TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

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Le bienheureux cauchemar de Maldoror
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Isidore Ducasse, les Chants de Maldoror, par Lautréamont, prose poétique, 1869

      Je m'étais endormi sur la falaise. Celui qui, pendant un jour, a poursuivi l'autruche (1) à travers le désert, sans pouvoir l'atteindre, n'a pas eu le temps de prendre de la nourriture (a) et de fermer les yeux  (b). Si c'est lui qui me lit, il est capable de deviner, à la rigueur (c), quel sommeil s'appesantit sur moi. Mais, quand la tempête a poussé verticalement un vaisseau, avec la paume de sa main, jusqu'au fond de la mer; si, sur le radeau, il ne reste plus de tout l'équipage qu'un seul homme, rompu par les (d) fatigues et les privations de toute espèce; si la lame le ballotte, comme une épave, pendant des heures plus prolongées que la vie d'homme (e); et, si, une frégate, qui sillonne plus tard ces parages de désolation d'une carène fendue (f), aperçoit le malheureux qui promène sur l'océan sa carcasse décharnée, et lui porte un secours qui a failli être tardif (2), je crois que ce naufragé devinera mieux encore à quel degré fut porté l'assoupissement de mes sens. Le magnétisme et le chloroforme, quand ils s'en donnent la peine, savent quelquefois engendrer pareillement de ces catalepsies léthargiques. Elles n'ont aucune ressemblance avec la mort : ce serait un grand mensonge de le dire (3). Mais arrivons tout de suite au rêve, afin que les impatients, affamés de ces sortes de lectures, ne se mettent pas à rugir, comme un banc de cachalots macrocéphales qui se battent entre eux pour une femelle enceinte. Je rêvais que j'étais entré dans le corps d'un pourceau, qu'il ne m'était pas facile d'en sortir (4), et que je vautrais mes poils dans les marécages les plus fangeux. Était-ce comme une récompense ? Objet de mes voeux (5), je n'appartenais plus à l'humanité ! Pour moi, j'entendis l'interprétation (6) ainsi, et j'en éprouvai une joie plus que profonde. Cependant, je recherchais activement quel acte de vertu j'avais accompli pour mériter, de la part de la Providence, cette insigne faveur. Maintenant que j'ai repassé dans ma mémoire les diverses phases de cet aplatissement épouvantable contre le ventre du granit (g), pendant lequel la marée, sans que je m'en aperçusse, passa, deux fois, sur ce mélange irréductible de matière morte et de chair vivante, il n'est peut-être pas sans utilité de proclamer que cette dégradation n'était probablement qu'une punition, réalisée sur moi par la justice divine (h). Mais, qui connaît ses besoins intimes ou la cause de ses joies pestilentielles ? La métamorphose ne parut jamais à mes yeux que comme le haut et magnanime retentissement d'un bonheur (i) parfait, que j'attendais depuis longtemps. Il était enfin venu, le jour où je fus (j) un pourceau ! J'essayais mes dents sur l'écorce des arbres; mon groin, je le contemplais avec délice. Il ne restait plus la moindre parcelle de divinité (k) : je sus élever mon âme jusqu'à l'excessive hauteur de cette volupté ineffable. Écoutez-moi donc, et ne rougissez pas, inépuisables caricatures du beau (l), qui prenez au sérieux le braiment risible de votre âme (m), souverainement méprisable; et qui ne comprenez pas pourquoi le Tout-Puissant, dans un rare moment de bouffonnerie excellente, qui, certainement, ne dépasse pas les grandes lois générales du grotesque, prit, un jour, le mirifique plaisir de faire habiter une planète par des êtres singuliers et microscopiques, qu'on appelle humains, et dont la matière ressemble à celle du corail vermeil (7). Certes, vous avez raison de rougir, os et graisse, mais écoutez-moi. Je n'invoque pas votre intelligence; vous la feriez rejeter du sang (n) par (o) l'horreur qu'elle vous témoigne : oubliez-la, et soyez conséquents avec vous-mêmes... (p). Là, plus de contrainte. Quand je voulais tuer, je tuais; cela, même, m'arrivait souvent, et personne ne m'en empêchait. Les lois humaines me poursuivaient encore de leur vengeance, quoique je n'attaquasse pas la race que j'avais abandonnée si tranquillement; mais ma conscience ne me faisait aucun reproche. Pendant la journée, je me battais avec mes nouveaux semblables, et le sol était parsemé de nombreuses couches de sang caillé. J'étais le plus fort, et je remportais toutes les victoires. Des blessures cuisantes couvraient mon corps; je faisais semblant de ne pas m'en apercevoir. Les animaux terrestres s'éloignaient de moi, et je restais seul dans ma resplendissante grandeur. Quel ne fut pas mon étonnement, quand, après avoir traversé un fleuve à la nage, pour m'éloigner des contrées que ma rage avait dépeuplées, et gagner d'autres campagnes pour y planter mes coutumes de meurtre et de carnage, j'essayai de marcher sur cette rive fleurie. Mes pieds étaient paralysés; aucun mouvement ne venait trahir la vérité de cette immobilité forcée. Au milieu d'efforts surnaturels, pour continuer mon chemin, ce fut alors que je me réveillai, et que je sentis que je redevenais homme. La Providence me faisait ainsi comprendre, d'une manière qui n'est pas inexplicable, qu'elle ne voulait pas que, même en rêve, mes projets sublimes s'accomplissent. Revenir à ma forme primitive fut pour moi une douleur si grande, que, pendant les nuits, j'en pleure encore. Mes draps sont constamment mouillés, comme s'ils avaient été passés dans l'eau, et, chaque jour, je les fais changer. Si vous ne le croyez pas, venez me voir; vous contrôlerez, par votre propre expérience, non seulement (q) la vraisemblance, mais, en outre, la vérité même de mon assertion (8). Combien de fois, depuis cette nuit passée à la belle étoile, sur une falaise, ne me suis-je pas mêlé à des troupeaux de pourceaux, pour reprendre, comme un droit, ma métamorphose détruite ! Il est temps de quitter ces souvenirs glorieux, qui ne laissent, après leur suite (r), que la pâle voie lactée des regrets éternels.


