TdM Lahontan, « Lettre XVI » des Nouveaux Voyages TGdM
Carte générale de Canada, publiée par Lahontan (1702)

Carte générale de Canada, publiée par Lahontan (1702)

Table



      La carte est publiée en 1702, mais cette version est de 1691. Lahontan a dû obtenir ou acquérir cette carte au moment de son arrivée à Québec en 1683 (vraisemblablement au cours de l'hiver, en 1684). Elle doit dater dans la forme originale que Lahontan a reçue à ce moment du début des années 1680. On peut estimer qu'elle a été conçue plus de vingt ans avant sa publication. Elle n'est donc pas de Lahontan.

      Dans cette description, les toponymes sont transcrits en version diplomatique : je tente de recopier tel quel, entre guillemets, ce qu'on lit sur la carte. Je ne reproduis pas toutefois le « s » long. Je signale que très souvent le « o » est une adaptation par le graveur de la calligraphie « 8 » de la carte originale et vaut donc pour « ou » ou « w ». J'ai renoncé à la précision « o[u] » pour ne pas alourdir la transcription, les toponymes de la carte étant tous connus : « la Grande Rivière des Outaoas » (6.2) se comprend tout de suite pour celle des « Outaouas ». Dans les citations des oeuvres de Lahontan, je ne conserve ni les italiques ni les majuscules (en tête des vocables) avec lesquels l'éditeur a défiguré le texte, comme le voulait l'arbitraire typographique du début du XVIIIe siècle.

Sigles et références bibliographiques

      BNM : Désigne l'édition encyclopédique de l'Oeuvre complète de Lahontan dans la collection de la « Bibliothèque du nouveau monde » par Réal Ouellet, avec la collaboration d'Alain Beaulieu, PUM, 1990, 2 vol. de pagination continue. Sauf à une rare exception (la Nottawasaga, en 8.1), j'ai reporté ici toutes les informations géographiques de la « Liste descriptive des noms de lieux nord-américains » (p. 1186-1211), de Christian Morissonneau, et celle des « Nations amérindiennes » (p. 1212-1236), de Pierre Laberge et Alain Beaulieu. — Ces listes n'en sont pas moins très précieuses, en dépit du fait qu'elles ne donnent aucune référence à leurs sources d'information (sauf à les trouver dans les notes infrapaginales, ce qui n'est pas toujours le cas).
      DBC : Dictionnaire biographique du Canada, G. W. Brown, M. Trudel et A. Vachon, PUL, 1966 et suiv. Par convention, les noms propres de personnes, de tribus amérindiennes, de lieux géographiques ou de territoires relatifs à la Nouvelle-France sont donnés dans l'orthographe établie par ce dictionnaire. Par exemple, le fort que Lahontan nomme « Camanistigoyan » (MA, p. 17) et la Carte générale « Kamanistigoyan » (4.5 et 3), c'est le fort Kaministiquia (DBC, 2: 273a. art « Greysolon Dulhut »).
      JR : The Jesuit Relations and allied documents, éd. R. G. Thwaites, Cleveland, Burrows, 1896-1901, 73 vol. « JR, 20: 42 » renvoie à la page 42 du vol. 20.
      L : précède le numéro de la Lettre des NV. « NV, L7, p. 50 » renvoie à la Lettre VII, p. 50 des NV, dans l'édition originale de 1702.
      MA : Mémoires de l'Amérique septentrionale, vol. 2, de l'oeuvre de Lahontan, 1702.
      Margry : Pierre Margry, Découvertes et établissements des Français dans l'ouest et le sud de l'Amérique septentrionale, Paris, Jouaust, 1876, 6 vol. « Margry, 1: 279 » renvoie à la p. 279 du premier volume.
Library, 2001, vii-354 p.

      NV : Nouveaux Voyages dans l'Amérique septentrionale, vol. 1 de l'oeuvre de Lahontan, 1702.
      RHAF : Revue d'histoire de l'Amérique française.
      RL : Carte de la rivière Longue, publiée en tête des NV, 1702.
      SMC : Les Saints Martyrs canadiens, Guy Laflèche, Laval, Singulier, 5 vol., 1988-1995 (sur l'épisode du combat au Long-Sault de 1660 évoqué par le chevalier de Troyes).

      J'utilise aussi dans ce document les ouvrages suivants :

      Delanglez, Jean, Louis Jolliet, Montréal, Granger (coll. « Institut d'histoire de l'Amérique française »), 1950.
      De Troyes, le chevalier Pierre de Troyes, Journal de l'expédition à la baie d'Hudson, édition d'Ivanhoë Caron, Beauceville, L'Éclaireur, 1918.
      Gagnon, Ernest, Louis Jolliet, Montréal, Beauchemin, 1902, 1946, pour la carte de 1684 de Jolliet (p. 200/201).
      Kershaw, Kenneth A., Early Printed Maps of Canada, vol. 1, 1540-1703, édition de l'auteur, 1993, vi-319 p.
      Minet, Voyage fait du Canada jusqu'au golfe du Mexique, manuscrit inédit, Archives publiques du Canada.
      McCorkle, Barbara Backus, New England in early printed maps, 1513-1800, Providence, John Carter Brown Library, 2001, vii-354 p..
      Vogel, Virgil J., Indian Names on Wisconsin's map, Univ. of Wisconsin Press, 1991 (pour l'identification des Noquets en 4.1).
      Wikipedia, version anglaise (art. « Port Nelson »).

Références de la Carte générale de Canada

      Il existe deux éditions de la carte et c'est la première, l'édition princeps, qui sera décrite ici. Contrairement à la seconde, qui se présente en plusieurs états, sa reproduction n'a pas variée selon les éditions des livres où on la trouve pliée (généralement en tête des MA) et au fil du temps, sauf en ce qui concerne la réclame qu'on trouve dans le second état, « Tom: 2. Pag:1 ». Ces deux états sont distingués par Kenneth A. Kershaw, le premier (no 289), sans réclame se trouvant dans l'édition originale Angel ou À la Renommée de 1703, le second (no 290), dans les éditions suivantes portant la réclame au coin nord-est, à partir de la seconde édition en 1705 (soit encore en 1706, puis dans l'édition allemande de 1739).

      On trouvera en appendice l'étude bibliographique de la carte que j'ai menée dans les bibliothèques de Montréal à partir des travaux de Kershaw et de McCorkle : la recherche montre que les divers états de la seconde édition n'apportent jamais d'informations nouvelles, bien au contraire, puisque s'y ajoutent tout au plus des fautes de lecture ou des lacunes, contrairement à la version anglaise de la carte que Lahontan a lui-même préparée pour Herman Moll (1703).

      J'ai décrit la carte à partir des exemplaires qu'on trouve sur le site internet de la Bibliothèque nationale de France. La BNF publie en effet les deux versions identiques (à la réclame près) de la carte sur la bibliothèque virtuelle Gallica, dont l'une en deux exemplaires, reproductions informatiques de très haute résolution, avec un excellent programme de visionnement photographique. Les cotes des originaux sont les suivantes :

1a) BNF, Cartes et plans, GE DD-2987 (8575); aucune réclame n'est imprimée dans le coin nord-est.
1n) BNF, Cartes et plans, GE DD-2987 (8575), second exemplaire informatique du tirage précédent, sans réclame.
2) BNF, Cartes et plans, GE D-16770 — réclame du coin nord-est : « Tom: 2. Pag: 1 ».

Les notices de Gallica datent la première version de 1669 (sic) et la seconde de 1715. Or, même cette seconde date est peu probable, puisque l'édition de 1715 reprend l'édition corrigée de 1704 (avec le chapitre inédit) et que toutes les éditions consultées de cette version (1704, 1709 et 1715) dans les bibliothèques de Montréal présentent la seconde édition de *la carte, et non la première qui est reproduite ici. À remarquer que la BNP possède deux exemplaires des MA datés de 1715 (P. Angrand 1066 et Arsenal, 8e- H- 1499) et l'une des notices paraît indiquer que la Carte générale est restée dans les volumes.

      J'ai confronté ma description avec les éditions originales sur papier qu'on trouve dans les bibliothèques de Montréal, mais je dois dire que ma loupe était toujours moins puissante et efficace que le programme de visionnement de Gallica.

A.  Dimensions

      55 × 45 cm (la feuille comprenant des marges de 2 cm, sauf à gauche. Les parallèles sont mesurés sur la marge de droite, du 59e au [36e], et les droites traversent la carte tous les cinq degrés, aux 58e, 53e, 48e, 44e et 38e degré. Les longitudes sont mesurées au bas de la carte du [280e] degré au [330e], désignées également tous les cinq degrés : du 290e au 325e. À remarquer que les méridiens qui traversent la carte sur chacun de ces points (de même qu'aux [285e] et [330e] degrés) sont constitués de droites (et non de courbes) qui visent le pôle nord, la perpendiculaire, au centre de la carte, marquant le 305e degré de longitude.

      Dans la comparaison des dimensions de la Nouvelle-France et de l'Europe, à l'ouverture de la « Description abrégée du Canada » (MA, p. 5-7), les limites de la colonie sont celles de la carte à l'ouest (le Mississippi) et au sud (le lac Érié). Mais tel n'est pas le cas à l'est et au nord, limites qui sont à l'extérieur de la carte (les provinces maritimes et le nord de la baie d'Hudson). Il suit que la carte présente la Nouvelle-France en regard du potentiel de son exploitation économique avec la traite des fourrures et de l'expansion française en Amérique, soit l'ouest et le sud du Mississippi. Et c'est bien la dynamique des explorations et exploitations qui se développeront tout au long du séjour de Lahontan dans la colonie et leurs suites prévisibles — et ce que dessinera Lahontan : sa Mappa del rio Missisipi vers le sud et sa Carte de la rivière Longue vers l'ouest. La Labrador et la baie d'Hudson ne font pas partie de l'imaginaire cartographique de Lahontan, ni de la Carte generale de Canada qui le représente.

B.  Titre

En haut, à gauche, on lit le titre de la carte :

« CARTE GENERALE | DE CANADA. | Dediée au Roy de Danemark Par | son tres humble et tres obeissant et tres | fidele serviteur Lahontan ». En haut, à droite (c'est le coin nord-est), la signature : « Tom. 2. Pag. 1 ».
— En fait, la présence ou l'absence de la signature permet de distinguer deux tirages de la carte, sans que l'on puisse y trouver d'autres différences. En revanche, l'édition qui porte la signature se trouve aussi bien dans les exemplaires des MA des éditions originales de 1702 et 1704, tout comme dans la seconde édition, de 1705. La carte a peut-être connu des tirages indépendants de ses publications en volume. C'est maintenant une question à l'étude.

C.  Légende

      En haut, à droite, la désignation suivante surplombe la carte : « TERRE DE LABRADOR OU DES ESKIMAUX | GRAND ESPACE DE TERRE ».

      Sous cette désignation, la légende énumère huit symboles dont les trois premiers sont dédoublés pour indiquer les dimensions plus ou moins grandes des réalités représentées. Ce sont successivement, sur deux colonnes (1-5 et 6-8) :
1) « Sont des villes Francoises ou angloises »;
2) « Sont des villages anglois ou Francois »;
3) « Sont des villages des sauuages »;
4) « Sont des nations sauuages detruites par les yroquois »;
5) « Sont des pais propres a faire les chasses de castor | ie nay mis sur cette carte que ceux qui me sont connus »;
6) « Ces forts auec de petites croix sont abandonnéz »;
7) « Sont des saults ou caracactes dans les riviéres »;
8) « Sont les lieux ou lon porte les canots dune riviere l'autre ».

      En (6), le pluriel est de trop, car il n'y a qu'un seul fort marqué de la croix, celui de Saint-Joseph (4.6). La carte situe onze autres forts : Nelson (2.3), deux autres forts sur la baie d'Hudson, « tantost aux Anglais, tantost aux Français » (2.3) et (9), Saint-Germain (2.4), Camanistigoyan ou Duluth (2.4 et 3), Crèvecoeur et La Salle (5.4), Frontenac et Niagara (8.2), un fort anonyme de la rivière Saint-Jean (10), et finalement Kenebeki (10), en Nouvelle-Angleterre. On constate qu'aucun fort n'est signalé ou dessiné à Michillimackinac (4.8) ou que Québec n'est pas considéré comme une ville fortifiée. On trouvera à la fin de cette description l'analyse chrono-topographique de ces douze forts.

      Les territoires de chasse (en 5) et les rapides (7), avec les portages (8), caractérisent la carte. On énumérera en cours de description les neuf « pais propres a faire les chasses de castor ». Tous sauf un sont attribués aux Iroquois ou aux amis des Français. Un seul, donc, est dessiné sans être attribué, sur le lac à la source de la rivière Creuse (6.1). Les dessins des portages ne sont pas très significatifs, car ils sont d'évidence, parfois même désignés nommément (comme le « Portage de Chegakou » en 5.4), ou manquent tout à fait sans qu'il soit besoin de les indiquer (cf. en 2.4). Les indications des rapides sont en revanche très significatives et au sens strict, s'agissant de précieuses informations. Et elles sont très nombreuses. On en compte 106. Dans l'ordre de la description, on les trouve sur les rivières suivantes :

      2.3 : la rivière conduisant aux Assinipoils : 7 (en fait, 2 sur son cours principal; 4 sur son affluent qui prend naissance près du fort Saint-Germain; et 1 sur le second des trois affluents, plus au nord);
      2.4 : la rivière Nelson : 8;
      2.4 : la rivière Lemipissaki : 6;
      2.5 : la rivière des Machandibis (Moose River) : 12;
      2.5 : la rivière Michipicoten : 6;
      4 : le Sault Sainte-Marie : 1;
      4.7 : la rivière anonyme des Sakis : 2 (les MA en comptent 3);
      5.2 : la rivière des Puants : 1 (la saut Kakalin, MA);
      6.1 : la rivière des Français : 5;
      6.1 : l'affluent de l'Outaouais, depuis Témiscamingue : 4;
      6.1 : la rivière Creuse : 2;
      6.2 : la rivière Outaouais : 19, de Machandibi à Montréal;
      8.2 : le Niagara : 1;
      8.3 : le fleuve Saint-Laurent, au sud de Montréal : 4, tous identifiés;
      9 : la rivière Saguenay : 9;
      9 : au nord du lac Saint-Jean, la rivière conduisant à la baie James : 6;
      10 : rivière La Chaudière : 9;
      10 : rivière Saint-Jean : 4.

