TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - Édition de Guy Laflèche TGdM

Premier songe de Joinville < Joinville > texte suivant.

Introduction Auteurs OEuvres Chronologie


Table de l'anthologie des songes classiques et médiévaux


Second songe de Joinville
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Jean de Joinville, Vie de saint Louis, biographie/autobiographie, 1309

Traduction
      766 Encore weil je cy aprés dire de nostre saint roy aucunes choses que je veïs de lui en mon dormant qui seront a l'onneur de li, c'est a savoir que il me sembloit en mon songe que je le veoie devant ma chapelle, a Joinville; et estoit, si comme il me sembloit, merveilleusement lié et aise de cuer; et je meismes estoie moult aise pour ce que je le veoie en mon chastel, et li disoie : « Sire, quant vous partirés de ci, je vous herbergerai a une moie meson qui siet en une moie ville qui a non Chevillon ». Et il me respondi en riant et me dit : « Sire de Joinville (1), foi que doi vous, je ne bee mie si tost a partir de ci ».

      767 Quant je me esveillai, si m'apensai et me sembloit que il plesoit a Dieu et a li que je le herberjasse en ma chapelle. Et je si ai fet, car je li ai establi un autel à l'onneur de Dieu et de li la ou l'on chantera a tous jours mais en l'honneur de luy, et y a rente perpetuelment establie pour ce faire. Et ces choses ai je ramentues a mon seigneur le roy Looys, qui est héritier de son non; et me semble que il fera le gré Dieu et le gré nostre saint roy Looys, s'i pourchassoit des reliques le vrai cors saint et les envoioit a la dite chapelle de saint Lorans a Joinville, par quoy cil qui venront a son autel que il y eussent plus grant devocion.


      766 Je veux encore dire ci-après au sujet de notre saint roi certaines choses qui seront à son honneur, que je vis de lui tandis que je dormais. C'est à savoir qu'il me semblait en mon songe que je le voyais devant ma chapelle à Joinville; et il était, comme il me semblait, extraordinairement joyeux et allègre de coeur; et moi-même j'étais bien aise parce que je le voyais dans mon château et je lui disais : « Sire, quand vous partirez d'ici, je vous hébergerai dans une maison à moi qui se trouve dans une ville qui m'appartient, qui s'appelle Chevillon ». Et il me répondit en riant et me dit : « Sire de Joinville (1), par la foi que je vous dois, je ne désire pas sitôt partir d'ici ».

      767 Quand je m'éveillai, je réfléchis et il me semblait qu'il plaisait à Dieu et à lui que je l'héberge dans ma chapelle. Et ainsi ai-je fait, car je lui ai établi un autel en l'honneur de Dieu et de lui, où l'on chantera à perpétuité en l'honneur de lui : et il y a une rente établie à perpétuité pour ce faire. Et j'ai rapporté ces choses à monseigneur le roi Louis, qui est héritier de son nom; et il me semble qu'il ferait chose agréable à Dieu et à notre saint roi Louis, s'il se procurait des reliques du véritable corps saint et les envoyait à ladite chapelle Saint-Laurent à Joinville, pour que ceux qui viendront à son autel lui aient une plus grande dévotion.


Notes

(1) « C'est la seule fois que le roi appelle Joinville "Sire de Joinville"; partout ailleurs dans le livre, le roi dit : "Sénéchal" », note de Jacques Monfrin. Il suit que l'appellation est familière, personnelle, intime : elle dénote un passage nettement autobiographique de la biographie.


Références

Édition et traduction de Jacques Monfrin, Vie de saint Louis, Paris, Garnier (coll. « Classique Garnier »), 1995, réimp. Le Livre de poche (coll. « Lettres gothiques », no 4565), Librairie générale française, 2002, p. 602 et 604, puis 603 et 605 pour la traduction.

      Les deux songes de Joinville sont les deux premiers que j'ai édités dans la présente anthologie. À la fin de mon travail, je devrais trouver une édition ancienne, du domaine public, et en proposer ma propre traduction. Je ne le fais pas par respect pour le travail de J. Monfrin. — Je ne pense pas que les éditions Garnier m'en tiennent rigueur, tant et aussi longtemps que cette anthologie est offerte gratuitement sur la Toile. Cela dit, on doit comprendre que le copyright du texte et de la traduction appartient à : © Garnier, France, 1995.

Édition originale

      Le manuscrit (aujourd'hui perdu) de Joinville est remis à Louis de Navarre en 1309 (Louis X, roi de France, 1314-1316). Un seul manuscrit, défectueux, des environs de 1630 ou 1640 nous est parvenu. Première « édition » en 1547 d'une traduction, elle-aussi perdue : sire Jehan, seigneur de Jonville [sic], Seneschal de Champaigne, Histoire et chronique du treschrestien roy saint Loys IX, édition d'Anthoine Pierre de Rieux, Poitiers, Marnef.

Éditions critiques

Jean de Joinville, OEuvres, comprenant l'histoire de saint Louis, le Credo et la Lettre à Louis X, édition de Natalis de Wailly, Paris, Adrien Le Clère, 1867.

—— Première édition moderne qui connaîtra de très nombreuses réorganisations, jusqu'aux éditions de La Pléiade qui en seront des adaptations.

Joinville, dans Historiens et chroniqueurs du Moyen Âge, éd. d'Albert Pauphilet, Paris, Gallimard (coll. « Bibliothèque de la pléiade »), 1952, rééd. d'Edmond Pognon, 1963.

Édition et traduction de Jacques Monfrin, Vie de saint Louis, Paris, Garnier (coll. « Classique Garnier »), 1995, réimp. Le Livre de poche (coll. « Lettres gothiques », no 4565), Librairie générale française, 2002, p. 602 et 604, puis 603 et 605 pour la traduction.


Situation matérielle

      Le second songe de Joinville se situe à la toute fin de ses mémoires sur Louis IX. L'ouvrage compte 769 paragraphes et le songe se trouve au paragraphe 766. Il s'agit en fait des derniers mots du mémoire avant l'adresse d'authentification qui le ferme (« Je fais savoir a touz... »). C'est le second et dernier songe de l'ouvrage.


Situation narrative

      Le mémoire autobiographique de Jean de Joinville raconte sa participation à la croisade de Louis IX en Égypte et en Israël en 1248-1254. C'est dans ce cadre qu'il développe la vie de saint Louis (1226-1270), pour lequel il avait témoigné à son procès de canonisation en 1282.

      Ce texte est écrit amicalement et familièrement pour Jeanne de Navarre, entre 1305 et 1309; il n'a rien à voir avec le texte officiel d'un historien destiné à la publication. Et cela se confirme du début à la fin de sa lecture. Or, aussi extraordinaire que cela puisse paraître, la toute dernière page est encore plus familière, de l'ordre du journal intime. Voilà une conversation toute simple entre le sénéchal et son roi, dont la dernière volonté peut d'ailleurs être rapportée tout aussi simplement à son petit-fils, Louis de Navarre qui sera bientôt Louis X : le bon roi demande à son sénéchal de bien vouloir lui consacrer un autel dans sa chapelle de Saint-Laurent, à Joinville.

      Voir la note de Jacques Monfrin, dans la bibliographie qui suit.


Bibliographie

Jacques Monfrin, « Introduction », Joinville, Vie de saint Louis, Paris, LdP, 1995, p. 78 : situation de la chapelle de Saint-Laurent et actes de son établissement, avec la fondation officielle de l'autel dédié à saint Louis. L'acte étant de 1308, le songe et sa rédaction sont donc récents, après 1305 certainement.



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