Pierre de Ronsard,
« Songe », dans le recueil
le Bocage
royal,
poème,
1584
Songe
A luy-mesme [Henry III, à qui est
dédié
le
recueil]
Nos peres abusez pensoyent que le songer
Du matin n'estoit point ny faux ny mensonger.
Au contraire, mon roy, je pense que tous songes,
Sans rien signifier, ne sont que des mensonges,
Et que Dieu ne voudroit (Dieu qui ne peut tromper)
De fantosmes confus nostre ame enveloper,
S'apparoissant à nous, quand le sommeil commande
Au corps ensevely de vin et de viande,
Mais plustost, en plein jour, alors qu'il est permis
De veiller, et d'avoir les sens non endormis,
Et sçavoir discerner si l'image legere,
Qui pousse nostre esprit, est fausse ou mensongere.
Or, sans tant discourir, je vous diray le fait :
L'ouvrage commencé s'en va demy-parfaict (a).
Je songeois, l'autre nuict, un peu devant
l'aurore,
Quand du soleil naissant les chevaux sont encore
En la mer, et leurs crins s'espandent par les cieux,
Qu'un buisson espineux (b) se monstroit à
mes yeux,
De ronces remparé (c), fortifié
d'eau vive
Et d'un large fossé, dont la glissante rive
Me monstroit que du bas jusqu'au plus haut du bord
Le passage estoit clos, tant le parc (d) estoit
fort.
Dedans faisoit sa bauge (e)
une beste
sauvage,
Qui jamais autre part ne cherchoit son gaignage (f),
S'aviandant (g) de glands, qui secs se
desroboyent
Des chesnes en automne, et à terre tomboyent.
Les voisins du pays l'appelloyent La Merveille;
Sa gueulle estoit dentée, effroyable l'oreille,
Ventre large et pansu, la peau rude au toucher,
Et son front se dressoit en pointe de clocher.
Il n'y avoit seigneur, marchant, ny
gentilhomme,
Qui n'eust couru la beste (h), ainsi qu'on fait
à Romme
Le bufle par la ville, alors que les Romains
De traicts jettez sur luy se desarment les mains (1).
Transporté d'une forte et chaude
frenaisie,
Apres tant de coureurs il me prist fantaisie
De les devancer tous, et comme bon veneur (i),
Faire bien mon enceinte (j), et en avoir
l'honneur.
Cela ne m'effroya, ny ne pallit ma face,
Voyant de mes voisins les chiens morts sur la place,
Et les autres blessez au logis revenir;
Mais plustost irrita mon courroux (k) à
tenir
Fort contre le sanglier, suyvant mon entreprise,
Ou mourir au combat, ou voir la beste prise.
Je descouplay (l) mes chiens,
et for-huant (m) apres,
Les nommant par leurs noms, il n'y eut ny forests,
Montaignes ny chemins, ny lande inhabitée,
Qui ne fissent un bruit sous ma chasse amutée (n).
Errant, esgratigné de ronces par les bois,
Tantost d'un tram de trompe (o), et tantost de la
voix
Je leur donnoy courage, et leur monstrois la voye;
Mais, coüars, sans la mordre ils aboyoient la proye
A gueule ouverte, ainsi que de nuict en resvant (p)
Ils mordent l'ombre aux dents, et abboyent le vent.
Je fis sonner pour chiens (q); la trompe les
assemble.
Coupables de leur faute, ils se rendent ensemble
Tous craintifs à mes pieds, d'un visage abaissé,
Puis comme des poltrons ainsi je les tancé :
« Chiens indignes (r) de
suivre une
beste à la
trace,
Chiens gris, qui dementez vostre première race,
Dont le bon sainct Hubert (2) par les forests
cherchoit
Les sangliers, et leur hure (s) à son huis
attachait,
Rendez-moy maintenant, rendez la recompense
Du soin que j'ay de vous, n'espargnant la despense
Ny le bon traitement pour vous faire nourrir,
A fin de surpasser les autres à courir.
