« LES MICMACS DE LA
BIBLIOTHÈQUE DU NOUVEAU
MONDE ».
Ainsi s'intitulait ma chronique de Recherches
Amérindiennes au
Québec en janvier 2001 (RAQ, vol. 31, no 2,
p. 96-101).
En belles majuscules, mon titre était on ne peut plus
ambigu,
s'agissant
tout aussi bien des Micmacs, les Amérindiens de la
Gaspésie et
de
l'Acadie, que des « micmacs » de la
célèbre
collection des Presses de l'Université de Montréal
qui publiait
coup
sur coup deux éditions critiques faisant la preuve que les
choses ne
s'arrangent pas depuis la parution du premier volume de mes
Polémiques où je consacrais tout un chapitre
aux
intentions
critiques de Réal Ouellet sur Maria Chapdelaine et
faisais
l'analyse
critique de la collection technocratique financée par des
fonds
publics,
sous prétexte de prétendues recherches
(« Édition
critique », chapitre 3 de Polémiques,
Laval,
Singulier,
1992, p. 73-175).
Réal Ouellet, le premier visé
par ma critique de ces travaux
extravagants, n'a encore et toujours rien compris.
En tout cas, il est clair qu'on ne saurait
prétendre faire
l'édition
critique d'un livre portant essentiellement sur les Micmacs en
ignorant tout
des
travaux d'ethnologie historique sur eux ou encore en se contentant
de plagier
un
mémoire de maîtrise à ce sujet pour faire le
savant. De
ce
point de vue en tout cas, voici deux très mauvaises
éditions
critiques, la première de la Nouvelle Relation de la
Gaspésie
de Chrestien Leclercq par Réal Ouellet et la seconde de la
Relation
du
voyage de Port Royal de l'Acadie de Marin Dières par
Normand
Doiron.
Mon objectif n'était pas de faire un
compte rendu critique des deux
éditions (ce serait un joli massacre !
évidemment), mais
de
montrer qu'on ne saurait réaliser une édition
critique sans
faire
d'abord l'étude de la genèse de l'oeuvre que l'on
veut
éditer,
puis la recherche et l'étude de ses sources. C'est la
moindre des
choses.
Et sur ces mauvaises éditions des livres de Chrestien
Leclercq et de
Marin
Dières, je pouvais illustrer combien ces études de
genèse
et
de critique des sources, nécessaires à
l'édition
critique,
étaient également une méthode préalable
tout aussi
nécessaire à l'analyse des documents
anthropologiques. Et c'est
bien
le sujet de ma chronique à RAQ : l'analyse
littéraire
des
documents ethno-anthropologiques, titre-manifeste de ma
première
chronique (RAQ, vol. 29, no 3, p. 109-112).
Un document ethnologique ne saurait non plus
être apprécié
à sa juste valeur (et à plus forte raison
édité
de
manière critique) sans que son auteur soit
précisément
situé. Un ecclésiastique des seigneurs d'Acadie,
même s'il
a
pu fréquenter les Micmacs à plusieurs reprises au
cours d'une
dizaine
d'années, n'a absolument rien à voir avec les
« missionnaires » jésuites; à
plus forte
raison,
un poète et lettré de province qui vient passer un
hiver en
Acadie
pour tenter d'y réaliser une entreprise commerciale ne peut
nous
rapporter
que le « folklore » des Micmacs vus par
Dières
à
travers les yeux des Français d'Acadie. Il faut en
être
conscient
pour avoir quelque chance d'apprécier correctement l'ouvrage
que l'on
se
propose d'éditer.
Normand Doiron et Réal Ouellet trouvent
ma chronique
épouvantablement
mauvaise, ce que n'importe quel lecteur pouvait évidemment
deviner.
Étant donné les exemples précis que je donne
tout au long
de
mon analyse, il doit apparaître assez clairement qu'il est
difficile que
j'aie tort. Cela dit, Doiron et Ouellet ont tout à fait le
droit de
répliquer : Recherches Amérindiennes au
Québec
se fera un plaisir de publier leur réplique. Au lieu de
cela, l'un et
l'autre ont choisi de se plaindre de ma chronique à la
direction de la
revue, confidentiellement, si je puis dire. Dès que j'ai eu
en main
la
« réplique » de Réal Ouellet en
mai 2001,
alors
qu'elle aurait dû paraître dans le numéro
suivant, comme
on l'a
d'abord cru, je me suis immédiatement mis à la
rédaction
de
ma réaction. Erreur. Réal Ouellet ne voulait pas
répliquer,
ce qu'on a mis du temps à comprendre, il voulait me
dénoncer,
ce qui
n'est pas la même chose.
Je peux me tromper, mais je crois que c'est
précisément ce que
l'on
appelle de la délation. Or, la délation, me
semble-t-il, est
le pire
crime auquel peut se livrer un intellectuel. Car de deux choses
l'une :
ou
bien on accepte la critique, ou bien on y réplique.
On peut évidemment écrire à l'auteur pour lui
présenter
son point de vue ou même pour protester. Mais absolument
jamais,
j-a-m-a-i-s
dans aucun cas, un honnête homme ne saurait
écrire
à des tiers et en particulier au directeur d'une revue, au
comité de
rédaction d'une revue ou encore à des membres d'un
comité
de
rédaction d'une revue pour dénoncer une critique sur
son
travail.
Or, non seulement Réal Ouellet, mais également
Normand Doiron
s'est
ainsi livré à ce qui semble bien être la
délation.
Et
s'y mettant à deux, on peut y voir un bel ensemble !
Par définition toutes les oeuvres d'un
intellectuel sont soumises
librement
à la critique. On ne saurait s'en dérober de quelque
manière
que ce soit, surtout pas en la dénonçant en
privé, en
secret,
aux autorités. On n'a pas le droit de faire cela. C'est
indigne et
de son
travail et de sa fonction.
