Roger Caillois,
« Le rêve de Solande »,
conte,
1977
Je me repose, étendu à
côté de Solange déjà assoupie. La
lumière, sinon la chaleur, filtre à travers les
volets clos. Les rideaux tirés, Solange dort. Je
soupçonne même qu'elle rêve. De temps en temps,
des tressaillements rapides parcourent son visage. Je me demande si
je ne pourrais pas distinguer sous ses paupières les
mouvements des globes oculaires qui, avec la lecture de
l'encéphalogramme, assurent les observateurs que le sujet
est en train de rêver. [...]
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de rêve est trop long pour être reproduit
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Situation matérielle.
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[...] Il ne peut
cependant s'empêcher de feindre de temps à autre que
lui-même ou l'un de ses personnages est tombé sur la
chance infinitésimale qui justifie si folle exigence...
D'où l'invention des rêves
parallèles, à quoi je viens sciemment de me laisser
entraîner et qui satisfait en outre implicitement le vieux
désir que l'espace des songes soit pour ainsi dire
public ou au moins poreux et qu'il n'enferme pas
chacun dans une bulle, de toutes la plus étanche, celle qui
exclut radicalement la plus chétive communication entre les
hommes.
Notes
(*) On ne peut pas dire qu'il s'agisse d'un
récit de rêve. Mais puisque le conte fantaisiste
porte sur « une » expérience onirique,
il en est parfois assez proche. Ce serait du moins le cas s'il ne
s'agissait d'un merveilleux récit fantastique, qui prend ici
et là la tournure de l'essai.
De ce point de vue, celui de l'essai, les
trois premiers auteurs cités figurent à la
bibliographie de Freud, lui-même désigné (mais
pas Jung). Deux des trois suivants sont des chercheurs des
États-Unis. Il est remarquable que le grand
spécialiste français, Jouvet, ne figure pas parmi les
auteurs évoqués. Mais il ne participait pas non plus
à l'imposant recueil sur le rêve codirigé par
Roger Caillois (que l'on trouvera en Bibliographie).
(1) A. Maury, le Sommeil et les rêves,
Paris, Didier, 1861.
(2) Hervey de Saint-Denis, les Rêves et
les moyens de les diriger, Paris, 1867.
(3) Yves Delâge, « La
théorie du rêve », Revue
scientifique, 11 juillet 1891.
(4) William C. Dement, Dormir, rêver,
Paris, Seuil, 1981. « La psychophysiologie du
rêve » (p. 64-91), dans le recueil
dirigé par Roger Caillois.
(5) Georges Devereux, « Rêves
pathogènes dans les sociétés non
occidentales » (p. 189-204), dans le recueil
dirigé par Roger Caillois.
(6) Jean Wahl (1888-1974), philosophe (liant
Gabriel Marcel aux existentialistes), poète
également, dont les cours et les conférences sont en
effet remarqués.
(7) C'est au début de l'Étude en
rouge (dernières lignes du chapitre 3) : Conan
Doyle, A study in scarlet, 1887). Sherlock Holmes a
pouffé de rire lorsque le commissaire Lestrade lui a
interprété « rache »,
écrit sur le mur en lettre de sang par la victime, comme
étant le nom de sa meurtrière, une certaine Rachel,
évidemment. Avant de quitter les lieux, Sherlock lance en
pointe à peu près la phrase que cite ici Caillois,
laissant ses rivaux bouche bée.
(8) Le Kathâ-Sarit-Sâgara,
littéralement « l'Océan des Rivières
de contes », regroupe 350 histoires en 18 livres.
Ce chef-d'oeuvre du sanscrit classique est atrribué au
brahmane Somadeva, qui en a signé une version. [Dès
qu'on aura trouvé le conte évoqué ici, on
l'éditera dans ces fichiers].
(9) La « Cité des
songes » paraît être un conte de Kipling,
mais on n'a pas encore trouvé dans lequel de ses recueils il
est paru.
(10) L'identification de ces deux contes est
également à venir.
Références
Roger Caillois, « Le rêve de Solange »,
la Lumière des songes, illustrations de Pierre
Alechinsky, Paris, Fata Morgana, 1984, p. 33-47.
Édition originale
Roger Caillois, « Le rêve de Solange »,
la Revue des deux mondes, janvier 1977.
—, « Le rêve de Solange », la
Lumière des songes, Paris, Fata Morgana, 1984, p. 33-47.
Dans ce petit recueil de deux contes, celui-ci est
précédé d'« Un mannequin sur le
trottoir » (p. 9-27).
Situation narrative
Dans le conte, on trouvera bien des fragments
des rêves croisés de Solange et de Roger, mais on
pourrait difficilement en isoler des
« récits ».
Bibliographie
Canovas : 62.
CAILLOIS, Roger, avec G. E. Von Grunebaum, directeurs, le
Rêve et les sociétés humaines, Paris,
Gallimard, 1967. R. Gaillois est l'auteur du premier article de
l'imposant recueil, après l'introduction :
« Prestiges et problèmes du rêve »
(p. 24-46).
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