      On peut ici devancer l'analyse cartographique et formuler quelques hypothèses de recherche simples. Sur les cartes générales ou encyclopédiques de la Nouvelle-France, on ne trouve pas ces sauts et ces territoires de chasse. On peut donc penser que la carte originale vient des « voyageurs ». Ce sont les engagés qui conduisent ou dirigent, s'ils ne le sont pas eux-mêmes, les coureurs des bois dont la fonction est de rassembler la fourrure. Eux, les voyageurs, transportent les marchandises de traite et ramènent la fourrure dans la colonie. Il est naturel que leur(s) carte(s) marque(nt) les territoires de chasse, ici ceux du castor. Ces désignations devraient correspondre aux grands territoires de chasse gardée, vers 1680, puisqu'on n'en trouve pas sur la carte dans le haut Mississippi, ni à l'ouest du fleuve, où l'on trafiquera bientôt le bison (au moment où Lahontan publie la carte).

      Sur ces territoires de chasse gardée, la remarque de Lahontan devrait s'avérer très significative : ce « sont des pais propres a faire les chasses de castor — ie n'ay mis sur cette carte que ceux qui me sont connus ». Ces territoires se répartissent sur des centaines de kilomètres et sur toute la Nouvelle-France. Or, Lahontan, chasseur (à la mode européenne), sait bien que l'on peut chasser partout sur le territoire. Sa remarque d'une petite proposition a donc deux fonctions. La première est tout bonnement de l'ordre de l'attestation autobiographique (comme on en trouve partout dans son oeuvre) : il parle en connaissance de cause. Mais la seconde est de l'ordre de la justification : s'il localise aussi peu que neuf « pais propres a faire les chasses de castor », il ne veut pas qu'on pense qu'il ignore qu'on chasse partout dans la colonie. Cela devrait signifier qu'il n'a pas compris le sens de ce qu'il désigne comme des pays ou des territoires de chasse, le sens de ces informations sur la carte qu'il utilise et reproduit : il s'agit des « chasses gardées » qui représentent les territoires contrôlés soit par les Algonquins, alliés des Français, soit par les Iroquois.

      De ces deux hypothèses très simples en découle une autre, bien plus importante : est-ce que le militaire Lahontan ne nous aurait pas conservé un exemplaire des nombreuses cartes utilisées dans les armées de Nouvelle-France, en provenance des « voyageurs », c'est-à-dire des commençants ? Bien entendu, du point de vue cartographique ou géographique, ces cartes pourraient fort bien n'avoir jamais retenu l'attention des savants, tant elles seraient frustres et anachroniques. On en trouverait ici, si tel était le cas, un très précieux spécimen. Toute géométriques soient-elles, elles n'en seraient pas moins propres à décrire très pragmatiquement les itinéraires, en plus de porter traces des conceptions géographiques des Amérindiens.

      Ce sont là pour l'instant des hypothèses. On les envisagera dans l'étude cartographique de la carte. Revenons à notre description.

D.  Échelle

      En bas, au centre de la carte. Les notices de la BNF la décrivent ainsi : ca 1:6 4000 000, 8,7 cm.

« Echelle de 100 lieues a 20 par degre selon | [échelle graduée de 10, 20, 40, 60, 80 et 100 lieues = 8,7 cm] | « Les navigateurs François ».

E.  Frontières du Canada

      À remarquer d'abord qu'aucune frontière n'est indiquée au nord, ce qui est d'autant plus significatif que les postes de la baie d'Hudson sont donnés alternativement comme tantôt aux Anglais et tantôt aux Français (à l'exception du fort Nelson). Pas de frontière non plus à l'ouest au-dessus du Wisconsin.

« LIMITES DE CANADA SELON LES FRANÇOIS », en bas, à l'ouest, puis à l'est : « LIMI... TES DE CANA... DA ».

Ces limites sont marquées par une ligne de doubles traits (de forme =======), à l'ouest sur le 39e parallèle, à partir d'une diagonale qui traverse le Mississippi à la hauteur du Wisconsin; puis à l'est sur le 44e parallèle, depuis le lac Ontario, la frontière contournant les lacs Érié et Ontario, de sorte que les Grands Lacs sont canadiens. À l'est, la frontière surplombe successivement le
1) « PAIS DES | IROQUOIS »;
2) « NOUV... ELLE | YO... RK »;
3) « NOUVELLE | ANGLETERRE ».
À l'ouest, sous la frontière du 39e parallèle, on lit sur deux lignes l'inscription suivante :
« Ces limites font justement la route que les ilinois[,] oumamis [les Miamis, NV, L7, p. 50, 53; L13, p. 95, etc.] et autres sauuages tiennent allant faire la guerre aux yroquois par terre | de meme celle que les yroquois suivent pour aller porter la guerre... ches les nations sauuages les plus eloignees. jusqu au de la du missisipi ». — On devrait lire « ces limites sont justement la route », mais on a bien là le « f » qu'on trouve plus loin dans « faire », tandis que tous les « s » de la note correspondent au petit caractère d'imprimerie, même dans le corps des mots.

F.  Lecture de la Carte générale de Canada

      On le sait, il n'est pas question de cette carte dans les Lettres des Nouveaux Voyages (NV) avant la Lettre XXIII. En revanche, les Mémoires de l'Amérique septentrionale (MA) y sont souvent désignés et annoncés. Or, ces Mémoires s'ouvrent sur la « Description abregée du Canada » (p. 5-36) qui constitue une lecture de la carte — et non l'inverse : la Carte générale de Canada, qu'on trouve en tête des MA, n'est pas une illustration de la description (comme c'était le cas de la carte de la rivière Longue pour la Lettre XVI). C'est d'abord une évidence de lecture, puisque le texte suit pas à pas les divers circuits de la carte sans pratiquement jamais rien lui ajouter (sauf évidemment dans le cas de Terre-Neuve, hors champs), mais surtout parce que la carte permet de corriger le texte lorsqu'il est fautif, notamment sur la supposée rivière Téonontaté (6.1), à la seule exception de la coquille « Saminé » pour « Famine » (8.1). Mais on en trouve la preuve formelle dans les deux « Forts Supposés » (4.3) et (7.3), les forts « prétendus » (MA, p. 22), portés tels quels sur la carte. Ces forts sont en corrélation avec la Lettre XXIII. La lettre, dont la version originale est datée du 25 octobre 1692 à Nantes, présente un plan de défense et surtout de pression militaire contre l'Iroquoisie. Il y a plus d'un an à ce moment que Lahontan a présenté ce projet à Frontenac, qui l'a d'abord ignoré et même repoussé (NV, L23, p. 238), puis qui l'aurait finalement bien accueilli (p. 239). Et Lahontan compte, maintenant qu'il est en France, le présenter au ministre de la marine, Pontchartrain, avec une lettre d'appui de Frontenac (L23, p. 240; L24, p. 247). L'« ambitieux » projet (qui impliquerait 50 matelots et 200 soldats réguliers, au coût de 15 000 écus par an) repose sur la construction de trois forts et l'entretien de leurs garnisons sur les Grands Lacs : « Je ferai trois petits fortins en différens endroits, l'un à la décharge du lac Errié, que vous verrez sur ma carte de Canada, sous le nom de fort Supposé, aussi bien que les deux autres » (NV, p. 239). En réalité, la carte présente seulement deux forts « supposés », le premier sur la baie de Toronto (4.3) et l'autre au sud de l'ancien fort de Niagara, à l'ouverture du détroit entre les lacs Érié et Ontario (7.3). Mais le troisième est désigné sous le nom qu'il avait lorsque Lahontan en était responsable en 1687 et 1688, le fort Saint-Joseph (4.6), qu'il a lui-même détruit pour ne pas le laisser à l'ennemi.

      Ce n'est pas le lieu d'étudier ici ce projet (repris très succinctement dans les MA, « Intérêts des François & des Anglois de l'Amerique Septentrionale », p. 84-90). On peut se contenter de constater que Robert Cavelier de La Salle a déjà fait tout cela et bien plus sans rien recevoir du roi, sinon des seigneuries et des concessions de traite (ses projets devaient donc s'autofinancer). L'important est de voir que la carte est indissociable du mémoire qui présentait ce projet et qu'elle accompagnait; et que ce mémoire, qui ne nous est pas parvenu (et dont le gouverneur Brouillan aurait mis en doute l'existence, NV, L25, p. 256), est antérieur à la présentation du projet dans la lettre du 25 octobre 1692, datant probablement de 1691. C'est donc la date qu'on doit attribuer à la version de la Carte générale de Canada parue en 1702.

      En revanche, on peut dater la rédaction de la « Description abregée du Canada », en tête des MA : non seulement elle est postérieure à 1692, mais Lahontan précise que les MA accompagnent sa lettre du 31 janvier 1694 et ont été mis en forme au cours de sa dernière traversée de l'Atlantique, entreprise le 14 décembre précédent (NV, L25, p. 263 et 265-266). Si plusieurs parties des Mémoires sont antérieures à cette mise en forme (notamment les listes, compilations et lexiques), il ne fait pas de doute que la Description compte parmi les dernières pièces qui ont été composées et il n'y a aucune raison de mettre en doute la parole de Lahontan sur ce point en ce qui a trait à l'ouverture des MA, soit précisément la « Description abregée du Canada » dont l'actualisation de la carte (pour le projet de 1691) constitue objectivement le brouillon cartographique. Voilà pourquoi les deux pièces doivent être lues ensemble, comme nous le ferons maintenant.

      Avant d'entreprendre cette description, je voudrais signaler tout de suite un problème qui occupera une place importante dans l'analyse cartographique. Il faut poser les questions le plus vite possible s'il est évident qu'il faudra nécessairement y répondre. Celle-ci porte sur la « source inconnue » du Saint-Laurent qui ouvrira notre transcription ci-dessous.

      En effet, les MA lancent ainsi la description géographique : « la source du fleuve Saint Laurent nous a été inconnuë jusqu'à present; car quoiqu'on l'ait remonté jusqu'à sept ou huit cent lieuës on n'en a pû trouver l'origine. Le plus loin que les coureurs de bois ayent été, c'est au lac de Lenemipigon qui se décharge dans le lac Supérieur. Etc. » (p. 7-8) L'« etc. » en question présente les Grands Lacs comme des gonflements successifs du fleuve qui coule jusqu'au golfe, le tout constituant une fabuleuse voie d'eau qui encercle tout le Canada, passant par le détroit de Belle-Isle et qui conduira à une Mer du Nord (bien au-delà de la baie d'Hudson, plus au nord et plus à l'ouest) pour nous revenir par le lac des Assinipouals.

      Cette représentation s'achève ainsi : « S'il en faut croire les Sauvages du Nord, ce fleuve sort du grand lac des Assinipouals, qu'ils disent être plus vaste qu'aucun de ceux que j'ai nommé, & ce lac des Assinipouals est situé [à] 50 ou 60 lieuës de celui de Lenemipigon » (p. 8). À première vue, on pourrait croire que le lac des Assiniboine serait la source supposée (par les Amérindiens) du fleuve, mais tel n'est probablement pas le sens du texte. En effet, si le fleuve « sort » de ce lac, il n'est lui-même que le premier ou un des premiers gonflements du cours d'eau, comme le seront les Grands Lacs. L'ouverture du texte pose que la source « a été inconnuë jusqu'à present » et « qu'on n'en a pû trouver l'origine », comme on l'a lu plus haut. Dès lors, il suit que sa source inconnue doit se trouver plus haut encore, au nord de ce lac, dans ce que l'on peut imaginer comme une Mer du Nord.

      Pour tout le monde, l'origine du Saint-Laurent, ce sont les Grands Lacs, depuis qu'on les connaît et jusqu'à nos jours, et tout concrètement le dernier d'entre eux, le lac Ontario. Que l'on cherche la « source » du Nil ou, ici, du Mississippi, cela fait partie des « curiosités » de la géographie, mais personne, à ma connaissance, n'a jamais cherché la source du Saint-Laurent ! Je soupçonne que Lahontan est victime... de sa Carte générale de Canada.

      En effet, le seul rapprochement que j'ai pu trouver avec cette conception pour le moins originale, c'est le fait de désigner sous le nom et la réalité du fleuve Saint-Laurent la rivière Niagara. Il s'agit d'une note d'Henri Joutel sur sa carte de l'édition de 1713 de son journal par M. de Michel : « le fameux Saut de Niagara, ou la R. de St Laurent tombe de plus de 10 toises de haut » (mais St Laurent est peut-être mis pour Niagara, comme on le lit partout ailleurs). Ce rapprochement, tout ténu qu'il soit, pourrait expliquer la source de la représentation de la carte de Lahontan, la source amérindienne. Ce serait la voie d'eau décrite plus haut qui présente, dans la logique des Algonquins et des Iroquoiens, le Canada comme une île, le fleuve Saint-Laurent (pour nous) se perdant après la Côte-Nord et surtout le Labrador, pour revenir (pour eux) depuis le Grand Nord, le nord-ouest. Comme on le voit, l'étude de ces hypothèses sera à sa place dans l'analyse cartographique de la carte qu'il s'agit de décrire maintenant en suivant la « Description abregée du Canada ».

G.  Transcription analytique et critique

1.  Le cours du « FLEUVE DE... ST LAURENS » (MA, p. 8), de sa source inconnue, jusqu'à Gaspé.

      Si l'on rétablit le cours du fleuve depuis le lac des Assiniboines d'où il « sort » selon « les Sauvages du Nord », on trouve le circuit suivant :
1.1  le lac Winnipeg, le lac des Assiniboines : « ENTREE DU GRAND | LAC DES ASSINIPO | VALS » (réputé plus grand que les lacs Supérieur, Michigan, Huron, Érié et Ontario);
1.2  le lac Nipigon : « LAC DE LE | NEMIPIGON »
—C'est le fleuve de Saint-Laurent qui est censé joindre ces deux lacs au lac Supérieur, formant ceux qui suivent, jusqu'à la décharge du lac Ontario : FLEUVE DE... St LAURENS;
1.3  le lac Supérieur : « LAC | SUPERIEUR »;
1.4  le lac Michigan : « LAC | DES | ILINOIS »;
1.5  le lac Huron : « LAC | DES | HURONS »;
1.6  le lac Erié : « LAC... ERRIE | OU DE... CONTI »;
1.7  le lac Ontario : « LAC | ONTARIO | OU DE | FRONTENAC ».