Voilà ce que dénonce la
présente publication.
__gl>-
Guy Laflèche,
13 octobre 2002
|
9 mai 2001
Recherches Amérindiennes au Québec
Monsieur le directeur et cher collègue,
J'ai lu avec stupéfaction le compte rendu que Guy
Laflèche a
publié de l'édition de Leclercq, Nouvelle Relation
de la
Gaspésie, parue aux PUM sous ma direction. Qu'une revue
sérieuse
comme la vôtre fasse paraître un article aussi injuste,
hargneux
et
méprisant dépasse l'entendement. Et je ne puis croire
qu'il a
été « évalué par trois
chercheurs qui
ignorent le nom de l'auteur de l'article ».
1- Cette évaluation globale, définitive et
essentiellement
dénigrante, de ce livre s'accompagne d'un procès
d'intention qui
aurait dû mettre la puce à l'oreille des animateurs de
Recherches
amérindiennes : « Cette conception
technocratique de
l'édition critique, quoique anachronique, n'est pas moins
propre
à
séduire les fonctionnaires gérant les programmes de
subventions.
Pour
la rentabilité des recherches, calculée en pages
imprimées,
il est évidemment avantageux de pouvoir remplacer l'analyse
par la
compilation. Ainsi, chaque volume de la collection
[« Bibliothèque
du Nouveau Monde »], souvent en plusieurs tomes, exploite
à
bon
compte la confiance des lecteurs par son
épaisseur ».
Ce
procès d'intention est d'autant plus incompréhensible
que (1)
G.
Laflèche a demandé et obtenu des subventions, qu'il
a
publié
quatre ou cinq volumes sur les seuls « Martyrs
canadiens »; (2)
qu'il donne des armes à ceux qui soutiennent que les
organismes
subventionnaires en lettres et sciences humaines gaspillent les
fonds publics
(alors qu'en réalité ce secteur est
sous-financé).
2. Mais venons à l'essentiel. G. Laflèche
prétend nous
donner
une leçon sur l'édition critique moderne. Quand il
affirme que
l'étude des sources est absolument nécessaire, de
même que
l'utilisation de « nos techniques modernes d'analyse
textuelle », on ne peut qu'être d'accord avec
lui, et
l'annotation
du Leclercq le montre amplement. Mais quand il ne mentionne pas que
la
première tâche d'un
« éditeur » est
de
procurer un texte authentique correctement établi, tel que
l'a voulu
son
auteur, on se dit qu'il oublie une chose essentielle. De
même, il ne dit
pas
explicitement que l'« éditeur » doit
rendre ce
texte
lisible aujourd'hui, c'est-à-dire que
l'« éditeur » doit élucider mille
questions
de
langue (« penser » au XVIIe siècle
signifiait
souvent
« faillir », « venir près
de »),
d'histoire (qui était la « Princesse
d'Épinoy » ?), d'ethnographie (est-il exact
que les
Micmacs
« font avaler de l'huile d'ours ou de loup
marin » aux
enfants
naissants ?), d'intertextualité (telle phase
attribuée
à
saint Paul est-elle exacte ? la référence
à Pline
vient-elle directement de lui ou par l'intermédiaire de
Lescarbot ?),
etc. Donc, avant d'interpréter quoi que ce soit, il faut se
livrer
à
un travail textologique long et méticuleux qui a
été
accompli
pour Leclercq. Il ne s'agissait donc pas pour nous
« d'étaler
d'impressionnants fichiers », mais de donner aux lecteurs
les
nombreuses
informations dont il a besoin pour bien saisir un texte assez
complexe.
3. Voyons d'abord l'introduction, contre laquelle G.
Laflèche en a
particulièrement. Il affirme péremptoirement que les
dix pages
sur
l'ethnographie des Micmacs est un plagiat, et que les 128 autres
pages ne sont
qu'un ramassis maladroitement constitué avec
« des
fragments de
manuels d'histoire de la Nouvelle-France, des bouts d'anthropologie
des
Micmacs et
quelques aperçus d'histoire ou d'apostolat des
récollets ».
Et il ajoute : « Rien de tout cela n'est au
service du texte qui
ne donne
lieu à aucune relecture depuis l'édition critique
(véritable
celle-là) de William F. Ganong (1910) ». Tout
cela est
manifestement faux.
3.1 Il n'y a pas dans l'introduction de « fragments de
manuels
d'histoire
de la Nouvelle-France » : les p. 15 à
85,
rédigées
dans leur plus grande partie par P. Dubé, sont
fondées
essentiellement sur des documents d'archives, comme le signalent
les 277 notes
infrapaginales.
3.2 Les « quelques aperçus d'histoire ou
d'apostolat des
récollets », rédigés par P.-A.
Dubois, sont
aussi
un travail original fondé sur des textes publiés
comme les
Relations
des jésuites, mais aussi, largement, sur des pièces
d'archives.
3.3 La section « Leclercq écrivain » (p.
107-138),
rédigée par R. Ouellet et M. Parent, tente de
dégager
l'originalité de Leclercq à travers ses emprunts, sa
manière
de raconter et de décrire, sa dramatisation de la
matière
narrative
ou encyclopédique, ce qui constitue bien une relecture de
l'oeuvre.
3.4 G. Laflèche m'accuse d'avoir plagié dans
l'introduction (p.
86-96)
l'étude bien connue de Passchier, alors que l'auteur de
ces dix
pages,
Jean Tanguay, montre bien par ses références, qu'il
lui a
beaucoup
emprunté. Il ne s'agit donc en rien d'un plagiat, qui est
l'acte de
s'attribuer à soi-même un texte d'autrui.
4. Plusieurs petits reproches disséminés ici et
là
peuvent
laisser croire que G. Laflèche a raison de dénoncer
le gros et
le
détail de cette édition.
