TdM Lahontan, « Lettre XVI » des Nouveaux Voyages TGdM
Lecture des cartes de Lahontan : introduction

Lahontan, « cartographe »

Guy Laflèche
professeur retraité
Littératures de langue française
Université de Montréal
Juin 2015

      Avant de décrire les cartes de Lahontan pour les analyser, voyons comment il les présente lui-même. Ce tout simple exposé permet de mettre en place de manière élégante les hypothèses qu'on n'arrivera pas ensuite à montrer fausses. Bien entendu, ce n'est pas Lahontan qui nous dira qu'il n'est l'auteur que d'une seule et unique « carte » ou pour mieux dire d'un dessin géographique à l'aquarelle, dessin inédit, la Mappa del rio Missisipi (1699). Ensuite, en ce qui concerne à proprement parler « ses » cartes, celles publiées dans les deux premiers des trois tomes de son oeuvre en 1702 (les trois tomes étant datés de 1703), il apparaît vite qu'il ne s'agit là que de compositions autour d'une seule carte, la Carte generale de Canada, dont Lahontan tire un sommaire, la Carte generale de Canada a petit point, et dont il développe ensuite une pure affabulation, la Carte de la riviere Longue. Or, cette carte, dont Lahontan tire les deux autres, n'a aucune chance d'être de lui. Dans sa vie comme dans son oeuvre — car chez lui les deux sont intrinsèquement liées —, Lahontan est un fabulateur de génie : ce n'est pas un stratège militaire, mais un beau parleur; ce n'est pas un explorateur, mais un voyageur, voire un touriste; ce n'est pas un écrivain, mais un littérateur; ce ne sera donc pas non plus un cartographe, alors même qu'il nous aura présenté « ses » cartes de la Nouvelle-France comme les seules qui soient fidèles et correctes de toutes celles parues ou dressées jusques-là, à l'extraodinaire exception de celle qu'il a vue « entre les mains d'un gentilhomme de Quebec » (MA, p. 126)... mais qui n'a malheureusement jamais été publiée !

      Au moment de la publication des deux premiers tomes de son ouvrage, Lahontan fait la promotion de ses cartes sur ses pages de titre. À cette époque, la page titre d'un volume correspond à peu près à ce qu'on trouve aujourd'hui en « quatrième de couverture », soit un petit placard publicitaire. Bien en évidence, à la dernière ligne du titre, on annonce : « Le tout enrichi de cartes & de figures ». Les figures sont nombreuses, mais pas les cartes. Si on laisse de côté le sommaire de la Carte à petit point (en tête du premier tome, annonçant ou préfigurant la Carte générale en tête du second) et quelques plans, on ne trouve en fait qu'une seule carte pliée en tête de chacun des deux volumes. On lit à la fin de la préface de l'éditeur, rédigée par Lahontan, la note typographique désignant la première : « La carte mise en tête du premier volume doit se raporter à la 16e Lettre du même volume ». Le renvoi à la carte en question est mis en évidence dans le titre du chapitre correspondant (NV, p. 136) et, par conséquent, à la table des matières en tête de l'ouvrage qui annoncent la relation de découverte de la rivière Longue, « avec la carte des païs découverts, & autres ». La supercherie commence donc avec le titre et l'annonce de sa carte, la cartographie d'une affabulation et la fabulation cartographique, car les deux sont étroitement liées. Pas plus que le premier, le tome second n'est enrichi d'aucune « cartes », pluriel, puisqu'on y trouve enfin la seule et unique production cartographique proprement dite de l'ouvrage, la Carte generale de Canada, pliée en tête du volume. En fait, il s'agit de la première des nombreuses pièces documentaires rassemblées dans les Mémoires de l'Amerique septentrionale (MA) et sur laquelle prend appui son tout premier chapitre, la « Description abrégée du Canada ». On verra que le chapitre en question est une lecture de la carte. Or, c'est l'éloge de cette carte que Lahontan fera sous la désignation de ses cartes.

