À l'occasion de la parution du dernier livre de l'auteur
aux
Éditions du Singulier, nous sommes heureux d'offrir aux
lecteurs du
Devoir le texte d'opinion qu'ils n'ont pas pu lire dans
la
page « Idées » de leur journal.
Pourquoi ? Parce
que la direction
a eu la chienne. — Guy Laflèche,
éditeur.
Guy Laflèche
Professeur au département des Études
françaises de
l'Université de Montréal,
l'auteur publie cet automne
le
cinquième
volume
d'une série d'analyses historiques sur les
« saints martyrs
canadiens ».
Ce volume est une
réinterprétation du
célèbre combat
du Long-Sault contre les Iroquois.
Une sorte de festival des historiens du monde
se tient à
Montréal la
semaine prochaine, du 27 août au 3 septembre [1995] :
c'est le Congrès international des sciences historiques.
Alors
j'ai quatre questions pour les historiens de chez nous.
La question plate : c'est pas
nécessaire d'y
répondre. Elle
est posée par le mauvais esprit, là, au fond de la
classe, à
gauche. Dès que j'ai reçu le programme du
congrès, j'ai
posé la
question suivante aux organisateurs de Montréal :
pourquoi donc n'y
a-t-il que DEUX (2) communications en français sur les
vingt-huit
communications inscrites par des historiens du Canada d'une
mer à l'autre ? Et pourquoi, sur les quatorze
historiens de
France, cinq seulement feront leur communication en
français ?
José E. Igartua, du comité d'organisation,
répond aux
questions
concernant le programme sur Internet (cish95@uqam.ca). Il m'a
répondu à côté de la question, comme on
dit, que les
choix ne
dépendaient pas du comité d'organisation mais du
bureau, qu'on ne
trouve pas au Québec des historiens dans tous les domaines,
que le
congrès ne comprend pas seulement des communications sur des
thèmes
majeurs et spécialisés mais aussi des
présidents de
séance, des
rapporteurs, des tables rondes et des réunions d'organismes
nationaux et internationaux où la participation des
Québécois
francophones est d'un remarquable dynamisme, etc. Bof !
Comptez-les vous-même, vos figurants, si vous ne voulez pas
comprendre la
question, celle de la place du français dans votre
congrès.
La question retournée : pourquoi
tu me poses la
question,
professeur, si tu connais la réponse ? Dominique
Deslandres,
professeure d'histoire à l'Université de
Montréal, vient cet
été
même de grimper dans les rideaux de la revue
Études d'histoire
religieuse de la Société canadienne d'histoire
de
l'Église
catholique. Elle y fait un compte rendu sulfureux des trois
premiers volumes de
ma série sur les Saints Martyrs canadiens,
vouée au feu de l'enfer. Je ne corrigerai pas tout, car ce
n'est
pas le temps de rire. Je dirai seulement que D. Deslandres
entretient des doutes
sur ma capacité à traiter de la question (ce
qui est peu dire, car elle conclut que je suis anti-jésuite
et
anti-Église-catholique !) étant donné que
je me suis
présenté pour
ce que je suis, rationaliste athée, matérialiste et
hégélien. Elle
écrit : cela « laisse planer quelque doute
sur sa capacité
de prendre en compte la dimension spirituelle des
faits ». Il faut
être
à genoux pour prier, d'accord, mais pas pour parler de la
prière.
Je lui ai donc retourné sa question : êtes-vous
« pratiquante »,
catholique, êtes-vous chrétienne, Dominique
Deslandres ?
recevez-vous le magistère de l'Église du Vatican, oui
ou non ?
Est-ce que
je ne pourrais pas croire, moi aussi, que ses convictions laissent
planer des doutes ? Dominique Deslandres n'a pas
répondu jusqu'ici
à la question que je lui ai retournée et on pense
bien que je ne
veux rien savoir de ses convictions religieuses, si elle tient
à
les garder pour elle, mais j'aimerais comprendre quel
intérêt il y
aurait eu à ce que j'aie moi aussi caché les miennes.
La question
se retourne comme un gant.
La question embarrassante : elle
répond à la
question qui
n'était même pas posée. C'est au cours de
l'été
1989, que j'ai
trouvé par hasard tout un trousseau de clés, en
faisant l'analyse
narrative des quatre récits du combat de Dollard des Ormeaux
au
Long-Sault en 1660. C'est une découverte spectaculaire,
comme on
le verra dans mon prochain livre en septembre. Aussi surpris
qu'enthousiasmé, j'ai proposé à l'Association
canadienne-française
pour l'avancement des sciences (ACFAS) d'en faire une communication
au congrès de l'association, à l'Université
Laval, en mai
1990.