4.1 Le lecteur ne trouverait pas facilement la
« synthèse » sur le castor de Fr.-M.
Gagnon
signalée dans la note 11 de la p. 532. En
réalité, tout
lecteur normalement constitué ira soit à la table des
matières
au ch. 2 sur la chasse, soit à l'index, où il
trouvera, à
la
sous-catégorie « castor », les p.
531-538 en
caractères gras.
4.2 Accusant les responsables de l'édition de gonfler leur
livre avec
un
fatras sans queue ni tête, G. Laflèche en voit un
signe flagrant
dans
ce qu'il appelle « les index ». G.
Laflèche parle
à travers son chapeau, car, s'il avait seulement lu le
livre, il aurait
vu
qu'il n'y a pas deux index, mais un seul, regroupant les noms
propres et un
certain
nombres de réalités qui auraient pu être
regroupées
dans
un index thématique. Toutes ses critiques sur le fait que
des
réalités comme la faune, la flore, la guerre, etc.
prennent
bizarrement place dans un index onomastique n'ont donc aucun
sens.
4.3 « On se retrouve ainsi avec une sorte
d'encyclopédie
où
les informations sur les Amérindiens et la Nouvelle-France,
voire les
entrées du Petit Larousse, prennent place de manière
tout
à
fait hallucinante, dans l'ordre narratif [...] ». Il n'y
a aucune
entrée du Petit Larousse dans le Leclercq. S'il est vrai que
l'édition peut se comparer à une encyclopédie
par la
masse
informative de l'appareil critique, la disposition « dans
l'ordre
narratif » allait de soi, puisque, dans n'importe quelle
édition
sérieuse, l'annotation suit pas à pas le texte
édité.
4.4 « Et nos éditeurs d'aligner les citations de
Lescarbot,
Lejeune, Sagard, Lahontan et Denys, sans compter Leclercq et
Dières
[Diéreville], lorsqu'ils ne remontent pas au déluge,
ou peu
après, au compilateur grec Élian ! [...] ce qui
est à
mourir
de rire. » Si G. Laflèche avait lu le livre dont
il
prétend
rendre compte, il aurait vu, justement, que Leclercq remonte au
déluge
(p.
228) et même à Baltazar (p. 211); s'il ne cite
pas
nommément
Élian, il nomme Clément d'Alexandrie, Épicure,
Pline et
Pytagore. Quant aux citations de Lescarbot, Lejeune, Sagard et
Denys, elles
s'imposaient, puisque Leclercq leur emprunte largement.
5. On attend d'un compte rendu qu'il décrive d'abord le
livre qu'il
prétend recenser. Or, G. Laflèche ne décrit
jamais le
contenu
du Leclercq. Il ne dit pas qu'outre le long texte de Leclercq
longuement
annoté, l'ouvrage contient une ample introduction, une
chronologie de
38
pages, deux appendices (l'un constitué de notices
biographiques,
l'autre
d'extraits de correspondance d'archives), un glossaire et une
longue
bibliographie,
dont une partie décrit matériellement les
éditions de
Leclercq.
6. Qu'après cela G. Laflèche affirme que R. Ouellet
écrit
aussi mal que Leclercq, ou ne connaît pas le livre de Gagnon
sur le
castor
(alors qu'il l'a publié dans la collection qu'il dirige chez
Septentrion),
on voit bien qu'il ne rédige pas un compte rendu critique
mais un
libelle
diffamatoire inspiré par autre chose qu'une démarche
intellectuelle
juste et méticuleuse. Et ce n'est pas seulement R. Ouellet
qui est
vilipendé, mais les autres collaborateurs :
Bécard, Caissie,
Dubé, Dubois, Laberge, Paquet, Parent, Tanguay. C'est aussi
toute la
« savante collection »
« Bibliothèque du
Nouveau Monde », dont la « prétention
encyclopédique » est
« anachronique » et
intéressée, selon lui : donc plus de trente
éditions
critiques
regroupant au moins une centaine de chercheurs. On mesure la
démesure
de
l'attaque.
7. J'aimerais terminer sur une note personnelle. G. Laflèche
affirme
qu'il
faut « s'opposer énergiquement à la
publication de
ces
travaux d'équipe » parce qu'ils sont
médiocres.
Je pense
plutôt que, tout en poursuivant des recherches individuelles,
nous
devons
constituer des équipes fortes. Pour deux raisons
pricipales : (1) nos
recherches en lettres et sciences humaines (tout
particulièrement la
préparation d'éditions complexes comme celle de
plusieurs textes
de
la Nouvelle-France) sollicitent un travail interdisciplinaire dans
plusieurs
domaines : textologie, histoire, langues amérindiennes,
ethnohistoire,
géographie historique, etc. (2) pour donner un encadrement
pédagogique solide à des étudiants de 2e et de
3e cycles
qui
se trouvent à travailler dans une espèce de
laboratoire.
Ce travail en équipe, pour être gratifiant et
efficace, exige
l'esprit
critique mais bannit évidemment le mépris du travail
d'autrui.
C'est
cet esprit d'équipe qui a amené certains d'entre nous
à
mettre
sur pied des regroupements et à tenter de créer un
climat de
solidarité et d'entraide par des rencontres, des
échanges de
documentation, diverses formes d'aide à la publication et
à la
diffusion, etc.
Voilà, Monsieur le Directeur, la réaction qui me
vient à
la
lecture de ces pages remplies de jugements à
l'emporte-pièce
sans
fondement. Je vous prie d'agréer l'expression de mes
sentiments les
meilleurs.