      Cela commence en tête de l'ouvrage, dans la « Preface » que Lahontan attribue à ses éditeurs, les frères L'Honoré. Parmi les nombreux éloges sur l'ensemble de son oeuvre, bien en évidence, au dernier alinéa, il y en a un qui ne manquera pas de séduire le lecteur (car cela est « très conforme au goût du siècle »), « c'est que l'on donne des cartes fort bonnes & fort exactement dessinées ». Tout autant que les précieux détails précis sur les moeurs des Amériquains, « l'on verra d'un coup d'oeil la véritable disposition de ce païs-là ». Et, bien entendu, « l'on doit ajoûter à tout [cela] d'autant plus de foi, que l'auteur a parcouru ces terres du Nouveau Monde pendant plusieurs années » (NV, « Preface », dernier alinéa, juste avant la Table des lettres). Que voilà donc une belle mise en évidence et au pluriel de la seule et unique carte véritable de son ouvrage. Mais il ne saurait s'agir ici de dénigrer Lahontan, bien au contraire : comme partout ailleurs, le littérateur de talent est assez habile pour éblouir ses lecteurs à partir d'une réalité incontestable, une vraie carte qu'on mettra beaucoup d'énergie à évaluer, pour faire de lui rien de moins qu'un... cartographe !

      Tout Lahontan est là, dans le titre de deux volumes, le titre d'un chapitre et le fion d'une préface attribuée à ses éditeurs. On n'a pas commencé à lire son ouvrage que l'on sait déjà qu'on se trouve en présence d'un fameux auteur. C'est le baron Louis-Armand de Lom d'Arce de La Hontan, officier de la marine, promu lieutenant du roi à Plaisance. Et cartographe, donc.

      Après avoir laissé ses titres et les éditeurs de son ouvrage louanger ses cartes, Lahontan s'y mettra lui-même en tête du second volume, celui de ses Mémoires. Et il saura le faire avec une remarquable rhétorique narrative, celle de la mise en scène autobiographique, sous la forme d'une adresse à son correspondant, le parent auquel étaient adressées les 25 Lettres des Nouveaux Voyages (NV), au volume précédent, et auquel il présente maintenant ses Mémoires et, bien sûr « ses » cartes (MA, p. 5). La rhétorique développe l'argumentaire en trois dimensions. D'abord ces cartes vont permettre à son correspondant (et, bien entendu, aux lecteurs) de suivre pas à pas ses itinéraires lors de sa relecture (ou de leur lecture) de la correspondance : « Si vous consultez mes cartes à mesure que vous relirez les Lettres que je vous ai écrites depuis l'année 1683, vous trouverez tous les lieux dont je vais mention ». Ensuite, ces cartes seront d'autant plus utiles qu'elles sont à nulle autre pareilles et cette fois-ci l'éloge est d'autant plus efficace qu'il se construit négativement, car c'est parce qu'il n'y en a pas de meilleure : « elles sont très particularisées, & j'ose vous assurer qu'il n'en a jamais parru de si correctes ».

      Enfin, car le talent de Lahontan pour la mise en scène est vraiment extraordinaire, créant des arguments très astucieux, voire rusés et retors, comme ici : « Je mets la Carte de Canada à la tête de ces mémoires; la grace que je vous demande, c'est de ne la communiquer à personne sous mon nom » (MA, p. 5) ! Bien entendu, la situation a changé entre la rédaction puis la publication de l'ouvrage, et c'est là aussi une des importantes mises en scène de Lahontan. Le « lecteur » a maintenant accès à des cartes secrètes ! Nous voilà en effet dans un roman d'espionnage. Car l'ouvrage, dédié « à sa majesté Frédéric IV », roi des pays scandinaves, expose « l'avantage que l'Angleterre peut retirer dans ce païs, étant en guerre avec la France », comme le dit le titre du premier tome, tandis que la préface attribuée aux éditeurs expose de manière machiavélique les causes et les objectifs de la publication : on a dû arracher à l'auteur sa correspondance et ses mémoires, ce qu'il n'a consenti qu'avec beaucoup de répugnance (car il ne les destinait nullement à la publication), pour se justifier auprès du public des calomnies dont ses adversaires ont convaincu le roi de France qui lui a refusé son appui et sa reconnaissance pour ses nombreux services. Il suit, c'est clair, que nous sommes ainsi en face de documents révélant des secrets d'État. Et tel est donc la nature de cette Cartes générale de la Nouvelle-France, que son correspondant devait garder secrète, ne pouvant en tout cas la communiquer sous son nom, et qu'il doit maintenant publier pour laver son honneur : « se voyant absolument ruïné dans l'esprit de son maître, il a crû ne pouvoir mieux faire que de se disculper aux yeux du public, c'est une consolation fort naturelle pour tous les honnêtes gens » (fait-il dire à ses éditeurs à l'avant-dernier alinéa de sa Préface).

