Le premier rêve de Jacques Marles
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Joris-Karl Huysmans,
En rade,
roman,
1887
Il s'appliquait à engourdir ses
angoisses par des occupations mécaniques et vaines; il
compta les losanges du panneau, constatant avec soin les morceaux
rapportés du papier de tenture dont les dessins ne
joignaient pas; soudain un phénomène bizarre se
produisit : les bâtons verts des treilles
ondulèrent, tandis que le fond saumâtre du lambris se
ridait tel qu'un cours d'eau.
Et ce friselis de la cloison jusqu'alors
immobile s'accentua; le mur, devenu liquide, oscilla, mais sans
s'épandre; bientôt, il s'exhaussa, creva le plafond,
devint immense, puis ses moellons coulants
s'écartèrent et une brèche énorme
s'ouvrit, une arche formidable sous laquelle s'enfonçait une
route.
Peu à peu, au fond de cette route, un
palais surgit qui se rapprocha, gagna sur les panneaux, les
repoussant, réduisant ce porche fluide à
l'état de cadre, rond comme une niche, en haut, et droit, en
bas.
Et ce palais qui montait dans les nuages avec
ses empilements de terrasses, ses esplanades, ses lacs
enclavés dans des rives d'airain, ses tours à
collerettes de créneaux en fer, ses dômes
papelonnés (1) d'écailles, ses
gerbes d'obélisques aux pointes couvertes ainsi que des pics
de montagne d'une éternelle neige, s'éventra sans
bruit, puis s'évapora, et une gigantesque salle apparut
pavée de porphyre, supportée par de vastes piliers
aux chapiteaux fleuronnés de coloquintes de bronze et de lys
d'or.
Derrière ces piliers,
s'étendaient des galeries latérales, aux dalles de
basalte bleu et de marbre, aux solivages de bois d'épine et
de cèdre, aux plafonds caissonnés (2), dorés comme des châsses; puis, dans
la nef même, au bout du palais arrondi tel que les chevets
à verrières des basiliques, d'autres colonnes
s'élançaient en tournoyant jusqu'aux invisibles
architraves d'un dôme, perdu, comme exhalé, dans
l'immesurable fuite des espaces.
Autour de ces colonnes réunies entre
elles par des espaliers de cuivre rose, un vignoble de pierreries
se dressait en tumulte, emmêlant des cannetilles d'acier,
tordant des branches dont les écorces de bronze suaient de
claires gommes de topazes et des cires irisées d'opales.
Partout grimpaient des pampres
découpés dans d'uniques pierres; partout flambait un
brasier d'incombustibles ceps, un brasier qu'alimentaient les
tisons minéraux des feuilles taillées dans les lueurs
différentes du vert, dans les lueurs vert-lumière de
l'émeraude, prasines (3) du
péridot (4), glauques de
l'aigue-marine, jaunâtres du zircon (5), céruléennes (6) du béryl (7);
partout, du haut en bas, aux cimes des échalas, aux pieds
des tiges, des vignes poussaient des raisins de rubis et
d'améthystes, des grappes de grenats et d'amaldines (8), des chasselas de chrysoprases, des muscats gris
d'olivines et de quartz, dardaient de fabuleuses touffes
d'éclairs rouges, d'éclairs violets, d'éclairs
jaunes, montaient en une escalade de fruits de feu dont la vue
suggérait la vraisemblable imposture d'une vendange
prête à cracher sous la vis du pressoir un moût
éblouissant de flammes !
Çà et là, dans le
désordre des frondaisons et des lianes, ces ceps fusaient,
à toute volée, se rattrapant par leurs vrilles
à des branches qui formaient berceau et au bout desquelles
se balançaient de symboliques grenades dont les hiatus
carminés d'airain caressaient la pointe des corolles
phalliques jaillies du sol.
Cette inconcevable végétation
s'éclairait d'elle-même; de tous côtés,
des obsidianes (9) et des pierres
spéculaires incrustées dans des pilastres,
réfractaient, en les dispersant, les lueurs des pierreries
qui, réverbérées en même temps par les
dalles de porphyre, semaient le pavé d'une ondée
d'étoiles.
