TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

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Le quatrième rêve d'Ursule Mirouët
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Honoré de Balzac, Ursule Mirouët, roman, 1841

      Cette nuit même, Ursule eut une apparition qui se fit d'une façon étrange. Il lui sembla que son lit était dans le cimetière de Nemours (1), et que la fosse de son oncle (2) se trouvait au bas de son lit. La pierre blanche où elle lut l'inscription tumulaire lui causa le plus violent éblouissement en s'ouvrant comme la couverture oblongue d'un album. Elle jeta des cris perçants, mais le spectre du docteur se dressa lentement. Elle vit d'abord la tête jaune et les cheveux blancs qui brillaient environnés par une espèce d'auréole. Sous le front nu les yeux étaient comme deux rayons, et il se levait, comme attiré par une force supérieure. Ursule tremblait horriblement dans son enveloppe corporelle, sa chair était comme un vêtement brûlant, et il y avait, dit-elle plus tard (a), comme une autre elle-même qui s'agitait au dedans. — Grâce, dit-elle, mon parrain ! — Grâce ! il n'est plus temps, dit-il d'une voix de mort selon l'inexplicable expression de la pauvre fille en racontant ce nouveau rêve au curé Chaperon (3). Il a été averti, il n'a pas tenu compte des avis. Les jours de son fils sont comptés. S'il n'a pas tout avoué, tout restitué dans quelque temps, il pleurera son fils, qui va mourir d'une mort horrible et violente. Qu'il le sache ! Le spectre montra une rangée de chiffres (4) qui scintillèrent sur la muraille comme s'ils eussent été écrits avec du feu, et dit : — Voilà son arrêt ! Quand son oncle se recoucha dans sa tombe, Ursule entendit le bruit de la pierre qui retombait, puis dans le lointain un bruit étrange de chevaux et de cris d'homme (5).

      Le lendemain, Ursule se trouva sans force. Elle ne put se lever, tant ce rêve l'avait accablée.

      [...]

      — Vous êtes bien tourmenté, monsieur Minoret (6), dit le prêtre en se montrant au coupable. Vous m'appartenez, car vous souffrez. Malheureusement, je viens sans doute augmenter vos appréhensions. Ursule a eu cette nuit un rêve terrible. Votre oncle a soulevé la pierre de sa tombe pour prophétiser des malheurs dans votre famille. [...] Vous êtes menacé de perdre votre fils (p. 188).


Notes

(1) Nemours : petite ville de province où demeure Ursule Mirouët.

(2) Oncle : le docteur Minoret est l'oncle et le parrain d'Ursule. En mourant, il lui léguait sa fortune mais son neveu, François Minoret-Levreault, a tout volé.

(3) Curé Chaperon : un des hommes qui lutteront beaucoup afin qu'Ursule retrouve son héritage. Il est le confident des rêves de la jeune femme.

(4) Certainement les numéros consécutifs des trois rentes d'État prises « au porteur » pour qu'Ursule les tienne de Sauvinien et dont la clé s'en trouvait explicitement dans le rêve récurrent ou le récit des trois premier rêves d'Ursule, comme le curé le comprendra dans les jours qui viennent. Cf. « Les trois premiers rêves d'Ursule Mirouët », n. (13).

(5) Hennissements et hurlements préfigurant l'accident qui vient d'être prophétisé et dont Désiré Minoret-Levreault sera en effet victime à la toute fin du roman. Entre l'accident et le décès du jeune homme, Ursule est encore le sujet d'une apparition tellement fulgurante qu'elle s'évanouit : « j'ai vu mon parrain à la porte [il s'agit de la porte de l'église où elle allait avec d'autres prier pour la survie de Désiré], dit-elle, et il m'a fait signe qu'il n'y avait aucun espoir » (Pléiade, éd. 1976, p. 986).

(6) Minoret-Levreault : le neveu du docteur Minoret et le voleur de l'héritage d'Ursule.


Variantes

(a) « ... dit-elle plus tard... » : l'incise ne se trouve pas dans le manuscrit (Pléiade, éd. 1976, p. 970, v. a).

      On voit comment le narrateur tient, dès l'impression du roman en feuilleton, à justifier son « récit de rêve » en le portant en quelque sorte au second degré : on trouve donc largement le récit du récit d'Ursule, évidente figure d'authentification narrative.


Références

Honoré de Balzac, la Comédie humaine : Ursule Mirouët, vol. 15, Paris, Furne, Hetzel et Dubochet et Cie éditeurs, 1843, p. 187-188.

Édition originale

Honoré de Balzac, Ursule Mirouët, Paris, Le Souverain, 1841.

Éditions critiques

Honoré de Balzac, la Comédie humaine : Ursule Mirouët, édition de Marcel Bouteron, tome III, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1951-1952, p. 461-462.

Honoré de Balzac, la Comédie humaine : Ursule Mirouët, sous la direction de P.-G. Castex, édition de Madeleine Ambrière-Fargeaux, tome III, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1976, p. 970.


Situation matérielle

      Vers la fin de l'ouvrage, fin de la deuxième et dernière partie : « La succession Minoret ».


Situation narrative

      Ursule Mirouët, orpheline, a été recueillie toute jeune par le docteur Minoret. Il l'élève comme sa fille et la désigne comme son héritière. Mourant, il lui indique où trouver son testament, mais Minoret-Levreault, son neveu, entend cette conversation, s'empare du document et hérite de la fortune de son oncle. Ursule se retire donc dans une simple maison et continue sa vie de piété et d'honnêteté. Cependant, son parrain lui apparaît en rêve pour lui faire prendre conscience que l'héritage lui appartenait de droit.


Bibliographie

Canovas : 90, 107.



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