Les interventions du redoutable polémiste (nous le sommes tous) restent généralement sans réplique, malheureusement, ses victimes n'éprouvant pas le besoin qu'on mesure davantage la justesse de la critique et c'est bien dommage, cela nous permettrait de rire encore un peu, car si le polémiste est intervenu, c'est évidemment parce que ce n'était pas drôle du tout. La formule : polémique = réplique (pamphlétaire (sans réplique)).
L'éléphant de porcelaine L'arpenteuse du racisme La brouillonnologue de la CGMM Notre critique et sa poésie
Les fulminations de Dominique Deslandres, de René Latourelle et de Robert Toupin contre le « Mythe contemporain Laflèche »

Polémiques II

Guy Laflèche,
professeur retraité,
Université de Montréal

Les aléas jetés sur le parcours du FFMM de 2013 à 2018,
puis au lancement du GFFM en 2022

Table générale

Table de la huitième section :

  1. Olivier Du Ruisseau, 24 août
  2. Odile Tremblay, 25 août
  3. Olivier Du Ruisseau, 29 août
  4. Guy Laflèche, 7 mai



GFMM 2022

Le site officiel du Festival : www.gffm1977.com

VIII

Relance et renaissance du FFMM :
le Global Festival des films de Montréal (GFFM)

Le Devoir n'est pas en reste...
Le journal de combat persiste et signe le combat à finir :
Odile Tremblay contre Serge Losique

      Sauf les bienheureux adeptes du journal AgoraVox, les Montréalais ont appris (très approximativement, s'ils ne lisaient pas la Presse), le 24 août, qu'un mini-festival présenterait à l'Impérial un hommage au FFMM de Serge Losique à partir du lendemain, du 25 août au 5 septembre 2022. Vingt longs métrages y seront présentés par un nouvel organisme, le Global Festival des films de Montréal (GFFM), le successeur du Festival des films du monde de Montréal (FFMM). Marc-André Lussier a été le seul journaliste de Montréal à présenter correctement et simplement l'événement, dans la Presse du 24 août. « La sélection commence avec Carmen, présenté au FFM en primeur nord-américaine en 1983. Mettant en vedette Laura del Sol, Antonio Gadez, Cristina Hoyos et Paco de Lucía, ce sublime film de Carlos Saura, grand succès à l'époque, est rarement présenté au Québec ». Le journaliste présente succinctement les films de l'événement, dont précise-t-il une bonne dizaine de lauréats du Grand Prix des Amériques, ce dont il donne quelques exemples. Il donne aussi à ses lecteurs l'adresse du site de GFFM où se trouve l'horaire de la programmation. Il précise qu'André Forcier fera partie du conseil d'administration de GFFM, dont Pierre-Henri Deleau, vedette des directeurs du Festival de Cannes, sera aussi du Conseil. On pouvait lire sur le site du nouvel organisme qu'il en serait le directeur artistique. Ce travail d'information journalistique de dernière heure, pour ne pas dire de dernière minute, de Marc-André Lussier est un excellent exemple du professionnalisme qu'on lui connaît.

      Voici maintenant mon analyse de la « situation ». Lorsque j'ai eu le bonheur et le privilège de rencontrer Serge Losique, au printemps, — et je vais revenir souvent sur cet événement pour moi mémorable —, il m'a bien dit que des demandes de subvention étaient en cours d'évaluation pour la relance du festival par ce qui serait à l'automne le GFFM. Je n'ai posé aucune question, mais le bon sens dit que c'est d'abord la SODEC qui était sollicitée. S'il suit que les subventions ont été refusées, il suit donc que la relance du festival était impossible. Erreur. Je ne sais pas si Serge Losique aura sept vies, comme les chats, mais comme eux, il peut toujours retomber sur ses pattes. Alors il fallait être créatif pour imaginer un mini-festival du GFFM en l'honneur du FFMM, dont il prendrait, à l'automne 2023, la relève, ce qui serait annoncé... plus tard !, lorsque les nouvelles subventions seraient au rendez-vous. On appelle cela un coup de génie.

      Malheureusement, si Serge Losique est un excellent pédagogue, il n'a jamais été conscient de l'importance des communications dans la gérance des événements qu'il a créés et dirigés. Il n'a jamais compris une chose pourtant élémentaire, à savoir que le FFMM avait besoin d'une entreprise spécialisée pour organiser et planifier ses entrevues, ses conférences de presse et, de façon générale, ses rapports avec le public et, donc, les médias. Sur ce point, c'est un cinéphile, c'est-à-dire un innocent idéaliste qui s'imagine qu'un film, un festival de films (!), se « défend » lui-même. Pierrot le fou, mettons, n'a besoin de personne, d'aucune entreprise de communication, pour être ce qu'il est, un chef-d'oeuvre et pour toujours. Il suffit de le projeter, si possible sur un grand écran. Bien sûr, le fabuleux cinéphile qu'est Serge Losique a raison et sa politique qui dit que les films et le cinéma se défendront bien tout seuls, aura été très souvent d'une rare efficacité, en dépit du fait que c'était une très mauvaise « politique » face aux médias qui ont finalement tué son festival, faute d'être tenus en laisse. Si vous laissez des journalistes imbéciles (et dieu qu'ils sont nombreux !) dire n'importe quoi — ou rien du tout ! — de l'événement que vous dirigez, vous prenez un trop grand risque.

      Et on en trouve une parfaite illustration dans le mini-festival de l'automne 2022. Lancé sans aucune campagne publicitaire, annoncé aux journaux la veille de son lancement, sans aucune conférence de presse, ni non plus de présentation le soir de l'ouverture, ni même celle d'aucun film (sauf dans les rares cas où un réalisateur québécois était en salle pour présenter son film), le résultat a été mathématique : l'Impérial était désert. Bien sûr, on doit comprendre que sans subvention et Serge Losique n'ayant plus rien à hypothéquer, voilà un mini-festival minimaliste ! Plusieurs des festivaliers accusaient le coup : encore un mauvais coup contre Serge Losique et contre notre festival.

      Mais en réalité, c'était encore et surtout un mauvais coup des journaux, de leurs dirigeants et des journalistes. Car, en regard de l'article professionnel de Marc-André Lussier, c'est toute la presse du Québec qui a dysfonctionné et qui aurait besoin de consulter ! Mais le plus grand malade est le journal le Devoir de Montréal. Voici ses trois articles commentés sur le lancement du mini-festival du GFFM.

1 - Olivier Du Ruisseau (1), 24 août

Le Festival des films du monde renaît de ses cendres (2),
ou presque

Pour l'instant, certains cinéastes invités craignent qu'il s'agissent d'un canular (3)

      Serge Losique, qui a tenu le Festival des films du monde de Montréal (FFM) à bout de bras de 1977 à 2018, lance un nouveau festival, ainsi qu'une série de projections qui doit débuter jeudi à l'Impérial, à Montréal. Il s'agirait (4) d'un hommage au FFM, qui fut autrefois le festival de films le plus couru au Canada. Mais pour l'instant, certains cinéastes invités craignent qu'il s'agisse d'un canular (5).

      « C'est en ouvrant mes courriels tout à l'heure, puis en allant sur le site Web de l'événement, que j'ai appris que mon film serait présenté samedi », lance le cinéaste André Forcier, incrédule (6), en entrevue avec le Devoir. Intitulé « Hommage du Global Festival des films de Montréal (GFFM) au Festival des films du monde », cet événement est constitué de 25 projections — toutes gratuites — qui doivent avoir lieu dans la mythique salle du Quartier des spectacles entre le 25 août et 5 septembre.

      Le film d'André Forcier le Vent du Wyoming (1994) doit donc faire partie de la programmation, qui est d'ailleurs déjà détaillée en ligne sur le site Web du GFFM. Cependant, le cinéaste n'aurait jamais été mis au courant de l'existence du GFFM par Serge Losique  (7): « Je ne sais pas si c'est un canular » (8).

      La série de projections à l'Impérial serait donc un événement non seulement en hommage au FFM, mais aussi destiné à lancer un plus grand festival, soit le Global Festival des films de Montréal (GFFM). Selon son site Web, c'est Pierre-Henri Deleau, premier délégué général de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, qui en assurera la direction. Sa programmation devrait être annoncée « plus tard », toujours selon le site du GFFM.

      M. Forcier raconte avoir été approché par Serge Losique « il y a environ un mois » pour faire partie du conseil d'administration « d'une organisation à venir », mais ne jamais avoir eu la confirmation de la forme qu'elle prendrait. « Pierre-Henri Deleau participait, j'ai donc accepté, ça devait être important ».

      Quant à l'événement hommage à l'Impérial, le cinéaste ajoute que « la programmation est très bonne », mais qu'il n'est « juste pas certain que les films seront vraiment présentés » (9).