Notes

      L'annotation de cette strophe est extraite de l'édition interactive en cours des Chants de Maldoror par Guy Laflèche : El bozo.

(1) Jean-Auguste Margueritte, commandant à Laghouat, en Algérie, « Chasse à l'autruche dans le Sahra algérien en 1857 », Journal des chasseurs, vol. 22, 1857-1858, p. 171-181 et 193-204. Le militaire décrit en détail une journée de chasse à l'autruche et en expose le caractère extrêmement difficile, alors que lui et son lieutenant sont accompagnés d'Arabes nomades expérimentés. C'est cette atmosphère générale qui inspire le comparaison de Ducasse. En revanche, on peut croire que le texte qui inspire la comparaison est à la source du sujet de la strophe, le cauchemar.

      Cauchemar : « ... mon cheval pouvait à peine se traîner; ou bien, quand je parvenais à le mettre au galop, il s'abattait presque aussitôt des quatre pieds, et j'avais presque toutes les peines du monde à le remettre sur ses jambes. C'était un affreux cauchemar que l'aube vient heureusement dissiper » (p. 180). Son lieutenant Philibert, aux prises avec un mauvais cheval, n'a pu atteindre aucune autruche : « subissant la réalité de mon rêve de la nuit précédente, il stimulait toujours sa monture avec le même acharnement mais sans en tirer autre chose qu'un lourd galop sur place » (p. 198).

(2) Cette deuxième « comparaison » correspond au récit classique du survivant d'un naufrage. Le fragment n'évoque aucun roman précis.

(3) Morceau de bravoure du collégien Ducasse, que la critique littéraire assimile à l'esprit scientifique. Il y a longtemps pourtant que Franz-Anton Mesmer (1734-1815) est passé à l'histoire, tandis que les travaux de Jean-Martin Charcot (1825-1893) font alors école, entre Balzac (Ursule Mirouêt, 1841) et bientôt Maupassant (le Horla, 1886).

