TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

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Introduction Auteurs OEuvres Chronologie


Les visions d'Hedwige,
deuxième nuit de rêves
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Julien Green, le Malfaiteur, roman, 1955

      Elle (1) rêva. Il (2) était nu devant elle. Son corps brillait pareil à celui d'une idole, et elle voyait sa poitrine et ses flancs palpiter comme s'il avait couru, mais il ne bougeait pas : il attendait. Une expression singulière passa sur ses traits, d'abord dans ses prunelles bleues où elle crut lire un défi, puis sur ses lèvres charnues qui se tendirent un peu, en un sourire féroce qui montrait des dents d'une blancheur enfantine. Du temps s'écoula. [...]

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Cette oeuvre n'est pas du domaine public et ce récit de rêve est trop long pour être reproduit comme une citation partielle de l'oeuvre dans le cadre d'une utilisation équitable pour fin d'analyse, de critique ou de recherche. Les premières et les dernières lignes du texte vous serviront à le localiser dans l'ouvrage : voyez les rubriques Références et Situation matérielle.

[...]       — J'ai rêvé à vous, dit Hedwige.

      — Étais-je donc si terrible ? demanda Mme Pauque en riant. Que faisais-je donc dans votre rêve ?

      Mais la jeune fille ne se souvenait plus de rien. Avec une irritation grandissante, elle essayait de retenir les derniers lambeaux de ce cauchemar qui s'évanouissait dans sa tête, mais dont il lui restait une blessure.


Notes

(1) Hedwige, l'héroïne du roman.

(2) Gaston Dolange, le garçon dont Hedwige est amoureuse.

(3) Jean, le cousin d'Hedwige, qui demeure chez les Vasseur. Il est homosexuel et amoureux, lui aussi, du jeune Gaston Dolange. Réfugié à Naples, d'où il vient d'écrire à Hedwige pour la supplier de renoncer à Dolange, il se suicidera bientôt de désespoir.

(4) Mme Pauque est la soeur de Mme Vasseur; ce sont les deux tantes de l'héroïne. Ce jour-là, elle a lu à Hedwige la lettre de Jean, puis avec son accord l'a déchirée et jetée dans une bouche d'égoût.

(5) L'antiquaire : il s'agit d'Arlette, une amie d'Ulrique, qui connaît bien Gaston Dolange. Hedwige est allée la voir pour lui demander de lui permettre de rencontrer Dolange en privé à son magasin.

(6) Le commentaire de Jacques Petit dans l'édition définitive s'ouvre ainsi : « Ce rêve, comme il arrive presque toujours dans les romans de Julien Green, ressemble vraiment à un rêve » (Pléiade, vol. 3, p. 358, n. 2). Selon lui, Hedwige a compris ou croit avoir compris les explications de Jean, d'Arlette et de Mme Pauque, mais « inconsciemment elle n'admet pas cette explication », c'est-à-dire l'« impuissance » de Jean. Le rêve suggère donc la bonne explication, celle que le lecteur connaît évidemment (ce qui tient au simple fait que Gaston Dolange fuit la rêveuse du regard), tandis qu'il accable la pauvre héroïne de son aveuglement.


Références

Julien Green, le Malfaiteur, Paris, Plon, 1955, p. 180-182.

Édition originale

Julien Green, OEuvres complètes, romans : le Malfaiteur, Paris, Plon, 1955, vol. 4.

Édition critique

Julien Green, OEuvres complètes : le Malfaiteur, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1972, vol. 3, p. 361.


Situation matérielle

      Le rêve se situe au début de l'avant-dernier chapitre du roman : deuxième partie, chapitre 4 (ou troisième partie, chapitre 3 de l'édition définitive).


Situation narrative

      L'histoire se déroule dans la maison des Vasseur, une riche famille de province. Ils sont hautains, prétentieux et ne pensent qu'à leur réputation. Ils hébergent un cousin âgé, Jean, un homosexuel amoureux d'un jeune homme qui le rejette et une autre cousine, la jeune Hedwige, chez eux depuis l'âge de dix ans. Orpheline, la jeune fille demeure chez les Vasseur et vit enjouée et insouciante jusqu'au jour où elle rencontre Gaston Dolange dont elle tombe follement amoureuse. Malheureusement, il s'avère que le jeune homme ne s'intéresse nullement à elle car il est également homosexuel; il s'agit en effet de l'homme que Jean aime. S'enfuyant à Naples car il est poursuivi par la police, Jean se suicide. Hedwige fera de même mais en ne sachant toujours pas clairement pourquoi Gaston Dolange lui est interdit, alors que tous autour d'elle connaissent son homosexualité.

      Le lecteur de l'édition définitive vient de lire la longue « confession » de Jean qui forme l'essentiel de la seconde partie du roman et, au chapitre précédent, Mme Pauque a lu à Hedwige la lettre que son cousin Jean lui adresse de Naple : il lui demande de renoncer à Gaston Dolange. Malgré que la lettre soit parfaitement explicite sur ce point et malgré les commentaires de Mme Pauque, Hedwige ne comprend toujours pas que Dolange est homosexuel et ne s'explique pas pourquoi tous lui demandent de renoncer à lui. Elle finit par inventer une explication qu'elle croit fort honteuse : Gaston Dolange est impuissant ! Et c'est de cette explication que découle le rêve.


Bibliographie

Canovas : 23, 47.

FIELD, Trevor, « The litterary significance of dreams in the novels of Julien Green », Modern Language Review, Cambridge, 1980, no 75, p. 291-300 (curieusement, Field ne dit pas un mot des rêves de ce roman).



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