Le rêve de madame Gaudin (*)
|
Honoré de Balzac,
la Peau de chagrin,
roman,
1831
Je l'ai vu en rêve sur un vaisseau plein
de serpents; heureusement l'eau était trouble, ce qui
signifie or et pierreries d'outre-mer (1).
Notes
(*) Le fragment désigne un rêve ou en
évoque un fragment. Il ne s'agit pas d'un récit.
(1) À première vue, il s'agit de
l'évocation ou de la désignation du contenu du
rêve et non d'un récit. Selon Frédéric
Canovas, il n'y a pas assez d'éléments pour amener le
lecteur à s'identifier au rêve et à la
rêveuse, pas assez du moins pour laisser de côté
le récit principal afin de se concentrer sur le récit
de rêve (p. 29).
Situons la phrase dans le contexte de la
réplique de Mme Gaudin :
« — Il ne faut pas prendre
tant de souci, me dit la mère. Restez ici. Mon mari est en
route à cette heure, reprit-elle. Ce soir, j'ai lu
l'Évangile de saint Jean pendant que Pauline tenait
suspendue entre ses doigts notre clef attachée dans une
Bible, la clef a tourné. Ce présage annonce que
Gaudin se porte bien et prospère. Pauline a
recommencé pour vous et pour le jeune homme du numéro
sept (2); mais la clef n'a tourné que
pour vous. Nous serons tous riches, Gaudin reviendra millionnaire.
Je l'ai vu en rêve sur un vaisseau plein de serpents;
heureusement l'eau était trouble, ce qui signifie or et
pierreries d'outre-mer ».
Si l'on considérait que la phrase
précédente (« Nous serons tous riches,
Gaudin reviendra millionnaire ») pouvait faire partie
implicitement du rêve, ce qui n'est pas le cas toutefois (Mme
Gaudin n'a évidemment pas rêvé qu'il
était d'abord pauvre, s'enrichissait ensuite, puis
revenait.., il faut bien le dire), alors il s'agirait d'un
récit minimal avec son événement et la
transformation d'une situation, transformation qui se
réalisera effectivement, comme on sait : Gaudin
reviendra millionnaire et son épouse comme sa fille Pauline
seront très riches.
(2) Il s'agit d'un étudiant qui loge aussi
à l'hôtel Saint-Quentin.
Références
Honoré de Balzac, la Comédie humaine : la
Peau de chagrin, v. 27, Paris, Louis Conard
libraire-éditeur, 1910, p. 133.
Édition originale
Honoré de Balzac, la Peau de chagrin, roman
philosophique, Paris, Urbain Canel et Charles Gosselin, 1831,
2 vol.
Éditions critiques
Honoré de Balzac, la Comédie humaine : la
Peau de chagrin, tome IX, Paris, Gallimard (coll.
«Bibliothèque de la pléiade»), 1950,
p. 117.
Situation matérielle
Vers la moitié de la deuxième
des trois parties du roman, intitulée « La Femme
sans coeur ».
Situation narrative
En 1830, Raphaël de Valentin, qui allait
se suicider, se trouve en possession d'un talisman. Il s'agit
d'une « peau de chagrin » qui tout en lui
permettant de réaliser tous ses désirs se raccourcira
avec chacun d'entre eux, et sa vie tout autant. Là-dessus,
il raconte son histoire à son ami Émile et en
particulier comment il a délaissé la belle jeune
Pauline pour la flamboyante Fabiola, la « femme sans
coeur » qui l'a conduit au suicide. Pauline était
la fille de sa logeuse, Mme Gaudin, dont le mari était
disparu depuis plus de quinze ans au cours des guerres
napoléoniennes. Prisonnier en Sibérie, il se serait
enfui en Orient. Raphaël passera trois ans à
l'hôtel Saint-Quentin tenu par Mme Gaudin et sa fille. Un
soir, pour réconforter l'étudiant dont sa fille s'est
manifestement éprise, sa logeuse lui fait ingénument
part de ses « présages », dont le
rêve qu'elle évoque dans ce contexte.
Bibliographie
Canovas : 29.
|