      En 1868-1869, au moment de la rédaction des Chants, c'est plutôt un ouvrage populaire qui permet de faire le point. C'est entre l'application du chloroforme à l'anesthésie, en 1847, qui remplace l'éther, qui revient en force dès l'année suivante (beaucoup moins dangereux), et l'hypnotisme, qui remplace le magnétisme (animal !), soit de Mesmer à Charcot. L'ouvrage populaire en question est d'Alfred de Caston : les Marchands de miracles : histoire de la superstition humaine (Paris, Dentru, 1864, 338 p.). En voici un extrait (p. 320) qu'on pourrait croire être la source (!) de Ducasse :

      Le magnétisme, le sommeil qui n'est pas le sommeil; la léthargie, la catalepsie, cette mort qui n'est pas la mort; ce fluide actif et impondérable qui lie deux individus, et fait de l'un l'esclave de l'autre; voilà des faits qu'on ne peut nier.

      Dans d'importantes opérations chirurgicales, les passes magnétiques ont remplacés l'action de l'éther et du chloroforme et donné la même insensibilité.

À remarquer que dans cet extrait, le « fluide » et les « passes » sont celles de l'hypnotisme, l'auteur combattant avec acharnement les charlatans de l'extralucidité des « somnambules » sous l'effet du supposé magnétisme. Ducasse, lui, n'est pas encore passé du magnétisme à l'hypnotisme, ce qui est tout à fait normal en 1870, même si un ouvrage de vulgarisation le prend de vitesse.

(4) Structure narrative. La litote est évidente : on comprend qu'il n'était pas facile, voire impossible d'en sortir. Or, la volonté d'en sortir contredit la suite du récit. Ducasse ne l'a donc pas encore imaginée à ce moment de sa rédaction. Si cela peut nous paraître tout à fait invraisemblable, c'est que nous ne pratiquons pas la composition improvisée ou automatique — celle justement du récit de rêve (qui est contradictoire avec tout notre apprentissage de la rédaction). Il suit que ce sont moins les motifs (le fait d'être transformé en pourceau, avec les faits et gestes qui s'ensuivent) que les motivations (les causes et les effets de la transformation) qui font de cette strophe un récit « onirique » (récit prosaïque qui n'a d'ailleurs rien de l'onirisme).

(5) « Objet de mes voeux ». P.-O. Walzer fait le rapprochement avec le poème d'ouverture des Méditations poétiques de Lamartine, « Isolement » : « Que ne puis-je, porté sur le char de l'aurore, / Vague objet de mes voeux, m'élancer jusqu'à toi » (p. 176, n. 3). En fait, on peut croire qu'il s'agit non pas d'une réminiscence, mais bien d'un retournement ironique du poème de Lamartine, lui sur le haut d'une montagne, Lautréamont du haut d'une falaise. « Lamartine, la Cigogne-Larmoyante » (Poésies).

(6) J.-L. Steinmetz a bien raison d'indiquer qu'il faut prendre le mot au sens rigoureux, l'art d'interpréter les songes. C'est ce qui donnera le titre du livre de Freud, en français : « l'Interprétation des rêves » (en allemand, « Die Traumdeutung », la science des rêves) : dans les deux cas, chez Ducasse comme chez Freud, il s'agit d'un rappel ironique et d'un renversement de la vieille « science de l'interprétation » des rêves.

(7) Des êtres microscopiques, qu'on appelle humains, et dont la matière ressemble à celle du corail vermeil. La comparaison, teintée de curiosité scientifique, amalgame une série d'éléments difficiles à séparer. Le corail, le corail rouge, qui en est une pseudo-variété, est évidemment minuscule, « microscopique ». Sa matière vivante, le polype, développe un « squelette » de calcaire et se développe sur lui; et ce calcaire a la propriété de correspondre à la matière des os humains, ce que Ducasse n'a certainement pas à l'esprit : c'est sa matière vivante, de forme élémentaire, qui ressemble à celle de l'homme.