      Contacté par le Devoir, François Beaudry-Losique, directeur général du cinéma Impérial et fils de Serge Losique, confirme pourtant que les projections auront bien lieu, et que c'est son père qui les organise : « Nous avons les copies des films, tout est prêt ». Ce dernier ne peut toutefois pas confirmer si le plus grand festival aura lieu, ni quand. « Je souhaite que ça fonctionne », ajoute-t-il (10).

      Henry Welsh (11), cofondateur de l'agence de relations de presse Ixion Communications, qui fut auparavant directeur des communications du FFM, demeure aussi sceptique. « Je ne sais pas si c'est un canular (12), et je me demande bien de quelles copies des films Losique dispose », dit-il. (13)

      « La dernière fois que j'ai parlé à Claude Gagnon, qui présente aussi un film à l'événement, il m'a dit que lui non plus ne savait pas que son film allait être présenté », ajoute Henry Welsh (14). Tout comme André Forcier, il n'a pas été capable de joindre Serge Losique cette semaine pour obtenir plus d'informations (15).

« Porte-étendard culturel » criblé de dettes (16)

      « Le GFFM est le successeur naturel du FFM, et avec la nouvelle charte et le nouveau conseil d'administration, il poursuivra la programmation artistique du FFM. Nous espérons qu'il aura le même succès sur le plan national et international », peut-on lire sur le site Web de l'événement.

      Le GFFM se veut donc un hommage à l'ancien festival de Serge Losique, qui fut, selon son site Internet, le « porte-étendard culturel de Montréal et du Québec » pendant 43 ans. L'événement a effectivement été, pendant de nombreuses années, le plus important festival de films au Canada, attirant des vedettes du septième art telles que Claude Lelouch et Catherine Deneuve, ainsi que des dizaines de milliers de festivaliers.

      Le festival a dû prendre fin en 2018, aux prises avec des dettes de près de 500 000 $, comme le rapportait le Devoir (17).

—— Olivier Du Ruisseau, le Devoir, 24 août 2022

(1) Olivier Du Ruisseau est un tout nouveau reporter du Devoir. Il a fait ses études à l'Université Concordia de Montréal, en journalisme et en cinéma. Comme on l'a lu plus haut, la Presse a confié à Marc-André Lussier, un critique cinématographique chevronné, la couverture du lancement du mini-festival du GFFM à l'Impérial. Au Devoir, les critiques cinématographiques équivalents sont François Lévesque et André Lavoie. Ils se sont écartés ou ont été écartés (le résultat est le même) de toute intervention sur le FFMM, pour ou par Odile Tremblay, lui laissant toute la place. En fait, elle ne rend compte que des festival de Cannes et de Toronto, depuis longtemps (elle qui depuis toujours, justement, réclamait du « sang neuf » au FFMM). Il suit que c'est elle qui « rend compte » du festival de Montréal, lorsqu'elle ne dépense pas son énergie à... le boycotter ! C'est donc elle, on va le voir, qui a géré, pour son malheur, le travail d'Olivier Du Ruisseau. J'espère que la correction que j'infligerai à ses devoirs lui servira de leçon : en journalisme, on ne se laisse jamais manipuler.

(2) Très importante faute « lexicale » dans le titre d'un article. Une personne décédée, un mort, « renaît de ses cendres ». Et, effectivement, le FFMM est bel et bien mort pour le Devoir. Odile Tremblay a dès le début, c'est en tête du présent fichier, appelé la SODEC a cesser de financer le festival et n'a cessé de travailler efficacement avec la SODEC de Monique Simard pour le tuer. Il est donc mort. Or, du point de vue linguistique, le FFMM n'est pas mort. Il a été assassiné. Il ne renaît donc pas de ses cendres : il ressuscite ! D'un mot significatif, Olivier Du Ruisseau trahit sa pensée.

      Bien sûr, on ne ressuscite pas « ou presque » !

(3) Un canular ! D'abord, ce sous-titre, on va le voir, est totalement faux. Aucun cinéaste participant à l'événement n'a jamais pensé, jamais dit, ni même jamais évoqué l'idée que le mini-festival de l'Impérial puisse être... un canular ! On en aura la preuve dans la suite de l'analyse et on saura même d'où vient cette idée complètement sotte. Mais l'important est qu'Olivier Du Ruisseau en fera, pour sa courte honte, le thème de tout son article.

(4) Une bonne partie de l'article sera écrit au mode conditionnel. Du début à la fin de l'article, cela consiste à mettre en doute des faits incontestables. C'est une façon assez grossière de discréditer un événement (!) que le reporter nous présente à répétition comme un « canular ».

(5) Un canular, bis. Idée ou opinion encore attribuée à « certains cinéastes ».

(6) André Forcier. Le mini-festival présente son fabuleux film le Vent du Wyoming. Il vient de l'apprendre, cela ne fait aucun doute. Serge Losique n'a pas eu le temps de contacter les cinéastes québécois dont il a programmé les films, supposant, avec raison, qu'ils seraient bien fiers de participer à l'hommage. Or, dans le cas d'André Forcier, cela ne fait aucun doute, car il ouvre d'un éloge, sur le site du GFFM, la présentation du programme du festival. Surpris, oui, mais incrédule, c'est impossible. Il s'agit là d'un sentiment que lui prête manifestement notre reporter.

(7) « Cependant, le cinéaste n'aurait jamais été mis au courant de l'existence du GFFM par Serge Losique ». Attribuer cette affirmation à André Forcier est invraisemblable, puisqu'il a rédigé et signé le chapeau de mon article reproduit sur le site du GFFM qui, justement, présentait la renaissance du FFMM sous la forme du GFFM ! L'article d'AgoraVox ne lui est tout de même pas tombé du ciel : il lui a été présenté par Serge Losique.

(8) « Je ne sais pas si c'est un canular » — André Forcier cité entre guillemets ! C'est d'une rare absurdité, car il ne pourrait s'agir que d'une réponse à la question du reporter, « croyez-vous que ce mini-festival soit un canular ? ». La seule réponse possible à cette question est simple : « d'où sortez-vous cette idée ? Êtes-vous complètement malade ? ». Or, c'est là-dessus que notre reporter invente l'idée que « certains cinéastes » croient qu'il s'agit d'un « canular »... Le moins que l'on puisse dire est que nous ne sommes pas ici dans les règles du journalisme ou du reportage, mais d'une sollicitation dont le résultat voudrait être sensationnel : le mini-festival annoncé à l'Impérial est un canular !

(9) André Forcier, toujours : « la programmation est très bonne », mais qu'il n'est « juste pas certain que les films seront vraiment présentés ». Sur quoi une telle affirmation serait-elle plausible à la veille de l'ouverture du mini-festival ? Si le cinéaste avait fait une telle affirmation, Olivier Du Ruisseau aurait dû lui en demander des explications. D'autant qu'il nous dira, ligne suivante (!), que le gérant de l'Impérial lui a confirmé la tenue de l'événement. On est donc toujours en présence du thème du canular.

(10) François-Beaudry Losique est le gérant de l'Impérial. Il n'a aucun rapport avec le GFFM et ne répondra jamais à aucune question à son sujet. Il nous apprend seulement, et c'est important, que c'est Serge Losique seul qui a programmé le mini-festival. En plus, il est bien placé pour savoir que les copies des films sont entre ses mains. Détail important que l'on s'amusera à... ignorer, comme on le verra plus loin.

      Mais le plus important ici n'est pas là, du point de vue de la rédaction journalistique. Voilà un journaliste qui a commencé son papier (avec son titre !) en déclarant à répétition que le lancement du mini-festival du GFFM était un canular. C'était le début de son enquête. Mais son papier finit par expliquer que son enquête lui a appris que tout cela était parfaitement faux, puisque le gérant de l'Impérial lui a confirmé que le festival aura bel et bien lieu et qu'il commencera le lendemain, 25 août. Est-ce que notre reporter ne serait pas un journaliste amateur produisant du « papier » ?

(11) Henry Welsh. Que vient donc faire cet individu dans les sources d'informations d'Olivier Du Ruisseau ? Il s'agit, évidemment, d'un « tuyau » d'Odile Tremblay pour notre reporter qui ignore qu'il compte pour beaucoup dans l'assassinat du FFMM, au sens de celui « qui n'a pas porté assistance au festival » qu'assassinait la SODEC de Monique Simard : bien au contraire, il a démissionné du poste qu'il occupait pour protéger ses billes. Voilà un « homme du milieu » bien mal placé pour répondre à des question sur la résurrection du FFMM. Non seulement il est indélicat de la part d'Olivier Du Ruisseau de l'interroger sur une question dont il ne connaît forcément rien, mais le bon sens dit qu'Henry Welsh devait s'interdire de répondre à quelque question que ce soit à ce sujet.

(12) « Je ne sais pas si c'est un canular... ». C'est la cinquième fois au moins que le reporter met le mot dans la bouche de ses deux informateurs, M. Forcier (UN cinéaste) et H. Welsh (un « du milieu »).

(13) De quelle copie des vingt-cinq films Serge Losique dispose-t-il ? De quoi je me mêle ? Jamais notre reporter n'aurait dû rapporter cette question aussi insignifiante que malveillante.

