TdM RRR / Le Recueil des Récits de Rêve - Édition de Guy Laflèche TGdM

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Introduction Auteurs OEuvres Chronologie


Table de l'anthologie des songes classiques et médiévaux


Quatre songes et une vision de Charlemagne
Situation Localisation Notes Variantes Références Bibliographie

Turold, auteur ou trouvère, la Chanson de Roland, chanson de geste, vers 1060-1065

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  1. Songe 1 (LVI)
  2. Songe 2 (LVII)
  3. Rappel du songe 1 (LXVII)
  4. Songe 3 (CLXXXV)
  5. Songe 4 (CLXXXVI)
  6. Vision finale (CCXCI)

LVI

Tresvait le jurz, la noiz est aserie.
Carles se dort, li Emperere riches;
Sunjat qu'il ert as greignurs porz (a) de Sizer (1) :
Entre ses puigns teneit sa hanste fraisnine; [720
Guenes li quens l'ad sur lui saisie;
Par tel aïr l'ad estrussée (b) e brandie,
Qu'envers le cel en volent les esclices.
Carles se dort, qu'il ne s'esveillet mie.

LVII

Apres iceste, altre avisiun sunjat : [725
Qu'il en France ert, à sa capele ad Ais,
El destre braz li morst uns urs (c) (2) si mals;
Devers Ardene vit venir un leupart :
Sun cors demenie mult fierement asalt.
D'enz de la sale une veltres avalat, [730
Que vint a Carle le galop e les salz,
La destre oreille al premer urs trenchat,
Iréement se cumbat al leupart.
Dient Franceis que grant bataille i ad,
E il ne sevent li quels d'els la veintrat (3). [735
Carles se dort, mie ne s'esveillat.

[...]

LXVII

Li .xii. Per sunt remés en Espaigne :
.Xx. milie Francs unt en lur cumpaigne.
Nen unt poür ne de murir dutance.
Li Emperere s'en repairet en France;
Suz sun mantel enfuit la cuntenance. [830
Dejuste lui li dux Neimes chevalchet,
E dit al Rei : « De quei avez pesance ? ».
Carles respunt : « Tort fait ki l'me demandet !
Si grant doel ai ne puis muer ne l'pleigne.
Par Guenelun serat destruite France : [835
Enoit m'avint une avisiun d'angele,
Qu'entre mes puinz me depeceit ma hanste,
Ki mun nevuld jugat à rere-guarde.
Jo l'ai lesset en une estrange marche.
Deus ! se jo l'pert, ja n'en averai escange ». [840

[...]

CLXXXV

Carles se dort cum hume traveillez. [2525
Seint Gabriel li ad Deus enveiet,
L'Empereür li cumandet à guarder.
Li Angles est tute noit à sun chef.
Par avisiun li ad anunciet
D'une bataille ki encuntre lui ert : [2530
Senefiance l'en demustrat mult gref.
Carles guardat amunt envers le cel,
Veit les tuneires e les venz e les giels,
E les orez, les merveillus tempez;
E fous e flambes i est apareillez : [2535
Isnelement sur tute sa gent chet;
Ardent cez hanstes de fraisne e de pumer
E cez escut jusqu'as bucles d'or mer;
Fruisent cez hanstes de cez trenchanz espiez,
Cruissent osberc e cez helme d'acer. [2540
En grant dulur i veit ses chevalers.
Urs e leupart les voelent puis manger;
Serpent e guiveres (d), dragun e averser :
Grifuns i ad, plus de trente millers.
N'en i ad cel à Franceis ne se get. [2545
E Franceis crient : « Carlemagne, aidez ! ».
Li Reis en ad e dulur e pitet,
Aler i voelt, mais il ad desturber :
Devers un gualt uns granz leüns li vient,
Mult par ert pesmes e orguillus e fiers; [2550
Sun cors méismes i asalt e requert,
E prenent sei à braz ambesdous por loiter;
Mais ço ne set quels abat ne quels chet (4)...
Li Emperere ne s'est mie esveillet.