« ... celui-ci forme ce grand fleuve » — qui porte ici la seule désignation : « FLEUVE », près de son embouchure —, « de 300 lieues », d'abord paisible sur 20 lieues, puis rapide sur trente lieues, jusqu'à Montréal :

1.8  la ville de Montréal : « MONTREAL »;
1.9  la ville de Trois-Rivières : « 3 Rivieres »;
1.10  la ville de Québec : « KEBEK ». Etc. On reviendra sur Lorette (8.3) et Tadoussac (9).

1.11  On trouve l'embouchure du fleuve à l'île d'Anticosti : « Ile Danti Costie », où l'on traite avec les Montagnais (dont un village est situé sur la carte à Tadoussac, mais sans être identifié autrement) et les Papinachois, dont un village est situé sur la rive nord : « Papinachois »;
1.12  au sud de l'embouchure on rencontre le rocher Percé : « Ile Percee »;
1.13  plus haut, suit Gaspé (MA, p. 9) : « Gaspe », où l'on commerce avec les Gaspesiens (non portés sur la carte);
1.14  plus haut encore, ce sont les monts Notre-Dame : « Monts notre dame ».

1.15  « Route des Vaisseaux ». Au sud de l'embouchure du fleuve, entre l'île d'Anticosti et les monts Notre-Dame, passe la ligne pointillée qui marque le trajet des navires de l'embouchure jusqu'à Montréal. Elle vient de l'est, passant par le 49,5e degré, d'où on doit supposer que le trajet des navires aura longé la côte orientale de Terre-Neuve, depuis le détroit de Belle-Isle.

2.  Le nord de l'Amérique

2.1  C'est d'abord, comme on l'a lu en C, la grande terre de Labrador ou des Esquimaux, qui se déplacent depuis les îles de Mingan (MA, p. 11) : « Iles Mingans », jusqu'au détroit de Hudson, qui ne figure pas sur la carte, où le grand nord n'est pas représenté. De même pour le détroit de Belle-Isle, « Bellisle » (MA, p. 12 et 32-33), d'où les Esquimaux se rendent à Terre-Neuve.

      Le Labrador jouxte la « BAYE DE | HUDSON ».

2.2  Digression : les colonies anglaises.

      En effet, Lahontan évoque alors (MA, p. 13) l'exploration de la Nouvelle Hollande par Henri Hudson, devenue depuis la « NOUV... ELLE | YO... RK » et la « NOUVELLE | ANGLETERRE » (on l'a lu en E), mais la carte nomme aussi la « R. de Manate » — avec son affluent du nord-ouest, la « R. Duster » —, c'est-à-dire l'Hudson, qui coule du village de « Corlar » (Schenectady, BNM), puis de la ville « ORANGE », jusqu'à celle de « MANATE », où s'échelonnent sur la carte pas moins de quinze petits villages sur les deux rives du fleuve.
— C. Morissonneau lit « R. du fer » (BNM). « Duster R. » est la lecture sans équivoque de la seconde édition de la carte.
— La Nouvelle York et la Nouvelle Angleterre forment un seul territoire enserré d'une ligne pointillée, mais cette dernière colonie est isolée par une accolade (qui a la forme d'un grand E de forme cursive), comportant pour sa part une seule ville identifiée, « BOSTON », avec quatre petites villes anonymes.
— Le territoire des deux colonies donne sur l'Océan Atlantique qui n'est désigné que d'un mot sur la carte : « OCEAN ». Ce laconisme porte à croire que le dessin du littoral atlantique est pris d'une carte de plus grande dimension qui devait porter le nom de l'océan en question.

      Mais revenons à la baie d'Hudson.

2.3  La rivière qui conduit au lac des « Assimpoils » (sic, MA, p. 14), depuis une autre qui vient de la baie d'Hudson, n'est pas identifiée. Celle-ci, sur la carte, est désignée à son embouchure par le fort et le port Nelson (n. 2). Puis, au sud (donc à la baie James, qui n'est pas nommée ici) : « la R. des Machandibis ». À son embouchure, la carte porte : « FORT tantost aux | Anglois tantost | aux Francois » : c'est le fort Moose (n. 5), sur la rivière du même nom aujourd'hui. C'est de cette rivière qu'il s'agit, dans la Description, lorsqu'il est question de la construction du premier fort anglais, puis de quelques autres, d'autant que Lahontan enchaîne avec la venue de Radisson et des Groseillers, conduits par des « Clistinos » (MA, p. 11 et 14, pour Cristinos, les Cris, de Kristinaus) de rencontre sur le lac Supérieur. — Cette évocation correspond à un trajet qui conduit de la baie James au lac des Cris et de là au lac Supérieur, trajet représenté d'ailleurs sur la carte de manière simplifiée, via un portage de la rivière des Machandibis (Moose) à la rivière de Michipikoton (Michipicoten), qu'on suivra en 2.5.

2.4  Au moment où les Français réagissent contre les entreprises des Anglais, qui ont été conduits à la baie d'Hudson par Radisson et des Groseillers (après la création de la Compagnie de la baie d'Hudson), plusieurs de leurs forts sont dévastés, mais le fort Nelson est laissé intact (MA, p. 150). Le fort est situé sur la carte : « FORT | DE NELSON », au sud de l'embouchure, désignée comme le « Port de Nelson ».
— La rivière (Nelson) prend sa source dans un lac anonyme où se trouve un fort ainsi commenté sur trois lignes : « PETIT FORT du Sr St germain pour empecher | les assinipovals de descendre au | port de nelson ». Tout de suite au nord, sans l'indication d'aucun portage, trois lacs dont les rivières affluent (sous la forme d'un trident) sur la rivière conduisant à « Un Village dassinipovals » et au lac des Assiniboines déjà mentionné, vers la source du Saint-Laurent (1.1).
— Par ailleurs, au milieu du cours de cette rivière qui conduit du fort Saint-Germain (n. 9) au fort Nelson (n. 2), se trouve un ensemble d'une dizaine de lacs, dont le plus au sud représente la source de la « R. de Lemipissaki », le lac et la rivière Nipigon, rivière qui conduit au lac Supérieur, avec, à son embouchure, le fort de Kaministiquia (« Camanistigoyan »), qu'on retrouvera en (3), dans le tour du lac.

2.5  De la baie d'Hudson (la baie James) au lac Supérieur (MA, p. 16). Il faut remonter, en trente ou trente-cinq jours, sur cent lieues, la rivière des « Machakandibi » (p. 16 et 32); sur la carte : « R. des Machandibis », — c'est la Moose River —, avec sur sa rive sud le village du même nom « Machandibi ». À ce point, un portage conduit à un lac anonyme, où le prolongement de l'Outaouais (sic) prend sa source, source où se trouve encore un village « Machadibi » (sic), tandis qu'au nord-ouest du lac, c'est un village de « Monzoni » que l'on rencontre. Enfin, à la source de la rivière des Machandibis, se trouve le lac du même nom (anonyme sur la carte), où se situe le village « Piscoutagami ». Un portage de sept lieues est nécessaire pour rejoindre la Michipicoten, la « R. de Michipikoton », qu'on descend en dix ou douze jours jusqu'au lac Supérieur. À noter que la carte indique cinq rapides depuis le portage, dont plusieurs peuvent être sautées en descendant, mais pas en remontant, comme le précise le texte des MA.

2.6  De la baie d'Hudson, ou plutôt de la baie James, au lac Huron, puis à Montréal, par l'Outaouais. La carte dessine en effet un itinéraire assez fruste qui donne une dimension caricaturale à l'Outaouais (où les lacs Abitibi et Témiscamingue ne sont pas dessinés). Du lac et des villages des Machandibis (et du village des Monzoni), qu'on vient de rencontrer au sud de la rivière qui porte leur nom, on descend la « Grande Riviere des Outaoas », rencontrant successivement, à l'est le village des « Tabitibi » (Abitibis), puis à l'ouest celui des « Temiskaminc » (Témiscamingues, qui doit donner son nom à l'affluent qui vient du lac qui jouxte celui des Nepissingues), alors que tout l'est de la rivière est ensuite désigné comme le territoire des « MATAOVAN » (Mattawa).
— En logique géographique réelle, il devrait plutôt s'agir de la Kipawa, suivant l'Abitibi et le Témiscamingue, du nord au sud. Mais comme l'outaouais est étiré et désorienté, Matawa prend la place de la Kipawa.

      Pour continuer à suivre les MA, il faut revenir aux Grands Lacs.

3.  Le lac Supérieur. En effet, on en était au lac Supérieur (en 2.5), « qu'on estime avoir cinq cens lieuës de circuit, y comprenant le tour des anses & des petits golfes » (MA, p. 17). Les MA désignent alors trois lieux de traite estivale que la carte situe autour du lac Supérieur, avec le fort de Duluth (n. 8) à Kaministiquia, « Camanistigoyan » (MA, p. 17), orthographié sur la carte : « FORT DE KAM | ANISTIGOYAN », à l'embouchure de la rivière Nipigon (« Lemipissaki », 2.4). Il se trouve en face de la vaste « Ile Minong » (l'île « Royale », située à la place des îles Simpson ou Saint-Ignace, selon l'analyse de C. Morissonneau, BNM, p. 1199). Les trois centres de traite (p. 17) sont « Lemipis[s]aki », à cet endroit (du nom de la rivière, aujourd'hui la Nipigon), « Chagouamigon » (la Chegouamigon, au sud) et « Bagouasch » (Aguasabon, qui n'est pas porté sur la carte).
— RL : la carte désigne explicitement « FORT DULHUT | ou cama nistigay[an] », la dernière syllabe se perdant dans la rivière.

4.  On revient ensuite au lac Huron, de « quatre cens lieuës de circonference » (MA, p. 18). On y vient par le saut Sainte-Marie : « Sault | de Ste | Marie » (RL : le nom du saut n'est pas reporté sur la carte). La Carte générale situe au nord du saut, les « Sauteurs » (les Ojibwas) et un village des « Iesuites ». « La figure de ce lac, est à peu près celle d'un triangle équilatéral. Parmi ses Isles, celle de Manitoualin » — sur la carte : « Ile de Manitoalin » — « est la plus considérable. Elle a plus de vingt lieuës de longueur & dix de largeur » (MA, p. 18), « ... Manitoualin. Cette Isle a 25 lieuës de longueur, & sept ou huit de largeur » (NV, L15, p. 122).

4.1.  Sur la rive nord du lac, en face de l'île, les MA (p. 18) et la carte situent le village des « Nockés » ou « Nockes » et celui des « Missitagues » ou « Missisakes », respectivement les Noquets et les Missisagues. Les Noquets ne figurent pas au DBC. Noquet désigne un village, mais c'est également le nom d'un des clans des Ojibwas (cf. Vogel, p. 20).

4.2  Vient ensuite la rivière des Français, « R des Francois », dont la source est, à quarante lieues, le lac des Népissingues, le « Lac des | Nepicerini » (selon les MA, p. 18, car, sur la carte, le nom se perd dans les eaux du lac), tandis que leur village est orthographié « Nepiserini » sur la carte.

4.3  Le lac Huron s'étire à l'est en une longue et étroite baie de Toronto (qu'on désignera comme telle ici, son dessin étant très éloigné de la réalité, la baie Georgienne), « Baye de Toronto », au sud de laquelle la carte dessine un fort Supposé : « Fort supose »; et la baie origine d'une rivière que forme le lac du même nom, le « Lac | de | Toronto » (le lac Simcoe). Les MA signalent ici le masque à peine visible sur les reproductions de la carte : « Cette tête d'homme, que vous voyez marquée sur ma carte au bord de cette riviére, désigne un gros village de Hurons, que les Iroquois ont ruïné » (p. 19). Au-dessus du masque ou de la tête en question, la carte porte le nom des nouveaux occupants : « Torontog | ueronons ».
— Tout cela constitue une représentation fantaisiste de la baie Georgienne et un souvenir de... la Huronie, dévastée en 1649 et 1650, le « gros village » en question ! Voir la remarque portée à la fin du paragraphe (9).

4.4  De ce lac de Toronto, un portage conduit à la rivière (MA), puis à la « Baye de Tanaouaté » (sur la carte) du lac Ontario : probablement la rivière Trent et la baie de Quinté (selon la BNM, p. 1209).

4.5  Sur la rive est du lac Huron, deux masques désignent deux villages de Tionnontatés, les Pétuns, que la carte nomme ainsi : « Teonontateronons | Apelles Hurons ». Ce que les MA disent d'une phrase incompréhensible : « A trente lieuës de là [le fort Supposé, sur la baie de Toronto] vers le sud, l'on trouve le païs de Theonontate que les Iroquois ont tout à fait dépeuplés de Hurons » (p. 19). Cela ne peut se comprendre sans que l'on sache que les Khionontateronons (selon le chap. 10 de la Relation de 1640 de Jérôme Lallemant, JR, 20: 42), les Tionnontatéronons, que Champlain surnommait déjà les « Pétuns », alliés et très proches parents des Hurons puisqu'ils parlent la même langue, étaient souvent désignés comme les Hurons de Tionnontate (cf. BNM, p. 374, n. 398; et p. 545, n. 58; mais les éditeurs prêtent à Lahontan une confusion qu'il ne fait pas, désignant correctement les Pétuns et non l'ancien territoire des Hurons, situé aussi correctement en (4.3). — Cf. également NV, L15, p. 123.

4.6  Fort Saint-Joseph (n. 12). Lahontan écrit que trente lieues plus bas, on trouve son fort (MA, p. 19) et la carte porte : « Fort St Ioseph ». La croix qui surplombe le dessin du fort indique, selon la légende au nord-est de la carte, qu'il a été « abandonné ». En réalité, Lahontan l'a détruit par le feu, en le quittant, le 27 août 1688 (NV, L15, p. 132), pour ne pas le laisser à l'ennemi.
— Tout l'espace qui sépare le lac Huron du lac Ontario, au nord du lac Érié, est marqué quatre fois sur deux lignes de l'expression « Pais de Chasse de » ou Chasse de castor | des yroquois », en regard de quatre dessins représentant ces territoires de chasse, trois au nord et à l'ouest du lac Ontario et un quatrième au sud du lac Huron, près du fort Saint-Joseph, entre le lac Huron et le lac Érié. Bref, selon la carte, les Iroquois contrôlent tous les territoires de chasse à l'ouest du lac Ontario, jusqu'au lac Huron, au nord du lac Érié.