(14) C'est une faute journalistique très grave que de rapporter des propos qui nous sont... rapportés sur un tiers. On peut certes s'en servir pour l'interroger, mais il ne s'agit pas là de fait dont on puisse faire état dans un reportage.

(15) Qui, « il » ? Et qui s'imagine pouvoir prendre contact avec Serge Losique la veille de l'ouverture de son mini-festival ? Bref, double faute journalistique, avec une faute de syntaxe qui pourrait laisser croire que... Henry Welsh aurait pu vouloir interroger personnellement Serge Losique.

(16) À la veille de l'ouverture du mini-festival du GFFM, est-ce que le moment est approprié de rappeler les déboires du FFMM ? Ce sous-titre est malveillant.

(17) Sans référence aucune à quelque article du Devoir que ce soit, cela signifie simplement « comme me l'a dit Odile Tremblay ». Qu'est-ce que ce « près de 500 000 $ » vient faire ici ? C'est ridicule, comme l'exprime la note précédente. Or, notre reporter n'imagine pas que la situation financière du FFMM n'a pas cette belle simplicité. Ce montant pourrait correspondre aux impôts réclamés au festival en juillet 2018, qu'un arrangement a permis de lever temporairement. Mais la question est liée au double procès qui oppose le FFMM et la SODEC, elle qui a transformé une « avance » sur les subventions à venir en un « prêt ». Ce ne sont pas cinq cent milles, mais des millions qui sont en cause et je me souviens que, d'après mon analyse de l'affaire, le festival était en excellente position pour gagner. Cela dit, Olivier Du Ruisseau, au lieu d'écrire n'importe quoi, sur la foi d'Odile Tremblay, au sujet d'une affaire qui traîne depuis plus de cinq ans, serait bien avisé de passer au Palais de Justice de Montréal pour voir où en est le dossier (il trouvera plus haut toutes les informations nécessaires à ce sujet, à commencer par le numéro du dossier).

2 - Odile Tremblay, 25 août

Ce festival qui veut revivre

      L'affaire semble surréaliste. Le défunt Festival des films du monde (FFM), mort endetté jusqu'au cou (17) après des déboires qui pourraient faire l'objet d'un volumineux dossier, entend renaître sous le nom de Global Festival des films de Montréal (GFFM) plus tard cette année (1), comme le Devoir le révélait mercredi. La résurrection éventuelle du FFM circulait entre les branches. On n'y avait pas prêté l'oreille, la jugeant impossible. Dans le milieu, certains crient au canular (2). D'autres à la frime (3).

      En avant-goût, un hommage au FFM est donc accessible gratuitement au cinéma Impérial. Dès jeudi (4), jusqu'au 5 septembre, 20 films déjà projetés et primés sont proposés en accès gratuit à l'Impérial. La nouvelle de cette rétrospective est sortie en douce mardi sur le site Web du GFFM, deux jours à peine avant la tenue du coup de chapeau.

      Quant au festival lui-même (5), il serait prévu en fin d'année, dirigé par nul autre que Pierre-Henri Deleau, ancien délégué général de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, qu'on imagine mal venir s'y casser le cou (6). Le distributeur Louis Dussault le précise : « Sophie Boiré, l'épouse de Pierre-Henri Deleau (7), me demandait mercredi ce qui se passait à Montréal. Son mari est hospitalisé pour une opération assez grave, et ils ignorent ce qui se trame avec ce nouveau festival ». Tout ça sent la manipulation désespérée à plein nez. Deleau est un vieil ami du FFM, faut-il brandir son nom à son insu ? (8)

      De toute façon, les temps ont changé, les habitudes cinéphiliques [sic] aussi. Les plate-formes transforment la donne. Les jeunes publics regardent ailleurs. Les institutions, qui avaient coupé les vivres au FFM, ne tendraient pas la main à son successeur. Alors quoi ? (9)

      D'ici là, l'hommage est confirmé ces prochains jours et la salle bouclée. Mais sous secret gardé : plusieurs ayants droit (10) des films à l'affiche n'avaient pas été mis au parfum de ces projections, du moins à ces dates-là. Le comble : le cinéaste André Forcier, cité en long et en large sur ce site à coups de déclarations encensant le FFM et son fondateur, révélait au Devoir avoir ignoré lui-même dans quoi il s'embarquait comme membre du conseil d'administration. Il n'a même pas su à l'avance que son Vent du Wyoming (1994) serait projeté samedi. Certaines ententes auraient été bouclées en 2021, mais en l'absence d'un suivi, ce fut la surprise.

      Les 20 films de l'hommage sont de bonne tenue. Là n'est pas la question (11). On avait apprécié La fiancée syrienne, de l'Israélien Eran Riklis, Les Plouffe, de Gilles Carle, Carmen, de Carlos Saura, La couleur du paradis, de l'Iranien Majid Majidi, et autres titres porteurs, dont le film de Forcier et Kenny, de Claude Gagnon. Ces oeuvres ne seront pas projetées en 35 mm, l'Impérial ne possédant plus les équipements requis (12).

      Ce festival, d'abord glorieux, on l'avait vu triompher puis plonger, après des bras de fer avec les institutions, un manque de renouvellement et une perte de prestige. Son maître d'oeuvre avait bien des détracteurs, des admirateurs inconditionnels aussi, moins nombreux qu'avant.

      Depuis une dernière cuvée en 2018, pas de FFM, donc, tombé au combat. Ses dernières éditions s'étaient déroulées sous la houle et dans l'anarchie, avec maints employés qui couraient en vain après leur paie et des cinéastes laissés en plan. On savait Serge Losique en mauvaise santé et désargenté. Puis la pandémie fit le vide.

      Ce soubresaut impromptu du FFM remet en lumière les frictions du milieu du cinéma dans son fragile écosystème (13). Second revenant de la saison : Roland Smith. L'ancien propriétaire de l'Outremont, du Verdi et d'autres salles mythiques où il forma durant maintes décennies des générations de cinéphiles s'effaçait du décor.

      Or donc, après deux ans d'absence pandémique, le voici de retour avec le Festival du cinéma latino-américain de Montréal, présenté au cinéma du Parc, qu'il aura en son temps dirigé. Les hispanophones suivent son rendez-vous, comme d'autres cinéphiles grâce aux sous-titres français ou anglais. Il propose des oeuvres québécoises. Sauf que cette onzième édition se déroule du 26 août au 5 septembre, à peu près aux mêmes dates (scellées depuis plusieurs mois) que l'hommage au FFM. « J'aurais décalé d'une semaine, si j'avais su » clame-t-il.

      Le carré de sable est petit à Montréal. Chaque manifestation a besoin d'air pour vivre et trouver son public. Le Festival de films féministes de Montréal (du 7 au 10 septembre) devra se saborder après six éditions, faute de fonds suffisants. Ça va mal partout. L'hommage au FFM parviendra peut-être à suivre son cours ces prochains jours, à moins d'une révolte des ayants droit (14). Mais l'émergence du Global Festival des films de Montréal à la fin de l'année semble issue du rêve d'un président amer otage de son passé (15).

—— Odile Tremblay, le Devoir 25 août 2022.

(1) Il n'y a rien de surréaliste dans la renaissance du FFMM sous le nom d'un nouvel organisme, le GFFM. Olivier Du Ruisseau a mal lu la page d'accueil du mini-festival et Odile Tremblay ne comprend pas mieux cette phrase qu'on y trouve : « la grande édition du GFFM sera annoncée plus tard ». Le nouvel organisme est lancé avec le mini-festival de cet automne 2022; sa « grande édition », c'est-à-dire le festival de l'automne 2023, sera annoncée plus tard, si les organismes subventionnaires lui prêtent vie, évidemment. Il ne fallait pas la tête à Papineau pour comprendre cela et ne pas imaginer un « autre » festival qui aurait lieu « plus tard cette année ».

(2) Et voilà le chat du canular qui sort de la sacoche ! Une pure invention d'Odile Tremblay, dont Olivier Du Ruisseau a fait le plus sérieusement du monde le thème de son article, la veille, comme on vient de le lire. Revoir le sous-titre de l'article !

      Le vocable, « canular », est significativement encadré de « surréaliste » et de « frime ». Ces affirmations n'ont qu'un sens, comme on va le voir clairement dans la suite de l'article : Odile Tremblay n'est ni incrédule ni même surprise, elle est très déçue et même horrifiée de la résurrection du FFMM. Elle s'y oppose explicitement, on le voit à son vocabulaire, et non seulement elle va tout faire pour l'empêcher, mais elle a déjà commencé avec les informations, conseils et tuyaux refilés méchamment à O. Du Ruisseau.

