TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - édition de Guy Laflèche TGdM

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Le rêve d'Adrienne Mesurat
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Julien Green, Adrienne Mesurat, roman, 1927

Presque tout de suite, elle tomba dans le plus profond sommeil.

[...]

La clarté de la lune pénétrait librement par la fenêtre dont on n'avait pas fermé les volets, dessinant au pied du lit d'Adrienne un rectangle allongé et donnant au tapis et au parquet cette teinte étrange (a) qui semble toujours faite de couleurs mortes. Pas un bruit ne parvenait de la rue ni de l'intérieur de l'hôtel.

Il y avait une demi-heure qu'Adrienne dormait, lorsqu'elle vit entrer Germaine (1). Elle n'avait pas entendu la porte s'ouvrir mais elle vit passer sa soeur tout près de son lit. Germaine ne la regarda pas. Elle marcha d'un pas délibéré vers la cheminée où Adrienne avait posé les médicaments (2). [...]

Droits d'auteur / Copyrights

Cette oeuvre n'est pas du domaine public et ce récit de rêve est trop long pour être reproduit comme une citation partielle de l'oeuvre dans le cadre d'une utilisation équitable pour fin d'analyse, de critique ou de recherche. Les premières et les dernières lignes du texte vous serviront à le localiser dans l'ouvrage : voyez les rubriques Références et Situation matérielle.

[...] Elle n'aurait pas dû s'avouer ainsi qu'elle avait peur. Une minute, elle demeura les paumes collées au mur, attentive au moindre bruit et presque hors d'elle-même; le son de sa propre respiration l'affolait, elle crut y reconnaître le bruit du souffle de quelqu'un d'autre, un souffle épais, rauque.

Une horloge sonna la demie de onze heures. Il y avait au moins cinq heures avant l'aube.


Notes

(1) Germaine, la soeur aînée d'Adrienne, depuis longtemps malade, hospitalisée avant la mort de leur père et qu'Adrienne n'a pas revue depuis.

(2) Craignant d'être enrhumée, Adrienne est passée à la pharmacie où elle a acheté un sachet de poudre et une bouteille de sirop.

(3) Comme l'interprète à bon droit Jacques Petit, les images (cercueil, terre et mains jointes) impliquent qu'Adrienne rêve « Germaine morte ». Comme lui, on peut croire également que le narrateur tente de suggérer la peur d'Adrienne « d'avoir contracté la même maladie que sa soeur » (Pléiade, vol. 1, p. 446, n. 2).

(4) La « conviction » de la jeune fille sera évidemment celle du lecteur (confirmée d'ailleurs par l'auteur dans son journal -- cf. Pléiade, vol. 1, p. 445, n. 1), d'autant que la scène muette devant l'armoire de la chambre d'hôtel est rigoureusement symétrique à celle qui s'est passée entre Adrienne et son père devant le coffret de son armoire, dans sa propre chambre, scène ayant servi de prétexte au meurtre instinctif.

(5) Si le cauchemar s'achève ici, on verra maintenant que les réactions d'Adrienne en constituent le rappel, parfois même l'analyse explicite.

(6) La scène ne rappelle aucun épisode particulier, mais laisse deviner le rapprochement de deux scènes, comme l'explique précisément Jacques Petit dans son commentaire (Pléiade, vol. 1, p. 447, n. 1) : soit d'abord le soir du meurtre où Adrienne s'est dévêtue dans sa chambre après s'être d'abord endormie en haut de l'escalier; soit aussi la « scène de la glace », le moment où elle prend conscience de son désespoir (au centre du chapitre 4 de la première partie).


Variantes

(a) La suite de la phrase est ajoutée à l'édition en feuilleton dans l'édition originale en volume.

(b) La suite de la phrase est une nouvelle addition. On voit (cf. variante suivante) qu'elle consiste à déplacer l'expression de la « conviction » d'Adrienne, évidemment pour que le lecteur ne soit pas forcé d'interpréter rétrospectivement la scène qui commence, comme c'était le cas dans l'édition en feuilleton.

(c) L'édition originale en feuilleton portait ici seulement la précision suivante (var. b) : « et qui dans son esprit ne pouvait être que son père ».


Références

Julien Green, Adrienne Mesurat, Paris, Plon, 1927, p. 242-248..

Éditions originales

Julien Green, « Adrienne Mesurat », la Revue hebdomadaire, janvier à mars 1927.

--, Adrienne Mesurat, Paris, Plon (coll. « Le Roseau d'or », « OEuvres et chroniques », no 15), 1927, p. 242-248.

Éditions critiques

Julien Green, OEuvres complètes, éd. Jacques Petit, vol. 1, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1972, « Adrienne Mesurat », p. 283-519, p. 445-448.


Situation matérielle

Deuxième partie (sur trois), dernières pages du cinquième et dernier chapitre.


Situation narrative

Adrienne Mesurat a laissé passer beaucoup de temps et beaucoup de jeunes hommes qui pouvaient lui faire la cour. Mais elle est secrètement amoureuse du docteur Maurecourt, important personnage de la petite ville de La Tour- l'Évêque. La jeune fille vit étouffée, entre une grande soeur malade, Germaine, hostile, et un père tyrannique, qu'elle finit un jour par tuer, le poussant dans l'escalier.

Quelques temps plus tard, l'héritage réglé, sa soeur en convalescence dans un hospice, elle décide de quitter la maison pour avoir un peu de recul. Elle prend une chambre d'hôtel à Dreux. Elle fait une promenade, est suivie par un ouvrier qu'elle congédie, puis se réfugie dans sa chambre qu'elle juge sordide, ayant retardé le plus possible le moment d'aller dormir.


Bibliographie

Canovas : ce rêve ne fait pas partie de son corpus.

FIELD, Trevor, « The litterary significance of dreams in the novels of Julien Green », Modern Language Review, Cambridge, 1980, no 75, p. 291-300, notamment p. 291-292.



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