Soudain la fournaise du vignoble, comme
furieusement attisée, gronda; le palais s'illumina de la
base au faîte, et soulevé sur une sorte de lit, le Roi
parut, immobile dans sa robe de pourpre, droit sous ses pectoraux
d'or martelé, constellés de cabochons,
ponctués de gemmes, la tête couverte d'une mitre
turriculée, la barbe divise (10) et
roulée en tube, la face d'un gris vineux de lave, les
pommettes osseuses, en saillie sous des yeux creux.
Il regardait à ses pieds, perdu dans un
rêve, absorbé par un litige d'âme, las
peut-être de l'inutilité de la toute-puissance et des
inaccessibles aspirations qu'elle fait naître; dans son oeil
pluvieux, couvert tel qu'un ciel bas, l'on sentait la disette de
toute joie, l'abolition de toute douleur, l'épuisement
même de la haine qui soutient et de la férocité
dont le régal continué s'émousse.
Lentement enfin, il leva la tête et vit,
devant un vieillard au crâne en oeuf, aux yeux forés
de travers sur un nez en gourde, aux joues sans poils,
granulées ainsi qu'une chair de poule et molles, une jeune
fille debout, inclinée, haletante et muette.
Elle avait la tête nue et ses cheveux
très blonds pâlis par des sels et nuancés par
des artifices de reflets mauves coiffaient son visage comme d'un
casque un peu enfoncé, couvrant le sommet de l'oreille,
descendant tel qu'une courte visière sur le haut du front.
Le cou dégagé restait nu, sans
un bijou, sans une pierre, mais, des épaules aux talons, une
étroite robe la précisait, serrant les bulles
timorées de ses seins, affûtant leurs pointes
brèves, lignant les ambages ondulés du torse, tardant
aux arrêts des hanches, rampant sur la courbe exiguë du
ventre, coulant le long des jambes indiquées par cette gaine
et rejointes, une robe d'hyacinthe d'un violet bleu, ocellée
comme une queue de paon, tachetée d'yeux aux pupilles de
saphir montées dans des prunelles en satin d'argent.
Elle était petite, à peine
développée, presque garçonnière, un
tantinet dodue, très amenuisée, toute frêle;
ses yeux bleus flore étaient reculés vers les tempes
par des tirets de teinture lilas et estompés en dessous pour
les faire fuir; ses lèvres fardées crépitaient
dans une pâleur surhumaine, dans une pâleur
définitive acquise par un décolorement (11) voulu du teint; et la mystérieuse odeur
qui émanait d'elle, une odeur aux âmes liées et
discernables, expliquait ce blanc subterfuge par les pouvoirs des
parfums de décomposer les pigments de la peau et
d'altérer pour jamais le tissu du derme.
Cette odeur flottait autour d'elle,
l'auréolait, pour ainsi dire, d'un halo d'arômes,
s'évaporait de sa chair par bouffées tantôt
agiles et tantôt lourdes.
Sur une première couche de myrrhe, au
relent résineux et brusque, aux effluences amères
presque hargneuses, à la senteur noire, une huile de
cédrat s'était posée, impatiente et
fraîche, un parfum vert, qu'arrêtait la solennelle
essence du baume de Judée dont la nuance fauve dominait,
à son tour contenue, comme asservie, par les rouges
émanations de l'oliban.
Ainsi debout dans sa robe
égrenée de flammes bleues, imbibée d'effluves,
les bras ramenés derrière le dos, la nuque un peu
renversée sur le cou tendu, elle demeurait immobile mais,
par instants, des frissons passaient sur elle et les yeux de saphir
tremblaient, en pétillant, dans leurs prunelles
d'étoffe remués par la hâte des seins.
Alors l'homme à la tête glabre,
au crâne en oeuf, s'approcha d'elle, des deux mains saisit la
robe qui glissa et la femme jaillit, complètement nue,
blanche et mate, la gorge à peine sortie, cerclée
autour du bouton d'une ligne d'or, les jambes fuselées,
charmantes, le ventre gironné d'un nombril glacé
d'or, moiré au bas comme les cheveux de reflets mauves.
Dans le silence des voûtes, elle fit
quelques pas, puis s'agenouilla et la pâleur inanimée
de sa face s'accrut encore.