Avant que le soleil plonge en la mer sa
teste,
Retournez au logis, braves (t) de la
conqueste,
Le muffle ensanglanté, le corps navré de coups,
Ou vous serez ce soir le carnage des loups ».
Ainsi les menaçant, ils monstroyent au visage,
Abboyant contre l'air, d'avoir meilleur courage.
Au plus fort du taillis un gros hallier
estoit,
Dedans pour reposer le sanglier se mettoit,
Hallier que le soleil de ses rayons ne perse,
Tant rameaux sur rameaux d'une obscure traverse
Ensemble entre-lacez le haut s'espessissoit,
Et le bas, plein d'effroy, d'ombres se noircissoit.
Au milieu cropissoit une mare fangeuse,
Où souloit (u) à midi ceste beste
outrageuse
Fouiller (v), et tout son corps de bourbe
revestir.
Là je pousse mes chiens pour la faire sortir;
Là l'espieu (w) dans la main, courageux je
devance
Ma chasse de vingt pas, je la tance et retance,
Je la presse et la hue allant tout-à-l'entour,
Mais en vain; car plustost je vy faillir le jour,
Qu'elle osast approcher du monstre pour le mordre;
Au contraire il s'élance, et les mit (x) en
desordre,
Massacrant la moitié, puis morts les secouant
Du groin les enlevoit, et s'en allait jouant.
Trois fois, recreu d'ahan (y), je m'estens (z) sur la place;
Trois fois, reprenant coeur, mes armes et l'audace,
Je retourne au combat, de fureur transporté,
Qu'un (aa) sanglier sur mes chiens eust l'honneur
emporté.
Il estoit desja nuict, et la Lune premiere
Doroit le haut des bois d'une blonde lumiere,
Quand, regardant son arc nouvellement plié
D'une corne voutée, ainsi je la prié :
« Lune (3), l'oeil de la
nuict, qui
reluis à
trois faces,
Deesse des veneurs, des chemins et des chasses,
Tu as courbé trois fois tes voûtes en un rond,
Et trois fois replanté tes cornes à ton front (4),
Depuis le jour qu'errant par ces bois je m'amuse
A suivre pour-neant une beste qui ruse;
Guide ma main, Deesse, et m'enseigne le lieu
D'où je pourray sanglant retirer mon espieu,
Et fais par ta faveur que mon souhait advienne,
O des astres l'honneur, vierge latonienne ».
Comme ainsi je priois, la Lune m'entendit,
Qui soudain de son ciel en terre descendit;
Puis despouillant son front et sa corne argentine,
Prist la forme et l'habit d'une mienne voisine (5),
Qu'on disoit toute nuict parler aux animaux,
Et par charmes tirer les esprits des tombeaux,
Ensorceler les bleds, et faire à contre-course
Les ruisseaux esbaïs retourner à leur source.
En me heurtant du coude (ab)
ainsi me vint
tanser :
« Ah ! malheureux veneur, tu es sot de penser
Qu'un monstre si cruel soit né de la nature
Des autres animaux; quitte ton avanture,
Et cherche autre parti; ou bien sois diligent
De trouver un limier et des chiens tous d'argent (6);
La beste ne se prend sinon en telle sorte ».
Atant (ac) s'esvanouit;
l'air venteux qui
l'emporte,
Fist un bruit par la nuict, et tout soudain la peur,
Escoutant tels propos, me vint glacer le coeur.
Comme je m'estonnois de sa response
obscure,
Je vous vi, ce me semble, en une clairté pure
Reluire autour de moy, mesme front, mesmes yeux
Que vous avez alors qu'entre les demi-dieux
De vostre saint conseil administrez justice,
Honnorant la vertu, et chastiant le vice.
Puis me distes ainsi : « Quel sort te
menaçant
Te tient si tard au bois à l'ombre du croissant,
Quand les hommes lassez, et quand toute autre chose,
Oubliant le travail en son lict repose ?
Conte-moy ton mechef (ad); c'est le faict d'un
bon roy
D'aider à son sujet en peine comme toy.