      Au moment même où Ducasse écrit cette phrase, Jules Verne développe un véritable poème narratif sur le corail. C'est Vingt mille lieues sous les mers, qui paraît en feuilleton au Magasin d'éducation et de récréation à partir de mars 1869; le premier volume est édité en octobre 1869 (la suite de la publication et le second volume en 1870). Tous les jeunes adolescents doivent ou devraient aujourd'hui connaître le fameux voyage touristique du Nautilus, sous la direction du capitaine Nemo, dans le labyrinthe du cimetière de coraux (le chapitre 24, le dernier de la première partie du roman, s'intitule « Le royaume du corail »).

(8) Une reformulation concise de cette phrase constituera la dernière proposition des Chants de Maldoror : « allez-y voir vous-même, si vous ne voulez pas me croire », correspondant elle-même à la dernière phrase de François le Champi.


Variantes

      Isidore Ducasse a passé son enfance à Montévidéo, où il est né de parents français. Comme sa mère est décédée quelques mois après sa naissance, il ne fait pas de doute que sa langue maternelle a été celle de ses niñeras, l'espagnol. Les Chants de Maldoror en sont profondément marqués, aussi bien par les hispanismes que par le traitement (particulièrement poétique) du français.

(a) Prendre de la nourriture. Il s'agit d'un effet secondaire de l'hispanisme. Tomar, dans la langue quotidienne, se dit pour comer ou beber. Évidemment, en français, le raccourci n'existe pas. D'où la réécriture explicite de tomar, tomar alimento !

(b) Surprenante réussite syntaxique : il faut lire deux fois la phrase pour la comprendre, alors qu'elle est parfaitement correcte. En effet, poursuivre l'autruche (cela se fait à cheval, n. (1), bien entendu) durant toute une journée, cela ne laisse pas le temps de manger ni de dormir. La formulation se comprend avec sa conséquence, soit la phrase suivante : celui qui a poursuivi... et n'a pas eu le temps..., si c'est lui... (réécriture de Méndez).

(c) Pour les hispanophones qui liraient ces notes grammaticales, je signale que tous les traducteurs, sauf Ana Alonso (qui donne correctement, más o menos), interprètent l'expression, à la rigueur, comme, rigoureusement (con exactitud) au lieu de como máximo. Le contresens enlève toute signification à la reprise qui achève la deuxième comparaison, « devinera mieux encore» (p. 213: 7).

(d) Par les. Fatigue s'emploie difficilement au pluriel dans le contexte. Du coup, il faudrait répéter les déterminants pour les distinguer, le partitif (de, pour de la) et l'indéfini (de, pour des) : rompu de fatigue et de privations (= por la/las, est tout à fait attendu en castillan).

(e) Pendant des heures plus prolongées que la vie d'homme. L'expression pose plusieurs problèmes. On dit couramment, l'heure la plus longue de ma/sa vie. Plusieurs traducteurs ramènent d'ailleurs l'expression à cette forme (des heures plus longues que sa vie, qu'une vie, que la vie même). Dès lors, le complément déterminatif est problématique : faudrait-il corriger un lapsus, la vie d'homme, pour la vie d'un homme, la vie des hommes, voire la vie humaine ? Et ce n'est pas tout. Prolongé (prolongado) ne s'emploie pas pour long (largo) dans un comparatif (plus prolongé que), parce qu'il joue le rôle d'un adjectif déterminatif (et non qualificatif).

(f) « Une carène effilée ». Si la coque du navire « fend » l'eau, alors, comme les yeux ou la bouche, elle est « fendue », c'est-à-dire « effilée ». La composition est bien dans la logique du français. Comparer avec : « le rire, aux traits fendus en arrière » (p. 192: 3).

(g) L'écrasement épouvantable contre... le ventre du granit. On comprend facilement comment l'image a été produite, puisqu'on imagine Maldoror à plat ventre sur le roc de la falaise; mais le résultat est de toute beauté. Si Ducasse pratiquait le sonnet, on trouverait ici une réussite comparable à « ces purs ongles dédiant leur onyx ». Mais, justement, le plus extraordinaire, c'est bien que nous ne lisons pas un poème, mais un très prosaïque récit de rêve !