Reflété par le porphyre des dalles, son corps lui
apparaissait tout nu; elle se voyait, telle qu'elle était,
sans étamine, sans voile, sous le regard en arrêt d'un
homme; le respect épeuré qui, tout à l'heure,
la faisait frémir devant le muet examen d'un Roi, la
détaillant, la scrutant avec une savourante (12) lenteur, pouvant, s'il la congédiait
d'un geste, insulter à cette beauté que son orgueil
de femme jugeait indéfectible et consommée, presque
divine, se changeait en la pudeur éperdue, en l'angoisse
révoltée d'une vierge livrée aux mutilantes
caresses du maître qu'elle ignore.
La transe d'une irréparable
étreinte, rudoyant sa peau anoblie par les baumes, broyant
sa chair intacte, descellant, violant, le ciboire fermé de
ses flancs, et, surgissant plus haut que la vanité du
triomphe, le dégoût d'un ignoble holocauste, sans
attache d'un lendemain peut-être, sans balbuties d'un
personnel amour leurrant par d'ardentes simagrées
d'âme la douleur corporelle d'une plaie,
l'anéantirent; — et la posture qu'elle gardait
écartant ses membres, elle aperçut devant elle, dans
la glace du pavé noir, les couronnes d'or de ses seins,
l'étoile d'or de son ventre et sous sa croupe
géminée, ouverte, un autre point d'or.
L' oeil du Roi vrilla cette nudité
d'enfant et lentement il étendit vers elle la tulipe en
diamant de son sceptre dont elle vint, défaillante, baiser
le bout.
Il y eut un vacillement dans l'énorme
salle; des flocons de brume se déroulèrent, ainsi que
ces anneaux de fumée qui, à la fin des feux
d'artifice, brouillent les trajectoires des fusées et
dissimulent les paraboles en flammes des baguettes; et, comme
soulevé par cette brume, le palais monta s'agrandissant
encore, s'envolant, se perdant dans le ciel, éparpillant,
pêle-mêle, sa semaille (13) de
pierreries dans le labour noir où scintillait,
là-haut, la fabuleuse moisson des astres.
Puis, peu à peu, le brouillard se
dissipa; la femme apparut, renversée, toute blanche, sur les
genoux de pourpre, le buste cabré sous le bras rouge qui la
tisonnait.
. . . . . . . .
.
. . . . . . . .
.
. . . . . . . .
Un grand cri rompit le silence, se
répercuta sous les voûtes.
— Hein ? quoi !
La chambre était noire comme un cul de
four. — Jacques restait abasourdi, le coeur battant, le bras
pétri par des mains crispées.
Il écarquillait les yeux dans l'ombre;
le palais, la femme nue, le Roi, tout avait disparu.
[...] (14)
Il ferma les yeux pour mieux s'abstraire et
songer de nouveau à cet étonnant rêve qu'il
avait vu se dérouler devant lui, pendant un somme.
Il cherchait à se l'expliquer.
Où, dans quel temps, sous quelles latitudes, dans quels
parages pouvait bien se lever ce palais immense, avec ses coupoles
élancées dans la nue, ses colonnes phalliques, ses
piliers émergés d'un pavé d'eau miroitant et
dur ?
Il errait dans les propos antiques, dans les
vieilles légendes, choppait dans les brumes de l'histoire,
se représentait de vagues Bactrianes, d'hypothétiques
Cappadoces, d'incertaines Suses, imaginait d'impossibles peuples
sur lesquels pût régner ce monarque rouge,
tiaré d'or, grenelé de gemmes.
Peu à peu cependant une lueur jaillit
et les souvenirs des livres saints (15) en
dérive dans sa mémoire se ressoudèrent, les
uns aux autres, et convergèrent sur ce livre où
Assuérus, aux écoutes d'une virilité qui
s'use, se dresse devant la nièce de Mardochée,
l'auguste entremetteur, le bienheureux truchement du Dieu des
Juifs.
Les personnages s'éclairaient à
cette lueur, se délinéaient aux souvenirs de la
Bible, devenaient reconnaissables; le Roi silencieux, en
quête d'un rut, Esther macérée, douze mois
durant (16), dans les aromates,
baignée dans les huiles, roulée dans les poudres,
conduite, nue, par Egée l'eunuque, vers la couche
rédemptrice d'un peuple.
