TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - Édition de Guy Laflèche TGdM

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Introduction Auteurs OEuvres Chronologie


Le rêve de la pêcheuse et du fagotier (*)
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Gérard de Nerval, « La reine des poissons », les Filles du feu, conte, 1850

      Il y avait un certain jour dans la semaine où ces deux enfants ne se rencontraient jamais... Quel était ce jour ? Le même sans doute (a) où la fée Mélusine (1) se changeait en poisson, et où les princesses de l'Edda (2) se transformaient en cygnes.

      Le lendemain d'un de ces jours-là, le petit bûcheron dit à la pêcheuse : « Te souviens-tu qu'hier je t'ai vue passer là-bas dans les eaux de Challepont avec tous les poissons qui te faisaient cortège... jusqu'aux carpes et aux brochets; et tu étais toi-même un beau poisson rouge avec les côtés tout reluisants d'écailles en or ».

      — Je m'en souviens bien, dit la petite fille, puisque je t'ai vu, toi qui étais sur le bord de l'eau, et que tu ressemblais à un beau chêne-vert, dont les branches d'en haut étaient d'or..., et que tous les arbres (b) du bois se courbaient jusqu'à terre en te saluant.

      — C'est vrai, dit le petit garçon, j'ai rêvé cela.

      — Et moi aussi j'ai rêvé ce que tu m'as dit; mais comment nous sommes-nous rencontrés deux dans le rêve ?...

      [...]

      Heureusement, lorsque Tord-Chêne voulut, en se faisant aider de son neveu, tirer de l'eau la nasse d'osier, ce dernier reconnut le beau poisson rouge à écailles d'or qu'il avait vu en rêve, comme étant la transformation accidentelle de la petite pêcheuse.


Notes

(*) Le petit garçon et la petite fille font l'un et l'autre un même rêve où ils se voient sous leurs véritables identités. Le conte ne donne pas toutefois un récit de rêve, mais rapporte deux visions.

(1) Personnage d'une légende médiévale qui, à la suite d'une faute, est condamnée à devenir tous les samedis femme-serpent. Elle inspira un conte à Goethe.

(2) Nom de deux ouvrages datant l'un et l'autre du XIIIe siècle et provenant d'Islande. Le premier, découvert en Islande en 1643, dit Edda poétique ou Ancienne Edda, renferme 35 poèmes gnomiques, mythologiques, magiques et héroïques qui constituent tout ce que nous possédons sur les lointaines antiquités germaniques et scandinaves. Le second est dit Edda en prose et est un manuel d'initiation à la poésie scladique.


Variantes

(a) Variante de la Bohème galante : « ...ne se rencontraient jamais, le même sans doute où... »

(b) Variante de la Bohème galante et de Contes et Facéties : « ... étaient d'or fin, et que tous les arbres... ».


Références

Gérard de Nerval, les Filles du feu, texte établi et annoté avec une étude critique par Nicolas I. Popa, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1931, tome II, p. 216-217.

Éditions originales

Gérard de Nerval, « Livres d'enfants », le National, 29 décembre 1850.

—, « La Bohème Galante » dans l'Artiste, 15 décembre 1852 : le conte y est repris sans son titre, au dernier chapitre, fin du chapitre 15 intitulé « Ver »).

En même temps, Gérard de Nerval l'insère dans deux de ses volumes, d'abord la Bohème galante (1852), évidemment, mais aussi dans ses Contes et facéties (Paris, Giraux, 1852), avant d'être encore inséré dans les « Chansons et légendes du Valois » des Filles du feu à partir de 1854.

Édition critique

Gérard de Nerval, Les Filles du feu, texte établi et annoté avec une étude critique par Nicolas I. Popa, Paris, Librairie Ancienne Honoré Champion, 1931, tome II, p. 216-217.

—, OEuvres, éd. d'Albert Béguin et de Jean Richer, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1952, p. 302, rééd. 1955, p. 306.


Situation matérielle

      Le conte se trouve aujourd'hui à peu près au centre des Filles du feu, à la fin de la quatrième des sept sections du recueil, intitulée « Chansons et légendes du Valois », avec le titre « La reine des poissons ».


Situation narrative

      Un petit garçon et une petite fille sont exploités, le premier à faire des fagots et la seconde à pêcher de pauvres poissons. C'est en rêve qu'ils découvrent leur véritable identité, soit d'être respectivement la reine des poissons et le roi des forêts. Mais le merveilleux n'est pas là : c'est plutôt qu'ils fassent exactement le même rêve.


Bibliographie

Canovas : 201.

David F. Rogers, « Nerval, Rêve et réalité », Signum III, no 1 (janvier 1976), p. 45-53.



Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie
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