. La
littérature,
c'est fait pour être lue. Ce n'est pas une affaire de
discussion de
salon.
(7) Bravo mon vieux ! Tu parles
encore pour
les autres.
Ce serait
trop te demander de nous dire en quoi cela a été
« constructif » pour toi ?
Pour ce qui est de la passion, tu as simplement la passion des
discussions de
salon, on vient de le voir. Tout cela, c'est de la pastorale
littéraire. Remarque
bien qu'il y en a qui en font carrière.
(8) Si je comprends bien, tu n'es pas
très
représentatif de ton
groupe de discussion, mais tu as eu une grande influence... Non,
ce n'est pas
cela ? Je suis tout de même surpris que tu n'aies
retenu
absolument aucun argument
de ceux qui n'ont pas manqué de te dire qu'ils n'avaient pas
particulièrement aimé
le Discours de réception. Si tu l'avais fait, tu
aurais vite
compris que,
toi, tu n'avais absolument aucun argument en faveur du livre. Si
je te dis
que le
livre est ennuyant, tu ne peux évidemment pas me dire le
contraire,
puisque tu vois
bien qu'il ne se passe rien dans ce « roman »,
ni non plus
qu'on y trouve des idées
intéressantes, car tu n'en trouveras pas une. Et ainsi de
suite.
(9) (22) « Effet
massue »,
vraiment ? Il n'y a aucun jeu
opposant la réalité et la fiction dans ce
Discours et,
pire, tu vois de
l'imagination débordante dans des hypothèses idiotes
d'enfants
d'école primaire.
Quelle audace ! Tu ne trouves pas que cet Hitler-là,
celui
imaginé par ce pauvre
Yves Gosselin, est pas mal moins « original »
que
l'autre ? Même un peu
sympathique, précisément parce qu'il ne fait pas
grand chose.
En tout cas, il est
moins dangereux que le vrai, c'est déjà ça.
Excuse-moi
de me moquer gentiment de
l'audace que tu trouves à ton pauvre auteur, étant
donné
que l'histoire, elle, a
été terriblement audacieuse, plaçant un fou
furieux
à la tête d'un État. Cela dit,
tu écris bien. « L'audace d'imaginer... ne manque
pas
de... ». Aussi : « condamner
cette oeuvre au bûcher »... Et encore :
« cette oeuvre, on ne peut plus
choquante »... Écoeurante, peut-être ?
Abjecte,
mon vieux.
(10) Tu veux dire probablement
« porter,
pousser
à
l'extrême ».
Justement, le problème c'est précisément
qu'Yves Gosselin
n'expose rien.
(11) « Rigoureusement
parcouru ». Tu
veux probablement dire « lu ».
En fait, on comprend que
tu veux plutôt dire que ceux qui ne pensent pas comme toi ne
savent pas
lire.
« Une personne ayant rigoureusement parcouru ce
livre »,
tu veux-dire toi-même,
n'est-ce pas ?, comme moi-même ? Et si on te
disait que c'est
toi qui n'a rien
compris ? Alors je te réécris ta phrase, pour
que tu
comprennes bien (c'est le cas
de le dire) : « L'auteur caricature tellement
l'antisémitisme qu'une personne le
moindrement critique qui aura lu l'ouvrage jusqu'à la fin ne
manquera
pas de
considérer cette publication comme une
aberration ». Et tu
vois, je n'oserais pas
écrire cette phrase sans faire la preuve de ce que j'avance,
comme je
l'ai fait
longuement, tu peux le voir dans les fichiers de ce dossier.
(12) Le problème, c'est que les
« idéologies en cause » (pourquoi
ce pluriel ?) ne sont pas « totalement
absurdes ».
Ou plutôt, si, peut-être, mais
Yves Gosselin ne les ridiculise nullement (il n'en a pas l'art),
mais les
caricature. Ce n'est pas du tout la même chose. Ce n'est
pas difficile
à
comprendre : tu peux ridiculiser n'importe qui, c'est facile
et c'est
incorrect;
en revanche, tu ne peux critiquer personne à tort et
à
travers.
(13) C'est quoi, cela, la
« conscience
du
lecteur ». On dirait
du Isidore Ducasse. Tu connais ? Les Chants de
Maldoror du comte
de
Lautréamont.
(14) « La bêtise
humaine ».
Humaine?... Par opposition à la bêtise divine,
peut-être ?
Tu veux vraiment dire la bêtise des hommes ?
Excuse-moi, mais j'ai
le droit de
protester, surtout en l'occurrence. La bêtise se mesure et
commence,
avec les
épais, au pied de l'échelle. Je n'en suis pas.
Parle pour toi,
mon cher. Bon,
d'accord, je rigole.
(15) Tu as le style vraiment pompier,
mais c'est
normal. Je
le
sais bien : tes professeurs aiment cela. Mais si tu te
demandes ce que
cela
signifie, tu verras que ce n'est pas très clair. En
revanche, tu
pourrais
peut-être remarquer
que le style qu'Yves Gosselin prête à son
personnage anonyme est
vraiment très quelconque et bien éloigné de
tout
« discours ». En fait, ce serait
le style pompier du sieur Gosselin, auteur de la tartine... Tu vas
vraiment
m'en
vouloir, mais disons que vous avez tous les deux le même
style. Un
style de
collégien ? Oups !... Tu parles de la pompe des
habits de
la bêtise de qui, au
juste ? Je pense que cela vaut la peine que je te
répète : « la bêtise humaine
dans ses habits les plus pompeux ».