Réal Ouellet
Célat, Université Laval, Québec, G1K 7P4
Courriel : Real.Ouellet@arul.ulaval.ca
| |
La théorie et la pratique
dans l'art de l'édition critique
Guy Laflèche
Département des études françaises
Université de Montréal
Qualité essentielle de la porte, c'est
également la vertu
qu'on
doit souhaiter à tout enseignant : l'art de ne pas
sortir de ses
gonds.
Vous faites un exposé qui vous paraît clair, mais vous
trouvez
toujours des auditeurs ou des lecteurs qui n'ont pas compris.
C'est normal
et cela
peut se présenter à divers degrés. On peut ne
pas avoir
compris un point particulier qui a été exposé
trop
sommairement, voire incorrectement. Mais il s'en trouve toujours
qui n'ont
pas
compris l'essentiel, voire qui n'ont absolument rien compris. On
en perd
facilement patience, particulièrement s'il devient
évident que
le
mauvais étudiant ne comprend même pas qu'il ne
comprend rien.
Prenons un bon exemple. Vous faites l'analyse
du traitement des Micmacs
dans
deux éditions critiques récentes, celle en
particulier de la
Nouvelle Relation de la Gaspésie de Chrestien Leclercq
par
Réal
Ouellet. Vous proposez même un exercice pratique pour
montrer que
l'analyse
de la genèse et la critique de sources n'ont pas
été
faites,
tellement que sur ce point, l'anthropologie des Micmacs, on en
arriverait
purement
et simplement au plagiat ou à la réécriture
désordonnée de fragments d'un mémoire de
maîtrise,
réalisé il y a dix ans déjà. Le sujet
de votre
chronique, c'est donc le traitement des Micmacs dans
l'édition critique
en
question : « LES MICMACS DE LA
BIBLIOTHÈQUE DU
NOUVEAU
MONDE ». Et voilà qu'on réplique en
vous
demandant un
compte rendu de l'édition critique de la relation de
Leclercq, un
exposé sur les objectifs de l'édition critique et
même
d'envisager que votre chronique puisse nuire à la subvention
de
l'édition critique dans ce secteur déjà
« sous-financé »
des travaux en « lettres et
sciences
humaines ». Édition critique, édition
critique,
édition critique ! Vous n'avez pas fait de compte
rendu, vous
n'avez
pas traité des objectifs de l'édition critique et
encore moins
des
politiques de subvention à ce sujet... Vous avez, bien
entendu, deux
bras
à ramasser pour prendre votre courage à deux mains et
répondre
à une telle critique. Avec le sourire, en plus.
Et ce sera long, car il faut bien entendu
commencer par corriger les
erreurs
de faits, ce qui est inhabituel. En effet, lorsqu'on répond
à
la
critique d'un spécialiste, on le fait brièvement en
venant tout
de
suite au coeur du débat. Avec la réplique de
Réal
Ouellet,
c'est absolument impossible, d'abord parce qu'il ne traite nulle
part des
questions
que j'ai étudiées et ensuite parce que je ne suis
nullement
responsable des fautes et des inexactitudes graves qui
défigurent
complètement ma dernière chronique. Commettre une
erreur, c'est
vite
fait; la corriger, c'est bien plus long.
1. François-Marc Gagnon
Un exemple très simple, pour commencer.
Réal Ouellet
écrit : « G. Laflèche affirme que
R. Ouellet
[...] ne
connaît pas le livre de Gagnon sur le castor (alors qu'il l'a
publié
dans la collection qu'il dirige chez Septentrion) ».
La
conclusion de
mon exposé sur le castor, qui porte sur deux livres, est
celle-ci :
« Et la preuve en est que lorsque cette analyse est
déjà
faite [par F.-M. Gagnon], nos éditeurs ne la connaissent pas
[le cas
du
second livre dont je parle] ou ne savent pas l'utiliser [le cas de
Réal
Ouellet] ! » (p. 97c). Réal
Ouellet,
dira-t-on,
a mal
compris. C'est absolument impossible, on va le voir. D'abord,
j'ai justement
expliqué qu'il était bien difficile de trouver
où le
livre de
Gagnon était utilisé dans son édition, en
précisant
qu'on le trouvait dans deux notes et en donnant leur
référence !
« En tout cas, pour en revenir au castor, ce serait bien
surprenant
que le
lecteur [du livre de Réal Ouellet] trouve facilement
l'essentiel, soit
la
synthèse sur cette question par François-Marc Gagnon
(Gagnon
1994),
puisque cela se réduit à deux déclarations
bibliographiques (p. 532, n. 11, et 534, n. 16)
» (p. 97c). Bref, on le voit, Réal
Ouellet
connaît
le livre de Gagnon, son édition en donne même les
« références bibliographiques »
dans deux
notes.
Ensuite, et c'est le comble, Réal Ouellet lui-même
reprend
l'exemple
que j'ai donné (au point 4.1) pour tenter de me contredire.
Selon moi,
écrit-il « le lecteur ne trouverait pas
facilement la
« synthèse » sur le castor de Fr.-M.
Gagnon
signalée dans la note 11 de la
p. 532... ».
Alors,
comment
expliquer qu'on puisse me faire dire que Ouellet ne connaît
pas le livre
de
Gagnon si en même temps on dit que j'ai tort d'affirmer qu'on
trouvera
bien
difficilement où il l'a cité à l'aide de
l'index et de
ses
sous-index ?
Encore un travail d'équipe ! Cet
exemple montre qu'on s'est
mis
à plusieurs pour rédiger cette réplique,
puisque c'est
la
seule façon d'expliquer une contradiction aussi flagrante.
Or, il y en
a au
moins un dans l'équipe qui ne sait pas lire, celui qui me
fait dire que
Réal Ouellet ne connaît pas le livre de Gagnon qu'il
a
lui-même
publié. Cela paraît tellement incroyable, qu'on peut
se demander
s'il
n'a pas fait exprès de comprendre de travers la
première phrase
que
j'ai citée pour faire magistralement la preuve du contraire.