      Mais par ailleurs, surtout, ces affirmations sont fausses. Ce n'est pas vrai que la nouvelle de la résurrection du FFMM sous le nom de GFFM « circulait entre les branches ». D'abord c'est moi qui ai annoncé l'événement dans un article paru sur AgoraVox le 7 mai 2022 et la nouvelle que j'annonçais était de première main, puisqu'elle venait de Serge Losique lui-même. Ensuite, l'« entre les branches » est totalement faux, puisque l'article, comme je l'expliquerai plus loin, a été proposé au Devoir au tout début d'avril. Bryan Miles a refusé de le publier, mais il serait bien surprenant qu'il n'en ait pas transmis copie à Odile Tremblay. Bref, ce n'est pas entre les branches qu'elle a appris, pour elle, la triste nouvelle du lancement du GFFM quatre ou cinq mois plus tard, s'il pouvait être subventionné.

      Ces mensonges ne sont pas innocents, évidemment, puisqu'il est impossible que j'aie lancé un « canular » sur AgoraVox. La vérité est qu'Odile Tremblay et le Devoir ont été de mèche pour ne contribuer d'aucune manière à la naissance du GFFM.

(3) Il est possible qu'en style d'Odile, le mot « frime » ait un sens particulier. Je me vois mal publier sur AgoraVox une amusante et machiavélique plaisanterie. À remarquer que l'affirmation est attribuée aux « gens du milieu ».

(4) « Dès jeudi ». L'article paraît le jeudi, 25 août, le jour de l'ouverture du festival. Il a donc été rédigé la veille ou plus probablement en même temps que celui d'O. Du Ruisseau paru... la veille. Il faut faire vite, car il n'est jamais trop tôt pour nuire à Serge Losique.

(5) Encore ! Voir la n. (1).

(6) Pierre-Henri Deleau, « qu'on imagine mal venir s'y casser le cou ». La remarque est malveillante, mais surtout saugrenue. Est-ce que Serge Losique n'aurait pas eu un coup de génie en invitant P.-H. Deleau à préparer la relance du FFMM ? Ce n'est pas une idée vraiment extraordinaire ? Et pourquoi donc la vedette n'accepterait-elle pas de relever un défi prestigieux ? Bon, d'accord, parce qu'Odile Tremblay ne veut pas, tout simplement.

(7) C'est l'histoire de l'homme qui a vu la femme du mari qui n'a pas vu l'ours. Louis Dussault dirait que Sophie Boiré, l'épouse de Pierre-Henri Deleau, hospitalisé, dirait que. On apprend donc sans surprise que Serge Losique n'a pas contacté P.-H. Deleau pour l'informer qu'il n'avait pas reçu les subventions pour le faire venir à Montréal afin de lancer cet automne le GFFM et qu'il allait programmer lui-même le mini-festival qui allait préfigurer l'événement, espérons-le, de l'automne 2023.

      Qui est donc Louis Dussault ? On l'a lu plus haut, celui qui estimait (raisonnablement) qu'une renaissance du FFMM était bien improbable. S'il est interrogé et cité par Odile Tremblay, cela pourrait bien être parce que, comme elle, il n'est pas content de cette possibilité ! Oui, je m'amuse, mais il aurait avantage à bien dire à la journaliste qu'il ne veut plus jamais être désigné comme l'homme qui a vu la femme du mari qui...

(8) « Tout ça sent la manipulation désespérée à plein nez. Deleau est un vieil ami du FFM, faut-il brandir son nom à son insu ? ». Affirmation mensongère, malveillante et stupide. Il ne fait aucun doute que Serge Losique a obtenu l'accord de Pierre-Henri Deleau pour prendre la direction artistique du GFFM. On voit à quel niveau de bassesse Odile Tremblay est capable de descendre pour écraser son adversaire.

      Mais on verra, pour finir, qu'elle peut descendre encore bien plus bas dans l'expression de sa haine pour Serge Losique, n. (15)

(9) Quelle belle analyse socio-culturelle de l'univers cinématographique québécois. Comme généralité, c'est n'importe quoi. Il n'y a pas de festival de films partout au monde, même à Toronto ?

(10) « Plusieurs ayants droit ». C'est non seulement possible, mais c'est certain : dans l'urgence de programmer son mini-festival, Serge Losique n'avait évidemment pas le temps d'informer les réalisateurs de la projection de leur film, d'autant qu'il s'agit d'une vingtaine de films dont les réalisateurs se trouvent un peu partout sur la planète. Cela dit, Odile Tremblay exploite le seul témoignage d'André Forcier, témoignage manifestement « sollicité » par son collègue O. Du Ruisseau, bien programmé par ses soins et d'ailleurs peu crédible dans son ensemble, comme on l'a vu plus haut, n. (6) et suiv.

(11) Bien au contraire, là est la question et seulement là. Quatre lignes de l'article sont consacrées au contenu du mini-festival. Cela est significatif de l'absence totale d'intérêt de la « critique cinématographique » pour le cinéma. Tout son article devait être consacré à ces questions et seulement à ce sujet. La journaliste, si elle était compétente, devait présenter le contenu du mini-festival, dire quels films méritaient être vus et revus et pourquoi. Bref, elle devrait parler de ce qu'elle devrait connaître. La question qui s'imposait pour elle, à mon avis, est celle de savoir si la programmation du mini-festival est représentative du déroulement du FFMM depuis ses débuts ou si Serge Losique n'a pas choisi tout simplement les copies des films qu'il avait sous la main (et il en a des piles, il me l'a dit au printemps) ou qu'il pouvait obtenir de l'Éléphant. Mais là, elle aurait dû parler de cinéma. En ce qui concerne le mini-festival en tant que tel, s'il n'y a aucun tapis rouge, alors ce n'est pas trop son affaire. Vivement Cannes et Toronto. Bref, le cinéma, les films, « là n'est pas la question » !

(12) Je ne sais comment expliquer cette phrase, cette précision. Je ne suis pas certain qu'il existe encore à Montréal ou au Québec des cinémas qui projettent encore des films en 35 millimètres. En tout cas, sans y rien connaître, je ne pense pas que la collection de Serge Losique soit encombrée des superbes bobines de l'ancien temps. Mais peut-être s'agit-il d'une remarque perfide à l'usage des spécialistes ?

(13) Changement de sujet ! Mais avec encore un autre petit coup d'épingle, à propos des dates de deux festivals. Passons, la cour est pleine.

(14) Hallali. Appel au meurtre. Même si le mini-festival commence le jour même de la parution de son article, il n'est jamais trop tard pour souhaiter que des ayants-droit s'en prennent à Serge Losique et interrompent la poursuite de l'événement. C'est ce qu'elle souhaite, puisqu'elle le fantasme. Autrement, pourquoi écrirait-elle une pareille niaiserie ? Après tout, Odile Tremblay avait commencé son combat à finir avec un appel au boycottage du festival qui a été orchestré par la SODEC de Monique Simard, un grand succès. Pourquoi pas maintenant une « révolte (sic) des ayants-droit » ?

(15) La mise en place et le lancement du GFFM, cela relèverait « du rêve d'un président amer otage de son passé » ? Une telle sotte affirmation, insultante, que rien dans l'article ne justifie, cela doit être dénoncé, tellement c'est odieux. Au Devoir elle se croit manifestement tout permis. Mais Odile Tremblay ne comprend sûrement ni le sens ni la portée de cette phrase de conclusion. Serge Losique n'est pas l'homme de l'amertume, bien entendu. Battant comme jamais, il a imaginé un montage génial pour relancer le FFMM sous une forme qui devrait avoir tout pour plaire aux organismes subventionnaires — si du moins ils ne sont pas revanchards, comme Odile Tremblay (le souhaite). Avec cette dernière phrase, on comprend que tout l'article de la journaliste distille une pensée fielleuse, otage de son pitoyable passé, en ce qui concerne son attitude vis-à-vis du FFMM.

      J'ai toujours dit, dans mon enseignement, que c'est après avoir bien étudié le poème, l'essai, l'oeuvre, qu'on évalue son titre. Cela vaut, évidemment pour un article journalistique. Si l'on relit maintenant le titre qu'Odile Tremblay donne à son texte, on verra qu'il est très significatif. Depuis quatre ans maintenant, dans son esprit, le FFMM est mort; c'est elle qui a initié l'assassinat mené par la puissante machine de la SODEC de Monique Simard; retrait de toutes les subventions de tous les organismes subventionnaires; les commanditaires se sont retirés; Serge Losique n'a plus rien à hypothéquer. Le FFMM est mort. Mais voilà qu'un « surréaliste » « canular » lancé pour la « frime » voudrait que le FFMM ressuscite sous la forme d'un GFFM ! C'est inacceptable, inadmissible ! Mon combat à finir contre le festival de Serge Losique était fini et voilà que tout recommence... Voilà un festival qui ne veut pas mourir, un « festival qui veut revivre ».  Et c'est bien cette verte amertume qu'elle expose aux lecteurs du Devoir.

3 - Olivier Du Ruisseau, 29 août

L'hommage au FFM tient le coup

      L'hommage au feu Festival des films du monde (FFM) piloté par Serge Losique n'était finalement pas un canular, comme certains l'avaient pourtant laissé entendre au Devoir mercredi (1).

