Aurélia, seconde vision (*)
|
Gérard de Nerval,
Aurélia,
récit,
1855
L'espoir rentra dans mon âme. J'avais
rendez-vous à quatre heures chez mon ami Georges; je me
dirigeai vers sa demeure. En passant devant un marchand de
curiosités, j'achetai deux écrans de velours,
couverts de figures hiéroglyphiques. Il me sembla que
c'était la consécration du pardon des cieux.
J'arrivai chez Georges à l'heure précise et je lui
confiai mon espoir. J'étais mouillé et
fatigué. Je changeai de vêtements et me couchai sur
son lit. Pendant mon sommeil, j'eus une vision merveilleuse. Il me
semblait que la déesse m'apparaissait, me disant :
« Je suis la même que Marie, la même que ta
mère, la même aussi que sous toutes les formes tu as
toujours aimée. À chacune de tes épreuves,
j'ai quitté l'un des masques dont je voile mes traits, et
bientôt tu me verras telle que je suis ». Un verger
délicieux sortait des nuages derrière elle, une
lumière douce et pénétrante éclairait
ce paradis, et cependant je n'entendais que sa voix, mais je me
sentais plongé dans une ivresse charmante. — Je
m'éveillai peu de temps après et je dis à
Georges : « Sortons ».
Notes
(*) Le phénomène est explicitement
désigné ici comme une vision. Et en effet, une
apparition, une réplique et un paysage ne forment pas une
histoire (ou un récit de rêve), bien qu'ils
constituent évidemment un jalon important dans le
déroulement d'Aurélia et notamment l'enfilade
des rêves et des visions.
Références
Gérard de Nerval, OEuvres, texte établi,
annoté et présenté par Albert Béguin et
Jean Richer, Paris, Gallimard (coll.
« Bibliothèque de la pléiade »),
1952, p. 399-400.
Édition originale
Gérard de Nerval, « Aurélia »,
Revue de Paris, (1er janvier 1855, pour la première
partie, 15 février pour la seconde).
Éditions critiques
Gérard de Nerval, OEuvres, texte établi,
annoté et présenté par Albert Béguin et
Jean Richer, Paris, Gallimard (coll.
« Bibliothèque de la pléiade »),
1952, p. 399-400, rééd. 1955,
p. 403-404.
—, Aurélia, éd. de Pierre-Georges
Castex, Paris, SEDES, 1971, p. 68-69.
—, Aurélia [et autres oeuvres], éd. de
Jacques Bony, Paris, Flammarion (coll.
« GF-Flammarion »), 1990, p. 299.
—, Aurélia ou Le Rêve et la vie; les Nuits
d'octobre; Petits Châteaux de Bohême; Promenades et
souvenirs, préface et commentaire par Gabrielle
Chamarat-Malandain, Paris, Pocket (coll. « Lire et voir
les classiques »), 1994.
Situation matérielle
Cette vision se trouve au chapitre 5 de la
deuxième partie d'Aurélia.
Situation narrative
Après une brève prière
à l'autel de la Vierge, le narrateur s'achète un
anneau d'argent. Il visite ensuite une galerie d'ostéologie
où la vue de tous ces monstres lui rappelle le
déluge. À sa sortie de la galerie, un
« orage épouvantable » s'abat dans le
jardin et inonde les rues avoisinantes. Il y jette son anneau et
l'orage s'apaise. Suivent les événements
racontés dans le texte édité ici.
Bibliographie
Voir le Premier
rêve dans Aurélia.
|