Quoi
qu'il en
soit, le résultat net est de m'attribuer une erreur que je
n'ai jamais
commise. Ce travail d'équipe a du moins l'avantage
d'être fort
instructif, puisqu'il explique à la fois la piètre
qualité de
la réplique de Réal Ouellet à ma chronique et
qu'il
illustre
de lui-même une des conclusions de mon analyse, à
savoir que l'on
doive s'opposer à la publication de prétendus
« travaux
d'équipe » qui ne sont pas des travaux de
recherche et
remplacent
l'analyse par la simple compilation, ce qui n'a rien de formateur
pour des
étudiants.
2. Le déluge et ses prophètes
Voici un second exemple, aussi important
qu'amusant, qui illustre encore
ce
problème.
Décrivant son annotation du texte de
Leclercq sur le castor,
toujours
lui, j'ai écrit que Réal Ouellet citait à ce
sujet des
sources
et des textes contemporains, lorsqu'il ne
« remont(ait) pas au
déluge, ou peu après, au compilateur grec
Élian !
(Ouellet 1999 : 533, note 15) » (p. 97c).
Non
seulement
l'éditeur prend sans rire l'expression au premier
degré, mais
il se
met en frais de faire la preuve qu'il était tout à
fait
légitime de parler du déluge, puisque Leclercq en
parle lui-même
dans sa relation ! « Si G.
Laflèche avait
lu le
livre dont il prétend rendre compte [comme c'est
gentil...],
il aurait
vu,
justement, que Leclercq remonte au déluge (p. 228) et
même
à Baltazar (p. 211); s'il ne cite pas nommément
Élian,
il
nomme Clément d'Alexandrie, Épicure, Pline et
Pytagore » ! Leclercq parle du déluge au
début de son
deuxième chapitre, mais moi, j'en suis (dans ma
lecture !) au
chapitre
18 et à ses notes sur le castor.
Le moins que l'on puisse dire est que la
réplique ignore
complètement l'autocritique, probablement parce qu'elle ne
voit pas
l'importance de la critique : alors que ma question portait
sur
l'étalement gratuit d'informations qui ne servent nullement
à
la
compréhension ou à l'évaluation de
l'exposé de
Leclercq
sur le castor, Réal Ouellet s'inquiète du nombre de
notes, sans
s'occuper de savoir ce qu'on y trouve, pour justifier
l'épaisseur de
son
livre. Et on a droit en effet à de magnifiques recoupements
d'informations
sans analyse sur le déluge et ses prophètes dans
cette
édition.
3. Un index et ses sous-index
Je n'aurais pas vu, paraît-il, que
l'ouvrage de Réal Ouellet
n'a
qu'un index et j'en aurais même compté deux, voire
plusieurs, ce
qui
est faux. En revanche, j'ai justement fait la critique de
l'inefficacité
de son index et de ses sous-index. Là-dessus, la
réplique donne
une
justification vraiment incompréhensible (sur la
« bizarrerie » justifiée d'un index
thématique
dans un index onomastique !), alors que la question me
paraît
essentielle dans un ouvrage qui se présente finalement comme
une
encyclopédie.
Je ne vois pas, par exemple, pour y revenir,
comment le recoupement
d'informations sur le déluge pourrait être le
moindrement utile
au
lecteur de Leclercq; en revanche, le spécialiste ne
trouvera pas
facilement
la note de la page 228 de l'ouvrage. Ainsi se pose la question de
l'index.
Cela
dit, lorsqu'il l'aura trouvée, ce sera pour constater comme
moi que ce
sont
là des fiches de travail.
4. Amalgames appréhendés
Réal Ouellet est de ceux qui mettent de
l'avant leur
collaborateurs.
Il fait même appel aux trente auteurs qui ont publié
dans la
même collection que lui, ce qui donne cent ouvrages,
prévient-il,
alors que ma chronique implique nommément deux auteurs et en
particulier les
ouvrages de Réal Ouellet dans la collection
« Bibliothèque
du Nouveau Monde ». En bonne logique, avant de
prétendre
qu'une
généralisation est abusive, on commence par
étudier les
exemples sur lesquels elle est fondée. Il s'agit ici des
éditions
critiques de Réal Ouellet. Et la
généralisation que j'ai
faite s'applique modestement aux ouvrages comparables de la
collection sur les
écrits de la Nouvelle-France.
5. Le Petit Larousse
« Il n'y a aucune entrée
du Petit Larousse
dans le
Leclercq ». Encore une expression prise au pied de
la lettre,
s'agissant
de désigner des notes inutiles consignant des informations
archi-connues.
Ensuite, dans le cas du Leclercq, c'est différent (on n'a
pas le temps
de
tout expliquer dans une brève chronique), mais bien plus
prétentieusement encyclopédique, puisque une bonne
partie des
notes
accumulent en fait des informations sans rapport direct et
essentiel avec le
texte.
C'est en particulier le cas de la « déclaration
bibliographique », accumulations de
références
inutiles au
lecteurs et que les spécialistes ont déjà dans
leurs
fichiers.
Fin de la note sur le déluge : « Sur les
traditions
diluviennes dans les mythes cosmogoniques amérindiens, voir
D. G.
Brinton,
Myths of the New World, p. 215-217; S. D. Gill et I. F.
Sullivan,
« Flood(s) », dans Dictionary of Native
American
Mythology, p. 92; A. Hultkrantz, Les Religions des
Indiens
primitifs
de l'Amérique, p. 34 ». C'est ce
qu'on trouve
dans
plus d'une note sur trois et généralement plusieurs
fois dans
ces
notes.