4.7  La baie de Saginaw, la baie du « Sakinac » (ici, MA, p. 19) ou de « Saguinan » (NV, L14, p. 112), est orthographiée sur la carte : « Baye du Sakinan ». « Cette Baye a seize ou dix-sept lieuës de longueur & six d'ouverture, au milieu de laquelle on voit deux petites Isles très-utiles aux voyageurs qui seroient obligez le plus souvent de faire le tour de la baye, plûtôt que de s'exposer à faire cette traverse en canot » (p. 19) Au fond de la baie, un masque indique un ancien village « Sakis »; la baie et la rivière tiennent leur nom de ces Sakis. La rivière n'est pas nommée sur la carte; elle vient d'un lac qu'elle rejoint au sud sur un demi-cercle; elle porte le dessin d'un territoire de chasse désigné de part et d'autre sur deux lignes : « Chasse de... Castor des | amis des... Francois », dessin et désignation tout de suite répétés au nord, entre les lacs Michigan et Huron. Le texte des MA précise que la rivière (« aussi large que la Seine au Pont de Seve ») a soixante lieues d'un cours paisible, avec seulement trois rapides qu'on peut sauter facilement (la carte en indique deux); et pour la chasse, les Hurons et les Outaouais s'y livrent une année sur deux.

4.8  « MISSILIMAKINAK ». Lahontan achève son tour du lac Huron en rejoignant au nord Michillimackinac (« Missilimakinac », p. 20) où la carte porte un village des « Hurons » et un des « outaouas », avec le fort des « Francois ». Entre Sakinan et Michillimackinac, la carte inscrit l'« Anse du Tonnerre » sur la rive du lac (NV, L14, p. 113; c'est Thunder Bay, BNM). Une gravure des NV présente un plan du site. (marquée « Tom. prem. Pag. 116 » au coin nord-est) :
A  « Village des francois »;
B  « maison des iesuites »;
C  « village des Hurons »;
D  « champs des Sauuages »;
E  « village des outaovas ».
Devant le fort (qui n'est ni désigné, ni dessiné comme tel sur la carte ou sur le plan), l'« Ile de Missilimakinak » (aujourd'hui Mackinac), et l'« Ile aux | bbis blancs » (sic7 : « bbis » pour « bois »; « ile du Bois blanc », sur le plan), au sud, puis plus au nord, l'« Ile du Detour », au début de l'archipel qui s'achève avec l'île Manitoulin où avait commencé le tour du lac Huron (en 4).

5.  L'ouest des Grands Lacs et le Mississippi.

      Ici, Lahontan précise (MA, p. 20) qu'il a déjà décrit le lac des Illinois dans sa Lettre XVI. En fait, c'est non seulement le lac des Illinois (le lac Michigan), mais tout l'ouest des Grands Lacs et le haut Mississippi, qu'il ne décrit pas, renvoyant son lecteur à la lettre qui raconte son périple à la rivière Longue. D'ailleurs, toute cette région est commune à la Carte générale de Canada et à celle de la rivière Longue. — C'est la réalité géographique sur laquelle prend appui la fabulation de la Lettre XVI —. La carte circonscrit ce territoire par les trois itinéraires qui mènent au Mississippi, les deux derniers correspondant au circuit effectivement réalisé par Lahontan et qui a consisté à faire le tour du lac Michigan en passant par le Mississippi. — « Quand au lac des Ilinois il a trois cens lieuës de tour, comme vous le verrez sur ma carte par l'échelle des lieues » (p. 179).

5.1  Du lac Supérieur au Mississippi.

      On remonte la « R. du Tombeau », d'où un portage mène à la « R. aux Boeufs » conduisant au « FLEUVE DE MISSISIPI », qui ne présente aucun autre affluent plus au nord.
— Sur la Mappa del rio Missisipi, la R. del Sepulcro est celle qui conduit (correctement) au Mississippi. Elle est la seule identifiée dans ce trajet depuis le lac Supérieur.
— « Sur la plupart des cartes anciennes, la rivière du Tombeau (aussi appelée « Rivière de la Magdelaine ») correspond à la rivière Sainte-Croix » (BNM, p. 1210). Or, la Sainte-Croix se déverse dans le Mississippi, tandis que sur la Carte générale, à l'inverse, elle débouche sur le lac Supérieur. Pour Christian Morissonneau, il pourrait s'agir d'une confusion avec la rivière Bois Brûlé, « par laquelle on pouvait rejoindre la rivière Sainte-Croix. Sur la carte de Hennepin, l'inscription « R du Tombeau » est placée entre ces deux rivières, ce qui peut porter à confusion » (ibid.). — Rien n'indique encore que Lahontan a utilisé les cartes de Hennepin. — La rivière aux Boeufs est la Chippewa River (BNM).
— RL : la Carte de la rivière Longue, au contraire de la Carte générale, désigne un affluent plus au nord. La « R. Dasscious », la rivière des Sioux, un affluent de l'ouest, à l'extrême nord de la représentation du Mississippi. La carte situe en outre « 2 villages de | nadouessis » (Nadouessious, NV, L16, p. 144, Nadouessis, p. 168) à l'embouchure de la rivière aux Boeufs. C'est l'enregistrement minimaliste de la présence des Sioux, bien en deçà de la relation et de la carte de Louis Hennepin en 1683 et, surtout, sans commune mesure avec les informations que l'on a sur les Sioux du haut Mississippi au moment où la carte paraît, en 1702. L'important est que les Sioux ne figurent pas sur la Carte générale de Canada, ce qui en date la conception et montre que son actualisation, en 1691, n'a pas suivi les progrès des explorations du haut Mississippi.
— Genèse. Les Nadouessis ne sont jamais nommés ni même évoqués dans la rédaction originale des NV, avant leur apparition dans la réécriture de la Lettre XVI (4 occurrences : p. 144, 150, 168 et 169). Et on ne les rencontre qu'une seule fois dans les divers documents des MA, celui « Des armoiries de quelques nations sauvages » (énumération du plus haut comique que notre petit noble applique aux totems des Amérindiens) : « les Nadouessis, ou Sïoux, portent à l'escureuil de gueule[s] [rouge ou écarlate] mordant une citrouille d'or [jaune] » (p. 190). Bref, Lahontan n'a rien connu des Sioux au cours de son séjour en Nouvelle-France et, en effet, on n'en trouve pas trace sur sa Carte générale de Canada. À son retour en France, probablement sous l'impact des relations et des cartes de Louis Hennepin, soit directement soit indirectement, il prend conscience de leur existence. D'où leur apparition impromptue sur la Carte de la rivière Longue, toute minimaliste soit-elle.

      Au sud, le seul affluent enregistré entre la rivière aux Boeufs et le Wisconsin est l'entrée de la fameuse « R. Longue », au tout aussi fameux 46e degré.

5.2  De Michillimackinac au Mississippi.

      Voici le trajet effectivement réalisé par Lahontan et décrit au début et à la fin de sa Lettre XVI. Depuis Michillimackinac, il longe la côte nord du « LAC | DES | ILINOIS » jusqu'à Green Bay, la « Baye des Puants » (les « Pouteouatamis », NV, L16, p. 137), au fond de laquelle se trouvent des « Villages [pluriel] de Francois | et 3 nations de Sau | vages » (Sakis, Pouteouatamis et Malominis, p. 137; « les Jesuites y ont aussi une maison »). Au nord, c'est un territoire de « Chasse des amis | des Francois ». Après l'affluent anonyme au nord, qui longe ce territoire de chasse, suivi du saut Kakalin (p. 143), c'est la « R. des Puants » où se succèdent trois villages : « Kikapous » (kicapous), « Malhoumini » (Malhominis, « Folle avoine » ou « Riz sauvage ») et « Outagamis » (les Renards, qui donnent encore aujourd'hui leur nom à la rivière, la Fox River). Sur la rive nord, on trouve encore une « Chasse des amis | des Francois ». Suit le portage à la « R. de Ouisconsink », le Wisconsin qui descend jusqu'au Mississippi.
— RL : la carte corrige explicitement : « I | Village de francois | et 3 de sauvages ».

5.3  Les affluents de l'ouest du Mississippi et l'Ohio (la R. Ouabach.)

      Trois rivières débouchent de l'ouest sur le fleuve, du nord au sud :
a) « R. des Otenta », des « Otentas », p. 170 (un village);
b) celle des « Tamaroa » (3 villages), devant la R. des Illinois;
c) la « R. des « Missouris », qui reçoit la « R. des Osages » (8 villages d'est en ouest et 6 autres en remontant le Missouris à partir de l'Osage).
— Voir la description et l'analyse de la Mappa del rio Missisipi.

      L'Ohio. Tout au sud, se déroule l'importante « R. Ouabach », qui suit le 35e parallèle vers l'est sur environ 125 lieues, sans aucun affluent, la source se perdant bien loin au sud des Andastes.

5.4  Du Mississippi au fort La Salle.

      La « R. des Ilinois » conduit à un grand lac anonyme, avant le « FORT DE | CREVECOEUR », suivi de deux « V. des Ilinois », au nord et au sud de la rivière. — Le fort Crèvecoeur est mis ici pour le fort Saint-Louis qui lui a succédé (n. 10). — À cet endroit, un « Portage de... Chegakou » (« Chekakou », p. 177), conduit à la baie « Chegakou », au sud-ouest du lac Illinois. Si l'on poursuit jusqu'à sa source la rivière, on rejoint par un portage la « R. des oumamis », les Miamis. Après deux villages sur la rive est de la rivière, successivement « Aouiatinons » (RL : « Oyatinons ») et « Maskoutens », on trouve l'embouchure où se situe le « Fort de Mr | de la Salle » (n. 7). Les rivières des Illinois et des Miamis (les Oumamis) enserrent un territoire marqué « Chasse des amis | des Francois ».
— RL : le fort La Salle est anonyme.

      Qu'on remonte vers le nord la côte est du lac Illinois depuis Chegakou ou à partir du fort La Salle, on passera la « Baye de l'ours qui dort », avant de revenir à son point de départ, Missilimakinac.

6.  La « Grande Riviere des Outaoas ».

      Dans sa « Description abregée du Canada », après avoir renvoyé à ce qu'il a déjà dit du lac Illinois (et en fait tout ce que l'on vient d'énumérer en 5), Lahontan passe du lac Supérieur à « la description du lac Errié » (MA, p. 20), d'où il nous ramènera à Montréal, puis à Québec. En revanche, on trouve sur la carte le trajet de Michillimackinac à Montréal, via l'Outaouais, que Lahontan a décrit dans la Lettre XVII des NV.

6.1.  De Michillimackinac on longe la rive nord du lac Huron jusqu'à la « R. des Francois » qui conduit au « lac des | Nepiserinis » (ou « Nepiserinis » dont le nom se perd dans les eaux du lac), avec le village « Nepiserini » au nord. On a déjà lu ces toponymes en 4.2 . Un portage conduit au lac et à la rivière non identifiée désignée à son embouchure dans l'outaouais par le village « Temiskaminc » (Temiscaming). Mais un autre portage permet de rejoindre, au sud, la « R. Creuse » qui débouche elle aussi sur l'Outaouais (Mattawa River, BNM) : il s'agit de l'embranchement ouest de l'Outaouais qui conduit depuis le début du XVIIe siècle au lac Huron. Un territoire de chasse du castor est dessiné à la source de cette rivière Creuse, le seul des neuf territoires de chasse à ne pas être identifié : on doit le compter, bien entendu, au nombre des « [pays de] chasse [de castor] des amis des Français ».

6.2  La « Grande Riviere des Outaoas » conduit alors à Montréal, par le « Lac St Louis », à l'est, au sud de Montréal. Une série de neuf sauts s'échelonnent jusqu'à la « Riviere du lievre ». Tout juste avant la rivière, le dernier saut est forcément le Long Sault, qu'on trouve souvent sur les cartes de la Nouvelle-France et qui joue un rôle capital dans les Lettres XVII et XXIII des NV. On peut croire que son nom était déplacé par inadvertance, sur la carte originale, de quelques centimètres vers le « sud », soit au sud du lac Saint-François, pour désigner le saut « du même nom » de la rivière des Iroquois (cf. (8.3). — La version anglaise de la carte les désignera tous les deux en 1703.
— Sur la version originale de la Carte générale de Canada qu'on décrit ici, le toponyme « Long Sault » désigne le « long saut » du Saint-Laurent, entre Montréal et fort Frontenac, soit Goronouay (le saut marquait la limite sud de la seigneurie du fort Frontenac de Cavelier de La Salle : voir l'arrêt et les lettres patentes de mai 1675 en faveur de La Salle, Margry, 1: 279, 282 et 285). Et c'est en effet le premier Long Saut dont il est question dans les NV, mais une seule fois, à la Lettre VII (p. 40). En revanche, le Long-Sault de l'Outaouais, aujourd'hui Carillon, joue un rôle bien plus important dans les NV, n'étant pas un saut parmi d'autres, plus long que d'autres, mais le toponyme désigné absolument à la Lettre XVII (p. 187), puis à la Lettre XXIII (p. 237), chaque fois dans le cadre d'une trame narrative. — Il n'est pas normal que le texte des NV ne les distingue pas explicitement, mais il est probable que la cause en soit, justement, que la carte originale les « confondait », de sorte que Lahontan, reprenant sa carte comme aide-mémoire pour les deux itinéraires, ne se soit pas rendu compte que le toponyme désignait deux lieux différents, Goronouay et Carillon. Ce serait un lapsus, c'est le cas de le dire, de la carte originale.
— Note. Le hasard de la recherche veut que je relise le journal de l'expédition du chevalier de Troyes pour identifier le fort du sieur Saint-Germain. De passage au Long-Sault, en 1686 (!), le chevalier prétend avoir vu les « vestiges ou dix-sept françois soutinrent pendant les antiennes guerres des Iroquois, l'effort de sept cens » Iroquois (p. 23). Et d'ajouter que sans la trahison d'un (sic) Huron, les Français auraient triomphé... Tout cela relève de la pure mythologie historiographique (cf. mes SMC, 5: 117, où je faisais un sort à ce « témoignage »), mais n'en manifeste pas moins un sens de l'histoire. Il est possible que le chevalier tienne ces « informations » du jésuite Antoine Silvy qui l'accompagne. Mais peu importe, puisqu'il prend soin de les consigner dans son journal. On doit retenir que ce qui s'applique ici au Long-Sault, s'applique aussi partout dans l'oeuvre de Lahontan : contrairement au chevalier de Troyes, on le voit sur ce point bien anodin, jamais Lahontan ne manifeste aucune culture historique sur la Nouvelle-France. Le Long-Sault est un lieu où il passe et où il ne s'est en quelque sorte jamais rien passé. Et voilà qui explique son « lapsus », le fait qu'il ne lui vient pas à l'esprit de distinguer nos deux Long-Sault.