CLXXXVI

Apres icelle li vient un altre avisiun : [2555
Qu'il ert en France ad Ais, ad un perrun,
En dous chaeines si teneit un brohun;
Devers Ardene veeit venir .xxx. urs,
Cascun parolet altresi cume hum.
Diseient li : « Sire, rendez le nus ! [2560
Il nen est dreiz que il seit mais od vus;
Nostre parent devum estre à sucurs ».
De sun paleis uns bels veltres acurt,
Entre les altres asaillit le greignur
Sur l'erbe verte, ultre ses cumpaignuns. [2565
Là vit li Reis si merveillus estur;
Mais ço ne set li quels veint ne quels nun
(5)...
Li Angles Deu ço mustret a l'barun (e).
Carles se dort tresqu'à l'demain à l'cler jur.

[...]

CCXCI

Quant l'Emperere ad faite sa justice
E esclargiez est la sue granz ire,
En Bramimunde (6) ad chrestientet mise. [3990
Passet li jurz, la nuit est aserie,
Culchet s'est li Reis en sa cambre voltice.
Seinz Gabriel de part Deu li vint dire :
« Carles, semun les oz de tun empire,
Par force iras en la tere de Bire, [3995
Reis Vivien si succurras en Imphe (7),
A la citet que païen unt asise.
Li chrestien le recleiment e crient ».
Li Emperere n'i volsist aler mie :
« Deus ! dist li Reis, si penuse est ma vie ! ». [4000
Pluret des oilz, sa barbe blanche tiret (8)...

Ci falt la Geste que Turoldus declinet.

Songe 1

Disparaît le jour, la nuit s'est faite.
Charles dort, le puissant Empereur;
Il songea qu'il était aux plus hauts cols (a) de Cize (1) :
Entre ses poings il tenait sa [lance à la] hampe de frêne.
Le comte Ganelon la lui a prise;
Il l'a secouée et brandie de telle manière
Qu'au ciel les éclats en volent.
Charles dort, et il ne s'éveille nullement.

Songe 2

Après cette vision, il en songea une autre :
Qu'il était en France, dans sa chapelle, à Aix,
Au bras droit le mord un ours (c) (2) des plus mauvais;
Depuis l'Ardenne, il voit venir un léopard :
À lui tout entier très sauvagement il s'attaque;
De l'intérieur de la salle un vautre dévale,
Qui vient à Charles au galop et par bonds,
Tranche l'oreille droite au premier, l'ours,
Puis combat furieusement le léopard.
Les Français disent que voilà une grande bataille,
Mais ils ne savent pas lequel d'entre eux la remportera (3).
Charles dort, rien de cela ne le réveille.

[...]

Rappel du songe 1

Les douze pairs sont restés en Espagne :
Vingt mille Français sont en leur compagnie;
Ils sont sans peur et ne redoutent pas de mourir.
L'Empereur s'en retourne en France;
Sous son manteau, il cache son attitude [son angoisse].
À son côté le duc de Naimes chevauchait,
Qui dit au roi : « De quoi avez-vous souci ? »
Charles répond : « Qu'il fait mal celui qui me le demande !
Car j'ai si grand peine que je suis forcé de me plaindre.
La France sera par Ganelon ruinée !
Cette nuit, m'est venue une vision de la part d'un ange,
Qu'il brisait ma lance entre mes poings,
Lui qui a désigné mon neveu à l'arrière-garde.
Je l'ai laissé dans une marche étrangère;
Dieu ! Si je le perds, jamais je n'en trouverai l'équivalent ».

[...]

Songe 3

Charles dort comme un homme tourmenté.
Dieu lui a envoyé saint Gabriel;
Il lui commande de garder l'Empereur.
L'ange reste toute la nuit à son chevet.
Par une vision, il lui a annoncé
Qu'une bataille sera livrée contre lui :
Il lui en montre la très grave signification.
Charles lève les yeux vers le ciel,
Il y voit les tonnerres, les vents et les gelées,
Et les orages, les tempêtes extraordinaires,
Et feux et flammes qui y sont apprêtés :
Et soudain, le tout tombe sur tous ses gens;
Les lances de frêne et de pommier s'enflamment,
Et les écus jusqu'à leurs boucles d'or pur,
Les hampes éclatent sur les épieux tranchants,
Les hauberts craquent, comme les heaumes d'acier.
Charles voit ses chevaliers en grande détresse :
Des ours et des léopards veulent alors les dévorer;
Des serpents et des guivres (d), des dragons et des démons,
Des griffons aussi, plus de trente mille.
Et tout cela se jette sur les Français.
Et les Français crient : « Charlemagne, à l'aide ! ».
Le roi en a et douleur et pitié;
Il veut y aller, mais il en est empêché :
Du fond d'un bois un grand lion vient vers lui,
Des plus farouche, féroce et formidable;
Il assaille et attaque le roi en personne;
Ils se prennent tous deux à bras-le-corps pour lutter;
Mais il ne sait lequel abat l'autre ni lequel tombe (4).
L'Empereur ne s'est pas réveillé.