      Ce programme de 20 projections gratuites, au cinéma Impérial à Montréal, a bel et bien débuté jeudi, et se poursuivra jusqu'au 5 septembre. S'il ne connaît pas le succès escompté, il permet tout de même aux cinéphiles nostalgiques (2) de replonger dans certaines oeuvres primées au festival, entre autres.

      « J'étais tellement triste d'apprendre que le FFM fermait, en 2018 », raconte Yanett Rivas, cinéphile passionnée qui fut bénévole au festival de Serge Losique pendant de nombreuses années. Cela fait quelques jours qu'elle assiste, enthousiaste, aux représentations gratuites à l'Impérial. Dimanche soir, elle semblait toutefois bien seule, alors que seulement neuf autres personnes étaient venues assister à la projection, dans cette salle qui peut en accueillir plus de 800.

      Le cinéaste André Forcier (3), qui y a présenté son film le Vent du Wyoming (1994) samedi, se désole aussi de la tournure des événements : « Il ne peut pas y avoir beaucoup de monde quand on n'annonce pas la programmation. Serge Losique aurait aussi dû accorder des entrevues à la presse ».

      Le Devoir a d'ailleurs tenté de contacter le principal intéressé au cours des derniers jours, mais n'y est pas parvenu (4). Même le site Web de l'événement ne fonctionne plus depuis au moins 24 heures (5). M. Losique n'est pas non plus monté sur scène pour présenter son événement jeudi, lors de l'ouverture, devant les quelques dizaines de personnes présentes.

Un projet de festival incertain

      Ainsi, l'hommage au FFM tient le coup, mais ne s'avère pas à la hauteur des attentes qu'on lui portait, raconte M. Forcier. Roland Smith, qui fut directeur de nombreux cinémas, dont l'Outremont, dit aussi avoir été déçu que les dates de l'événement de Serge Losique n'aient pas été annoncées plus tôt. Lui qui présente un festival de films latino-américains au Cinéma du Parc en même temps, soutient qu'il l'aurait organisé plus tôt (6).

      « C'est clair que quelque part là-dedans, dans l'idée de ne pas prévenir la presse, par exemple, une stratégie était en place », affirme quant à lui Claude Gagnon (7), cinéaste, qui présentera son film Kenny (1987) vendredi. Il salue également l'idée de présenter une vingtaine de vieux films gratuits, sur plusieurs jours, dans une aussi grande salle : « Je pense qu'on n'a jamais vu ça à Montréal, je suis complètement ébloui par cette façon de faire ».

      M. Losique avait aussi annoncé, la semaine dernière, son projet de mettre sur pied un nouveau festival, intitulé Global Festival des films de Montréal (GFFM). Cet événement, qui doit être dirigé par Pierre-Henri Deleau, autrefois chargé de la Quinzaine des réalisateurs du Festival de Cannes, se veut le « successeur naturel du FFM ».

      Cependant, comme l'a rapporté le Devoir jeudi dernier, M. Deleau n'aurait pas été mis au courant des détails de l'événement. Aucun distributeur contacté par le Devoir n'affirme avoir été contacté au sujet du GFFM. Qui plus est, le fils de Serge Losique et directeur de l'Impérial, François Beaudry-Losique, ne peut pas confirmer que le festival aura lieu un jour (8).

      Claude Gagnon insiste tout de même sur l'importance qu'a eue le FFM, qui s'est tenu de 1977 à 2018 : « Si on arrivait à ramener le FFM dans toute sa gloire, toute la relève en bénéficierait. Ce genre de festival peut avoir un rôle important dans la promotion des films, et M. Losique a eu un impact majeur sur la culture cinématographique au Québec. Il faut le dire ».

—— Olivier Du Ruisseau, le Devoir, 29 août 2022.

(1) Totalement faux. Personne n'a jamais laissé entendre que le GFFM ou son mini-festival était un canular. L'idée, on le sait, est sortie de la sacoche d'Odile Tremblay. Il s'agissait, on vient de le voir, de dénigrer le mini-festival, dont elle réussissait à n'en pas dire trois mots. C'est donc grâce à elle que notre reporter avait si bien commencé à déconsidérer l'événement.

      L'article que publie maintenant Olivier Du Ruisseau est purement, depuis son titre, une rétractation. Il n'est pas difficile de comprendre qu'elle a dû s'imposer à la direction du Devoir, mais le reporter n'a pas le courage d'en prendre la responsabilité.

      S'il ne lui est pas possible de désigner la responsable du forfait, au moins il la connaît et on peut espérer que cela lui servira de leçon : jamais plus il n'acceptera de relancer les rumeurs (supposées), les idées, avis ou opinions de sa collègue. D'autant qu'il a lu la dernière phrase de son dernier article et sait donc à quel niveau de bassesse elle peut descendre. Cela dit, Olivier Du Ruisseau n'est pas blanc comme neige. Il a lu, sur le site internet du GFFM, mon article paru sur AgoraVox le 7 mai ! Bien sûr, sa collègue ne lui a pas dit que cet article était au Devoir au tout début d'avril. Mais peu importe. Le reporter devait comprendre qu'il était difficile que le lancement du GFFM, annoncé le 7 mai, soit un canular... le 24 août.

      Cela dit, il faut savoir, comme on le lira plus bas, que le reporter n'avait pas le droit de parler ou d'évoquer mon article d'AgoraVox, reproduit sur le site du GFFM, pour la raison toute simple et impérative que je suis ostracisé au Devoir, non seulement par ses journalistes, mais depuis la haute direction.

      Mais oublions tout. Présenter le lancement du GFFM comme un canular était pour le moins une erreur de jugement, tout le monde va s'entendre là-dessus.

(2) Il est exact que le mini-festival n'a pas connu le succès que Serge Losique pouvait espérer, mais O. Du Ruisseau, O. Tremblay et le Devoir n'ont pas beaucoup contribué à sa promotion, c'est le moins que l'on puisse dire. En revanche, ce festival ne s'adresse pas à des « nostalgiques » du FFMM. Le reporter n'a pas fait d'études en cinéma ? On lira plus bas mon expérience de l'événement qui aurait mérité une importante promotion et une bonne couverture médiatique, si le Québec ne se comportait pas avec le FFMM/GFFM comme une république de bananes (Danièle Cauchard dixit).

(3) Décidément, André Forcier devient la marionnette du ventriloque. Il ne connaît rien de la situation qui a présidé à la mise en place du mini-festival du GFFM ? Comme je l'ai expliqué au tout début de cette section, S. Losique n'a pas mal géré la mise en scène de son festival : il ne l'a pas géré du tout ! Que le festival se déroule tout seul. Et pourquoi pas ? Personnellement (comme tous les peu nombreux spectateurs de l'Impérial), je ne demandais pas mieux. Certes, je comprends que les réalisateurs auraient souhaité voir un public plus nombreux, mais ils devaient être assez intelligents pour comprendre la situation... déplorable, dont la responsabilité revient entièrement aux organismes subventionnaires. Je le répète : à mon avis le mini-festival est la réplique de Serge Losique au refus de subventionner le lancement prévu du GFMM. Et la réplique était géniale en dépit d'un déroulement qui n'a pu être à la hauteur.

(4) Comme je l'ai écrit dans mon article d'AgoraVox, ma rencontre avec Serge Losique, le 16 mars, était tout à fait exceptionnelle, parce qu'il n'accorde plus jamais d'entrevue, pour des raisons de santé. Il me semble que cet état de fait devrait être connu et reconnu de tous les journalistes. Il est surprenant qu'André Forcier paraisse n'en rien savoir, d'après notre reporter.

(5) Tout à fait exact et déplorable, car le site internet du GFFM était le seul contact du public avec le mini-festival.

(6) Olivier Du Ruisseau répète ce qu'a déjà écrit Odile Tremblay. Est-ce que Roland Smith a pris contact avec lui pour lui demander d'insister pour dire qu'il n'était pas responsable de la programmation des deux festivals aux mêmes dates ou pour protester contre Serge Losique ?

(7) Claude Gagnon devra reconnaître qu'il n'y avait pas de stratégie dans l'absence de promotion du mini-festival (lors de la présentation de son film). En revanche, l'éloge qu'il en fait est tout à fait justifié et les festivaliers qui ont profité de ces projections applaudiront. Pour ma part, j'applaudis au jugement et au souhait qu'il a présentés au reporter qui aura la bonne idée d'en faire le dernier alinéa de son article.