      Le point central reste celui exposé plus haut; c'est lui qui est mis en relief par les deux autres et il n'aura pas manqué de pénétrer l'esprit du lecteur. C'est le fameux message subliminal, d'autant plus puissant que Lahontan ne l'exprime qu'en passant, sans se mettre en peine d'en faire la moindre démonstration. Or, c'est toujours sur cette question de la qualité et de l'authenticité de cartes sans pareilles qu'il reviendra dans une inoffensive « digression » qui renverra explicitement, si l'on peut dire, au point central de l'exposé machiavélique qui vient d'être analysé. Et ce sera encore digne de Machiavel. Nous sommes, dans les Mémoires, au coeur d'un exposé qui dénigre les relations des jésuites de la Nouvelle-France, sans les désigner nommément, bien entendu, pour expliquer que jamais le diable ne se manifeste aux Amérindiens, contrairement à ce que prétendent les missionnaires, qui ne comprennent même pas le sens premier de l'expression machi manitou (« mauvais esprit », mauvaise chose ou événement malheureux). Bref, on ne peut vraiment pas se fier à ces relations missionnaires où, écrit-il, « j'ai lû cent folies sur ce sujet ». Et d'ajouter, prêchant pour sa paroisse (c'est bien le cas de le dire) : « Je ne sçaurais m'empêcher de dire encore une fois qu'il en est des relations de Canada, comme ces cartes geographiques de ce païs-là; c'est à dire que, de bonne foi, je n'en ai vû qu'une seule de fidèle entre les mains d'un gentilhomnme de Quebec, dont l'impression fut ensuite défenduë à Paris, sans que j'en sçache la raison » (MA, p. 126). Il faut admirer la remarquable habileté de ces deux innocentes petites propositions : Lahontan s'excuse (« je ne sçaurais m'empêcher de dire ») de répéter (« dire encore une fois »), ce qu'il n'a jamais dit (explicitement) et qu'il ne dira pas ici non plus, à savoir que ses cartes sont d'une valeur scientifique ou documentaire à nulle autre pareilles. Plus encore, la preuve incontestable de ce qui n'est pourtant que suggéré s'appuie sur une seule et unique carte (comparable aux siennes) non pas d'un cartographe de Québec (ce pourrait être Jean-Baptiste Franquelin), mais bien d'une carte anonyme qu'il a vue entre les mains d'un gentilhomme tout aussi anonyme. Et, pour finir, il prend soin de la faire disparaître : « dont l'impression fut interdite à Paris, sans que j'en sçache la raison ». C'est la rhétorique de la négation des affirmations, l'une après l'autre. Certes, les deux propositions sont d'un humour sarcastique corrosif contre les relations des jésuites, mais elles sont aussi un très efficace éloge de son oeuvre et de ses cartes.

      Voici donc un cartographe exceptionnel, autoproclamé. Champlain ou les jésuites (Allouez et Dablon, puis Marquette, par exemple) avaient publié les premières grandes oeuvres cartographiques dans leurs relations de la Nouvelle-France : c'étaient des cartographes. Ensuite, de très nombreux auteurs ont adjoint une carte du nord-est de l'Amérique à leur relation : une carte générale accompagnait les relations populaires de Bressany en 1653, de Ducreux en 1664, de Hennepin en 1683, puis en 1697, et l'ouvrage de Leroux en 1691. Il ne viendrait à l'esprit de personne d'imaginer qu'on trouve là des cartographes. On voit dès lors combien Lahontan est un auteur tout à fait exceptionnel. Un romancier de la cartographie, digne de Stevenson et de sa fabuleuse carte de l'Île au trésor.