Johanne Daigle, historienne de l'Université Laval, alors
responsable de la
section « Histoire », avec le comité
d'experts anonymes
qu'elle avait constitué, a refusé ma communication
pour la
stupéfiante raison suivante : « sujet
déjà couvert
par la documentation
existante » ! S'agissant d'un des
« sujets »
classiques de notre
historiographie, n'y aurait-il pas lieu d'interroger l'historienne
sur ce refus ? La question, on le voit, se pose
d'elle-même.
Mise en question et question de
confiance : toi,
tais-toi !
C'est la réponse que vient de me servir l'historien Jacques
Rouillard de l'Université de Montréal à titre
de directeur de
la
Revue d'histoire de l'Amérique française.
Le
troisième volume
de mes ouvrages sur les Saints Martyrs canadiens est une
biographie sérielle de Jean de Brébeuf. J'y
réinterprète complètement ce que l'on croyait
être son
« journal spirituel » en l'étudiant en
regard des genres
littéraires et des diverses spiritualités des
jésuites de la
colonie française. Par ailleurs, j'ai
situé sa mort dans les bonnes séries
d'événements, le
commerce de
la fourrure des Grands Lacs, la guerre des Iroquois et le supplice
archaïque dont il a été victime. Ce volume est
paru en 1990 et
j'avais déjà étudié le mythe national
créé autour du personnage au
XIXe siècle, de même que la béatification et la
canonisation
qui en
découlaient au XXe siècle, dans le premier volume, en
1988. On
pense bien que j'ai lu dès sa sortie en librairie, en 1993,
la
biographie de Jean de Brébeuf par l'historien et
théologien
jésuite
René Latourelle, qui ne dit pas un mot de mes travaux, comme
cela
est assez naturel pour un ouvrage de vulgarisation, pieux et
hagiographique. Après tout, il n'est pas trop surprenant
qu'un
jésuite fasse oeuvre de piété et publie un
ouvrage
d'édification sur
un saint. En revanche, je n'ai pas été simplement
surpris, mais
bien stupéfait d'en lire un compte rendu dithyrambique dans
la
savante revue de l'Institut des historiens du Québec.
Question de bon sens, j'ai donc demandé
des comptes, si je
puis dire, à la responsable des comptes rendus, Denyse
Baillargeon,
qui a elle-même demandé la recension anachronique que
tout le monde
peut lire dans le numéro de l'été dernier.
Comment ?
En rédigeant
une note critique pour expliquer précisément que
l'ouvrage, dont la
revue fait la propagande, est pour l'essentiel la transcription
d'un livre de Lucien Campeau, souvent copié mot pour mot.
Qu'il
porte sur Jean de Brébeuf, victime de la guerre des Iroquois
et
mort du supplice archaïque, deux choses dont l'auteur ne dit
pas un
seul mot dans son livre, négligeant tout ce qui est paru
dans le
domaine depuis quarante ans, ce dont je donne plusieurs exemples
(un demi-siècle, en historiographie, c'est bien entendu
considérable). Enfin, la prétendue
originalité du livre
serait de
renouveler l'analyse de la spiritualité de Brébeuf et
la notion de
martyre : je prouve au contraire, exemples et textes à
l'appui,
qu'il n'en est rien, puisque les études que René
Latourelle utilise
et ses propres ouvrages ne peuvent prétendre à ce
renouvellement.
Ma mise en question de cet ouvrage, c'est une question de
confiance, une mise en
cause de la Revue d'histoire de l'Amérique
française. Aussi le comité de rédaction
ne s'y est pas
trompé
et sa réponse est-elle claire et nette : la revue
« a comme
politique éditoriale de refuser les textes qui comprennent
des attaques
personnelles ou constituent des règlements de compte. Il
apparaît
au Comité de rédaction que votre mise au point se
situe dans cette
catégorie de texte. Nous ne pouvons donc la
publier ». Il n'y
a
nulle attaque personnelle, ni règlement de compte à
faire la
critique d'un ouvrage public. On pourra d'ailleurs lire ma note
critique dans « Littératures » , la
revue des
études littéraires de
l'Université McGill. En revanche, il est vrai que ce compte
rendu
est de lui même une mise en question de la politique de la
revue
officielle des historiens patentés du Québec :
peut-elle se livrer
à la propagande religieuse et refuser ensuite qu'on lui en
demande
des comptes ? Toi, tais-toi. Pourquoi, monsieur le
directeur ?