(8) Ces deux alinéas, tout comme le sous-titre de la fin de l'article, sont l'illustration d'un mauvais travail journalistique. O. Du Ruisseau se répète, alors qu'O. Tremblay l'a déjà répété ! On lit donc trois fois cette sottise de l'annonce d'un « nouveau festival » attendu la semaine suivante, avec encore l'histoire de l'homme qui a vu l'épouse du mari qui n'a pas vu l'ours... Cette mauvaise analyse d'une phrase sur la première page du site internet du GFFM finit par constituer de la désinformation. Et c'est d'autant plus désolant qu'il aurait suffi de poser la bonne question au gérant de l'Impérial qui aurait aussitôt apporté la correction requise, puisque, bien entendu, aucune plage horaire n'est réservé au cinéma pour un festival « en fin d'année » ! En ce qui concerne la mauvaise question, le gérant ne peut pas dire si le festival aura lieu « un jour », c'est-à-dire l'automne prochain, car cela ne le concerne pas.

4 - Guy Laflèche, 7 mai

Le FFM deviendra le GFFM

——Guy Laflèche, « Le FFM deviendra la GFFM », AgoraVox, 7 mai 2022, repris et traduit en anglais sur le site internet du GFFM, < gffm.com >, 22 août 2022.

      L'ouverture de mon article expose comment s'est produite ma rencontre avec Serge Losique, le 16 mars 2022. Il s'est agi surtout d'une rencontre improbable. J'ai écrit, à tout hasard, au secrétariat de l'ancien FFMM. Je posais une simple question sur l'éventuel retour du FFMM l'automne suivant. Jamais je n'avais imaginé que j'aurais une réponse de Serge Losique et qu'il proposerait de me rencontrer, me disant qu'il connaissait mon journal sur le site internet où vous me lisez actuellement. Je ne suis pas journaliste et je ne suis pas venu l'« interviewer ». Il s'agissait d'une rencontre dont il me faisait cadeau. Je n'ai même pas pensé un instant qu'il pouvait avoir sa petite idée derrière la tête.

      Et la rencontre a été amicale. Notre conversation, a porté sur l'Histoire de son FFMM, à partir de mes propres souvenirs de l'événement depuis mon adolescence. Il m'a corrigé, lorsque j'ai dit avoir assisté à la naissance du festival au cinéma l'Élysée, s'agissant plutôt d'une manifestation mise en place par Roch Demers. J'ai donc appris beaucoup. Par exemple, je pense que je peux révéler que c'est lui qui a donné à Jean-Luc Godard tout le matériel qui a servi à développer son Histoire du cinéma, m'apprenant ainsi qu'il était l'heureux possesseur d'une impressionnante collection de films. Vous voulez une indiscrétion ? Pourquoi pas, puisque cela est de l'histoire ancienne. Les deux hommes, S. Losique et J.-L. Godard, avaient signé une entente pour la production de cette fameuse Histoire. Mais comme toujours (je connais bien mon fameux JLG), Godard est parti avec la caisse ! Et Serge Losique de renoncer à toute poursuite, par admiration pour l'oeuvre du grand réalisateur de la Nouvelle Vague. Je dois dire « etcetera », car ma conversation avec Serge Losique a été un beau cadeau. Ce serait le seul profit, si je puis dire, de mon journal à la défense du FFMM, que j'aurais été récompensé au-delà de toute espérance.

      C'est à la fin de notre rencontre que Serge Losique m'a présenté son projet en cours de réalisation depuis plusieurs mois, la relance du FFMM sous la forme d'un GFFM, dont la direction artistique serait de Pierre-Henri Deleau. C'est l'idée qu'il avait en tête en m'invitant à le rencontrer, l'ultime cadeau qu'il me ferait. Lui demandant s'il m'autorisait à divulguer la nouvelle, il a compris qu'il s'agirait d'un article que je publierais sur mon site internet.

      D'accord, mais la publication devrait se faire dans la presse. Bien sûr, pourquoi pas ? C'est toute une nouvelle. « Adressez l'article au Devoir », me dit-il, dans un élan d'enthousiasme, car il imagine déjà un article qui n'est encore pas écrit en bonne place dans la presse de Montréal pour annoncer la relance du FFMM. Je lui ai tout de suite expliqué que c'était impossible. Je suis ostracisé dans ce journal depuis une éternité. Le Devoir ne publiera jamais un texte de moi. Surpris, Serge Losique me dit qu'il se faisait fort, lui, de faire paraître un texte de moi au journal, dont il connaît bien le directeur Brian Myles...

Ostracisme au Devoir

      Je dois en effet expliquer l'ostracisme dont je suis victime au Devoir pour que l'on comprenne l'histoire de la publication de mon texte. Rédigé, je l'ai adressé à Serge Losique qui en est le sujet principal. Il ne m'a proposé aucune coupure, aucune correction, aucune réécriture, mais deux petites additions que j'ai acceptées de bon coeur, dont la toute dernière proposition de mon texte (sur l'enquête d'Influence Communication). Il est certain qu'il a proposé ensuite mon texte au Devoir et précisément à Brian Myles. Je savais qu'il serait refusé, même si j'en ai finalement douté. Devant la détermination de Serge Losique, je pouvais croire qu'un personnage, c'est le mot, aussi important pour l'histoire du cinéma au Québec, l'emporterait sur l'esprit revanchard du journal. Tel ne sera pas le cas; on laissera poiroter le pauvre grand « personnage », jusqu'à ce qu'il comprenne que « mon » texte était refusé.

      Je ne sais pas quand l'ostracisme du Devoir à mon endroit a commencé, de sorte que je ne peux savoir pourquoi. Il faudrait dépouiller l'ensemble de mes Polémiques, pour tenter de le deviner. Il est possible que cela remonte à 1995, du fait que le journal ait refusé une publicité de ma maison d'édition, ce qui constituait une incroyable censure. Jamais avant le journal n'avait refusé une publicité, de mémoire de journalistes... au Devoir ! Mais en vérité, je me suis rendu compte peu à peu que j'étais ostracisé et je sais que c'était déjà le cas lorsque j'ai réussi à faire paraître (par ruse !) un texte d'opinion contre le comportement irresponsable de la Bibliothèque nationale du Québec. La directrice des BAnQ, Lise Bissonnette (ancienne directrice du journal), a imposé au journal, en réplique, la publication d'un texte diffamatoire à mon endroit pour lequel le journal a été blâmé par le Conseil de presse du Québec. Une première depuis longtemps pour le journal et probablement la dernière à ce jour. Mais j'étais déjà ostracisé à ce moment. On peut lire quatre de mes textes d'opinion refusés par le journal sur AgoraVox. Trois d'entre eux dénoncent le comportement malveillant du chroniqueur Louis Cornelier attaquant sournoisement le philosophe Michel Onfray, coupable d'athéïsme, ces attaques prenant toujours prétexte d'ouvrages de tiers; c'est une faute, une malhonnêteté, qu'on réprime au collège : on n'a jamais le droit d'utiliser un livre pour en dénoncer un autre. En ce qui concerne mon quatrième article refusé paru sur AgoraVox, il s'agit d'un texte que j'avais rédigé pour présenter aux lecteurs du Devoir ma découverte de rien de moins que les mémoires de Jeanne Mance. J'ai offert cet article à l'occasion du 350e anniversaire de la fondation de Montréal. Le refus de publication, sans justification, était clairement de l'ordre de l'ostracisme. Publié sur AgoraVox, ce petit texte journalistique m'a valu, entre autre, la chance de participer au documentaire d'Annabel Loyola, la Ville d'un rêve. J'ajoute que mes trois derniers livres ont été ignorés, par pure vengeance, alors que le journal avait rendu compte de tous ceux que j'avais publiés jusque-là. — Bref, voilà un lecteur du journal, un citoyen, banni de toute intervention, et même de toute mention, dans le journal, et le journal de se priver de ses expertises et d'en priver ses lecteurs. Il s'agit là d'une très grave faute d'éthique. Dans le cas d'un journal, c'est un crime, s'agissant d'une action militante concrète et concertée d'ordre idéologique.

      Cela dit, malheureusement, la personne victime d'ostracisme, comme moi au Devoir, n'a aucun autre recours que de le dénoncer, comme je le fais ici. Et je suis bien placé pour dire que le crime est d'autant plus insidieux que la victime mettra beaucoup de temps à en être consciente et pourra difficilement en faire la preuve. Je suis victime de ce comportement vicieux du Devoir depuis plusieurs décennies et il fallait, par hasard, l'initiative de Serge Losique pour que j'en mesure toute l'étendue. En effet, dans mon esprit, depuis toujours, Brian Myles était un ami. Il me devait même un scotch et une guinness, à la suite de nos échanges, à l'époque où j'étudiais la structure narrative du fait divers dans mon séminaire. Je sais maintenant qu'il est à la tête de l'ostracisme du journal à mon endroit.

Le boycottage

      Mais il n'y a pas que l'ostracisme dans cette histoire. Il y a aussi le boycottage. Puisque j'en suis venu en mode autobiographique, j'en donne l'exemple de mon dernier livre, qui dénonce le style bigenre employé systématiquement dans la sphère publique. Un politicien ne peut plus parler des Québécois, il doit désigner « les Québécois et les Québécoises ». On ne peut plus dire en français au Québec que l'Université de Montréal compte 67 000 étudiants, non, il faut écrire qu'elle compte 67 000 étudiantes et étudiants, oui, « étudiantes et étudiants », ce qui est une évidente faute de langue. Il s'agit d'une question d'actualité très importante, tout le monde en conviendra. Au Devoir, quatre journalistes, contactés personnellement, ont refusé de parler de mon livre. C'est, on le sait, l'ostracisme. Et d'autant plus puissant qu'il est orchestré par la haute direction.