Songe 4

Après cette vision, il lui en vient une autre :
Il était en France, à Aix, sur un perron;
Avec deux chaînes, il tenait un ours.
Depuis l'Ardenne, il voyait venir trente ours,
Et chacun d'eux parlait aussi bien qu'un homme.
Ils lui disaient: « Sire, rendez-le-nous !
Il n'est pas juste qu'il soit avec vous plus longtemps;
C'est notre parent, nous devons le secourir ».
De son palais un beau vautre accourt,
D'entre tous les ours, il attaqua le plus grand
Sur l'herbe verte, à l'écart de ses compagnons.
Là, le roi vit un formidable combat,
Mais il ne sait lequel est le vainqueur et le vaincu (5).
C'est ce que l'ange de Dieu a montré au baron (e).
Charles dort, jusqu'au lendemain, au grand jour.

[...]

Vision finale

Quand l'Empereur a fait justice
Et qu'est apaisée sa grande colère,
Il a mis Bramimonde (6) au nombre des chrétiens.
Passa le jour, la nuit s'est faite.
Le roi s'est couché dans sa chambre voûtée.
Saint Gabriel de la part de Dieu lui vient dire :
« Charles, rassemble les armées de ton empire !
De toutes tes forces tu iras dans la terre de Bire
secourir le roi Vivien à Imphe (7),
La cité que les païens ont assiégée :
Les chrétiens te réclament et t'appellent ».
L'Empereur aurait voulu ne pas y aller du tout :
« Dieu ! dit le roi, ma vie est tellement pénible ! ».
Il pleure des yeux, il tire sa barbe blanche » (8).

Ici s'arrête la geste que Turold fait chanter.


Notes

(1) Size, si l'on désigne un col, se trouve dans les Pyrénées, à la frontière de la France et de l'Espagne.

(2) Pour les lecteurs (que nous sommes tous) qui ne lisent que les notes : voyez la variante (c). Elle importe pour l'interprétation du bestiaire des songes. On lit ici la version traditionnelle (on la lit partout), fautive, qui porte « ours », probablement par rapprochement avec le quatrième songe. La version originelle désigne tout autre chose, un « verrat », soit un sanglier.

(3) Première interprétation. L'ours/verrat est le roi Marsile, qui sera défait par Charlemagne et c'est lui, Marsile, qui perd sa main droite; le léopard, plus terrible, c'est soit Algalife, soit plutôt Baligant, l'émir de Babylone, qui vient à la rescousse de Marsile pour combattre le vautre, Roland, voire Charlemagne qu'il poursuit dans sa retraite. Roland/Charlemagne fait face. Suspense : après une rude bataille, de nombreux revers, si Roland sera défait, c'est l'empereur français qui fendra la tête du païen arabe. Selon cette interprétation, ce deuxième songe sera complété par les deux suivants.

      Seconde interprétation (la bonne !). Les quatre songes s'analysent comme une « règle de trois » : le songe 1 décrit une scène de bataille à Roncevaux, suivie de sa vision à Aix (le songe 2 en question ici), comme le songe 3 décrit une scène de bataille contre Baligant, encore suivie de sa vision à Aix (le songe 4). Il suit que l'ours/verrat représente Ganelon qui mord Charlemagne au bras droit; le léopard, Pinabel, qui tente à son tour d'attaquer le roi; et le vautre, Tierri qui vient à sa rescousse. Suspense : quel sera l'issue du combat (non encore attendue) de l'arrière-garde à Roncevau ? Que s'ensuivra-t-il ?

      L'important n'est pas que la seconde interprétation soit la bonne (Cesare Segre confronte les versions, vol. 2, p. 106-107). Il faut plutôt remarquer qu'on compte une bonne dizaine d'interprétations de grands médiévistes à débattre de la question, de Th. Müller (1851) et A. Pakscher (1885) à K.-J. Steinmeyer (1963) et Cesare Segre (1971) — pour les désigner respectivement selon les deux grandes tendances qui viennent d'être présentées.