6. Fragments de manuel d'histoire
Réal Ouellet me fait dire que son
introduction est
« un
ramassis maladroitement constitué AVEC » des
fragments
de
manuel, ce qui est faux. Ensuite, c'est la troisième
expression prise
au
pied de la lettre :
« Il n'y a pas dans l'introduction, se
défend-il, de
« fragments de manuels d'histoire de la
Nouvelle-France » :
les p. 15 à 85,
rédigées dans
leur
plus grande partie par P. Dubé, sont fondées
essentiellement sur
des
documents d'archives, comme le signalent les 277 notes
infrapaginales ». Si je devais rendre compte de ces
soixante-dix
pages, je devrais être bien sévère, puisque ce
sont
précisément d'inutiles « fragments de
manuels
d'histoire ». Il s'agit de présenter l'ouvrage de
Leclercq
paru
en 1691 : p. 15, découverte de l'Amérique
(cf.
Petit
Larousse); p. 16, Jacques Cartier à Montréal
(cf.
Petit
Larousse); p. 17, Samuel de Champlain à Tadoussac
(cf.
Petit
Larousse), p. 18, Argall ravage l'Acadie (cf. Petit
Larousse)...
p. 37 (trente-sept, oui !) entrée en scène
du
bon
père
Leclercq. Or, je dois le répéter, ces soixante-dix
pages
d'histoire
ne sont nullement au service du livre de Leclercq, d'une part parce
que
n'importe
quel manuel d'histoire ferait mieux l'affaire pour situer le texte
et son
auteur
et d'autre part parce que ces pages n'apportent absolument aucun
éclairage
nouveau sur la relation de l'ecclésiastique. D'ailleurs,
son auteur
ne
saurait pas faire la différence entre un aumônier des
seigneurs
d'Acadie et un missionnaire, comme le sont les jésuites
contemporains.
7. Des critiques ne sont pas des insultes
« G. Laflèche affirme que
R. Ouellet écrit
aussi mal
que Leclercq », écrit Ouellet dans sa
réplique.
Non
seulement je n'ai jamais proféré cette insulte, mais
ma critique
était bien plus grave :
« Malheureusement, il
[Leclercq !] sait si peu écrire qu'il doit s'aider
(comme son
éditeur de la « Bibliothèque du Nouveau
Monde »
aujourd'hui !) de textes qu'il copie ici et là,
essentiellement
chez
Sagard, Lescarbot et Lejeune » (p. 99c). Je
n'ai jamais
écrit non plus que les travaux d'équipes ni
même ceux de
Réal Ouellet étaient
« médiocres », ma
critique était là encore bien plus grave, comme on le
voit
encore
ici. Enfin et surtout, je n'ai jamais écrit que
l'édition du
Leclercq était un « fatras sans queue ni
tête ».
Mais je commence à être franchement très
inquiet :
est-ce
que Réal Ouellet prétendrait lire dans mes
pensées ?
8. Les insultes ne sont pas des critiques
Réal Ouellet écrit deux fois
plutôt qu'une que je
n'ai
pas lu l'oeuvre de Chrestien Leclercq et son édition.
À son
avis, le
texte de ma chronique serait « injuste, hargneux et
méprisant », mon évaluation serait
« globale,
définitive et essentiellement
dénigrante », il
s'agirait
d'un « procès d'intention »
(dit-il deux
fois), j'aurais
rédigé un « libelle diffamatoire
inspiré par
autre
chose qu'une démarche intellectuelle juste et
méticuleuses », sans compter mon
éventuel
« mépris du travail d'autrui » et
mes
« jugements à l'emporte-pièce sans
fondement »,
sans compter non plus que je « parle à travers
(mon)
chapeau ».
Nulle part dans ma chronique je n'ai
donné dans l'insulte. Je
m'en
suis tenu à la critique, en exposant des faits et en posant
des
questions.
On remarquera que Réal Ouellet ne me signale aucune faute ou
erreur de
fait,
tandis que sa réplique en comprend plusieurs qui me seraient
gravement
préjudiciables si je ne pouvais les corriger ici
aussitôt. Mais
ce
que l'on aura surtout remarqué, c'est que sa réplique
laisse
dans
l'ombre toutes les questions précises et importantes que
j'ai
soulevées.
Le plagiat
L'accusation de plagiat est tellement grave
qu'on ne saurait la porter
à la légère et qu'on doit traiter toute
apparence de
plagiat
avec la plus grande attention. La réplique de Réal
Ouellet sur
ce
point tient en quelques lignes d'une désinvolture
désarmante.
Il
vaut la peine de les citer : « G.
Laflèche m'accuse
d'avoir plagié dans l'introduction (p. 86-96)
l'étude bien
connue de Passchier, alors que l'auteur de ces dix pages, Jean
Tanguay, montre
bien
par ses références, qu'il lui a beaucoup
emprunté. Il
ne
s'agit donc en rien d'un plagiat, qui est l'acte de s'attribuer
à soi-même
un texte d'autrui ». La question est fort
simple :
une section de l'introduction de l'ouvrage paru dans la collection
« Bibliothèque du Nouveau Monde » sous
la direction
de
Réal Ouellet est une mauvaise copie sur l'anthropologie des
Micmacs
presque
entièrement sortie du mémoire de maîtrise de
Françoise
Passchier réalisé il y a dix ans et publié en
1985.
Texte
à l'appui, j'ai montré, dans ma chronique, que
des fragments
du
livre de Passchier étaient repris mot pour mot, sans
guillemets ni
référence et d'autres réécrits. Je le
demande
encore : n'y a-t-il pas là apparence de plagiat ?
On
s'attendrait
à ce que le responsable de la publication étudie
sérieusement
la question, dès que le cas lui est signalé, qu'il
prenne
conseil
auprès de spécialistes qui se prononceront
formellement et de
personnes en autorité (comité d'édition,
directeurs de
publication, etc.), avant d'innocenter ou au contraire de
sanctionner le
responsable de la section qu'il désigne et qu'il a
dirigé.