      Mais, attention, aucun journal, aucun média n'a accepté de dire un seul mot de cet essai. Comme je ne suis pas paranoïaque, je ne vais pas croire que je suis ostracisé sur une si grande échelle. Non, je n'y suis pour rien. C'est mon essai qui a été boycotté. J'explique cela en quelques mots. Il se trouve que le premier chapitre de mon essai polémique sur le style bigenre explique mathématiquement ce qu'est la « polémique ». Je ne vais pas reprendre cet exposé ici, mais en donner la conclusion. La polémique que je pratique depuis toujours, dans des livres ou des articles, n'a rien à voir avec les « débats » dont raffolent les médias. Il s'agit, disons, de « polémique radicale » qu'il faut opposer aux « débats de salon ». Mon essai polémique sur le style bigenre frappe de plein fouet les féministes ou plus précisément les « féministes de luxe ». Ce sont les plus dangereux. Les journaux ont donc eu peur qu'ils se sentent provoqués en parlant aussi peu que ce soit de mon essai. Ils l'ont donc boycotté.

      Voilà donc ce qui s'est passé avec mon texte « pamphlétaire », au sens radical du terme, sur la relance du FFMM sous la forme du GFFM, puisque la moitié de mon article dénonce le comportement de la SODEC de Monique Simard, institution qui aura été la première responsable de l'assassinat du festival des Montréalais. Les journaux du Québec ont donc pris peur en lisant mon texte et l'ont boycotté.

      Le Devoir ayant ostracisé mon texte sur le projet de lancement d'un GFFM à l'automne 2022, j'ai dit à Serge Losique qu'il serait adéquat de le proposer à la Presse, le grand journal populaire de Montréal, tout indiqué pour avoir la primeur de la relance du Festival des films du monde de Montréal. Mais Serge Losique, qui devait s'y connaître, avait une meilleure idée. Il m'a suggéré de l'adresser à un certain Éric Trottier, directeur du Soleil de Québec, qui aurait été à la Presse un grand défenseur du FFMM. J'étais surpris de cette information, Éric Trottier ne figurant nulle part dans mon journal sur le FFMM. Et c'est ce qu'il me confirmera lui-même. En effet, après avoir reçu mon texte et un bref exposé sur la situation, il a demandé à me parler (20 avril 2022). Serge Losique avait raison, l'affaire est dans le sac, le directeur du Soleil veut me parler de la publication de mon texte. Erreur, il ne veut pas me parler du tout. Sur un ton de maîtresse d'école, il me demande les coordonnées de Serge Losique et c'est tout, répondant sèchement à mes deux ou trois questions. Bref, il est clair qu'il refuse de publier mon texte et veut obtenir de Serge Losique la permission de lancer la nouvelle qu'il contient, mais rien de plus. Je l'ai envoyé promener en lui donnant l'adresse électronique du secrétariat du GFFM.

      Et je retourne aussitôt à mon idée initiale. Car j'ai confiance que la Presse publiera mon texte, s'agissant d'une analyse pertinente et d'une nouvelle spectaculaire. J'adresse le texte aux deux critiques cinématographiques du journal qui sont pour moi, amateur en la matière, de grands spécialistes. Je sais très bien qu'à la Presse, il y a une muraille de Chine entre les journalistes et la direction du journal, seule responsable de la publication des textes d'opinion. Mais je voulais suggérer au responsable des comptes rendus à ce moment, Marius Morin, de les contacter pour avoir leur avis. Le texte a été boycotté par la direction.

      Je l'ai donc adressé au journal AgoraVox qui l'a publié aussitôt. Conclusion : mon texte d'opinion et d'information sur la relance du FFMM sous la bannière du GFFM a non seulement été ostracisé par le Devoir, mais également boycotté par la presse du Québec, en tout cas par la Presse où il aurait été à sa juste place. Cela dit, je n'ai pas été mécontent du résultat. AgoraVox était le bon média pour lancer une nouvelle internationale. En tout cas, le GFFM en a été très content. Et pour ma part, j'ai été et suis bien aise qu'on sache que le Devoir a ostracisé cet article, ce que personne ne pourra ignorer.


Trois petits tours au mini-festival 2022

      Moi qui ai assisté presque tous les jours à chacune des réalisations du FFMM depuis mon adolescence, si je ne suis venu que trois fois à ce fameux mini-festival en hommage à mon festival, on peut croire que je vieillis, ce qui n'est pas faux, mais la cause en est plutôt cinématographique. J'avais déjà vu la majorité des films présentés et mes évaluations ne me recommandaient pas d'en revoir plusieurs. Je n'ai donc pas vu vingt-cinq films en dix jours, comme j'en ai gardé le beau souvenir annuel, mais je suis très content des quatre films que j'ai eu la chance de voir dans le bel Impérial où il n'y avait aucune bousculade et où ma place privilégiée et stratégique a toujours été libre (premier siège de l'aile droite, vers la quinzième rangée).

      J'ai donc vu un film le premier et le dernier jour du festival. Le film qui fermait le festival était les Plouffe (1981) de Gilles Carle (1928-2009). Le roman (1948) de Roger Lemelin (1919-1992) aura été un fabuleux succès médiatique, à la radio (1952-1955) puis à la télévision (1953-1959), sous le titre la Famille Plouffe. Les émissions hebdomadaires de 30 minutes sont pour moi un souvenir d'enfance. Roger Lemelin aura été l'un des premiers grands romanciers populaires du Québec; ce serait notre Balzac, s'il s'était consacré exclusivement à la littérature. Gilles Carle et lui seront donc complices pour rédiger ensemble le scénario du film certainement le plus « populaire » de G. Carle. Nous sommes à mille lieues de la Vraie Nature de Bernadette, mais le réalisateur est toujours resté proche du cinéma populaire. J'avais vu à sa sortie la version originale du film : quatre heures ! La version de l'Éléphant est de trois heures. Je me suis offert le plaisir d'en revoir la première heure et je n'ai pas été déçu, car c'était un petit retour au « vrai » cinéma, celui de sa jeunesse où l'on est devant l'écran pour rien d'autres que s'amuser. Revoir ces grandes actrices de la télévision naissante « jouer » leur rôle, Juliette Huot, Denise Pelletier, comme Émile Genest en Napoléon, c'était un bon coup cinématographique de Gilles Carle qui valait bien d'y jeter à nouveau un coup d'oeil.

      Mais le premier film que j'ai vu et que je n'aurais pas manqué pour tout l'or du monde (maman dixit), c'est Carmen de Carlos Saura, que je n'avais jamais vu. Si les Plouffes ont été un grand succès populaire au Québec, Carmen a été un tel succès international. Pour moi, le chef-d'oeuvre des chefs-d'oeuvre de Saura que j'ai vus (mais je suis bien loin d'avoir vu tous ses films) est son Goya à Bordeaux, à cause de son incarnation des oeuvres du peintre dans sa biographie et l'histoire espagnole (le film était en compétition officielle au FFMM en 1999). Maintenant, je ne saurais choisir entre son films pictural et son film musical. Carmen a été présentée en version française, comme on l'attendait d'un mini-festival montréalais. Il s'agissait, en 1983, pour le réalisateur génial et prolifique, alors bien loin du début de sa carrière (en 1956 et 1957), de réinventer Carmen de Prosper Mérimée (nouvelle de 1845) et l'opéra qu'en a tiré Gorges Bizet (1875). L'originalité de Saura consiste à ne nous présenter ni une histoire, ni un opéra, mais la mise en scène moderne d'un opéra « flamenco », olé ! Le film a la caractéristique d'être à la fois très simple et grandiose, aussi bien dans sa narration que dans ses décors, où on assiste à la réalisation de « pratiques » de danses, de chants et de musiques. Évidemment, on sait tous qu'Antonio (Antonio Gadès) devient amoureux de Carmen (Laura del Sol), qui ne l'aime pas du tout, et qu'il finira par l'assassiner, mais cela n'a aucune importance, car on sait aussi dès les premières images qu'on assiste à un très beau spectacle, vraiment enlevant, et à un chef-d'oeuvre cinématographique.

      Le vendredi 2 septembre, le mini-festival présentait un film assez peu ordinaire, que je voulais revoir, la Constitution (Ustav republike Hrvatske, « la Constitution de la République de Croatie ») de Rajko Grlic, grand prix du FFMM en 2016. J'aimerais bien assister à une projection de ses onze films.

