Les cauchemars d'Élisabeth au manoir de M.
Edme
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Julien Green,
Minuit,
roman,
1936
Des régions merveilleuses où le
sommeil l'entraînait, un mouvement involontaire la ramena
brusquement dans son lit et elle entendit à nouveau le
chuchotement de tout à l'heure (1),
mais cette fois elle comprit que c'était le drap qui faisait
ce bruit en se froissant, et avec un soupir de bonheur elle se
rendormit. Au moment où elle perdait conscience, elle
rêva qu'un main tournait délicatement la clef dans la
serrure de sa chambre (2).
[...]
Quelques minutes plus tard (3), [...]
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de rêve est trop long pour être reproduit
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Références et
Situation matérielle.
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[...] D'un bout à l'autre, la scène se
déroula dans sa mémoire avec une précision
minutieuse et ce caractère irréfutable des choses
réelles, et tout d'abord elle ne douta pas qu'elle eût
reçu la visite d'une personne vivante, mais la raison vint
aussitôt à son secours et lui fournit tous les
arguments nécessaires pour récuser ces
visions (4).
Notes
(1) Élisabeth vient de regagner sa chambre,
à Fontfroide, au manoir de monsieur Edme. Couchée
nue, ses draps font « un bruit si singulier chaque fois
qu'elle déplaçait sa tête, une espèce de
murmure comme celui du vent dans les feuilles ». Alors,
elle se « cache » sous son drap, s'en
recouvrant la tête. Mais il lui semble qu'on remue dans sa
chambre et bientôt elle entend « un souffle rauque
chuchoter à son oreille ». Alors elle s'endort,
comme on s'évanouit.
(2) Cette vision ou le sujet de ce rêve se
trouve évidemment développée dans le
récit qui suit, trois chapitres plus loin.
(3) Élisabeth, qui se sent de plus en plus
observée, vient de jeter un coup d'oeil à sa
fenêtre pour regarder la grande croisée d'où il
lui a semblé qu'on la regardait le matin. Il n'y a
là qu'obscurité.
(4) Le lecteur, lui, n'a pas besoin de beaucoup de
perspicacité, évidemment, pour soupçonner que
c'est monsieur Edme qui entre ainsi dans sa chambre et
l'observe.
Références
Julien Green, Minuit, Paris, Librairie Plon, 1936,
p. 170,
193-195.
Édition originale
Julien Green, Minuit, Paris, Plon (coll. « La
Palatine »), 1936.
Édition critique
Julien Green, OEuvres complètes : Minuit,
éd. Jacques Petit, Paris, Gallimard (coll.
« Bibliothèque de la pléiade »),
vol. 2, 1972, p. 532, 533.
Situation matérielle
Troisième partie du roman. La
brève vision (ou
l'évocation d'un rêve) se trouve à la fin du
chapitre 4, puis le récit de rêve à la fin
du chapitre 6.
Situation narrative
La mère d'Élisabeth s'est
suicidée dans un champ par amour pour un homme. Le petite
fille est recueillie tout d'abord par ses tantes qui ne l'aiment
pas ni ne la considèrent. C'est Rose, celle qui semble la
plus raisonnable et la plus sensée qui la prend sous son
aile mais ce n'est guère pour longtemps. Le premier soir,
après avoir été obligée de se coucher
dans une chambre à débarras sans aucune
lumière, Élisabeth fait un cauchemar : elle
assiste à son propre enterrement. Se réveillant en
sursaut, elle décide de sortir de la chambre car elle a
entendu un bruit. Quelle n'est pas sa surprise lorsqu'elle
aperçoit sa tante en train de laver
frénétiquement le plancher de la cuisine en parlant
à son mari et à ses enfants
décédés. C'est à ce moment qu'elle
décide de s'enfuir.
Pendant quelques années, elle se
réfugie chez monsieur Lerat, un homme qu'elle a
rencontré le soir de sa fuite; mais à la mort de ce
dernier, on l'envoie à Fontfroide, une prétendue
maison d'enseignement. C'est à cet endroit qu'elle fera
plusieurs fois le cauchemar laissant deviner que monsieur Edme la
visite au cours de son sommeil et l'observe secrètement. On
en trouve d'abord une brève préfiguration, sous la
forme d'une vision (« elle rêva qu'une main
tournait délicatement la clef dans la serrure de sa
chambre »), puis un récit proprement dit.
Bibliographie
Canovas : 23, 39, 62.
BRUDO, Annie, Rêve et fantastique chez Julien Green,
Paris, Presses universitaires de France, 1995, p. 138-176.
DERIVIÈRE, Philippe, Julien Green : Les Chemins de
l'errance, Bruxelles, Éditions Talus d'approche, coll.
« Essais », 1994, p. 116-136.
FIELD, Trevor, « The litterary significance of dreams in
the novels of Julien Green », Modern Language
Review, Cambridge, 1980, no 75, p. 291-300, notamment
p. 294.
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