— O Prince, mais ô Dieu, dont la celeste face
Ne s'apparust jamais à nostre humaine race,
Sinon pour faire bien, s'il vous plaist me prester
Vostre oreille, en deux mots je vous le vais conter.
Six mois (7) sont ja passez,
que, suant sous
la peine,
Je pourchasse un sanglier d'une esperance vaine.
Une vieille m'a dit que je sois diligent
De trouver un limier et des chiens tous d'argent,
Si je veux telle beste en mes toiles surprendre (ae);
Qu'autrement je m'abuse, et ne faut m'y attendre.
Je suis tout esbahi des propos qu'elle
dit,
A qui la raison mesme et le sens contredit;
Car jamais chiens d'argent ne furent en nature;
C'est tout ce que peut feindre une vaine peinture ».
Vous respondistes lors : « Dieu n'est
jamais l'appuy
D'un coeur qui se desfie et ne s'asseure en luy.
Les princes et les dieux ont pouvoir de tout faire;
Heretique est celuy qui pense le contraire.
Recouple-moy tes chiens, je te puis asseurer
Que tu voirras bien tost ce miracle averer ».
En me disant tels mots, d'une blanche houssine
(af)
Que vous aviez és mains, vous frappastes l'eschine
De mes chiens par trois fois, et soudain, sans bouger
D'une place, en argent je les vy tous changer.
Leur voix estoit d'argent, leurs muffles et leur veüe (8),
Les oreilles, le front, les pattes et la queue,
Et n'avez tresorier, tant soit ferme et confiant,
Qui ne les eust bien pris pour bon argent contant.
O Prince, si Cerés, si Mars et si
Neptune
Me commandoyent tous trois contre la loy commune,
L'un de faire par l'air des navires marcher,
L'autre d'ensemencer la pointe d'un rocher,
Et l'autre sans soudars donner une bataille,
Je leur obeyrois : il ne faut que l'homme aille
Contre la Deïté, et ne faut point avoir
De doute, que les dieux nous vueillent decevoir.
Je m'en vais rechasser dessous vostre
parole
Qui jamais sans effect par le vent ne s'en-vole,
Et sous vostre promesse, en laquelle douter
Ce seroit hors du ciel les dieux vouloir oster.
Donques souvenez-vous, si la beste me donte,
Qu'à vous seul, non à moy, sera toute la honte :
Vous estes le motif, je ne suis seulement
Que l'organe qui sert à vostre mandement.
Aussi, si je la prens, tout au plus haut du
feste
De vos portaux sacrez j'en appendray la teste,
Pour donner un exemple à vos peuples françois
De ne douter jamais d'obéir à leurs rois.
Puis j'escriray dessous : « Je, celuy qui les songes
N'aguieres n'estimois que fables et mensonges,
Je les croy maintenant, tant vaut la vérité
D'un miracle en moy fait par une Deïté ».
Notes
(1) On situerait aujourd'hui cette forme de
corrida populaire en
Espagne, mais on peut supposer qu'elle se pratiquait aussi en
Italie au XVIe
siècle; d'ailleurs, c'est le buffle et non le taureau qui
est
désigné.
(2) Saint Hubert, patron des chasseurs, ne
figurait pas dans la
Légende dorée de Jacques de Voragine (on ne
trouve pas son nom
à l'index de l'édition critique de la traduction de
Jean de Vignay
par Brenda Dunn-Lardeau, Paris, Champion, 1997). Mort en 727;
anniversaire le jour
de la translation de ses reliques, le 3 novembre (743). En 825,
une partie de ses
reliques sont données au monastère d'Andage, dans les
Ardennes,
où on élevait une race de chiens à laquelle on
donna le nom
du saint. Ensuite se développe la légende du patron
des chasseurs,
qu'on invoque aussi contre la rage. — Cf. l'index
d'Universalis.
(3) La Lune est une déesse romaine, qui a
vite
été assimilée à Diane (l'Artémis
des Grecs).
Déesse chasseresse, Artémis est également
considérée comme une personnification de la Lune
(Grimal,
Dictionnaire de la mythologie, art. Luna et Artémis).