Et le symbole se divulguait aussi de la Vigne
géante, soeur, par Noé, de la Nudité
charnelle, soeur d'Esther, de la Vigne s'alliant pour sauver
Israël, aux appas de la femme, en arrachant une essentielle
promesse à la luxurieuse soûlerie d'un Roi (17).
Cette explication semble juste, se dit-il,
mais comment l'image d'Esther était-elle venue l'assaillir,
alors qu'aucune circonstance n'avait pu raviver ces souvenirs si
longuement éteints ?
Pas si éteints que cela, reprit-il,
puisque sinon le texte, du moins le sujet du Livre d'Esther me
revient, à ce moment, si net.
Malgré tout, il s'entêtait
à chercher dans la liaison plus ou moins logique des
idées les sources de ce rêve; mais il n'avait pas lu
de livres stimulant par un passage quelconque un rappel possible
d'Esther; il n'avait vu aucune gravure, aucun tableau dont le sujet
pût l'induire à y penser; il devait donc croire que
cette lecture de la Bible avait été couvée
pendant des années dans une des provinces de sa
mémoire pour qu'une fois la période d'incubation
finie, Esther éclatât comme une mystérieuse
fleur, dans le pays du songe.
Tout cela est bien étrange, conclut-il.
Et il demeura pensif, car l'insondable énigme du Rêve
le hantait. Ces visions étaient-elles, ainsi que l'homme l'a
longtemps cru, un voyage de l'âme hors du corps, un
élan hors du monde, un vagabondage de l'esprit
échappé de son hôtellerie charnelle et errant
au hasard dans d'occultes régions, dans d'antérieurs
ou futurs limbes ?
Dans leurs démences hermétiques
les songes avaient-ils un sens ? Artémidore (18) avait-il raison lorsqu'il soutenait que le
Rêve est une fiction de l'âme, signifiant un bien ou un
mal, et le vieux Porphyre (19) voyait-il
juste, quand il attribuait les éléments du songe
à un génie qui nous avertissait, pendant le sommeil,
des embûches que la vie réveillée
prépare ?
Prédisaient-ils l'avenir et
sommaient-ils les événements de naître ?
n'était-il donc pas absolument insane le séculaire
fatras des oniromanciens et des nécromans (a) ?
Ou bien encore était-ce, selon les
modernes théories de la science, une simple
métamorphose des impressions de la vie réelle, une
simple déformation de perceptions précédemment
acquises ?
Mais alors comment expliquer par des souvenirs
ces envolées dans des espaces insoupçonnés
à l'état de veille ?
Y avait-il, d'autre part, une
nécessaire association des idées si ténue que
son fil échappait à l'analyse, un fil souterrain
fonctionnant dans l'obscurité de l'âme, portant
l'étincelle, éclairant tout d'un coup ses caves
oubliées, reliant ses celliers inoccupés depuis
l'enfance ? les phénomènes du rêves
avaient-ils avec les phénomènes de l'existence vive
une parenté plus fidèle qu'il n'était permis
à l'homme de le concevoir ? Etait-ce tout bonnement une
inconsciente et subite vibration des fibres de l'encéphale,
un résidu d'activité spirituelle, une survie de
cerveau créant des embryons de pensées, des larves
d'images, passés par la trouble étamine d'une machine
mal arrêtée, mâchant dans le sommeil à
vide ?
Fallait-il enfin admettre des causes
surnaturelles, croire aux desseins d'une Providence incitant les
incohérents tourbillons des songes, et accepter du
même coup les inévitables visites des incubes et des
succubes, toutes les lointaines hypothèses des
démonistes (20), ou bien convenait-il
de s'arrêter aux causes matérielles, de rapporter
exclusivement à des leviers externes, à des troubles
de l'estomac ou à d'involontaires mouvements du corps, ces
divagations éperdues de l'âme ?
Il importait, dans ce cas, de ne point douter
des prétentions à tout expliquer de la science, de se
convaincre, par exemple, que les cauchemars sont enfantés
par les épisodes des digestions, les rêves
sibériens par le refroidissement du corps
débordé et resté nu, l'étouffement par
le poids d'une couverture, de reconnaître encore que cette
fréquente illusion du dormeur qui saute dans sa couche,
s'imaginant dégringoler des marches ou tomber dans un
précipice du haut d'une tour, tient uniquement, ainsi que
l'affirme Wundt (21), à une
inconsciente extension du pied.