Vous n'aimez pas les questions ?
A - P - P - E - N - D - I - C - E - S
Le refus du Devoir de publier
un texte publicitaire
retenu par les Éditions du Singulier.
Guy Laflèche
Tél. : 514-343-6111#5474
LES ÉDITIONS DU SINGULIER LTÉE
30, place Giroux,
Laval, Qué. H7N 3J2
Télécopie/FAX : 514-343-2256
COORDONNÉES
Pour les agences de presse, les salles de rédaction des
journaux,
les salles d'information des radios et
télédiffuseurs. Agence
France Presse : FAX 288-3526; Le Canada
français : FAX 1-514-347-4539; Le
Devoir : FAX 985-3360; Le Droit : FAX 1-613-562-7539;
La Gazette : FAX 987-2399; Globe and Mail : FAX
845-5815; Le
Journal de Montréal : FAX 521-4416; Le
Nouvelliste : FAX 1-819-376-0946;
La Presse : FAX 285-4814 et 285-6808; Reuters Information
Services : FAX 985-5765;
Presse Canadienne : FAX 282-6915;
Le Soleil : FAX 1-418-686-3394; Radio de Radio-Canada :
FAX 597-4095;
Télévision de Radio-Canada : FAX 597-5404;
—
Le Point-Média :
FAX 597-5629; Quatre Saisons : FAX 271-8733; TVA : FAX
598-6073.
Date : lundi, 13 novembre 1995.
Nombre de pages (incluant celle-ci) : 8 pages.
Communiqué de presse
Une polémique d'universitaires interdite de publication
Le Devoir refuse un texte publicitaire
des Éditions du Singulier
MESSAGE
Madame, monsieur,
Je vous prie de trouver ci-après notre
communiqué de presse sur le refus du journal le
Devoir de faire
paraître notre publicité dans ses pages. Le texte
publicitaire
refusé est intitulé « Quatre questions pour
les
historiens ». Vous
trouverez une brève présentation du texte litigieux
par son auteur
et la lettre du directeur de la Revue d'histoire de
l'Amérique
française à l'origine de la polémique.
On peut facilement faire confirmer le refus de
publication
par Mme Jacqueline Avril, du service de la publicité du
Devoir :
tél. 514-985-3319; FAX 985-3390.
On obtiendrait la version de la direction du
journal en
contactant M. Bernard Descôteaux (514-985-3333) qui a pris la
décision ou transmis la directive de la direction du
Devoir,
refusant la publicité, jeudi à 13h30.
On peut me rejoindre très facilement
pour obtenir davantage
d'informations. Bien à vous,
Guy Laflèche, éditeur
Communiqué de presse
Lundi, 13 novembre 1995
Un article publicitaire d'une demi-page des Éditions du
Singulier vient d'être refusé par le journal le
Devoir de
Montréal. Guy Laflèche, professeur titulaire au
département
des
études françaises de l'Université de
Montréal est
interdit de
parole. Son texte polémique visait d'autres universitaires,
ses
collègues historiens.
Je ne suis pas en vain propriétaire et président de
ma
maison d'édition. J'ai donc décidé de faire
paraître
ce texte à
l'occasion du lancement du dernier de mes livres qui porte sur les
Hurons de Québec (1650-1660) et le combat de Dollard des
Ormeaux.
Une publicité polémique pour anoncer la fin d'un
ouvrage
polémique
sur les saints martyrs canadiens. J'ai donc retenu près
d'une
demi-page de publicité dans le premier cahier du journal
le
Devoir, pour le numéro de samedi-dimanche dernier,
11-12 novembre
1995, soit juste avant l'ouverture du Salon du livre de
Montréal.
La direction du journal a refusé de faire paraître la
publicité.
On en lira le texte dans les pages qui
suivent.
Je ne suis pas à la tête d'une maison aussi puissance
que
Québec/Amérique, mais comme éditeur
j'étais
persuadé de détenir un
ultime droit de parole que personne ne pouvait m'interdire
d'exercer sans raisons extrêmement graves. On verra bien en
lisant
ce texte publicitaire qu'il n'y a pas l'ombre d'une raison pour en
empêcher la publication. Conclusion : Censure ?
Autoritarisme de
petits potentats se prenant terriblement au sérieux ?