Luna, Diane
ou Artémis est fille de Léto, dont Zeus eut des
jumeaux, Apollon et
elle, d'où la « vierge latonienne »,
comme on le lira
quelques vers plus bas.
(4) Bref, c'est la pleine lune ! Elle est
apparemment
passée par ses quartiers (ses « faces »)
et ses
croissants (ses trois « cornes »). Je ne sais
pas d'où
peut provenir cet exposé. En revanche, « l'oeil
de la
nuit » serait une expression de Pindare (cf
l'Encyclopédie,
art. « Lune, mythologie »). Il s'agit
apparemment du fragment
suivant des Olympiques (vol. III) à
Théron) :
« au milieu du mois, la lune au char d'or avoit foit
briller de tout son
éclat l'oeil du soir » (Pindare, traduction
complète
par Colin (Faustin), Strasbourg, Silbermann, 1841, sur Recherche de
livres de
Google).
(5) Tout au long du poème, les
« voisins », comme ici la
« voisine »,
désignent les gens du voisinage. À la veille de sa
mort, le
fameux
poète de cour est retiré depuis dix ans (1524-1585,
ce recueil est
de 1584). Dans ses prieurés de Saint-Cosme (où il
mourra), sur la
Loir, en vendômois, près de Tours, il rédige la
même
année l'élégie XXIV (Pléiade, II,
116-118) qui s'en
prend aux bucherons de la forêt de Gastine (avec ses trois
célèbres alexandrins : « Escoute,
bucheron, arreste
un peu le bras », « Dont l'ombrage incertain
lentement se
remue » et « La matière demeure et la
forme se
perd »).
(6) Qu'est-ce qu'un limier et des chiens
d'argent ? Lorsque
la métamorphose aura eu lieu, le résultat sera
qualifié
d'« argent comptant », mais ce pourrait bien
être le
phore d'une métaphore ! (et non l'inverse). Avant
d'interpréter
le « symbole » (c'est la « response
obscure », « propos
ébahissant »), on ferait
bien de chercher le proverbe ou l'expression propre à
l'expliquer. — À
moins, bien entendu, qu'on ait une interprétation de
Ronsard, de ses
correspondants ou de ses premiers exégètes.
En chimie, en minéralogie, la lune
désigne
l'argent, luna
chimicorum (Furetière, l'Encyclopédie, etc.).
D'où,
éventuellement, la dérive ou l'improvisation
narrative : chasse
> lune (et sorcière) > argent (chiens de) > le roi (en dieu
magicien)
opérant la métamorphose.
(7) Il est difficile d'expliquer pourquoi on passe
d'une
journée de chasse à une entreprise qui durerait
depuis six mois.
(8) On comprend : le son argentin (clair et
aigu); on comprend
moins bien la « vue d'argent » (peut-être
l'éclat
du cristalin, soit du cristal, souvent associé à
l'argent); pour ce
qui est du troisième emploi, le mufle, l'odorat, l'image est
totalement
hermétique.
Variantes
(a) « L'ouvrage commençé
s'en va demy-parfaict » :
faut-il entendre que le poème
commencé ne
sera jamais terminé si l'on n'en vient pas au fait ?
(b) « Buisson épineux »
: le
« buisson » est une « petite
forêt »,
soit une étendue (ce sera le parc) de « petits
arbres »
(le sens aujourd'hui de buisson) épineux.
Furetière
enregistre les deux sens (petite forêt et petit arbre).
(c) « Remparé » :
synonyme de
« fortifié », le mot qui suit.
(d) Le parc, en terme de chasse à courre,
c'est l'espace
défendu par l'enceinte des toiles, c'est-à-dire des
filets qui
enserrent les bêtes (cf. Furetière, art.
« parc »
et « toile »). Il s'agira donc moins de tuer
l'animal à
coup d'« épieu » (w) que de le pousser dans les toiles (ae)
(e) « En terme de chasse, lieu où
repose le
sanglier, ou autres bêtes mordantes, qui est d'ordinaire sale
et bourbeux.