Autrement,
on pourrait voir là une très grave collusion dans un
éventuel
délit intellectuel, puisque l'ouvrage paraît sous le
nom du
directeur,
responsable de la publication et en particulier de la section sur
les Micmacs.
Sans compter que c'est précisément sur cette question
que j'ai
mis
en cause l'intérêt de publier des travaux
d'équipe qui
peuvent
donner de tels résultats. Chose certaine, on pouvait
s'attendre
à
ce que ce soit le sujet de la réplique de Réal
Ouellet, tant la
question est importante du point de vue de son livre.
L'ethnologie historique des Micmacs
De mon point de vue, la question du plagiat
appréhendé est
secondaire, puisqu'elle découle entièrement de la
mauvaise
évaluation de la valeur anthropologique de la relation de
Chrestien
Leclercq. C'était le sujet de ma chronique. D'un
côté
le
« travail interdisciplinaire » a
été
incapable
de produire l'encadrement nécessaire à l'étude
anthropologique
du texte en regard de ses utilisations dans les travaux sur les
Micmacs
jusqu'ici
et d'un autre côté on n'a pas correctement
situé le
document
en regard des autres sources et documents sur les
Amérindiens
d'Acadie.
L'étude des sources
Il en est de même des études
littéraires.
Réal
Ouellet déclare que son équipe s'est livré
à
« un travail textologique long et
méticuleux », comme
s'il suffisait de bonnes intentions pour réaliser un bon
travail.
Pourtant,
personne ne saurait plus confondre aujourd'hui la recherche des
sources d'un
texte
et leur analyse par la critique de sources et l'étude de
genèse.
L'édition de Réal Ouellet accumule au fil de la
relation de
Leclercq
des rapprochements (c'est-à-dire des citations de textes
contemporains
sur
le même sujet), des textes utilisés,
réécrits et
recopiés par Leclercq pour rédiger sa relation (ceux
de
Lescarbot,
Sagard et Lejeune, notamment) et des textes cités, ce qui se
fait de
façon plus ou moins textuelle, notamment pour les textes
bibliques
connus
de tous. Ces diverses opérations ne sont jamais
évaluées, ni
même distinguées et encore moins
étudiées. Pour
bien
montrer que l'étude de sources n'a même pas
été
entreprise, j'ai présenté un cas précis dans
ma
chronique,
celui portant sur l'esprit ou l'« âme »
des choses
pour
les Micmacs, étude qui débouche tout à la fois
sur la
genèse de la Nouvelle Relation de la Gaspésie
d'une part
et
l'évaluation de la valeur ethnologique propre du document.
Rien de
tout
cela ne semble avoir le moindrement intéressé notre
éditeur.
« G. Laflèche prétend nous donner une
leçon
sur
l'édition critique moderne. Quand il affirme que
l'étude des
sources
est absolument nécessaire, de même que l'utilisation
de 'nos
techniques modernes d'analyse textuelle', on ne peut qu'être
d'accord
avec
lui, et l'annotation du Leclercq le montre
amplement ». Des
« sources » rapaillées au petit bonheur
et
citées
ici et là, cela n'a évidemment rien à voir
avec
l'étude
de sources, et « l'annotation du Leclercq le montre
amplement », comme j'en ai fait la
démonstration. Or,
l'essentiel
est là : tout l'apparat critique de l'ouvrage
correspond à
la
publication de fichiers fort impressionnants, mais inutiles.
Ce sont
des
notes de travail, rien de plus.
L'édition critique
Réal Ouellet énumère dans
sa réplique les
nombreux sujets qui ont été traités au fil de
l'apparat
critique de son livre, les « mille » questions
qui se
posaient
dans l'annotation du texte, de même que les diverses sections
de
l'introduction. Fort bien, et c'est d'ailleurs ainsi que l'on
justifie les
« travaux d'équipe » et que l'on aboutit
rapidement
à de nombreuses et imposantes publications, comme cette
édition
critique de conception entièrement technocratique.
L'art de cette édition critique se
réduit à la
rhétorique. Et Réal Ouellet de nous citer ses
manuels :
« La première tâche d'un éditeur
est de
procurer un
texte authentique correctement établi, tel que l'a voulu son
auteur ». Mieux : « dans n'importe
quelle
édition
sérieuse, l'annotation suit pas à pas le texte
édité » ! Bref l'éditeur
édite
et
l'annotation est faite de notes. On croit rêver,
étant
donné
les questions que j'ai soulevées sur le contenu de cette
édition
et
de ses notes...
En relisant dans cette perspective la
réplique de Réal
Ouellet,
on se demandera simplement à quoi donc a servi tout ce
soi-disant
travail
de recherche. À quelles conclusions nouvelles
l'édition de la
relation de Leclercq nous conduit-elle ? Si Réal
Ouellet en avait
une
seule à proposer, elle serait en bonne place dans la
défense et
illustration de son édition.
L'édition critique véritable est
au contraire un travail
de
recherche comme les autres. Ainsi, est-elle l'occasion de
renouveler la
lecture
d'un texte ou d'élaborer une nouvelle analyse sur l'un de
ses aspects
majeurs. On ne devrait jamais commander artificiellement la
réalisation
d'une édition — sauf évidemment pour les
éditions
scolaires
ou commerciales, qui n'ont rien à voir avec l'édition
critique.
C'est plutôt le renouvellement de la recherche qui doit la
susciter.