      Mais le festival programmait également, juste avant, un « petit film », croyais-je, Kenny de Claude Gagnon. Dans les jours qui ont précédé ma belle soirée de cinéma, je me suis renseigné sur ce réalisateur. J'ai été très, très déçu, car l'internet m'a vite appris que j'étais un parfait ignorant. Ne rien connaître de Claude Gagnon, ne rien savoir de Kenny, cela n'a aucun sens. J'étais à l'étranger en 1987, lorsque le film a remporté le grand prix des Amériques, mais il a eu ensuite tant de succès que je devais être bien occupé pour ne pas m'en rendre compte; et le plus important, c'est la filmographie de C. Gagnon que j'ai ignorée durant toute ces années. Mais je ne suis peut-être pas seul dans ce cas. Alors je vous présente Kenny ou plus précisément the Kid brother en version originale (1988), mais présenté d'abord au Québec sous le titre le petit frère (1987). Étant donné son « sujet », on pourrait croire qu'il s'agit d'un documentaire présenté sous la forme d'une fiction. Et ce n'est pas faux, puisque l'acteur Kenny Easterday (1973-2016) joue son propre rôle.

The Kid brother

      Kenny, 12 ans, est né avec une très rare malformation. Un cas d'agénésie. Il s'agit de l'a-génés(i)e, un non-développement génétique. Soit le non-développement, chez l'embryon, d'un organe ou d'un membre, qui peut être plus ou moins sévère et concerner des tissus plus ou moins importants. Cela peut concerner le développement du cerveau (l'agénèse du corps calleux) ou la non-apparition d'une dent. Mais dans le cas de Kenny, il s'est agi de l'agénésie sacrée, une sacrée agénésie, qui s'attaque au sacrum, les cinq « vertèbres sacrées », au niveau du bassin, et contrecarre le développement de la colonne vertébrale. À l'âge de six mois, en deux opérations, le bébé a été amputé de ses deux jambes et de son bassin, ces os étant utilisés pour refaire la base de la colonne vertébrale. Épouvantable, évidemment.

      Mais non. Si j'insiste en vous donnant ces précisions médicales, c'est précisément parce que le film nous présente un garçon de douze ans qui n'a rien à voir avec un handicapé. D'ailleurs, le film ne nous raconte ni l'histoire de Kenny, ni même une histoire. Entre une séquence d'ouverture et une de fermeture, si l'on veut, la stucture narrative est constituée d'une suite arbitraire de séquences qui dressent petit à petit le portrait du grand garçon entreprenant, désobéissant et fonceur, avec celui de sa famille, de quelques voisins, et même de simple rencontres de hasard. Je vais revenir à la séquence finale. Mais deux mots d'abord sur la séquence d'ouverture. Pour toute personne qui ne connaît pas le « sujet » du film que je viens de vous présenter, cela doit être assez spectaculaire, car il s'agit de l'apparition de Kenny. Non, ce n'est pas ce que vous croyez, car c'est une réussite cinématographique. Kenny n'apparaît pas au spectateur, mais à son frère (probablement son vrai frère aîné, Jesse Easterdy, Jr) que la caméra suit, alors qu'il cherche son cadet à vélo; avant qu'il le ramène sur son vélo, c'est... l'engeulade ! Mais qu'est-ce que tu fais ici, en banlieue de la banlieue, alors que tu n'as pas à t'éloigner autant de la maison, et moi qui te cherche partout, alors que toute la famille est à table ! Et bien entendu, arrivé à la cuisine qui sert de salle à manger, dénonciation du frère et protestations de toute la famille contre le délinquant. Vous comprenez qu'à partir de cette ouverture, on oublierait complètement que Kenny est un survivant d'une très grave et rare agénésie, si on ne le voyait pas marcher sur ses mains, ou assez vite se déplacer sur sa planche à roulettes.

      La première caractéristique du film est donc l'ignorance complète du « handicap » de Kenny, par tous les personnages (et donc les acteurs, ce qui a dû demander tout de même une bonne « direction d'acteur »). Il faudra attendre la toute fin du film (encore un bon succès) pour voir des passants, probablement à Pittsburgh, se retourner, surpris, vers Kenny marchant sur ses mains. Nous, les spectateurs du film, on avait oublié que cela est tout de même extraordinaire et on est surpris de leur surprise !

      La cause en est qu'on prend conscience à ce moment, si on ne l'avait pas encore réalisé, que Kenny, dans son milieu, pour ses voisins, à l'école, etc., est tout simplement un garçon comme les autres, plus vif et plus entreprenant que la moyenne, rien de plus. Or, il s'agit d'une qualité cinématographique, car le réalisateur a mis toute son énergie à filmer ses personnages et leur banlieue sans aucune « recherche »; les images sont belles, oui, mais d'une éclatante simplicité; elles sont toujours évidentes. Même chose, bien entendu, pour le jeu de tous les personnages. Or, ces caractéristiques sont mises en évidence par les séquences centrales qui mettent en scène une équipe de télévision française venue réaliser un reportage sur Kenny — que cela amuse beaucoup. Ce qui nous vaudra la scène la plus drôle du film. L'affaire se passe au retour de l'école, au moment où le garçon, en fauteuil roulant, descend de l'autobus sur la plate-forme de l'ascenseur. À ce moment, les journalistes veulent que Sharon, la mère de Kenny l'embrasse d'une manière qui devra satisfaire le public de la télévision française (l'actrice Caitlin Clarke joue magnifiquement cette scène, aussi bien que Kenny Easterday). Or, la scène devra être reprise trois fois pour satisfaire cette exigence ! Et c'est une réussite vraiment extraordinaire de voir les « acteurs », nos personnages, « jouer » cette scène attendrissante qu'aucun des deux ne prend au sérieux, évidemment. Mais ils finissent par la jouer à la satisfaction des journalistes.

      Le film débouche sur une véritable séquence de « fermeture », de sorte que le spectateur pourra avoir l'impression qu'on lui a raconté une histoire, ce qui n'est pas de cas, s'agissant d'un emboîtement de portraits d'une remarquable justesse narrative. Sauf cette dernière séquence, parce qu'elle est psychologiquement invraisemblable, même si elle est (heureusement pour sa crédibilité) fort bien jouée par Kenny et sa grande soeur, Sharon Kay (par l'actrice Liane Curtis). Celle-ci a quitté très abruptement sa famille pour aller travailler à Pittsburgh, apparemment à la suite d'un flirt qui a mal tourné (avec un des membres de l'équipe de journalistes français). Le père de la famille en est très affecté, la mère « comprend » la situation; mais alors que tous les personnages connaissent la situation en question, Kenny prend vite conscience qu'il est le seul, lui, à tout en ignorer. C'est une très originale escapade en ville, où Kenny va trouver sa soeur pour avoir des explications sur la cause véritable de son départ. Et c'est la crise de nerfs où la grande fille, qui doit avoir au moins et plus de vingt ans, apprend à son frère que c'est à cause de lui qu'elle a quitté la maison : elle le déteste ! Depuis sa naissance, justement à cause de son handicap, car c'est lui qui a retenu toute l'attention de ses parents, de toute la famille, du voisinage, etc. Et c'est parfaitement vrai, car le film qui s'achève en est la preuve. C'est évidemment invraisemblable qu'une si grande fille ait continué à développer une ranceur jalouse, jusqu'à l'extérioriser avec une rare violence à l'âge qu'elle a maintenant. Mais, paradoxalement, cette évidente faille narrative sert le portrait de Kenny et de toute sa famille et se retourne en une grande réussite. Kenny, auquel tout depuis toujours réussit, saura qu'il n'est pas seulement, lui, une réussite. Il aura été pour sa soeur une catastrophe.

      Dans cet essai, j'ai qualifié huit films que j'ai vus au FFMM (de 2113 à 2018) de chef-d'oeuvre et un autre de « petit chef-d'oeuvre ». On sait que j'ai eu la chance d'en voir bien d'autres pour le seul plaisir d'entendre l'espagnol ou l'italien et que certains d'entre eux étaient bien loin du compte. Mais il s'agissait d'illustrer de quelques exemples de quoi une tête de linotte et une fonctionnaire assassine, avec plusieurs « gens du milieu », privaient les Montréalais et empêchaient la venue à Montréal de très nombreux touristes cinéphiles. Cela dit, je ne vois pas pourquoi je me priverais d'utiliser encore une fois ce vocable : il ne fait pas de doute à mes yeux, comme pour le public, qui a fait de ce film un grand succès, que the Kid brother de Claude Gagnon est un chef-d'oeuvre de la cinématographie québécoise.


      Je l'ai découvert, comme d'autres festivaliers l'ont aussi découvert ou revu, au mini-festival qui aura inauguré le GFFM. Je recopie ce qu'en disait justement le réalisateur de ce film, comme on l'a lu plus haut : « [Je] salue également l'idée de présenter une vingtaine de vieux films gratuits, sur plusieurs jours, dans une aussi grande salle : je pense qu'on n'a jamais vu ça à Montréal, je suis complètement ébloui par cette façon de faire ».

TdM TGdM