Le sanglier fait sa bauge dans des lieux fourrés et
des
espiniers » (Furetière).
(f) Gaignage : subsistance (Glossaire de Gustave
Cohen,
« Bibliothèque de la
pléiade »).
(g) S'aviandant : se nourrissant
(Pléiade).
(h) Courir la bête, c'est non seulement la
chasser, mais
pratiquer la chasse à courre, la poursuivre avec ses chiens.
Pour F.
Remigereau, repris par les éditeurs des TFM, il s'agit d'une
impropriété (p. 66, n. 5), car ce sont les
chiens qui
courrent. Plus bas, « coureurs » serait en
conséquence
une création de Ronsard. Le synonyme lui permettra de
varier
« veneur ».
(i) Le veneur est le chasseur qui dirige les
chiens.
(j) Faire l'enceinte : cerner (Pléiade).
Il s'agit de
cerner la bête, comme on le comprend aisément,
s'assurer qu'elle se
trouve en un endroit d'où elle ne pourra s'échapper.
— Il faut
être très savant en vénerie pour savoir que
Ronsard fait ici
de l'esbrouffe (TFM, p. 67, n. 2), n'ayant aucun besoin
de
« cerner » un animal qu'il sait
piégé par son
propre repaire.
(k) « Courroucer » et
« courroux », courant en ancien
français, cèdent
en moyen français devant « irriter » et
« colère ».
« Courroux » est
aujourd'hui, avec ce sens, un mot recherché. Mais juqu'au
XVIIe
siècle, il est employé dans la poésie lyrique
et dans la
tragédie au sens disparu du français
contemporain : c'est la
« colère des éléments »
(DHLF) et, par
métonymie, le sens qu'on trouve ici, « le
débordement des
passions », la
« frénésie », comme on
le lisait plus haut, sans aucune nuance de colère, bien
entendu.
(l) Les chiens vont deux par deux, attachés
par un
« couple de crin », précisément
pour en
contrôler l'avancée. On les
« découple »
pour les lancer après la proie (Furetière).
(m) Forhuer : « appeler les chiens
à la
chasse » (Furetière); crier, donner du cor, du
cornet, du huchet.
Historiquement, le verbe s'employait au contraire pour rappeler les
chiens (TFM,
p. 67, n. 3).
(n) Faire bruit, bruire, s'explique ici par
l'expression
« chasser à bruit », pour
désigner une importante
chasse à courre (Furetière).
(o) Un « tram de la trompe »
:
« harmonie imitative du son de la trompe »
(Morillo, Lexique
de Ronsard, cité par la Pléiade).
(p) Comme la « nuict en
resvant » : comme on
divague dans les songes. La comparaison, qui se trouve dans un
songe, est
évidemment significative de la réflexion qui
introduisait le
poème.
(q) « Sonner l'appel », c'est
« sonner le retour » (Furetière).
(r) Indigne : incapable (en terme religieux, on
est
« indigne et inutile », Furetière).
Gris : le
« chien gris » est d'une race de chien
courageux et tout
dévoué à son maître (selon le
traité de Du
Fouilloux cité par Remigereau, TFM, p. 68-69,
no 4).
(s) La tête coupée de l'animal, au
sens de
trophée. Hure : comparer
« hérisser »,
« Huron ».
(t) Brave : « excellent en sa
profession »
(Furetière), sans nuance nécessaire de bravoure.
Ici, excellents
chiens de chasse, ayant « bravement »
(correctement)
donnés sur la proie.
(u) Souloir : avoir l'habitude de. Courant en
ancien
français (soloir + infinitif), le vocable est marqué
comme un
archaïsme par Furetière.
(v) Fouiller : (creuser pour) s'enfouir. Sens
étymologique de fodere,
« fouir ».
(w) L'épieu est l'arme
spécialisée de la
chasse au sanglier : c'est une lance de bois à la pointe de
métal
aiguë, pointe dont les deux côtés sont
tranchants. Même
forme que la hallebarde (Furetière).
