Le réveil de Joseph Day (*)
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Julien Green,
Moïra,
roman,
1950
Lorsqu'il (1) eut fini, il se
laissa tomber sur le dos près de la morte et sombra dans un
lourd sommeil (2).
Au bout d'un long moment, il rêva qu'on
le secouait par l'épaule pour le réveiller, et il
ouvrit les yeux. La même lueur d'incendie éclairait le
plafond. Il baissa les paupières afin de ne pas la (3) voir, essayant de se rendormir, mais avec une
précision intraitable, sa mémoire lui
retraçait les détails de cette nuit.
Notes
(*) Il ne s'agit évidemment pas d'un
récit de rêve, le meurtrier n'ayant malheureusement
pas rêvé son crime. On assiste simplement à
son endormissement et à son réveil.
(1) Joseph Day, le héros de l'histoire, qui
vient de rhabiller Moïra après l'avoir tuée.
(2) Selon Jacques Petit, « ce
détail rappelle la fin de la bataille avec Praileau
(p. 27), la fin de la scène de violence avec Mac
Allister (p. 80). Dans les trois cas, Joseph obéit
à une force dont il n'est pas maître, lui semble-t-il.
Ici il agit comme dans un rêve, un mauvais
rêve » (Pléiade, vol. 3, p. 174,
n. 2). Le détail en question, aussi extraordinaire que
cela puisse paraître, est que le personnage
« sombre dans un profond sommeil » !
(3) Le cadavre de Moïra.
Références
Julien Green, Moïra, Genève-Paris, Plon (coll.
« La Palatine », « Les maîtres
du roman »), 1952, p. 230.
Édition originale
Julien Green, Moïra, Paris, Plon, 1950.
Édition critique
Julien Green, Moïra, éd. Jacques Petit, Paris,
Gallimard (coll. « Bibliothèque de la
pléiade »), 1972, vol. 3, p. 174.
Situation matérielle
Deuxième partie, début du
chapitre 22 (sur 25).
Situation narrative
« Joseph Day est un jeune homme
timide que son austérité et son puritanisme livrent
aux moqueries de ses camarades d'université. En
réalité, il ignore ou feint d'ignorer les passions
qui sont en lui. Ainsi les mobiles profonds du suicide de Simon,
qui s'est tué par amour pour lui, lui échappent-ils.
Mais lorsque sa logeuse lui apprend qu'il couche dans le lit de la
jeune et belle Moïra, momentanément absente, des images
obsédantes commencent à l'assaillir. Un jour, sur
l'instigation de ses camarades qui ont décidé de lui
faire perdre sa virginité, Moïra s'introduit chez
Joseph et le séduit. Repentant, fou de désespoir,
Joseph tue au petit matin Moïra et l'enterre dans le jardin.
Les dernières paroles du jeune homme, qui refuse de s'enfuir
avec un ami, Bruce Praileau, sont suffisamment ambiguës pour
nous faire comprendre qu'il renonce à présent
à sa liberté en même temps qu'à ses
passions charnelles » (Dictionnaire des grandes
oeuvres de la littérature française).
Après le meurtre de Moïra, Joseph
sombre pour quelques heures dans un profond sommeil, puis il se
réveille. On ne trouve ici, aucun récit de
rêve.
Bibliographie
Canovas : Le roman se trouve en bibliographie, mais n'est pas
évoqué dans la thèse.
FIELD, Trevor, « The litterary significance of dreams in
the novels of Julien Green », Modern Language
Review, Cambridge, 1980, no 75, p. 291-300, notamment
p. 298.
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