7.  « LAC... ERRIE | OU DE CONTI », de 230 lieues de circonférence.

      Illustration : sur la rive sud du lac, on trouve dessiné deux canots, avec chaque fois le profil de quatre rameurs, qui se dirigent vers l'est. Suit l'inscription « Canots IRocquois ». A remarquer qu'il s'agit de la seule illustration de la carte, si on laisse de côté l'écusson qu'on trouve sous la légende et deux très simples roses des vents.

7.1  À l'extrême ouest du lac, on trouve au nord la rivière ou le détroit où se décharge le lac Huron, avec à l'ouest un ancien village des Aouittanons (dont on ne trouve pas trace ailleurs dans les oeuvres de Lahontan). Puis au sud, deux rivières que ni la carte ni les mémoires n'identifient viennent du sud, direction sud-est. En revanche, l'embouchure des deux rivières est marquée de deux masques désignant les anciens villages des « Errieronons », tandis que la source de la seconde rivière, au sud, présente le masque du territoire disparu des « Andastogueronons », les Ériés et les Andastes. « Les Erriéronons & les Andastogueronons qui habitoient au bord de ce lac aux environs [sic] ont été détruits par les Iroquois, aussi bien que d'autres nations marquées sur ma carte » (p. 21).

7.2  Au nord, le lac est divisé en deux par une longue et étroite péninsule (Longue Pointe), « une pointe de terre » de quinze lieues; à trente lieues vers l'est, une rivière en rejoint une autre, après un portage, qui débouche sur la « Baie de Ganaraské » sur le lac Ontario, la baie de Hamilton (BNM). « Ce seroit un passage assez court d'un lac à l'autre si [cette rivière] n'avoit point de cataractes » (p. 21) : Lahontan ne connaît donc pas cette voie. Il passe au détroit.

7.3  Le détroit qui lie le lac Érié au lac Ontario se situe 30 lieues à l'est de cette rivière anonyme. Détroit de 14 lieues de long, sur une de large. À l'entrée du détroit se trouve porté le second (cf. 4.5) « Fort supposé », un « prétendu fort » (p. 22).

7.4  Vingt lieues plus bas, à l'extrême sud-est du lac, débouche la « R. de Condé », probablement la rivière Cattaraugus Creek (C. Morissonneau, BNM). La rivière a soixante lieues depuis sa source, un lac d'où selon les Outaouais on passe, après un portage d'une lieue, dans un fleuve qui débouche sur la mer (MA, p. 22).
— Dans son manuscrit inédit d'un « Projet d'un fort anglois dans le lac Errié » (BNM, p. 1044-1068), Lahontan désigne ces deux cours d'eau sous les noms de Nasseau (la rivière Condé) et de Disope, Dizope, Hissope et Hisop (BNM, respectivement p. 1044 et 1055, 1047 et 1051, puis 1058, et finalement 1068). C. Morissonneau ne sait si l'on doit identifier ce dernier cours d'eau à la Delaware ou, plus probablement, à la Susquehanna. La question importante pour nous est moins d'ordre géographique que toponymique : d'où Lahontan a-t-il tiré ces deux dénominations, pour un mémoire qui s'adresse aux Anglais ?

8.  « LAC | ONTARIO | OU DE | FRONTENAC ». Il a 180 lieues de circonférence; « sa figure est ovale » (p. 23).

8.1.  Trois rivières s'y déchargent au sud :
1) la « R. des Tsonontouans » (Genessee River, BNM) : identifiée sur la carte par deux villages, celui des « Tsonontouans » au nord, celui des « Goyogoans » au sud, à la source de la rivière;
2) celle des Onnontagués (Oswego River, BNM), identifiée sur la carte du nom de deux villages iroquois, celui des « Onnotagues » et, à sa source, celui des « Onnoyoutes »;
3) et celle de la Famine (Salmon River, BNM) des MA transcrite « R. de la Saminé », sur la carte (évidente coquille où le « f » minuscule initial a été lu « S » à la gravure); c'est à l'Anse de la Famine que Lahontan a assisté au Conseil de paix du 5 septembre 1684 où le gouverneur La Barre a conclu avec les Onontagués, représentant les Iroquois, ce que l'histoire a retenu sous le nom de « Paix honteuse » (cf. la Lettre VII des NV).

      À ces désignations de trois rivières et de quatre tribus iroquoises, s'ajoute une cinquième tribu, comme il se doit, celle des « Agnies », à l'extrême nord-est d'un vaste territoire encerclé d'une ligne pointillée sous la forme d'un ovale ainsi désigné : « PAIS DES | IROQUOIS ». Ce sont là les cinq tribus traditionnelles.

8.2.  À cela s'ajoute encore : « du côté du nord, celles [les rivières] de Ganaraské & de Téonontaté ». Mais le texte est ici confus, car la carte désigne nommément la « Baye de ganaraské » (7.2), au sud ouest, et la « Baye de Tanaouaté » (4.4), au nord-ouest; si les baies correspondent à des rivières de mêmes noms (leurs noms ne sont pas portés sur la carte), l'expression « du côté du nord » ne désigne donc pas le nord du lac, mais la situation au nord du territoire ancestral des Iroquois.
— Or, le texte des MA indique tout de suite les deux voies qui ont déjà été présentées en sens inverse, celle de la baie et de la rivière Tanaouaté pour se rendre au lac Huron, par un portage à la rivière Toronto (4.3 et 4.4), et celle de la baie et de la rivière Ganaraské pour se rendre au lac Érié (6.2). Comme la rivière Téonontaté du lac Ontario n'est nommée qu'une seule fois, ici (MA, p. 23), dans toute l'oeuvre de Lahontan et qu'elle ne figure pas sur sa carte, ce qui ne s'était encore jamais produit depuis le début de la description géographique des MA, on peut en déduire qu'il s'agit d'un lapsus pour la Tanaouaté, Lahontan lui attribuant par erreur le nom de l'ancien territoire de la baie et de la rivière des Theonontaté (4.5; NV, L15, p. 123) où elle conduit, sur la rive est du lac Huron, depuis la baie de Toronto. — C'est sur cet amalgame que se basent les éditeurs de la BNM pour en faire « probablement » (à ses index, avec référence ici) la Nottawasaga, la rivière de la baie Georgienne qui ne se rend pas au lac Ontario; en revanche, le lapsus s'explique avec la confusion des Téonantatés et des Hurons, et sur la carte et dans le texte des MA (on l'a vu en 4.5).

8.3.  Lahontan ne rappelle pas ce qu'il a déjà dit (NV, L7) des deux forts qui gardent les extrémités du lac Ontario, « les Forts de Frontenac (n. 3) & de Niagara (n. 14 » (MA, p. 24), tous deux portés sur la carte : « Fort de | niagara », au sud, « FORT de Fron | tenac », au nord.

8.4.  Le trajet du lac Ontario jusqu'à Montréal n'est pas décrit dans les MA, mais l'a été dans les NV, Lettre VII, tel qu'il figure sur la carte : deux villages iroquois se trouvent au nord du lac Ontario, à l'ouest du fort Frontenac qui en commande la décharge : « Ganeouse » et « Kente » (« Ganeousse & Quenté », L7, p. 43). Le « Long sault » prend place devant le « lac St Francois », tandis que trois rapides se succèdent avant l'entrée au « Lac St Louis » : les sauts du « buisson », des « Cedres » et du « Trou » (rapides du Coteau, de Cèdres et du Rocher fendu, BNM). Nous sommes alors au lac Saint-Louis, puis à Montréal, dans la vallée du Saint-Laurent, où les dessins des habitations françaises s'échelonnent à la queue leu leu de part et d'autre du fleuve, jusqu'au-delà de « Lorete » (Lorette).

8.5.  Une dernière phrase des MA donne le cours du fleuve Saint-Laurent, qui va des Grands Lacs à Montréal, puis à Québec, où l'eau commence à être salée. La carte est beaucoup plus précise, désignant « MONTREAL », mais aussi « Chambli », à la tête du « LAC | CHAM | PLAIN », avec au sud le « Lac | St Sacre | ment »; suivent « 3 Rivieres », puis « KEBEK », avec en face le « Saut de la Chaudiere » et plus haut (devant l'île d'Orléans, qui n'est pas nommée), le village indien de « Lorete ».

9.  De Tadoussac à la baie James. La carte publiée par Lahontan est-elle la première à enregistrer l'itinéraire de Louis Jolliet à la baie d'Hudson au cours de l'été 1679 ? Je rappelle que la version originale de la Carte générale de Canada devrait dater des environs de 1680. Le village de « Tadoussak » est évidemment à l'embouchure de la « R. du Saguenay », en face d'un « Moulin a Planches », sur l'autre rive. Face à l'embouchure, trois îles, du nord au sud : l'« Ile Rouge », l'« Ile aux Lievres » et l'« Ile aux Coudre ». Remontant le Saguenay, on ne trouve plus qu'une seule indication, le village de « Chikoutimi ». À la source de la rivière, au lac Saint-Jean (qui n'est pas nommé), on voit le portage qui conduit abruptement au centre du cours d'une forte rivière qui va se jeter dans la « BAYE DE | HUDSON », le tout représentant le lac et la rivière Mistassini, puis les rivières Rupert et Marten (situés à au moins 300 km au nord du lac Saint-Jean !). Il s'agit, bien entendu, d'une représentation très simplifiée de l'itinéraire de Louis Jolliet. À l'embouchure de ce fleuve anonyme, sur la baie James, on trouve un fort et un commentaire symétrique de celui du fort de la rivière des Machandibis (2.3) : « FORT tantost aux | Francois tantost | aux Anglois » : c'est le fort Charles (n. 6) sur la rivière Rupert (Louis Jolliet s'y est rendu et y a séjourné en 1679). C'est l'occasion d'indiquer les « Iles Danoises » et le « Port aux Danois » situés à l'est de la baie d'Hudson. Ces îles correspondent à l'archipel de Belcher, mais Christian Morissonneau ne sait où situer le port en question soit le lac Guillaume-Delisle ou les embouchures de la petite ou de la grande rivière de la Baleine (BNM).
— Il est probable qu'on trouve illustrée ici, avec l'itinéraire de Jolliet, comme plus haut en 4.3, de manière caricaturale une caractéristique constante de la Carte générale de Canada, ses approximations simplificatrices. Et si tel était le cas, il n'est pas dit que ce soit un défaut, puisqu'il s'agit du caractère des essentielles représentations schématiques.

10.  « ACADIE ET... SES COSTES ». Lahontan descend implicitement la rivière du « Saut de la Chaudiere », la rivière La Chaudière, jusqu'à la rivière Saint-Jean, moyennant un petit portage : « R. St Jean ». La rivière a un fort anonyme (n. 11) à son embouchure et quatre villages sur la fin de son parcours; mais la Description permet d'identifier le poste de traite et les établissements : il s'agit de « la rivière de Saint Jean, où les Sieurs d'Amour de Québec ont un établissement pour le commerce des castors » région « très-belle et très-fertiles en grains » (MA, p. 25). Les quatre frères, fils de Mathieu Damours de Chauffours, sont Mathieu, Louis, René et Bernard. Toutes leurs concessions sur la Saint-Jean datent de 1684 (voir le DBC à leur nom). Lahontan passe ensuite au littoral de l'Acadie qui se développe depuis la rivière et le fort Kenebeki (fort Loyal dans la baie Casco, BNM), en petites capitales sur la carte, à la frontière de la Nouvelle-Angleterre : « KENEBEKI » (n. 1), « jusqu'à l'Isle Percée, située vers l'embouchure du fleuve Saint Laurent » (p. 24). Ce sont trois cents lieues de côte, déchirées par deux importantes baies portées sur la carte : « Baye Francoise », la baie de Fundy où est située la capitale de l'Acadie, « Portroyal », à l'est, puis — après une remarquable simplification — la « Baye des Chaleurs ». S'agissant du territoire des toutes premières explorations et exploitations françaises, la carte est un peu plus précise, énumérant successivement : le « Passage de | Canseaux » (le détroit de Canso qui sera nommé en passant, p. 25) donnant accès à la « BAYE DE | ST | LAURENS ». On trouve sur la côte ouest, « Siboukton » (la baie de Buctouche ? BNM), « Chedaboukton » (Richibucto Harbour, BNM) et « Miramichi ». Au sud, l'« Ile St Iean » (l'île du Prince-Édouard), l'archipel au large énumérant l'« Ile de la | Madelaine », l'« Ile Brion », l'« Ile aux oiseaux » et les « Iles Ramees »; à l'ouest, au sud, puis au nord de la baie des Chaleurs, l'« Ile de Miscou », l'« Ile Bonaventure » et l'« Ile percee ». En revanche, les MA donnent des informations socio-ethnologiques qu'on ne voit pas sur la carte : « Les trois principales nations sauvages qui habitent sur les côtes, sont les Abenakis, les Mikemac, & les Canibas. Il y en a quelques autres errantes, qui vont & viennent de l'Acadie à la Nouvelle-Angleterre, qu'on appelle Mahingans (Mohicans), Soccokis & Openango » (p. 27-28). Les Openangos (les Quoddy, pour les habitants de la Nouvelle-Angleterre, JR, 2: 292) ne figurent pas au DBC; selon A. Beaulieu et H. Bédard, BNM, il s'agit d'une tribu abénaquise, les Abénaquis de l'est étant en effet nomades).