(x) « Il s'élance, et les
mit... », ou
bien pour « il s'élança, et les
mit » ou
« il s'élance, et les met »...
Participes et imparfaits
qui suivent montrent que nous somme dans un tableau où les
temps verbaux ont
perdu leur sens temporel strict.
(y) Ahan : effort (Pléiade).
(z) En terme militaire,
« s'étendre »,
c'est « envahir », « se
déployer ».
« Il a étendu ses quartiers, le front de ce
bataillon » (Furetière).
(aa) Qu'un : parce qu'un. La conjonction
causale qu'on trouvera
jusqu'au XVIIe siècle.
(ab) « Je luy ay donné un coup
de coude pour luy
faire signe » (Furetière).
(ac) Atant : alors, à ce moment (ad +
tantum). Courant
en ancien français, disparu du français classique (ne
se trouve pas
au Furetière). Cf. le Dict. d'anc. fr. de
Grandsdaignes d'Hauterive,
par exemple.
(ad) « Meschef : vieux mot qui
signifioit autrefois un
accident, un malheur, un grand crime »
(Furetière).
(ae) Surprendre l'animal dans les toiles, c'est
le pousser dans
les filets, normalement pour le prendre vivant. Cf. (d).
(af) Jeu de mot : la houssine est une
« branche » de houx qui sert à mener le
cheval ou
à battre les tapis, soit une baguette (Furetière).
Références
Pierre de Ronsard, OEuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux,
Paris, Lemerre,
1887-1896, 6 vol., vol. 3, p. 209-215, recopié ici
de Gallica
(BNF), version texte, corrigée et éditée par
G.
Laflèche.
Édition originale
Pierre de Ronsard, le Bocage royal, 1584.
Éditions critiques
Pierre de Ronsard, OEuvres complètes, Paris, Didier
(coll.
« Textes français modernes »), 20 vol.,
vol. 18,
première partie, Oeuvres (1584-1609), etc.,
éd. de Paul
Laumonier, révisée et complétée par I.
Silver et R.
Lebègue, 1967, p. 64-73.
——, Oeuvre complète, éd.
Gustave Cohen, Paris,
Gallimard (« Bibliothèque de la
pléiade »), 2
vol., vol. 1, p. 804-809.
Situation matérielle
Le Bocage royal, dédié
à Henry
III, comprend deux parties : non seulement le poème se
situe dans la
première partie, mais il en est, en quelque sorte, le
premier poème,
après trois poèmes liminaires offerts au roi.
Situation narrative
Le poème tout entier répond
à son titre,
« Songe ».
Aucune interprétation du songe
n'accompagne le texte, mais les commentateurs Gustave Cohen et
Claude Faisant en proposent une de leur cru :
1) « Le poème signifie sans doute que, bien
payé par le Roi, le poète satirique viendra à
bout des ennemis du Royaume » (G. Cohen, Oeuvres
complètes, vol. 1, p. 1115).
2) « ... Ronsard évoque une chasse fantastique,
où après s'être épuisé à
traquer un sanglier monstrueux — qui symbolise la
Pauvreté —, il entrevoit enfin l'espoir du
succès grâce à l'aide du Roi, qui
métamorphose ses chiens en une meute d'argent »
(C. Faisant, recueil de Françoise Charpentier,
p. 181).
Bibliographie
C. Faisant, « L'imaginaire du songe chez
Ronsard » le Songe
à la Renaissance, actes du colloque de Cannes, 29-31 mai
1987,
éd. Françoise Charpentier, Nice, Université
Saint-Étienne,
Institut d'études de la Renaissance et de
l'âge
classique, 1987, p. 179-189.
Étude du poème
Si l'on devait poursuivre l'étude du
texte de Ronsard,
notamment sur les sources de son poème, il faudrait se
reporter à
l'étude critique (sévère) suivante
(référence
de TFM, p. 65, n. 2).
F. Remigereau, « Ronsard sur les brisée de [la
Vénerie de
Jacques] Du Fouilloux », Revue du seizième
siècle,
vol. 19 (1932-1933), p. 72 et suiv.
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