Deuxième des « Cinq
rêves »
d'André
Breton
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André Breton,
Clair de terre,
recueil de poésies,
1922
II
J'étais assis dans le
métropolitain en face d'une femme que je n'avais pas
autrement remarquée, lorsqu'à l'arrêt du train
elle se leva et dit en me regardant : « Vie
végétative ». J'hésitai un instant,
on était à la station Trocadéro (1), puis je me levai, décidé à
la suivre.
Au haut de l'escalier nous étions dans
une immense prairie sur laquelle tombait un jour verdâtre,
extrêmement dur, de fin d'après-midi.
La femme avançait dans la prairie sans
se retourner et bientôt un personnage très
inquiétant, d'allure athlétique et coiffé
d'une casquette, vint à sa rencontre.
Cet homme se détachait d'une
équipe de joueurs de football composée de trois
personnages. Ils échangèrent quelques mots sans faire
attention à moi, puis la femme disparut, et je demeurai dans
la prairie à regarder les joueurs qui avaient repris leur
partie. J'essayai bien aussi d'attraper le ballon, mais... je n'y
parvins qu'une fois.
Notes
(1) Station du métro de Paris, du nom du
palais qui abrite plusieurs musées, notamment le Monument
Français et le Musée de l'Homme. Les jardins du
Trocadéro se trouvent devant la tour Eiffel, de l'autre
côté de la Seine
Références
André Breton, Clair de terre,
précédé de Monts de
piété, suivi de le Révolver à
cheveux blancs, et de l'Air et l'eau, Paris, Gallimard
(coll. « Poésie »), 1966, p. 39.
Éditions originales
André Breton, « Récit de trois
rêves », dans la revue Littérature
(Paris), nouvelle série, 1er mars 1922, p. 5-6. Il
s'agit du deuxième des trois rêves dont il est
précisé : « sténographie de
Mlle Olla ». Ils sont accompagnés de la
reproduction d'une toile de Chirico, le Cerveau de l'enfant
(1914). Cf. Pléiade, p. 1191.
André Breton, premier des « Cinq
rêves », Clair de terre, Paris,
Littérature (coll.
« Littérature »), 1923.
Édition critique
André Breton, OEuvres complètes, vol. 1, Clair de
terre, éd. Marguerite Bonnet, Paris, Gallimard (coll.
« Bibliothèque de la pléiade »),
1988, p. 150.
Situation matérielle
Premières des vingt-six pièces
du recueil, deuxième des « Cinq
rêves ».
Situation narrative
Le titre désigne explicitement
« Cinq rêves », tous dédiés
à Georges de Chirico (Giorgio de Chirico, 1888-1978),
peintre italien d'origine grecque, très actif à Paris
vers 1911-1914 et dont les rapports au surréalisme, nombreux
et fluctuants, vont de précurseur à exclu (à
partir de 1926).
L'édition originale des trois premiers de ces rêves
s'accompagnait de la reproduction d'une de ses toiles, le
Cerveau de l'enfant (1914), que possédait André
Breton.
Bibliographie
Canovas : 94.
Alexandrian, Sarane, le Surréalisme et le rêve,
Paris, Gallimard, 1974, p. 245-246. Sauf dans le cas du
quatrième, Alexandrian se contente d'évoquer les
« Cinq rêves » comme illustration du
rêve-programme, c'est-à-dire du rêve
destiné à « dénouer un
problème » (p. 243-245). À son avis,
les quatre premiers des « Cinq rêves »
s'appliquent à des problèmes du mouvement
surréaliste ou de son esthétique.
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