Mais, même en supposant l'influence des
excitants extérieurs, d'un bruit faible, d'un léger
attouchement, d'une odeur restée dans une chambre,
même en admettant le motif des congestions et des retards ou
des hâtes du coeur, même en consentant à croire
comme Radestock (22), que les rayons de la
lune déterminent chez le dormeur qu'ils atteignent des
visions mystiques, tout cela n'expliquait pas ce mystère de
la psyché devenue libre et partant à tire-d'aile dans
des paysages de féerie, sous des ciels neufs, à
travers des villes ressuscitées, des palais futurs et des
régions à naître, tout cela n'expliquait pas
surtout cette chimérique entrée d'Esther au
château de Lourps !
C'est à s'y perdre; il est certain
pourtant, se dit-il, que, quelle que soit l'opinion qu'ils
professent, les savants ânonnent (p. 57-62).
Notes
(1) Le mot
« papelonnés » ne figure pas dans les
dictionnaires courants, comme plusieurs de ceux qui suivent :
on peut l'imaginer dérivé aussi bien de
« papier » que de
« papillon », mais également de
« papille ». Heureusement que son
complément en suggère le sens, comme c'est souvent le
cas du style artiste : disposés en écailles.
(2) Le mot
« caissonnés » ne figure pas dans les
dictionnaires courants (et ne se trouve pas au DHLF) : on
comprend, « fait de caissons ».
(3) Prasine : s'il ne s'agit pas d'une coquille
(pour prasline !), ce nom de couleur ne se trouve nulle part
— sauf sans le mot qui suit !
(4) Péridot : « pierre
semi-précieuse de couleur vert clair »
(PR).
(5) Zircon : « silicate de zirconium dont
les variétés les plus pures et transparentes sont
utilisées en joaillerie » (PR).
(6) Céruléennes : « d'une
couleur bleu ciel » (PR).
(7) Béryl : « silicate naturel
d'aluminium et de béryllium cristallisé,
classé en plusieurs variétés selon la couleur
et la composition chimique » (PR).
(8) Amaldine : nom de fruit ou de noix (on peut
entendre « almende », une des formes du mot
amande) qu'on ne trouve nulle part.
(9) Obsidianes : cette orthographe date du XVIIe
siècle. De nos jours, nous écrivons plutôt
« obsidiennes ».
(10) Contrairement à
« indivis », l'adjectif
« divis », féminin
« divise », est depuis bien longtemps sorti de
l'usage.
(11) Le terme
« décolorement », qu'on comprend
aisément (décoloration), ne figure pas aux
dictionnaires.
(12) L'adjectif « savourante »
n'existe pas (on dit « savoureuse »).
(13) Le terme « semaille » ne
s'emploie évidemment pas au singulier.
(14) Le lendemain matin, tout en faisant le tour
du château, Jacques est obsédé par le
rêve de cette première nuit à Lourps. Il tente
donc de se l'expliquer. C'est cette « interprétation
» qui suit.
(15) Épisode central du livre
d'Esther : le roi Assuérus règne sur Suse. Son
épouse, la reine Vasthi, lui ayant désobéi, il
la répudie. On cherche les plus belles femmes du royaume
pour la remplacer. Le juif Mardochée présente sa
nièce qui sera gardée avec les autres vierges durant
un an par l'unuque Hégué ou Hégaï (ici
Égée). On connaît la suite : Esther
plaira au roi, sera choisie pour reine et mettra son influence
à sauver son peuple.
(16) « Chaque jeune fille allait
à son tour vers le roi Assuérus, après avoir
employé douze mois à s'acquitter de ce qui
était prescrit aux femmes; pendant ce temps, elles prenaient
soin de leur toilette, six mois avec de l'huile de myrrhe, et six
mois avec des aromates et des parfums en usage parmi les
femmes » (Esther, 2 : 12).
