Guy de Maupassant,
le Horla,
nouvelle,
1887
Je dors — longtemps — deux ou
trois heures — puis un rêve — non — un
cauchemar m'étreint (a). Je sens bien
que suis couché et que je dors,... je le sens et je le
sais... et je sens aussi que quelqu'un s'approche de moi, me
regarde, me palpe, monte sur mon lit, s'agenouille sur ma poitrine,
me prend le cou entre ses mains et serre... serre... de toute sa
force pour m'étrangler.
Moi, je me débats, lié par cette
impuissance atroce, qui nous paralyse dans les songes; je veux
crier, — je ne peux pas; — je veux remuer, — je
ne peux pas; — j'essaie, avec des efforts affreux, en
haletant, de me tourner, de rejeter cet être qui
m'écrase et qui m'étouffe, — je ne peux
pas !
Et soudain, je m'éveille,
affolé, couvert de sueur. J'allume une bougie. Je suis
seul.
Après cette crise, qui se renouvelle
toutes les nuits, je dors enfin, avec calme, jusqu'à
l'aurore.
Variantes
(a) Une première version du Horla a
paru en 1886. Considérablement plus courte, elle ne
comprend pas ce rêve, ni aucun autre.
Références
Guy de Maupassant, OEuvres complètes vol. 12,
le Horla, Paris, Louis Conard, 1902, p. 8.
Édition originale
Guy de Maupassant, le Horla, Ollendorf, Paris, 1887.
Éditions critiques
Guy de Maupassant, Contes et nouvelles, éd. L.
Forestier, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la
pléiade »), 1974-79.
Guy de Maupassant, le Horla et autres contes d'angoisse,
éd. Antonia Fonyi et Pierre Cogny, Paris, Garnier
Flammarion, 1984, p. 56.
Guy de Maupassant, le Horla , éd. Yvan Leclerc,
Paris, CNRS, Bibliothèque Nationale, Zulma (coll.
« Manuscrits »), 1993.
Guy de Maupassant, « le Horla »,
première et deuxième version, suivi de
« Lettre d'un fou », édition de
Martine Bercot, Paris, Le Livre de poche (coll. « Les
classiques d'aujourd'hui »), 1994, p. 39-40.
Guy de Maupassant, les Horlas, Actes Sud (coll.
« Babel »), Paris, 1995, p. 41-42.
Situation matérielle
Le Horla est écrit sous forme de
journal. Le rêve se trouve en date du 25 mai (quelques pages
après le début du conte) et constitue la seconde
partie de ce qui est narré sous cette journée.
Situation narrative
Dès le début du conte,
après avoir décrit l'environnement immédiat,
le narrateur sent une force mystérieuse et malsaine, une
présence floue prendre place autour de lui. Ne pouvant
l'identifier, il diagnostique d'abord un trouble d'humeurs. Peu
à peu, des symptômes physiques tels que la
fièvre se déclarent et perturbent le narrateur
à un tel point qu'il consulte un médecin qui ne lui
trouve aucune maladie proprement dite. Confus et apeuré par
la nuit qui approche, le narrateur s'endort et fait ce
rêve.
Bibliographie
Pierre Bayard, Maupassant, juste avant Freud , Paris,
Éditions de Minuit (collection
« Paradoxe »), 1994, p. 21.
Canovas : 56.
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