      La suite de la « Description abregée du Canada » échappe à la carte qui ne présente plus que l'extrême ouest du Cap Breton, l'« Ile de | Cap breton »; le texte décrit Terre-Neuve et s'attache surtout à Plaisance, haut lieu des démêlés de Lahontan avec le gouverneur Brouillan (au nom prédestiné), qui aura sa tête. D'ailleurs la « Description abregée du Canada » prend à ce moment une tournure narrative de plus en plus polémique qui contraste avec l'exposé géographique qui dominait jusques-là.

H.  Chrono-topographie des forts de la Carte générale

      L'analyse s'impose, tout de suite après la description systématique de la carte, puisqu'il s'agit de données historiques et non géographiques. J'utilise l'annotation de la BNM et son index des lieux par Christian Morissonneau (dont on trouve les références dans le corps des articles de la liste qui suit), chaque fois que ces informations ne me paraissent pas devoir être complétées ou précisées. Ou si les informations manquent, comme c'est le cas du fort du sieur Saint-Germain, par exemple.

      Conclusions : de ce point de vue, il apparaît que la Carte générale n'est pas, à proprement parler, une carte de la Nouvelle-France, mais bien une carte des expansions commerciales et militaires de la colonie. Il se confirme, on va le voir, que la version préliminaire ou originale de la carte date des environs de 1680, avec une mise à jour qui se situe entre 1686 (expédition du chevalier de Troyes à la Baie d'Hudson et édification du fort Saint-Joseph) et 1694 (prise du fort Nelson). Peu importe les légers ajustements que Lahontan a pu y apporter au cours et à la suite de son séjours dans la colonie, ils sont négligeables. Comme la publication de la carte en 1702 correspond à une version de 1691, il n'y a pas lieu d'en supposer une version antérieure avant cette date, entre 1686 et 1691.

(1) 1645, avant. Fort Kenebeki (10), en Nouvelle-Angleterre, fort Loyal, dans la baie Casco. Le fort est un des plus anciens de la Nouvelle-Angleterre. Gabriel Druillette, en mission chez les Abénaquis, y était reçu très aimablement en 1646-1647 (JR, 31: 182-206). Il y reviendra quelques années plus tard en mission diplomatique (DBC à son nom).

(2) 1612, 1660. Fort Nelson ((2.3 et 2.4). Le port Nelson a été découvert et nommé ainsi par Thomas Button, du nom de son affréteur, en 1612. À partir de 1660, le fort imposant deviendra l'épicentre de l'Hudson's Bay Company. Il le restera jusqu'en 1870 au moins, soit durant deux siècles (Wikipedia, version anglaise, art. « Port Nelson, Manitoba »).

(3) 1673. Fort Frontenac (8.3). Érigé par Frontenac à Katarakouy, aujourd'hui Kinstong, en 1673, Robert Cavelier de La Salle en devient le seigneur en 1675, concession qui lui sera souvent contestée, voire retirée et qu'il devra renégocier, sous la pression des marchands de Montréal. Denonville ordonnera la destruction du fort en 1689. BNM, p. 269, n. 30; 285-286, n. 118; et 432, n. 566. Mais le fort sera relevé au retour de Frontenac, dès l'année suivante.

(4) 1677. Fort Niagara (8.3). La Salle y a fait édifier le fort durant l'hiver 1677-1678 (Minet, p. 6). Denonville relève le fort en 1687 et le confie au chevalier de Troyes qui y meurt du scorbut le 8 mai 1688 (DBC, et BNM, p. 354-355, n. 336 et 337). Or, d'après Lahontan, Denonville ordonne lui-même l'abandon ou la destruction du fort au cours de l'été 1688 (NV, L15, p. 133). Cela est tout à fait vraisemblable : sans aucune aide militaire de la métropole, le gouverneur doit recentrer ses forces sur le coeur de la colonie. C'est grâce à lui que son successeur, en 1689, Frontenac de retour pour un second mandat, pourra redéployer les forces militaires et commerciales de la Nouvelle-France.

(5) 1679, avant. Fort Moose (2.3) sur la baie d'Hudson. Voir l'entrée suivante.

(6) 1679, avant. Fort Charles (9) à l'embouchure de la Rupert. Les deux forts de la baie d'Hudson, portés sur la Carte générale, sont dits « tantost aux Anglais, tantost aux Français ». Les forts Moose et Charles symbolisent la situation conflictuelle sur la baie James et la baie d'Hudson. Au retour de son voyage exploratoire à la baie en 1679, Louis Jolliet situe quatre forts anglais (annonçant la construction d'un cinquième), dont trois sont désignés sur sa carte de 1684. Jean Delanglez nomme le fort Charles, sur la rivière Rupert (p. 277, n. 76, situé déjà sur la carte de 1679 et que Jolliet décrit dans sa relation), où l'« explorateur » restera quelques jours en compagnie du gouverneur Charles Bayly; les trois autres se trouvant, toujours d'après l'analyse de Delanglez, sur les rivières Albany et, peut-être, Attawawapiskat, puis sur la Moose : un carré avec le mot Anglois désigne chacun de ces trois forts (Jean Delanglez, p. 272; carte reproduite par Ernest Gagnon, p. 200/201). Je note à tout hasard qu'un carré est marqué « français », sur la baie, juste au sud du fort et du port Nelson. C'est en 1686 que le chevalier Pierre de Troyes s'empare des fort Monsoni, Rupert (Charles) et Albany (Quiquichouan). D'Iberville, qui participait à cette expédition, s'empare du fort Nelson en 1694. Et en 1697, toujours à l'initiative de Pierre Lemoyne d'Iberville, toute la baie d'Hudson devient française, mais le traité de Ryswick rétablit aussitôt le statu quo ante (on suit les variantes de ces péripéties dans n'importe quel manuel d'histoire, mais le journal du chevalier de Troyes, avec l'introduction, les notes et les documents de son éditeur, Ivanhoë Caron, en constitue une synthèse vivante). Bref, désigner les forts de la baie d'Hudson comme « tantost aux Anglais, tantost aux Français » est on ne peut plus juste, même dans le cas du fort Nelson, qui deviendra pour un temps le fort français Bourbon. — On voit que l'expression convient déjà en 1686, puis 1694, mais qu'elle s'appliquerait encore mieux en 1697 (le traité de Ryswick).

(7) 1679-1680. Fort de La Salle (5.4) « Le fort des Miamis, aussi appelé Saint-Joseph des Miamis, construit par La Salle en 1679, au sud-est du lac Michigan, à l'embouchure de la rivière Saint-Joseph. Ce fort fut détruit au printemps 1680 par des hommes de La Salle qui avaient déserté » (BNM, p. 432, n. 565).

(8) 1679-1680. Le fort de Dulhut (2.4), (3), à Kaministiquia : « Il y a déjà quelques années que Mr Dulhut avoit construit un fort de pieux, dans lequel il avoit des magazins remplis de toutes sortes de marchandises. Ce poste, qui s'appelloit Camanistigoyant, faisoit un tort considérable aux Anglais... » (MA, p. 17). Le fort a été « construit à la fin des années 1670 ou au début des années 1680 » (BNM, p. 543, n. 45). Mais ni l'article d'Yves F. Zoltvany au DBC (vol. 2, p. 273a), ni l'article d'Antoine d'Eschambault (« La vie aventureuse de Daniel Greysolon, sieur Dulhut », RHAF, vol. 5, no 3, 1951, p. 320-339) ne permettent de dater plus précisément la construction du fort. Mais l'estimé de la BNM est très vraisemblable, puisque Daniel Greysolon Duluth doit descendre à Québec et se rendre à Paris en 1681-1683 pour se justifier des accusations de commerce illégal, ce qui suppose l'établissement du fort en 1679-1680. Il ne s'agit pas du fort qu'il construira en 1684 et qu'il confiera à son frère Dulhut de La Tourelle, le fort La Tourelle.

(9) 1680, vers. Fort de Saint-Germain (2.4) à la source de la rivière Nelson. Aucune trace du fort ni du sieur en question dans l'édition de la BNM. Cela est d'autant plus surprenant que son fort est désigné de pas moins de trois lignes sur la Carte générale. Aucun « sieur St Germain » n'est enregistré au DBC. Mais on trouve son nom en tête du journal de Pierre de Troyes lors de son expédition par terre à la baie d'Hudson en 1686 (édition d'Ivanhoë Caron, p. 19) : « Capitaine des guides : le sieur de St. Germain ». À ce moment, c'est manifestement un homme expérimenté, capable de conduire la troupe du chevalier de Troyes dans le haut de l'Outaouais. Son poste que Lahontan situe sur la Nelson devrait donc dater du début des années 1680.
— Il est question de Saint-Germain à plusieurs reprises dans la relation du chevalier de Troyes. Au début (p. 20 et 21), deux boeufs traînent son bagage, mais il doit bientôt les renvoyer à Montréal, les glaces et les neiges du mois de mars étant trop molles pour les supporter : est-ce qu'il ne comptait pas transporter ainsi, aussi haut que possible, des marchandises de traite pour son poste de la Nelson ? À la fin (p. 71 et 84), plus important pour nous, Pierre de Troyes doit préciser que Saint-Germain ne peut le guider dans ses déplacements entre les forts anglais : cela signifie que c'est bien lui qui avait été responsable de l'itinéraire de la troupe jusque-là (même si son expérience pouvait le tromper parfois, p. 32-33) et qu'il connaissait donc très bien les voies qui conduisaient à la baie d'Hudson, même s'il n'y était jamais venu. Pour finir, au moment de retourner à Québec, le chevalier de Troyes lui confie le troisième et le plus important des trois forts, le fort Albany, avec ordre de le désarmer (p. 96).

(10) 1680 et 1683. Fort Crèvecoeur et fort Saint-Louis des Illinois (5.4). Édifié en janvier 1680, détruit par les hommes de La Salle en mars, trois mois plus tard, Crèvecoeur est remplacé dès 1683 par le fort Saint-Louis, toujours sur l'Illinois, mais non plus au lac Pretoria, mais près d'Utica. BNM, p. 431, n. 564. La reconstitution de la version originale de la Lettre XVI montre que Lahontan a passé l'hiver 1688-1689 à ce fort Saint-Louis des Illinois. Dans sa fabulation, le seconde version de la Lettre XVI, Lahontan écrit : « Je partis donc de la riviére des Ilinois le 10e d'avril, & à la faveur d'un vent d'oüest-sud-ouest, nous gagnâme en six jours le fort de Crevecoeur. J'y trouvai Mr de Tonty de qui je reçus toutes les honnêtetez possibles. Les Ilinois l'honorent infiniment, & avec raison. Je restai trois jours dans ce fort, où il y avait trente coureurs de bois qui trafiquoient avec les Ilinois » du village voisin (NV, L16, p. 176-177). L'important ici, ce n'est pas que Lahontan transforme un hivernement en un petit séjour de trois jours (pour insérer dans son récit du tour du lac Michigan par le Mississippi son exploration de la rivière Longue), mais le fait que ce soit Henri de Tonty qui soit à ce moment commandant du fort. En effet, puisque celui-ci a présidé à la construction des deux forts, il est impossible qu'il ait pu désigner le second sous le nom du premier (cf. la relation de Tonty de 1684, Margry, 1: 583 et 613). Or, comme Lahontan nomme le fort Crèvecoeur et dans son texte et sur la Carte générale, il suit que c'est délibérément qu'il donne un nom pour un autre. C'est l'occasion de rappeler que nous sommes dans l'oeuvre d'un « romancier » et non dans un livre d'histoire. En revanche, il est significatif qu'il s'agisse « peut-être », pour les éditeurs de la BNM, d'une simple confusion et que, finalement, aucun des deux forts ne soit signalé dans la liste des lieux de l'ouvrage.
— Genèse : on peut-être assuré que le fort de Saint-Louis était désigné du nom de Crèvecoeur dès la version originale de la Lettre XVI, car sur ce point précis, la source du texte est la carte que Lahontan a sous les yeux au moment de sa rédaction. Lorsqu'il compose sa Description, il écrit : « ainsi je passerai à la description du lac Errié, me souvenant de vous avoir fait celle du lac des Ilinois dans ma seiziéme Lettre » (MA, p. 20). Si l'on se reporte au récit du circuit réel parcouru par Lahontan à l'automne 1688 et au printemps 1689, itinéraire décrit dans la Lettre XVI, il est clair que la Carte générale lui sert d'aide-mémoire, comme dans tous les autres itinéraires qui ne sont pas repris dans la Description des MA.

(11) 1682. Fort des Damours (10). Fort anonyme de la rivière Saint-Jean, identifié dans la Description avec les concessions des frères Damours, qui datent de 1684. À ce moment, Mathieu Damours a mis en place l'entreprise agricole la plus imposante de la rivière Saint-Jean; mais c'est en 1682 déjà que son frère, Louis, avait édifié une habitation et construit un premier poste de traite fortifié (DBC).

(12) 1686. Fort Saint-Joseph (4.6). Selon Lahontan, le fort aurait été construit par Daniel Greysolon Dulhut (NV, L14, p. 109). Aussi, les éditeurs de la BNM le désignent-ils sous le nom de Dulhut (p. 356, n. 338, et passim). En fait, le fort n'a jamais été connu sous ce nom. Construit en 1686 sur ordre de Denonville, Dulhut, avec Durantaye et Tonty, aurait compté parmi les premiers responsables du fort, avant Lahontan, qui en a le commandement en septembre 1687. Il y passe l'hiver. Mais l'été suivant, après quelques péripéties (dont une expédition à Michillimackinac au printemps), apprenant que Denonville a abandonné le fort de Niagara, Lahontan détruit le fort de Saint-Joseph, le 27 août 1688, pour ne pas le laisser à l'ennemi (NV, L15, p. 133). BNM, p. 381, n. 416.

      Cette chronologie des forts de la Carte générale, d'ordre historique, confirme l'hypothèse de l'analyse littéraire qui date la carte de l'arrivée de Lahontan à Québec, à cause de son utilisation comme aide-mémoire dans les NV. Plus encore, elle confirme largement l'hypothèse voulant que la carte soit du début des années 1680. — Elle est très certainement de 1680.