(17) Lors d'un festin donné par Esther, le
second jour, pendant qu'il boit, le roi Assuérus dit :
« Quelle est ta demande, reine Esther ? Quand ce
serait la moitié du royaume, tu l'obtiendras »
(Esther, 7 : 1-2).
(18) Artémidore d'Éphèse est
l'auteur de l'Oneirocritica ou Traité de
l'explication des rêves. Son recueil date de
l'époque d'Hadrien; il est paru pour la première fois
en grec en 1518; la première traduction française est
de Charles Fontaine, à Lyon, en 1555.
(19) Porphyre (232-304), philosophe grec, disciple
de Plotin, auteur d'écrits allégoriques :
l'Antre des nymphes de l'Odyssée et Lettre
à sa femme Marcella (cf. Pierre Guillon, dans
l'Histoire des littératures, Paris, Gallimard,
vol. 1, p. 563).
(20) Démoniste n'est même pas
enregistré au Dictionnaire infernal de Collin de
Plancy (qui utilise démonographe à son entrée
« démonographie »). Démonologue
devrait découler de démonologie. Comme dans le cas
de nécroman (a), s'il ne s'agit pas d'un
néologisme, démoniste devrait permettre d'identifier
la source de Huysmans.
(21) Wilhelm Max Wundt (1832-1920), philosophe et
psychologue, fondateur de l'Institut de psychologie
expérimentale de Leipzig. Dans son panorama des travaux sur
le rêve, Freud présente bien Wundt comme un
théoricien de l'excitation sensorielle : le rêve
ne serait jamais pure hallucination, mais bien le résultat
de stimulations sensorielles, soit directement, soit par
association (l'Interprétation des rêves,
P.U.F., 1967, p. 45).
(22) P. Radestock, Schlaf und Traum,
Leipzig, 1878. Cet ouvrage, qui met en effet l'accent sur la
« physiologie du rêve », est
également très souvent cité par Freud dans son
panorama.
Variantes
Nous adoptons les deux corrections de
l'édition Gallimard
(coll. « Folio »), sans savoir si les
leçons fautives de l'édition G. Crès se
trouvaient dans l'original : grenelé (et non grénelé) et limbes au masculin ( et non au
féminin : antérieurs ou futurs limbes, et non
antérieures ou futures limbes).
(a) Nécromans est la forme ancienne du
pluriel nécromants. On dit plutôt aujourd'hui
nécromancien.
Références
Joris-Karl Huysmans, OEuvres complètes : En
rade, vol. 9, Paris, Les Éditions
G. Crès et Cie, 1928, p. 29-36, 57- 62.
Édition originale
Joris-Karl Huysmans, En rade, Paris, Tresse et Stock,
1887.
Édition critique
Joris-Karl Huysmans, En rade, Paris, Gallimard (coll.
« Folio »), 1984, p. 58-63, 77-80.
Situation matérielle
Le récit de rêve fait environ la
première moitié du chapitre 2 (le roman en compte
douze). Son « interprétation » se trouve au
centre du chapitre suivant.
Situation narrative
Jacques et Louise Marles vont passer quelque
temps à la campagne afin d'améliorer l'état de
santé de la jeune femme. Ils viennent d'arriver dans un
vieux château en ruines où ils vont élire
domicile. Épuisé, préoccupé par tous
ses problèmes, Jacques s'endort et fait ce cauchemar qui est
le premier de trois rêves qu'il fera durant cette retraite
à Lourps.
Bibliographie
Canovas : p. 27, 52, 53, 56, 63, 87, 142, 143 et 147. Le chapitre
3 de la thèse est consacré à Huysmans.
« Onirocritique : écriture du rêve et
critique d'art chez J.-K. Huysmans »
(p. 111-157).
Pierrot : p. 117 et 120.
BORIE, Jean, « Les Besoins et les rêves :
épisodes, crises, cures et régimes », dans
Huysmans : le Diable, le célibataire et Dieu,
Paris, Grasset, 1991, p. 81-89.
FORTASSIER, Rose, « Le récit de rêve dans
En rade », Huysmans : une
esthétique de la décadence, Genève,
Slatkine, 1987, p. 303-311.
VADÉ, Yves, « Onirisme et symbolisme :
d'En rade à la Cathédrale »,
Revue des sciences humaines, no 43 (1978),
p. 244-253.
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