J'ai mieux
à proposer : le Devoir est dirigé par
une flicaille
d'intellectuels. Des grosses polices montées sur les
idées et les
sujets
qu'ils manipulent à leur guise. Des journalistes totalement
incapables de supporter que d'autres qu'eux puissent avoir des
idées, des idées dans les domaines qui les
intéressent et la
volonté de les défendre. En tout cas, le
Devoir ne va pas
me
dicter le contenu de ma publicité : à titre
d'éditeur je peux
bien
éditer ce que je veux, à commencer par mes messages
publicitaires,
puisqu'ils paraissent sous mon nom et à mes frais !
Cela dit, mes opinions sur les dirigeants du journal,
personne n'est forcé de les partager. En revanche, les
faits sont
là : une polémique d'universitaires est
interdite de publication
par le Devoir qui refuse un texte publicitaire des
Éditions du
Singulier. C'est un événement. Un scandale.
Guy Laflèche, éditeur
| |
| |
Historique
Dimanche, 12 novembre 1995
Histoire d'une polémique
Guy Laflèche proteste contre la propagande religieuse de
la Revue d'histoire de l'Amérique
française
à l'occasion du compte rendu d'un livre sur Jean de
Brébeuf :
il est accusé de règlement de comptes !
Il proteste encore plus fort.
Pourquoi un article sur cette censure
est-il lui-même censuré ?
Il est pourtant d'intérêt public de faire savoir
que la revue officielle des historiens du Québec
est dirigée en toute impunité
par des propagandistes religieux,
comme au bon vieux temps !
Voici l'histoire de ce petit texte
polémique que le
Devoir vient d'interdire aux Éditions du Singulier de
publier
dans ses pages. Cette histoire est longue, mais assez simple. Je
suis professeur au département des études
françaises de
l'Université de Montréal. Je suis
spécialisé dans le
domaine des écrits de
la Nouvelle-France. J'ai publié un livre sur Jean de
Brébeuf dans
le troisième volume de mon ouvrage sur les Saints
Martyrs
canadiens en 1990. Trois ans plus tard, en 1993, le
père
jésuite
René Latourelle a fait paraître à son tour un
ouvrage sur le
même
Jean de Brébeuf. Un livre pieux. Il s'agit en effet d'une
édifiante bondieuserie destinée aux dames de Sainte
Anne et aux
élèves du collège Jean-de-Brébeuf. Si
vous ne me
croyez pas,
lisez-le.
Or voici que la revue officielle des
historiens du Québec,
aussi savante que bien subventionnée, celle de l'Institut
d'histoire, la
Revue d'histoire de l'Amérique française en
publie un
compte rendu fort élogieux qui présente l'ouvrage du
père
jésuite
comme un vrai chef-d'oeuvre. Oh, minute ! nous ne sommes plus
à
l'époque de Lionel Groulx qui a fondé la revue, nous
sommes en
pleine période postmoderne où la propagande
religieuse ne peut plus
avoir sa place dans une savante revue universitaire.
Surpris et choqué par tant d'ignorance
dans mon propre
domaine de recherche, en bon professeur, je rédige une
sévère
note
critique à l'intention des lecteurs de la revue. Nouvelle
surprise : ma note est refusée sous prétexte
qu'il s'agit d'un
« règlement de comptes » doublé
d'« attaques personnelles ». Je
sais, l'accusation est tellement grossière qu'elle est
incroyable.
Aussi je joins la lettre du directeur Jacques Rouillard au
présent
exposé des faits. C'est un document historique.
Mais dès lors, j'ai deux
objectifs : non seulement je
veux
absolument faire paraître ma note critique, mais je veux
aussi
faire connaître la réponse insultante et indigne des
responsables
de la Revue d'histoire de l'Amérique
française. Le premier
objectif n'est pas trop difficile à réaliser :
on pourra lire ma
note critique dans un prochain numéro de la revue
Littératures
de l'Université McGill.
Le second objectif est beaucoup plus difficile
à atteindre.
Il est même pratiquement impossible de le réaliser.
Il n'est pas
croyable combien les universitaires sont inattaquables dans les
décisions publiques qu'ils prennent, notamment en occupant
des
postes de direction prestigieux. Malheureusement, je suis un
intellectuel responsable et personne ne peut me faire taire. La
preuve en est que je suis encore devant ma machine à
écrire à
vous
raconter l'histoire. Bref, six mois plus tard, après je ne
sais
combien de refus, j'ai saisi le prétexte du Congrès
des sciences
historiques de Montréal, qui me paraissait d'autant plus
problématique à bien des égards que le journal
le
Devoir y accordait
une couverture médiatique aveugle. J'ai donc
rassemblé une petite
partie de mes griefs contre les historiens du Québec et j'en
ai
fait l'article « Quatre questions pour les
historiens » que
j'ai
proposé à la page
« Idées » du journal.