      Cela dit, les derniers mots de la strophe ne sont pas en reste, « la pâle voie lactées des regrets éternels ». Le jeu consiste dans ce cas à trouver deux têtes-à-queue de style artiste entrecroisés. Bonne chance.

(h) Après la réussite poétique dont il vient d'être question, voici une lourdeur syntaxique dont Ducasse est coutumier. La métamorphose est une punition de la justice divine; ce qui devient d'abord une punition réalisée par la justice divine; et ensuite sur moi.

      C'est un jeu amusant que de débusquer les explétismes toujours très nombreux sous la plume de Ducasse. Ici, les cachalots se battent entre eux (p. 213: 16), tandis que Maldoror entendit l'interprétation (pour, comprit ou interpréta, p. 213: 22), etc. Voir la n. (r).

(i) Le « retentissement d'un bonheur parfait » : l'image ne paraîtra pas curieuse (elle l'est pourtant !) à ceux qui sont pas familiers du style surréaliste des Chants de Maldoror — cela dit pour les lecteurs de RRR et non ceux d'El bozo. Elle trouve son origine dans le tête-à-queue d'un « bonheur retentissant », éclatant. On lira encore plus bas, notamment, la « hauteur de la volupté » (p. 214: 15) et la « vérité de l'immobilité » (p. 215: 22).

(j) Il faudrait soit l'imparfait, soit le conditionnel pour respecter la concordance des temps : soit « le jour où j'étais » (et on attendrait alors « devenais »), ou encore « le jour où je serais un pourceau ». Par ailleurs, il s'agit d'une très nette marque de la narration, tout comme on lira plus loin : « ce fut alors que je me réveillai ».

(k) Cette proposition absolue est tout à fait étrangère au style des Chants. Malheureusement, elle ne peut être corrigée, car elle correspond à deux formulations différentes. Le lecteur doit donc choisir de comprendre soit, il ne me restait plus, ou encore, il ne restait plus en moi la moindre parcelle de divinité.

(l) Encore une coquille ? Les humains sont d'inépuisables caricatures du bien. Mais à l'analyse, le lapsus bien/beau apparaît encore plus surprenant que la proposition apostrophant les caricatures du beau, même si l'on ne comprend pas ce que la laideur viendrait faire ici.

(m) Jean-Luc Steinmetz signale le jeu de mot âme/âne amené par le braiment (Pléiade II, p. 646, n. 5).

(n) « Cracher le sang » : il faut comprendre qu'en s'adressant à son intelligence, on la rendrait malade, jusqu'à cracher le sang, comme le tuberculeux qui « crache ses poumons » ou « vomit le sang ». Ou, plus prosaïquement, on la ferait vomir de dégoût.

(o) « Por el horror » : hispanisme morpho-syntaxique. Il faut comprendre « à cause de l'horreur qu'elle vous témoigne ».

(p) Je rappelle qu'on trouve ici les trois points de transition qui, à partir du chant 2, remplacent les alinéas. La phrase qui précède n'est donc pas « suspendue », tandis que s'ouvre ensuite abruptement une nouvelle séquence discursive.

(q) T : non pas, mis pour non seulement. Contrairement aux fautes et coquilles signalées plus haut, n. (j) et (k), il n'y a ici qu'une et une seule rédaction possible en français. Le texte peut et doit donc être corrigé.

(r) Nouvel explétisme, doublé d'un hispanisme : ne laisser après leur suite = à leur suite + ne laisser que...


Références

Comte de Lautréamont, les Chants de Maldoror, Paris, 1869, p. 212-216. Reproduction photographique par Hubert Juin, OEuvres complètes, Paris, Table ronde, 1970.

Édition originale

Les Chants de Maldoror n'ont pas paru en librairie après leur impression à Bruxelles : A. Lacroix, leur éditeur parisien, ne les a pas mis en vente. L'auteur s'en est fait brocher quelques copies portant une couverture et un titre anonyme qui se présentent ainsi :

Comte de Lautréamont, les Chants de Maldoror, Paris, 1869.