(16)
« Endoctrinement » ?
« Aveuglement meurtrier » ? Le second
découlant du premier, évidemment. Tu trouves cela
où,
exactement, dans le
Discours de réception ? Et tu penses qu'Yves
Gosselin nous
présente cela
avec ironie en plus... Alors écoute. Je te propose un
petit exercice
vraiment
facile, en principe : pourrais-tu faire un
résumé et si
possible un « plan » du
prétendu discours ? C'est une question piège,
évidemment. Si jamais tu réussis
l'exercice, ce qui est impossible, tu pourras prouver à tous
ceux qui
ont déjà
comme moi essayé de te faire comprendre que cet ouvrage
était
un navet assommant
qu'ils avaient tort. Bonne chance !
(17) Juif, juif, juif ?... Je
me demande
pourquoi tu
parles
« du » juif, tout à coup. Je pense que
j'ai
parfaitement le droit d'ironiser :
il me semble que tu es hors sujet.
(18) Là, je pense que tu n'as
pas bien
compris... Et
c'est un peu
triste. Tu dois avoir eu quelques cours d'histoire à ton
collège, non ? Savon et
juif, mis ensemble, cela ne te dis rien ? Oui, c'est assez
terrible.
Persécutions, déportations, camps de concentration,
camps de la
mort... C'est avec
cela que joue Yves Gosselin, tu n'avais pas remarqué ?
C'est
même un peu le sujet
de son livre. C'est drôle comme cela occupe peu de place
dans ta
réflexion... Ce qui
explique l'ironie de ma petite note précédente, au
cas où
tu ne l'aurais pas
comprise.
(19) Tu as raison. Et c'est
criminel. On n'a
pas le droit,
je
pense, d'utiliser un écrivain, une personne, qui que ce
soit,
même de nos ennemis,
comme « prétexte », tu ne penses
pas ? C'est
profondément immoral. Tout le monde
a le droit au respect de sa personne et de son nom.
(20) La prochaine fois, tu
écris
« le
journaliste
reconnu ». D'accord ?
(21) Mon cher collégien, je te
souhaite de
comprendre
vite que
l'esbroufe des noms propres est à la portée de
n'importe quel
imbécile.
D'ailleurs, je n'ai pas de félicitations à te faire.
Tu vois
bien qu'Yves Gosselin
se gargarise de quelques pauvres noms propres sans jamais
désigner
leurs faits et
gestes, présenter leurs oeuvres ou leur pensée. Tu
n'as pas
compris qu'il n'y a
là que forfanterie ? Et par-dessus le marché tu
as le
front d'accabler ceux qui,
contrairement à toi, ne comprendraient pas... quoi ?
Donc,
voilà une oeuvre qui
n'est pas accessible à tous, mais à toi, oui, ou
non ?
Relis-toi, mon cher.
(22) Plus haut, en (9).
(23) De plus en plus faible. On
aurait dû
t'expliquer
que ta
dernière phrase était vraiment de trop, surtout
qu'elle
relève du genre
épistolaire. Tu nous dis que ce Discours de
réception
suscite la réflexion;
alors, si c'était l'intention de l'auteur, bravo, c'est
réussi ! Veux-tu que je
te dise le fond de ma pensée ? Si ce livre pouvait
susciter une
quelconque
réflexion, alors forcément on en verrait trace dans
ton texte.
Elle porterait, par
exemple, sur l'antisémitisme et tu commencerais à te
demander
de quoi il s'agit au
juste et tu comprendrais vite que les formes de racismes sont
multiples,
l'antisémitisme aussi, et qu'il s'agit même dans
certains cas de
doctrine, de
pensée organisée. Mais le Discours de
réception
aligne tout simplement des
niaiseries durant cent cinquante pages avec des personnages
complètement loufoques.
Tout cela n'a aucun rapport avec quelque forme de racisme et
d'antisémitisme que
ce soit et par conséquent ce que tu dis n'est pas vrai. Ce
livre ne
suscite aucune
réflexion. En revanche, si tu y réfléchis un
peu, je
suis persuadé qu'il suscitera
tout simplement ton indignation. D'autant plus que tu n'auras
malheureusement
pas
eu le réflexe de voir tout de suite qu'il n'y avait
là aucun
« discours choc » ni
matière à réflexion.
Voilà.
J'ai seulement une dernière question.
Le titre de ton texte
dans le
Devoir n'est pas de toi, n'est-ce pas ? Tu vois, c'est le
pouvoir
des journalistes et c'est ainsi qu'ils nous font parler. On est
tous un peu
leurs marionnettes, mais toi, je dois dire, ils ne t'ont pas
manqué.
Je ne te félicite pas, Tommy
Gagné Dubé,
évidemment, mais je te souhaite des
lectures un peu plus originales et intéressantes que la
tartine que tu
n'as pas su
apprécier correctement à sa totale absence de valeur
littéraire. Mort à
crédit de Céline, par exemple. Alors quand tu
pourras
trouver Bagatelles
pour un massacre, tu verras bien que l'auteur de ce pamphlet
antisémite n'est
pas tout à fait un crétin et tu comprendras d'un seul
coup
qu'Yves Gosselin a tout
faux. Les antisémites ne sont malheureusement pas de
vulgaires
bouffons
insipides.
Salut, — Guy Laflèche
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