      En effet, il est évident que Lahontan a porté sur la carte « son » fort Saint-Joseph et que cela a fait partie des ajustements nécessaires (comme l'addition de ses « forts supposés ») dans la version de 1691. Mais ce n'est pas ce qui pouvait contribuer à « rajeunir » la carte.

      S'ajoute à cette actualisation la désignation des deux forts de la baie d'Hudson comme appartenant tantôt aux Anglais et tantôt aux Français — et inversement —, avec l'exception du fort Nelson (MA, p. 15). Comme Lahontan dit clairement que Radisson est passé aux Anglais et que les Français ont été forcés ensuite de se saisir de ces forts anglais, cela signifie que la « note » qu'on trouve deux fois sur la Carte générale est un ajustement postérieur à 1686, date de l'expédition victorieuse du chevalier de Troyes, mais antérieure à 1694, soit la prise du fort Nelson par d'Iberville. Cet ajustement ne permet pas toutefois d'établir l'existence d'une version antérieure à celle de 1691, avec la mise au net de l'ouvrage et de ses cartes en 1702.

      Il est et serait assez naturel que Lahontan ait complété la carte originale au fur et à mesure de son séjour et de ses déplacements dans la colonie. Or, ces ajustements sont si peu nombreux qu'on peut les interroger ici. C'est dire qu'ils sont insignifiants. Lahontan a reproduit pour l'essentiel, et sans rien lui ajouter de significatif, une carte qui date de 1680. On peut d'ailleurs ajouter deux indices positifs pour dater la carte de cette année-là. D'abord c'est le fort Duluth de Kaministiquia (1679-1680) et non le fort La tourelle (1684), également construit par Duluth, que l'on trouve sur la Carte générale. Ensuite, le fort La Salle a été construit en 1679, mais détruit, dès l'année suivante, 1680.

I.  Appendice : étude bibliographique de la Carte générale

      Les travaux de recherche aboutissent parfois à des résultats négatifs qu'on aurait tort de négliger. L'étude bibliographique de la Carte générale, réalisée à partir des études antérieures (bibliographies magistrales de Paltsits et de Greenly, pour les livres, de Kershaw et de McCorkle, pour les cartes), dans les bibliothèques de Montréal, montre que la confrontation des deux éditions de la carte, comme des divers tirages de la seconde, n'apporte rien à sa lecture littérale. La carte (vers 1680), il faut le rappeler, n'est pas de Lahontan et c'est seulement une version actualisée par lui (en 1691) qui paraît en 1702. L'étude bibliographique prouve que ni Lahontan, ni ses éditeurs (les frères L'Honoré à La Haye, en Hollande), ou leurs héritiers et successeurs, voire leurs associés, n'ont jamais revu la première édition de la carte, tandis qu'elle a été entièrement redessinée dans sa seconde édition, sans plus.

Première édition

      C'est l'édition qui vient d'être décrite. La carte accompagne l'édition originale des oeuvres de Lahontan en 1702, où elle est reliée en tête du deuxième tome. Paltsits et de Greenly appellent cette édition princeps « Angel ». La BNM la nomme « L'édition originale (dite "à la Renommée") ». En page de titre de ces deux premiers volumes, comme des diverses pages de titre de son supplément ou troisième volume, on voit une renommée ou un ange claironnant, avec en-dessous l'inscription « Honoratus qui virtutem honorat ». Les trois volumes portent en page de titre : La Haye, les Frères L'Honoré, MDCCIII. Les deux premiers volumes sont donc postdatés de 1703.

      C'est dans cette édition originale, au tome 2, en tête des Mémoires, qu'on trouve l'édition de la carte sans sa réclame au coin nord- est, réclame qu'on trouvera dans les éditions suivantes de cette version originale (la seconde édition, en 1705, puis en 1706, comme dans l'édition allemande de 1739 : « Tom: 2. Pag:1 » (Kershaw, nos 289 et 290). La curiosité bibliographique, on s'en doute, n'a aucun intérêt pour l'étude de la carte, puisqu'on ne peut trouver aucune autre variante entre ces deux états de la carte originale.

      Paltsits et Greenly ne distinguent pas les éditions de la Carte générale, et encore moins les états de sa seconde édition. Toutefois, A. H. Greenly, qui reprend et complète l'étude bibliographique de Victor Hugo Paltsits, donne un titre différent à chacune des éditions de la carte, la première étant dédiée au roi de Danemark, la seconde non, ce qui constitue une indication précieuse (à défaut d'avoir les dimensions des cartes et leurs caractéristiques). Il apparaît donc, comme le confirme l'examen des exemplaires des bibliothèques de Montréal, que l'édition à la Renommée de 1703 présente toujours (mais pas seulement elle) l'édition princeps de la carte, pliée généralement en tête du second tome, lorsqu'elle ne manque pas, bien entendu (comme cette édition de la carte se vend aujourd'hui 3.800 $ états-uniens, on comprend que les antiquaires avaient avantage à la conserver en porte-folio pour la séparer des volumes où l'on risque toujours de l'abîmer en la dépliant). Je rappelle qu'il s'agit d'une carte de grand format, de 55 × 45 cm.
—— Je me permets d'ajouter qu'à mon avis les bibliothèques devraient séparer ces grandes cartes pliées dans les volumes, indiquant d'un carton où elles sont sagement dépliée en un porte-folio. Chaque fois qu'on déplie et replie ces cartes, forcément, on les abîme. Sans compter qu'elles se voient et s'analysent très mal lorsqu'elles sont intégrées à la reliure des livres, puisque dix doigts ne suffisent pas à immobiliser et le livre et sa carte dépliée. Et en plus, pire que tout, la Bibliothèque nationale du Québec force les chercheurs à jouer tout cela les mains gantées, comme s'il s'agissait d'opérations chirurgicales !

      J'ai trouvé huit exemplaires de cette édition de la carte dans les bibliothèques de Montréal : McGill (3), UdeM (2), BNQ (1), Concordia (1) et UQAM (1). Dans l'un des exemplaires de McGill (Ind 107) la carte a été remplacée par une photocopie Xerox, sans qu'on puisse retrouver aujourd'hui la carte originale à la bibliothèque. Dans trois cas, la carte ne se trouve pas dans l'édition à la Renommée de 1703 : trois fois dans la seconde édition des MA (attribuée à Nicolas Gueudeville) en 1705 (McGill : Cutter 510.L135.6; UdeM : Baby 440; et UQAM : F5023 L32) et une fois dans l'édition de 1706 de Charles Delo à La Haye (McGill : Lande S1199).
——Désignation des cinq bibliothèques de Montréal consultées : BNQ (pour BAnQ, sic), Bibliothèque nationale du Québec (« Bibliothèque et Archives nationales du Québec », sic ! équivalent canadian de « Library and Archives Canada »); Concordia, McGill, UdeM et UQAM, bibliothèques des universités Concordia, McGill, Montréal et de l'Université du Québec à Montréal.

      Aucun de ces exemplaires de la première édition de la carte, ni aucun autre que j'ai pu voir sur l'internet, ne présente d'autres variantes que la réclame qu'on trouve, ou non, au coin nord-est de la carte, soit « Tom: 2. Pag: 1 ». À une exception près : la carte qui accompagne la seconde édition des Mémoires, celle de 1705, reproduite aux Éditions Élysée (Montréal, 1974, p. 30/31), présente la coquille suivante à la deuxième ligne de l'inscription du nord-est, « Terre de Labrador », etc. : « GRANI ESPACE DE TERRE », « GRANI » pour « GRAND ». — Les remerciements, en tête du troisième tome (celui des Dialogues) s'adressent d'abord à la Bibliothèque du Séminaire de Québec, tandis que le premier volume porte le sceau du séminaire, où devrait se trouver l'exemplaire reproduit de la carte comportant cette coquille (aujourd'hui au Musée de la civilisation de Québec, cote : 236.1.6, les trois volumes marqués v. 1, v. 1 [sic] et v. 2). Je n'ai pas encore vu cet exemplaire de la carte.

      Comme cette première édition de la carte, dédiée au roi du Danemark, se trouve et dans l'édition originale à la Renommée et dans la seconde édition de 1705 (Amsterdam, François L'Honoré, au Globe terrestre entouré de cinq personnages), dite « Seconde édition, revue, corrigée et augmentée », cela permet d'authentifier d'abord l'édition de 1702 (postdatée 1703), préparée à partir des manuscrits de Lahontan, et ensuite la réédition de 1705, attribuée à Nicolas Gueudeville, qui est évidemment on ne peut plus autorisée, puisque le réviseur et les éditeurs ne tentent nullement de cacher que l'auteur n'a pas participé à cette réédition, réédition qu'ils n'auraient pu réaliser et publier sans son accord — et c'est ce que dit Lahontan dans sa réplique au compte rendu des Mémoires de Trévoux en la « désavouant » (BNM, p. 1014) : il ne la dénonce nullement, mais répète seulement que ce n'est pas lui qui l'a augmentée et corrigée, tandis qu'il n'est pas l'auteur de la nouvelle préface « qu'on prétend que j'ai fait aussi [comme les corrections et les additions] pour me déguiser plus adroitement ». Du strict point de vue bibliographique, il s'agit d'une réédition autorisée par l'auteur, mais réalisée pour son éditeur par un rédacteur anonyme. Et c'est ce qu'authentifie la reproduction de la première édition de la carte dans cette publication. En revanche, cette authentification ne s'applique pas à l'édition de 1704, l'édition corrigée qui comprend un chapitre inédit de Lahontan et qui devrait donc être la dernière version « originale » revue par l'imprimeur-éditeur (notre texte de base). Au contraire, les deux exemplaire qui se trouvent à Montréal comprennent la seconde édition de la carte (dans son premier état). Je reviendrai sur cette question en conclusion.

Seconde édition



      Je n'ai trouvé la reproduction informatique de cette seconde édition sur le site internet d'aucune bibliothèque. Mais au moins deux antiquaires la reproduisent, avec d'excellents programmes de visionnement photographique (le premier la proposant pour 1.250 $), soit :
— Barry Lawrence Ruderman Antique Maps Inc. (7463, Girard Avenue, La Jolla, California; raremaps.com). — Notre premier état.
— Geographicus Fine Antique Maps (923 Putnam Avenue, New York; infogeographicus.com). — Deuxième état.

      Barbara Backus McCorkle, dans son ouvrage remarquable sur la cartographie de la Nouvelle-Angleterre, désigne la première édition de la carte (703.3) sans la reproduire ni la décrire, contrairement à Kenneth A. Kershaw, dans son atlas historique tout aussi remarquable, qui la reproduisait sur presque deux pages (planche 190, p. 256-257). Les deux bibliographes de la cartographie décrivent ensuite quelques états de la seconde édition. Kershaw en présente cinq (nos 291-295) et McCorkle, quatre (au no 703.2). Les deux auteurs en reproduisent chacun trois (plates 191-193 de Kershaw, et 703.2 (1), (2) et (4) de McCorkle). Comme je ne travaille que sur quelques cartes attribuées à un seul auteur, il est donc assez attendu que je puisse avoir l'honneur de préciser et de prolonger leurs travaux sur ce point.

      Je me permets donc de reprendre leurs analyses bibliographiques pour caractériser plus globalement trois états de la seconde édition de la Carte générale de Canada. Les trois états que je propose de distinguer correspondent à deux états principaux, dont le premier est représenté par sept (7) exemplaires dans les bibliothèques de Montréal et le second, par un (1) seulement; le troisième état est une production défectueuse que j'ai trouvée trois (3) fois à Montréal. Bien entendu, avec onze (11) exemplaires de la seconde édition de la Carte générale, je ne prétends nullement établir une typologie exhaustive de ses états et de leurs tirages, et tel n'était pas mon objectif. Cette typologie suffit à montrer qu'aucun état, aucun tirage de cette seconde édition ne peut être utilisé pour compléter l'analyse de la première édition de la carte.

      Dans cette seconde version, la carte est deux fois plus petite que son édition originale, soit 29,5 × 23 cm (sur une feuille de 32,5 × 26 cm). L'échelle de 100 lieues mesure 4 cm. Les échelles des parallèles et des méridiens ne se trouvent plus seulement à droite et au bas de la carte, mais sur ses quatre côtés (tandis que les droites correspondantes disparaissent du corps de la carte). La dédicace au roi de Danemark n'a pas été reprise, ce qui en change le titre pour les bibliographes (du moins pour A. H. Greenly). Dans son ensemble, toute la carte est reprise à l'échelle, de sorte que, réduite, elle devient d'une très grande densité, ce qui lui donne à première vue, par comparaison des deux éditions, un caractère brouillon, d'abord parce que les toponymes ne peuvent plus être sagement alignés à l'horizontale, mais se lisent au contraire en tous sens, et que le choix des caractères romains et italiques n'obéit plus strictement à la hiérarchie de la carte originale — ce dont je n'ai pas tenu compte dans ma description, tant les choix typographiques sont attendus. Et ensuite, surtout, parce que la longue note du bas de la carte doit empiéter, faute d'espace, sous les toponymes de la Nouvelle York, dans le corps de la carte. En revanche, aucune information n'est perdue (et il est significatif que la coquille « R. de la Samine » soit recopiée), tandis que d'un coup d'oeil on embrasse le nord-est de l'Amérique.

      Justement, si l'on cesse un instant de comparer les deux éditions de la carte, on prend conscience que la seconde édition est une incontestable réussite, à tel point qu'une fois caractérisée, on peut préférer cette édition à l'autre, d'autant, je l'ai dit, qu'elles présentent toutes deux exactement les mêmes informations. La preuve en est que je n'ai utilisé cette « lecture » de la première édition qu'une seule et unique fois dans ma description, en (2.2). En revanche, la transformation la plus importante, la plus spectaculaire et la plus réussie, du point de vue artistique, est la nouvelle réalisation de la légende, toujours au coin nord-est, qui porte maintenant un titre : « Explication des Marques ». Les symboles sont à droite des explications et le tout tient sur une seule colonne. L'ensemble de la légende se trouve dans un rectangle formant « théâtre », qui utilise judicieusement l'échelle des parallèles à droite (du 54e au 58e degré), tandis que le coin nord-ouest du rectangle est coupé. Son sommet isole et met en relief le « GRAND ESPACE DE TERRE DE LABRADOR », une belle réussite de la représentation cartographique. Enfin, la base du rectangle n'est plus un encadré, mais utilise au contraire, et encore très judicieusement, le bassin des rivières Rupert et Marten (anonymes), pour le prolonger d'une longue accolade horizontale, avec trois volutes, qui souligne la liste des explications.