Éditions critiques

Lautréamont et Germain Nouveau, OEuvres complètes, éd. de Pierre-Olivier Walzer, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade) », 1970, p. 175-178.

Isidore Ducasse, Le Comte de Lautréamont, Oeuvres complètes : les Chants de Maldoror, Lettres, Poésies I et II, préface de J. M. G. Le Clézio, éd. par Hubert Juin, nouvelle édition enrichie d'une septième lettre, Paris, Gallimard, 1990, c1973, p. 175-178.

Isidore Ducasse, le Comte de Lautréamont, les Chants de Maldoror : poésies I et II, correspondance, édition établie par Jean-Luc Steinmetz, Paris, Flammarion, c1990, p. 236-239.

Lautréamont, les Chants de Maldoror, éd. de Jean-Pierre Goldenstein, Paris, Pocket (coll. « Pocket Classiques »), 1992, 1999, p. 163-165.

Comte de Lautréamont / Isidore Ducasse, OEuvres complètes, les Chants de Maldoror, poésies / lettres, avec les préfaces de L. Genonceaux, R. de Gourmont, E. Jaloux, A. Breton, Ph. Soupault, J. Gracq, R. Caillois, M. Blanchot, les portraits imaginaires de S. Dali et F. Vallotton, des fac-similés de correspondance et une bibliographie, Paris, Librairie José Corti, 1987, p. 271-274.


Situation matérielle

      Ce récit de rêve constitue la sixième strophe du chant 4 (l'ouvrage compte six chants et le quatrième compte huit strophes).


Situation narrative

      Les Chants de Maldoror se présentent comme une épopée où le narrateur et son héros, Maldoror, livrent un épuisant combat contre le Créateur. Dès les premières strophes le héros doit constater qu'il est né pour le mal, pour le malheur des hommes et le sien : ainsi Dieu l'a-t-il créé. Le voici donc, dans cette strophe tout heureux de se livrer enfin à ses instincts naturels grâce à un « cauchemar » : c'est le rêve bienheureux d'être métamorphosé en pourceau.

      Les Chants de Maldoror sont dominés par les thèmes du rêve et du cauchemar; très souvent même, il s'agit du sujet de passages importants; très souvent aussi le texte prend un aspect onirique. Toutefois, on ne trouve qu'un seul rêve dans l'oeuvre, celui reproduit ici. La strophe de l'araignée (chant 5, strophe 7), souvent traitée à ce titre, n'est manifestement (et malheureusement !) pas un rêve. Tout au plus la strophe de l'hermaphrodite (chant 2, strophe 7) évoque-t-elle deux de ses rêves. Voici ces évocations, qui ne constituent évidemment pas des récits :

      « Il rêve qu'il est heureux; que sa nature corporelle a changé; ou que, du moins, il s'est envolé sur un nuage pourpre, vers une autre sphère, habitée par des êtres de même nature que lui. Hélas ! que son illusion se prolonge jusqu'au réveil de l'aurore ! Il rêve que les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d'immenses guirlandes folles, et l'imprègnent de leurs parfums suaves, pendant qu'il chante un hymne d'amour entre les bras d'un être humain d'une beauté magique. Mais ce n'est qu'une vapeur crépusculaire que ses bras entrelacent; et, quand il se réveillera, ses bras ne l'entrelaceront plus. Ne te réveille pas, hermaphrodite » (éd. 1869, p. 85-86).


Bibliographie

Canovas : les Chants de Maldoror figurent à la bibliographie, mais ne sont pas cités dans la thèse.

      Les ouvrages qui étudient le rêve dans les Chants de Maldoror sont extrêmement nombreux. Mais peu d'entre eux analysent précisément le seul rêve de l'oeuvre :

JEAN, Marcel, et Arpad Mexei, « Le rêve dans les Chants de Maldoror », Arts et lettres, 3e année, no 11 (1947). Leur essai sur Maldoror, paru la même année (Paris, Éd. du Pavoir, 1947), ne comprend pas cette analyse.



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