TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

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Gaspard de la nuit, deuxième rêve
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Aloÿsius Bertrand, Gaspard de la nuit, recueil de poèmes en prose, 1842

      Les girouettes se rouillèrent; la lune fondit les nuées gris de perle; la pluie ne tomba plus que goutte à goutte des bords du toit, et la brise, ouvrant ma fenêtre mal close, jeta sur mon oreiller les fleurs de mon jasmin secoué par l'orage.

VII

U N    R Ê V E

« J'ai rêvé tant et plus, mais je n'y entends note ».
Pantagruel, livre III.

      Il était nuit. Ce furent d'abord, — ainsi j'ai vu, ainsi je raconte, — une abbaye aux murailles lézardées par la lune, — une forêt percée de sentiers tortueux, — et le Morimont (*) grouillant de capes et de chapeaux.

      Ce furent ensuite, — ainsi j'ai entendu, ainsi je raconte, — le glas funèbre d'une cloche auquel répondaient les sanglots funèbres d'une cellule, — des cris plaintifs et des rires féroces dont frissonnait chaque feuille le long d'une ramée, — et les prières bourdonnantes des pénitents noirs qui accompagnaient un criminel au supplice.

      Ce furent enfin, — ainsi s'acheva le rêve, ainsi je raconte, — un moine qui expirait couché dans la cendre des agonisants, — une jeune fille qui se débattait pendue aux branches d'un chêne. — Et moi que le bourreau liait échevelé sur les rayons de la roue.

      Dom Augustin, le prieur défunt, aura, en habit de cordelier, les honneurs de la chapelle ardente, et Marguerite, que son amant a tuée, sera ensevelie dans sa blanche robe d'innocence, entre quatre cierges de cire.

      Mais moi, la barre du bourreau s'était, au premier coup, brisée comme un verre, les torches des pénitents noirs s'étaient éteintes sous des torrents de pluie, la foule s'était écoulée avec les ruisseaux débordés et rapides, — et je poursuivais d'autres songes vers le réveil.


Notes

(*) C'est à Dijon, de temps immémorial, la place aux exécutions (note de l'auteur).


Références

Aloÿsius Bertrand, Gaspard de la nuit : fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, édition publiée d'après le manuscrit de l'auteur par Bertrand Guégan, Paris, Payot (coll. « Prose et vers »), 1925, p. 100-102.

Édition originale

Aloÿsius Bertrand, Gaspard de la nuit : fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, préface de Sainte-Beuve, Angers, Pavie, 1842.

Editions critiques

Aloÿsius Bertrand, Gaspard de la nuit : fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, introduction et présentation de Jean Richer, Paris, Flammarion, 1972, p. 100-102.

Aloÿsius Bertrand, Gaspard de la nuit : fantaisies à la manière de Rembrandt et de Callot, édition présentée, établie et annotée par Max Milner, Paris, Gallimard, 1998 (nouv. éd. augmentée).


Situation matérielle

      Ce texte constitue le chapitre VII du troisième livre intitulé « La nuit et ses prestiges » (nous reproduisons le dernier alinéa du chapitre précédent, que l'on pourrait considérer comme une transition). Le recueil compte six livres. Ce rêve, comme ceux qui vont suivre, se situe donc au centre de l'oeuvre.


Situation narrative

      Le troisième livre, comme son titre l'indique, explore l'univers mystérieux de la nuit. Ce chapitre est le premier d'une série de trois ou quatre qu'on peut rapprocher du « rêve » (chapitre VII, « Un rêve », chapitre VIII, « Mon bisaïeul », chapitre IX, « Ondine », et chapitre X, « La salamandre »). Trois ou quatre, parce que le dernier n'aurait rien du rêve sans l'avant dernier, voire toute la série.


Bibliographie

Canovas : Gaspard de la nuit figure en bibliographie, mais n'est jamais évoqué dans la thèse.

Pierrot : 62-63.



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