Mon texte a été refusé
sous des prétextes qui me paraissent tout à fait
saugrenus.
Ce n'était toujours qu'un refus de plus
et le
Devoir
exerçait son droit le plus strict de refuser un texte
d'opinion qui
lui était proposé. Mais qu'à cela ne tienne.
À titre
d'éditeur,
à titre de président de ma maison d'édition,
j'ai eu
l'idée géniale
de consacrer une part essentielle de mon budget de publicité
à la
publication de ma protestation.
Comme auteur, j'étais bien entendu
très
déçu d'en venir
là.
Mais cela s'appelle avoir le courage de ses convictions. Mon texte
aurait dû faire la honte de tous ceux qui l'avaient
refusé, mais sa
forme publicitaire même lui enlevait une bonne part de son
impact.
Je préfère toutefois murmurer comme honteusement mes
protestations
plutôt que de me taire devant la meute qui grogne que ces
protestations sont
des « règlements de comptes » et des
« attaques
personnelles ».
Je suis donc l'auteur du texte que le
Devoir a
refusé
deux fois. Je persiste et signe, en espérant qu'il
parvienne enfin
à la connaissance du public auquel je l'ai
destiné,
Guy Laflèche, auteur,
professeur à l'Université de
Montréal.
Adresser ses électrons à
guy.lafleche@umontreal.ca
Le refus de la RHAF
de publier la note
critique sur le « Brébeuf » de
Latourelle
La Revue d'Histoire de l'Amérique
française
a publié
un
compte rendu fort élogieux de
l'ouvrage de
vulgarisation de René Latourelle sur Jean de Brébeuf.
J'ai alors
rédigé une mise au point critique à ce sujet.
Je l'ai d'abord
adressé au journal le Devoir, le 30 novembre 1994.
En
espérant
qu'on puisse la publier en entier, mais en expliquant que je serais
déjà très heureux si l'on voulait bien en
faire paraître
les trois
ou quatre premières pages en guise de protestation. Je n'en
espérais pas plus, bien entendu. Le journal n'a pas
accusé
réception de mon envoi et je n'ai pas insisté.
Ensuite seulement, simple formalité, je
l'ai adressée
à la
Revue d'histoire de l'Amérique française,
aux bons soins,
comme on dit, de son directeur, Jacques Rouillard, et de la
responsable des comptes rendus, Denyse Baillargeon. Le
vendredi, 13 janvier 1995. Dans mon esprit, il n'a jamais fait
l'ombre d'un doute que ma mise au point serait refusée.
Alors
voici ma réplique.
Vendredi, 17 février 1995
COMITÉ DE RÉDACTION,
a/s M. Jacques Rouillard, directeur,
Revue d'histoire de l'Amérique
française,
261, avenue Bloomfield,
Outremont (Mtl), Québec H2V 3R
Monsieur,
Je ne suis nullement surpris de la lettre de
refus
que vous m'adressez au nom du Comité de rédaction de
votre revue.
Je l'ai déjà écrit, en appendice à ma
note critique.
Vous y
verrez sûrement une « attaque
personnelle » et un
« règlement de
comptes ». Vous avez demandé à M. Nive
Voisine le compte
rendu
que vous vouliez du livre de M. René Latourelle sur Jean de
Brébeuf et vous l'avez obtenu. N'importe qui peut
d'ailleurs le
lire dans vos pages. Vous suivez votre politique
éditoriale,
oubliant de préciser qu'elle n'a pas d'autre but.
Je prouve que l'ouvrage, dont vous faites la
propagande,
est pour l'essentiel une transcription d'un livre de M. Lucien
Campeau, souvent copié mot pour mot. Il porte sur Jean de
Brébeuf, victime de la guerre des Iroquois et mort du
supplice
archaïque, deux choses dont l'auteur ne dit pas un seul mot
dans
son livre, négligeant tout ce qui est paru dans le domaine
depuis
quarante ans, ce que je démontre exemples à l'appui
(un demi-siècle,
en historiographie, n'est-ce pas un retard dont il
pourrait être tenu compte dans la politique éditoriale
de la
revue de l'Institut officiel des historiens de l'Amérique
française ?). Enfin, la prétendue
originalité du livre
serait de
renouveler l'analyse de la spiritualité de Brébeuf et
de la
notion de martyre : je prouve au contraire, exemples et
textes à
l'appui, qu'il n'en est rien, puisque les études que M.