Ainsi,
on ne se lance pas dans l'édition d'un texte quelconque pour
obtenir
des
subventions de recherche, mais parce que l'on vient de faire une
découverte
ou qu'on a mis en place une série d'hypothèses qui en
renouvellent
complètement l'appréhension et qui en justifient
l'édition
critique. Bien entendu, personne ne trouvera rien de tel dans la
récente
édition de la relation de Leclercq. Autrement, cela se
saurait.
|
Date: Mon, 18 Jun 2001 21:58:09 -0400
From: Normand Doiron
Subject: Deux articles de Guy Laflèche
Montréal, le 18 juin 2001
Monsieur le directeur,
Recherches amérindiennes au Québec,
Monsieur,
Je suis surpris de lire dans Recherches amérindiennes au
Québec (XXX-2 et XXXI-1) deux articles où Guy
Laflèche
critique deux ouvrages dont je suis l'auteur.
Je ne suis qu'une victime parmi d'autres de son impitoyable
censure, et je ne
saurais répondre pour elles toutes. Quant à moi, je
puis vous
assurer
que les propos de Guy Laflèche sont tout à fait
impertinents,
sans
rigueur ni intérêt
(1). Il ne me viendrait pas à l'esprit de
les analyser
plus
avant, encore moins de répondre (2). Je ne
suis pas
contre
la polémique (3), mais il faut pour cela
qu'on attaque
des
idées, qu'on apporte des arguments. Ce que Guy
Laflèche ne fait
pas,
à mon sens. Il déblatère à tort et
à
travers (4). En toute injustice, quand il accuse
bêtement (4) les directeurs de la
« Bibliothèque du Nouveau
Monde ». Tous ceux et celles (5) qui
ont connu Roméo
Arbour
et Jean-Pierre (6) Major regretteront (7)
ses
malheureuses médisances (8).
Je ne comprends pas les raisons qui vous ont incité à
publier
ces
textes, qui dévaluent l'excellente revue (9) que vous
dirigez.
Cordialement,
Professeur Normand Doiron
Département de langue et littérature
françaises
Université McGill
| |
(1) Ce sont là, je crois, des affirmations
gratuites.
Il
n'est pas sans
rigueur, sans intérêt ni impertinent d'évaluer
la
documentation
ethno-anthropologique dans l'édition d'un document de cet
ordre; de
s'interroger sur la place de l'étude de genèse et des
études
de sources
dans l'édition d'un ouvrage sur l'Acadie et ses Micmacs en
1708; de
constater enfin que l'éditeur avait sous les yeux le nom de
Marin
Dières et qu'il n'a pas su le lire. Pour m'en tenir
à ma
chronique
sur
le second livre de Normand Doiron (n'ayant pu consacrer au premier
qu'un
grand total de deux colonnes et demie, dans une série
totalisant quinze
pages), je ne pense pas qu'il soit raisonnable de rejeter du revers
de la
main mes analyses, sans compter que plusieurs de mes conclusions,
sous le
couvert de la critique, sont extrêmement positive, à
commencer
par
l'importance de la publication qui est la première à
rassembler
l'oeuvre
poétique de Marin Dières.
(2) Absolument aucune analyse n'a
été entreprise
encore. Jusqu'ici, il
s'agit d'une protestation auprès du directeur de RAQ, rien
de plus.
Et il
ne lui « vient pas à l'esprit » de
répondre ? Mais alors, quel est le
problème ? Que
demande-t-il au directeur de RAQ ? S'il ne lui
« vient pas
à
l'esprit » de répliquer, pourquoi va-t-il s'en
vanter
à la
direction de la revue ? Peut-être « lui
vient-il
à
l'esprit » de dénoncer ? Les
délateurs
n'ont
en général pas grand chose à dire, comme on le
voit. Pas
grand chose « leur vient à
l'esprit ».
(3) Aucune des deux chroniques incriminées
par Doiron
n'avaient quelque rapport que ce soit avec la polémique.
(4) Comme on le voit, ce n'est pas moi qui donne
dans
l'injure.
(5) Style bigenre.
(6) Tous et toutes pardonneront ce lapsus, les
grands hommes
comme
les Arbour et Major n'étant pas toujours morts et pouvant
encore
être
fort bien connus. Évidemment, quand on dénonce un
critique, on
n'est
pas forcé d'être trop précis et on peut oublier
un
directeur
comme Paul Mailhot, par exemple. Sans compter Jean-Marie Lepage,
ciel !.
Voir note suivante.
(7) Argument d'autorité. Voir aussi note
(9).
(8) Médisances. Roméo Arbour
et
Jean-Louis
Major voudront bien excuser le style de leur thuriféraire
(qui doit
vouloir
parler de quelques odieuses calomnies), car, si je n'ai
évidemment
aucune malveillance, je pense bien que mes critiques sont
malheureusement en
effet
parfaitement justes.
(9) Flagornerie. Doublée d'un appel
à la
censure,
premier objetif de la délation.
Le plus gênant ici n'est pas la lettre
de dénonciation de Normand
Doiron, en service commandé (« ... victime [...]
parmi
d'autres
[...] je ne saurais répondre pour elles
toutes » : il
veut
dire Réal Ouellet. Il a donc été,
vraisemblablement, mal
conseillé.
Le plus gênant est que je doive la
rendre publique. J'ai simplement
demandé à Doiron de retirer sa lettre et de s'en
excuser ou
encore
de s'en expliquer. Ma requête est restée sans
réponse et
n'a
donc pas porté fruit. Dommage.
En effet, le professeur Normand Doiron occupe
une fonction publique,
écrit ses livres pour le
public et toute personne a le droit le plus strict d'en faire la
critique.
Un
intellectuel ne se dérobe pas et doit faire face à la
critique.
Il
ne saurait dénoncer un critique à la direction d'une
revue. Il
faut
le répéter : la délation, car c'est bien
de cela
qu'il
s'agit, est indigne et du travail et de la fonction d'un
universitaire.
Voilà ce que dénonce la présente
publication.
__gl>-
Guy Laflèche,
13 octobre 2002
TdM —
TGdM
|