Seconde édition — premier état

      Or, c'est justement l'encadrement de la légende qui fournit le premier indice pour distinguer trois états de l'édition. Le premier état comprend un défaut de mise en page, car le lac où aboutit la rivière qui vient de la baie d'Hudson (Rupert et Marten) empiète sur la dernière des explications, sur deux lignes : « So... nt des lieux ou lon porte les Canots | dune Riviere l'autre ». Si j'en fais le premier état, c'est non seulement parce que c'est celui que j'ai trouvé en plus grand nombre, mais parce qu'il a plus de chance d'avoir été corrigé dans un état ultérieur que l'inverse. Le second indice qui caractérise ce premier état d'un coup d'oeil est le fait que le dessin et le toponyme de la « R. Longue », sur une seule ligne, empiète sur la marge. Enfin, « NOUVELLE AN: | GLETERRE » (à remarquer le découpage du second mot) se lit du sud au nord, tandis que l'inscription « Pais des Iroquois » se lit du nord au sud (ou plus précisément, respectivement du sud-est au nord-ouest et inversement). Et cette dernière inscription est une évidente aberration, puisqu'on ne peut la lire sans renverser la carte, du nord au sud.

      Cet état correspond à l'entrée 291 (puis 292 et 293) de Kershaw, mais il fait erreur en donnant à la carte qui accompagne les éditions de l'Ornement et du Globe les dimensions de la première édition (c'est pour lui 54,7 × 41,5 cm). Ce sont les tirages (1) et (2) de B. B. McCorkle. Pour le second tirage, qu'elle a trouvé dans une autre édition de 1703 (sans préciser laquelle, alors qu'elle a dit que le premier se trouvait dans les deux éditions dérivées, celles du Globe et de l'Ornement), elle écrit seulement : « It is very similar to number 1, but more crudely engraved, particularly noticeable in the lettering ». Si je ne trouve rien de particulièrement frustre dans la version (2) qu'elle reproduit, notamment dans sa typographie, il ne fait pas de doute que la carte a été gravée à nouveau. La dernière syllabe de la première ligne du titre est décalée : « CARTE GENERA LE ». De même, les trois lettres de « LAC », pour désigner le lac Supérieur ne sont pas équidistantes, dans la version (2), et le lac en tête de l'accolade à volutes au bas de la légende ne divise plus le verbe « sont » en « so... nt ». Mais en réalité, le procédé de copie utilisé est tel qu'on ne saurait dire dans quel ordre les deux tirages se succèdent (puisqu'ils sont tous d'éditions datées de 1703), la gravure de la carte étant reproduite dans ses moindres... défauts !

      J'ai trouvé ce premier état de la seconde édition — no 191 de K. A. Kershsw et 703-2 (1) de B. B. McCorkle — dans cinq éditions de la collection des oeuvres de Lahontan à la bibliothèque de l'Université McGill, soit 1703 (état dit à la Sphère), 1704 (vol. 2, les frères L'Honoré, édition corrigée, avec un chapitre inédit, cote : Lande 499, v. 2), 1709, 1715 et 1728. La BNQ possède un exemplaire de l'édition 1704, comme celui de McGill, soit l'édition corrigée avec un chapitre inédit. Enfin, un exemplaire de l'Université Concordia de 1728 (qui, comme le dernier de McGill, reprend la seconde édition de 1705) contient également ce premier état de la seconde édition de la carte. Donc un total de sept (7) exemplaires.

      K. A. Kershaw signale un second tirage de cette carte dans l'édition de 1728 qui porterait la réclame « Tom.2.Pag ». Mais dans les deux exemplaires de cette édition à Montréal, on lit bien la réclame « Tom. 2 pag 5 » (minuscule à « pag »), tout comme au no 291).

Seconde édition — deuxième état

      Je n'ai trouvé qu'un seul exemplaire de ce second état, dans une édition de 1715 de la collection de McGill (Lande 501). Il correspond au quatrième état de B. B. McCorke (qui le localise aussi dans l'édition de 1715, mais également dans l'édition de 1741).

      La première ligne du coin nord-est ne commence plus par « GRAND ESPACE », mais par « GRANDE ESPACE », le « E » se trouvant, en petite capitale, mis en exposant à GRAND. En revanche, le tableau de l'« Explication des Marques » a été recomposé, de telle sorte que les deux dernières lignes du texte n'empiètent plus sur le lac que prolonge l'accolade aux trois volutes. La rivière Longue, inscrite sur trois lignes (« R. | Lon: | gue »), n'empiète plus sur la marge, ni son dessin. Enfin, les inscriptions du pays des Iroquois (qui, incidemment, s'écrit ici « Pays » et non « Pais ») et de la Nouvelle Angleterre (« NOUVELLE | ANGLETERRE », en deux mots complets) sont orientées en sens inverse de l'état précédent. Bien entendu, comme la carte a été gravée à nouveau, on trouve un très grand nombre de différences de détail entre cet état et le précédent de la carte, mais celles-ci sont assez importantes pour suffire à les distinguer d'un coup d'oeil. Toutefois, K. A. Kershaw (no 295, planche 193) remarque un détail significatif qui est encore de l'ordre de l'amélioration : le nom du village des « Kikapous » ne barre plus le toponyme du « LAC »... « DES ILINOIS », mais se trouve reporté à la place, à l'ouest du lac (tandis que deux îles sont ajoutées devant la baie des Puants, entre les deux mots « DES... ILINOIS »).

Seconde édition — troisième état

      Ce sera encore plus simple pour le troisième état qu'on pourrait nommer l'état défectueux : les toponymes des rapides entre Montréal et le lac Ontario, sur le Saint-Laurent, ont tous été omis (Trou, Cèdre, Buisson et Long Saut), comme le nom du lac Saint-Pierre à l'ouest du fleuve. Le côté gauche de l'encadrement de la légende se termine par un gland (de sorte qu'il apparaît comme le cordon d'un rideau) et, en plus, la base du rectangle présente une suite de l'encadré pour rejoindre le lac où prend appui l'accolade à trois volutes : bref, l'encadrement de la légende est maladroitement dessiné, ne profitant plus, artistiquement, du bassin des rivières Rupert et Marten. Les explications de la légende ne sont plus alignées à gauche sur une marge virtuelle à angle droit, mais plutôt sur une courbe rebondissante, orientée du nord-est au sud-ouest. Cet état défectueux dérive du premier état, le toponyme et le dessin de la rivière Longue se trouvant dans la marge, avec les mêmes orientations des inscriptions du « Pais » des Iroquois et de la Nouvelle Angleterre. Cette désignation du « Pais des Iroquois », qui est inversée dans le premier état (puisqu'il fallait retourner la carte du nord au sud pour la lire), puis redressée dans le second état, était dans les deux cas en prolongement, en demi-cercle ou du moins en courbe, de l'inscription « LIMITES DE CANADA SELON » (« LES | FRANCAIS » se lisant plus haut); elle se lit maintenant sous cette courbe virtuelle, sous l'inscription « SELON LES ». À propos de ces Iroquois, le toponyme « Agnies » est omis. Enfin, au nord du Mississippi, coquille très évidente, la « Raux | Boeufs » du premier état, la « R. aux | Boeufs » du second, se lit maintenant « Reaux | Boeufs ». Et il faut ajouter, bien sur : etc. !

      Or, parmis toutes ces autres différences, il y en a une qui doit être signalée, parce qu'elle tient au dessin de la carte. En effet, j'ai dit que la seconde édition reproduisait à l'échelle la première. Je peux ajouter que tous les états de la seconde édition sont sur ce point identiques, de sorte que si elles étaient muettes, on aurait beaucoup de peine à les distinguer. Tel n'est pas le cas de cet état défectueux. Sur toutes les cartes de la seconde édition, le dessin du lac Sainte-Claire (anonyme), parfaitement bien visible sur la carte originale, disparaît. C'est le détroit où le lac Huron se déverse dans le lac Érié, d'où justement le nom de la ville actuelle de Detroit. Le détroit en question a ici une largeur disproportionnée, de telle sorte que la carte ne dessine plus un isthme entre deux grands lacs, mais un seul lac, le lac Huron, dont le lac Erié ne serait qu'une baie. Je parle du dessin, bien entendu, car les deux lacs sont identifiés comme tels.

      Tout cela dit, on peut en venir à l'essentiel, à la caractéristique évidente de l'état en question : son titre, « CARTE GENERALE / DE CANADA » se lit maintenant dans une cartouche, embellissement conventionnel inattendu pour une carte défectueuse ! Entrée no 293, planche 192 de K. A. Kershaw. C'est l'état que B. B. McCorkle décrit — 703-2 (3) —, sans le reproduire. Elle l'a bien trouvé dans l'édition d'Isaac DeLorme à La Haye en 1708. Elle ne caractérise que d'un trait, mais remarquable : le titre de la carte est mis dans un encadré. Voilà qui correspond sans conteste à notre état « défectueux ».

      La bibliothèque de l'Université de Montréal possède deux exemplaires de cet état fautif (971.01 L184n et Baby 64), chaque fois dans l'édition de 1707-1708 (édition dite bâclée par la BNM, p. 1340). La BNQ en possède également un exemplaire, dans l'édition 1715 des frères L'Honoré, reprenant l'édition 1704, augmentée du chapitre inédit.

Conclusions

      L'étude bibliographique des éditions et des états de la Carte générale montre simplement qu'aucun des états de la seconde édition ne saurait profiter à l'étude de son contenu, puisqu'ils n'apportent jamais d'information nouvelle, ni la moindre correction. En revanche, l'étude bibliographique ne permet pas d'infirmer les hypothèses du travail en cours, alors même qu'elle est loin de pouvoir les confirmer. Les éditions et les états des trois livres de l'oeuvre de Lahontan, cela est établi depuis longtemps, sont innombrables. Mais rien ne permet de distinguer abruptement les éditions autorisées ou du moins « originales » des autres, qu'on ne saurait qualifier sans preuve de contrefaçons ou d'éditions pirates. Le succès de l'oeuvre peut expliquer à lui seul des recompositions rapides et des tirages vite faits pour satisfaire à la demande. On trouve certainement de ces éditions d'éditeurs-imprimeurs qui ont su profiter frauduleusement du formidable succès d'une oeuvre populaire, mais il est encore plus probable que les frères L'Honoré et leurs héritiers, auront permis à de nombreux associés de profiter des pies de cette fabuleuse vache à lait.

      Contrairement aux bibliographes, les chercheurs doivent attendre des éditions critiques qu'elles identifient les versions réalisées à La Haye par ceux qui avaient en main les manuscrits de Lahontan, rien de plus (puisque l'auteur n'a jamais supervisé l'édition de ses oeuvre en français). Comme on l'a vu, l'étude bibliographique des éditions et des états de la Carte générale permet de s'interroger sur la nature de l'édition corrigée de 1704, produisant un chapitre inédit des manuscrits des MA, le second volume de l'oeuvre. Les deux exemplaires qu'on en trouve à Montréal présentent (le premier état de) la seconde édition de la Carte générale. Il s'ensuit deux questions : est-ce que les frères L'Honoré n'auraient pas produit eux-mêmes les deux éditions de la carte ? ou est-ce qu'ils auraient transmis les manuscrits de Lahontan à l'un de leurs associés, l'un de leurs frères, celui qui auraient produit cette nouvelle édition de l'oeuvre parue en 1702-1703, avec la seconde édition de la carte ? Dans les deux cas, la seconde édition de la carte daterait de 1704, ce qui impliquerait que les éditions à l'Ornement et à la Sphère soient en fait postérieures à 1704, mais antidatées 1703, date de l'exemplaire à la Renommée qui est reproduit. Les gravures hors texte étant indépendantes des livres où on les trouve, l'hypothèse n'est pas invraisemblable, les frères L'Honoré reprenant la première et non la seconde édition de la carte l'année suivante dans la seconde édition revue et corrigée des livres de Lahontan, tout simplement parce qu'elle est plus prestigieuse, à commencer par ses dimensions.

      Voilà, dira-t-on, la multiplication de beaucoup d'hypothèses. Elles tiennent au choix toujours impératif du texte de base : jusqu'à preuve du contraire, la dernière édition revue par l'imprimeur-éditeur en possession du ou de manuscrits de Lahontan à ce moment est celui qui publie cette édition corrigée de 1704, qui paraît un an avant la seconde édition.

Remarque méthodologique

      Sauf erreur, il n'y a que deux questions factuelles qui restent en suspens. D'abord l'identification de la Dinter ou, selon Christian Morissonneau, la De Fer (2.2), ensuite la Disope (7.4) et, par la même occasion, la Naseau.

      Cette description, cette transcription de la Carte générale de Canada formule quelques questions auxquelles l'analyse cartographique devrait répondre et quelques hypothèses qu'elle pourra envisager. Ce ne sont encore que des conclusions provisoires. En fait, on peut dire que l'étude n'en est pas encore commencée. Dans les travaux de recherche, comme c'est le cas des diverses sciences de l'édition critique, il faut commencer par mettre au point ses instruments de travail qu'on trouve rarement déjà préparés. Mais dans le cas de la présente section sur la Carte generale de Canada, je dois insister sur le fait que j'ai beaucoup profité du travail de Christian Morissonneau réalisé pour la BNM : je n'ai eu qu'à intégrer ses identifications des noms de lieux, tandis que j'ai mis beaucoup de temps pour trouver ceux de la Mappa del rio Missisipi. Il faut dire qu'avec la Carte générale, on est chez nous, en territoire connu : la cartographie de la Nouvelle-France, commencée avec Cartier et Champlain, s'est poursuivie sans interruption jusqu'à nos jours.

      Le prochain instrument de travail à mettre au point, avant d'en venir à la description et à la transcription des versions de la carte de la rivière Longue (probablement le dernier de ces travaux préliminaires), ce sera la confrontation de la transcription de la Carte générale avec sa traduction anglaise en 1703.

      Guy Laflèche,
      4 juillet et 4 août 2015.

      guy.lafleche@umontreal.ca

 
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