René
Latourelle utilise et ses propres ouvrages ne peuvent
prétendre à
ce renouvellement.
Que des historiens universitaires
patentés traitent cette
mise au point critique d' « attaque
personnelle » et de
« règlement de comptes », pour se
protéger de la
critique, qui en sera
dupe ? Mais, je ne saurais dire que je n'en attendais pas
moins
de vous et du Comité de rédaction. Je ne pouvais
prévoir que
l'injure allait s'ajouter à la dérobade, car il est
difficile
d'imaginer qu'on puisse ignorer ce que signifient l'attaque
personnelle et le règlement de comptes qui ne sauraient
être
confondus avec les critiques, aussi virulentes,
sévères et
polémiques soient-elles, portant sur des ouvrages
publiés et dont
la revue fondée par Lionel Groulx fait même
scandaleusement la
promotion.
En tout cas, ce sera aux lecteurs et
chercheurs de juger.
Je compte bien publier votre lettre à la suite de ma mise au
point critique, reproduisant la présente réplique
d'abord, vous
laissant la parole pour finir. Une petite pointe, avant ?
Pourquoi suggérez-vous que j'instruise M. Nive Voisine des
informations et opinions que vous censurez et dont vous privez
vos lecteurs ?
Guy Laflèche
REVUE D'HISTOIRE
DE L'AMÉRIQUE FRANÇAISE
Outremont, le 9 février 1995
Monsieur Guy Laflèche,
Département des études
françaises,
Université de Montréal.
Monsieur,
Je viens de lire la proposition de note
critique
que vous soumettez à la Revue d'histoire de
l'Amérique
française. Vous n'avez pas apprécié le
compte rendu de
Nive Voisine,
paru dans nos pages, du volume de René Latourelle.
Je tiens d'abord à préciser que
la
« Revue » ne
doit pas
être tenue responsable de l'évaluation des ouvrages
qui paraissent
dans sa rubrique « comptes rendus ». Nous ne
censurons pas
les auteurs de compte rendu à moins qu'ils ne se livrent
à des
attaques personnelles. Ils ont toute la liberté de faire
valoir
leur point de vue et ils doivent être tenus responsables de
leurs
opinions. Si l'auteur d'un volume recensé s'estime
lésé, nous
lui accordons un droit de réplique.
Dans le choix des auteurs de comptes rendus,
nous faisons
appel, au meilleur de notre connaissance, à des
spécialistes
reconnus dans leur domaine de recherche. Dans ce cas-ci, Nive
Voisine a publié abondamment en histoire religieuse et il a
été
le directeur de la collection « Histoire du catholicisme
québécois ». S'il n'a pas tenu compte de
certaines
faiblesses de
l'ouvrage de Latourelle, c'est lui qui doit en porter la
responsabilité.
Je vous suggère de lui faire parvenir copie de votre
texte.
La « Revue » accepte les
notes de recherche
qui font le
point sur une question historiographique après une
évaluation
positive du Comité de rédaction et de deux
évaluateurs
externes.
Mais elle a comme politique éditoriale de refuser les
textes
qui
comprennent des attaques personnelles ou constituent des
règlements de
comptes. Il apparaît au Comité de
rédaction
que votre
mise au point se situe dans cette catégorie de texte. Nous
ne
pouvons donc la publier.
Je vous remercie de l'attention que vous
portez à la
« Revue » et vous prie d'agréer mes
meilleurs
sentiments,
Jacques Rouillard, directeur.
Il reste à identifier les membres du
Comité de
rédaction de
la Revue d'histoire de l'Amérique française
qui ont pris
cette
décision. Outre Jacques Rouillard, il s'agit de Raymond
Duchesne,
de Claudette Lacelle et de Louis Michel. Tous les promoteurs du
culte de nos saints Martyrs canadiens ont le droit de passer
à
l'histoire.
Guy Laflèche
Université de Montréal
- Mon compte rendu critique du
Brébeuf de
Latourelle.
- Refus de la RHAF de le publier (9 février
1995);
- Ma réplique au Comité de
rédaction (17
février).
- Historique : le texte est
refusé par le
Devoir.
- Publicité refusée par le
Devoir (10
novembre).
- Communiqué de presse
dénonçant le
Devoir aux médias.
TdM —
TGdM
|