      Justement, il faut encore analyser le rôle des cartes dans l'oeuvre de Lahontan pour en tirer nos dernières hypothèses. Ce sera vite fait et concluant. La première carte, au premier tome, est désignée, on l'a vu, dès le titre de la Lettre XVI et, tout au long de ce chapitre, elle est nommément convoquée pas moins de dix fois (onze fois, sans compter l'occurrence du titre, pour être précis). Il suit que la carte a été dessinée, sur la base et comme prolongement de la Carte générale, pour accompagner, illustrer et authentifier la relation de la « découverte » de la rivière Longue. Cela confirme que nous sommes en pleine affabulation narrative et cartographique. Un coup d'oeil sur la carte de l'exploration du haut Mississippi par Marquette (1673) ou celle de la côte du Labrador par Jolliet (1694) suffit pour en avoir la preuve irréfutable. Et c'est l'art (populaire) de Lahontan que de rendre tout à fait crédible une invraisemblable et pure fiction, même pour de nombreux savants, on le sait, qui seront victimes de sa rhétorique.

      Voilà pour l'utilisation de la carte de la rivière Longue. En revanche, il est extrêmement significatif que la Carte generale de Canada ne soit jamais ni citée ni évoquée tout au long de la correspondance, avant la seule désignation qu'on en trouve dans la Lettre XXIII (datée de 1692, en France) présentant le plan de défense militaire contre l'Iroquoisie, soit le mémoire qui date d'une année à ce moment (1691). Le projet repose sur la construction de trois forts. La description de Lahontan s'ouvre ainsi : « Je ferai trois petits fortins en différens endroits, l'un à la décharge du lac Errié, que vous verrez sur ma Carte de Canada sous le nom de "Fort Supposé" » (NV, p. 239). Et deux « forts supposés », dont celui-là, sont effectivement portés sur la carte que Lahontan publie en 1702. Cette seule et unique désignation de la carte dans les Nouveaux Voyages est très précieuse, car elle permet de dater la version de la carte publiée en 1702. Cette version est donc de 1691 et a été présentée à Ponchartrain, à Paris, l'année suivante.

      Dès lors, une question toute simple se pose : de quand date donc la version originale de la Carte générale ? L'hypothèse la plus probable (c'est en logique l'« hypothèse nulle » qui sera vraie jusqu'à ce qu'on puisse la montrer fausse) consiste tout simplement à inverser l'affirmation de l'affabulateur. Relisons ce qui a été cité plus haut : « Si vous consultez mes cartes à mesure que vous relirez les Lettres que je vous ai écrites depuis l'année 1683, vous trouverez tous les lieux dont je fais mention... » (MA, p. 5). On ne fait pas l'expérience très longtemps pour comprendre que rien n'est plus juste : c'est même tout à fait exceptionnel. La vérité saute d'ailleurs vite aux yeux, et c'est la bonne expression : Lahontan a cette carte sous les yeux lorsqu'il rédige ses itinéraires depuis le tout début de sa correspondance. Non, il n'a pas inventé ses déplacements et ses itinéraires à partir de la carte et la preuve en est qu'on trouve très souvent des toponymes qui ne sont pas sur sa carte (cap Tourmente, l'île d'Orléans, le lac Saint-Pierre ou Sorel, par exemple, NV, L4). En fait, il utilise sa carte de la Nouvelle-France, comme tous les voyageurs, dans ses déplacements, et, tout comme eux, il s'en sert ensuite comme aide-mémoire pour rédiger ses Lettres. Tel est précisément le cas ici. Faire la preuve que ce n'est pas « cette » carte (singulier) qu'il utilise ne sera certainement pas chose facile. En revanche, lorsqu'on décrit son arrivée à Québec et qu'on situe la ville au 47e degré de latitude « et quelques minutes » (NV, L2, p. 13), on n'a certainement pas sorti son astrolabe pour déterminer cette position ! Même chose lorsqu'on situe la ville de Trois-Rivières au 46e degré (L4, p. 23) et Montréal au « 45e degrez de latitude, & quelques minutes » (p. 25). Il serait difficile d'en arriver à cette précision approximative avec la bonne vieille carte de Samsom, par exemple (les latitudes réelles pour Québec, Trois-Rivières et Montréal sont respectivement de 46,49, de 46,21 et de 45,30). Or, dès la Lettre XVII, datée du 2 novembre 1684, on voit que la description du trajet de Montréal à la rivière La Famine, au-delà du fort Frontenac, est calquée sur la Carte générale qui sert d'aide-mémoire à Lahontan. Il a réalisé ce trajet en juin ou juillet 1684, pour en revenir en octobre probablement. Le récit vivant et précis de son voyage s'appuie de toute évidence sur la toponymie de la Carte generale de Canada et on peut en voir la preuve en ce que cette description ne se trouvera pas, pour ne pas faire double emploi, dans la « Description abrégée du Canada » décrivant la carte, comme ce sera aussi le cas de l'itinéraire de l'Outaouais jusqu'au lac Huron, par exemple.

      L'hypothèse s'impose donc que Lahontan obtient ou acquiert cette Carte générale lors de son arrivée à Québec à l'automne 1683, et plus probablement au cours de l'hiver suivant, en 1684. Du coup, il suit qu'elle est antérieure à cette date, probablement du début des années 1680, et, bien entendu, que Lahontan n'en est pas l'auteur. Le contraire serait d'ailleurs bien surprenant. Or, il n'est pas nécessaire d'étudier longuement la question pour en faire la preuve cartographique. Un coup d'oeil sur la carte de la rivière Longue suffit pour voir que l'excroissance ajoutée à la Carte générale n'est pas du même ordre. On le voit tout de suite au dessin des lacs, ombragés, tandis que ceux de la Carte générale sont tracés en ombrageant leur seul contour. En fait, il apparaît vite que les caractéristiques des deux parties de la carte sont contradictoires. Plus encore, le « dessinateur » de la Mappa del rio Missisipi, qui est bien, lui, Lahontan, n'a absolument rien du cartographe de la Carte generale de Canada. Notre aquarelliste donne plutôt dans les arbres suçons et les petites collines galbées, les villages roulés en boules décoratives et les forts fortement carrés, sans compter les majestueuses sinuosités de tous les contours du fleuve, des rivières et des lacs. Là est manifestement l'art cartographique de Lahontan, l'art d'un amateur du dessin, qui n'a aucun rapport avec celui d'un géographe, aussi peu savant et aussi pragmatique soit-il, celui de l'auteur de la Carte générale du Canada.

      Que voilà donc un enseignement important. On est ici en face d'une grande oeuvre de littérature populaire — et ces quatre vocables ont leur poids. Rien ne dit que l'art populaire ne soit pas parfois du grand art. La grande littérature n'est pas faite seulement par Flaubert : Balzac et Zola y participent aussi, et on ne saurait les confondre avec les Eugène Sue, les Ponson du Terrail et les autres amuseurs qui jouent de la plume. C'est un grand plaisir de lecture que de voir Lahontan se présenter comme un imparable et formidable cartographe, on en conviendra. Qui donc ne prendra pas plaisir à relire dans leur contexte les extraits cités ici pour fin d'analyse ? On ne manquera certainement pas de retrouver ce plaisir tout vif dans le dessin et le récit de la découverte de la rivière Longue. Mais, conscient de ce qu'on peut bien appeler la « supercherie littéraire » (la littérature l'est toujours un peu et l'art populaire en vit), on découvre tout à coup une information documentaire que les savants, les historiens et les spécialistes de la cartographie, n'avaient encore jamais vraiment vue, tout occupés de la supercherie (la Carte de la riviere Longue), soit la Carte generale de Canada : une carte de la Nouvelle-France qui constitue manifestement un document exceptionnel.

      Oh ! Cela ne nous empêchera évidemment pas d'étudier aussi la carte de la rivière Longue, avec non moins de plaisir et d'intérêt. La fiction la plus fabuleuse peut être également un « document ». Les romans autobiographiques en font la preuve.

 
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