(4) Décrit le combat de l'armée de Charlemagne contre celle de l'émir Baligan : « Annonce des vers 2570-2844 et 2974-3624 [les laisses 187-202 et 214-262]. Les monstres sont les soldats de l'émir Baligan; le lion, Baligan lui-même » (Fernand Flutre, op. cit., p. 61, n. 2). Suspense...

(5) « Annonce des vers 3734-4002 [soit la fin de l'oeuvre, de la laisse 270 à la fin] : l'ours enchaîné c'est Ganelon; les trente ours, les parents qui prennent sa défense; le plus grand, Pinabel; le lévrier [le vautre], Thierry » (Fernand Flutre, op. cit., p. 61, n. 3). — Suspense : c'est le vautre/Thierry qui aura raison du champion des ours, Pinabel, de sorte que Ganelon et tous les siens seront suppliciés.

(6) Bramimonde est la reine de Saragosse, épouse de Marsile, qui a été capturée par Charlemagne.

(7) La ville d'Imphe de la terre de Bire : la région, tout comme la ville, sont inconnues. Dans le contexte de la chanson, on suppose qu'il faut les situer en Espagne, où l'empereur devrait retourner.

(8) Deux trompettes devaient rassembler les armées de Moïse contre l'ennemi. Le peuple juif est au désert et proteste contre ses difficiles conditions. Dieu se fâche. Moïse : « Pourquoi affliges-tu ton serviteur, et pourquoi n'ai-je pas trouvé grâce à tes yeux, que tu aies mis sur moi la charge de tout ce peuple » (Nombres, 11: 11). Le rapprochement est de Jean Garel, qui commente : « Hébraïque plus que chrétienne, cette idée du peuple de Dieu. Primitive plus que chrétienne, cette "religion des guerriers" qui inspire... » ce cycle de chansons (op. cit., p. 132).


Variantes

(a) Port : c'est le col, le col d'une montagne, le sens qui convient le mieux ici (du moins pour l'image, la dépression d'une région montagneuse). Mais on comprend souvent qu'il s'agit d'un port (portus) de Size, voire d'une porte (porta) de la ville. Léon Clédat traduit littéralement « port de Cize » (p. 49).

(b) Estrussée : il faut plutôt lire crollée (C. Segre). D'abord estrosser est un synonyme de brandir (et le verbe simple, strosser, ne convient pas); ensuite, le vers est faux, ayant une syllabe en trop. Croler ou croller, du latin populaire *crotalare, « secouer ».

(c) La bonne lecture n'est pas urs (ours), mais ver (verrat, sanglier). La preuve s'en trouve au vers 732 où le mot est au cas régime, sans -s (et donc ver et non « ur(s) »). Voir le sommaire des analyses par C. Segre.

(d) Guivre, vouivre viennent d'une déformation populaire du latin vipera, qui donne correctement vipère (dès le XIIe siècle). Ils s'emploient donc pour désigner les serpents fabuleux, comme le dragon.

(e) Baron. Les barons (le baronage) sont les seigneurs et guerriers du roi, sa suite. Appliqué au roi, à l'empereur, le vocable peut avoir de très nombreux sens laissés ici à la discrétion du lecteur : un homme valeureux, noble, vénéré.


Références

La Chanson de Roland : texte critique, accompagné d'une traduction nouvelle, édition (et traduction) de Léon Gauthier, Paris, Mame, 1872. BNF, Gallica (Ye-2231) :

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102947j
.

Traduction de G. Laflèche.

Édition originale

      Le manuscrit anglo-normand d'Oxford est propablement le plus près de la chanson originale, une version de 1170 environ (soit d'un siècle postérieur à la création de la chanson).

La chanson de Roland, Manuscrit d'Oxford (Bodleian Library), édition de Raoul Mortier, Paris, 1940. On trouve non seulement cette transcription, mais également la photographie des pages du manuscrit sur l'internet, dans la Bibliothèque augustinienne d'Augsbourg.

Bibliotheca Augustana (Augsbourg)
Bibliotheca Augustana >: gallica > chronologie > 11e siècle
Édition html du 25 mars 2010 par Ulrich Harsch (1999).

Éditions critiques

La Chanson de Roland, édition critique de Cesare Segre (Milan-Naple, 1971), trad. Madeleine Tyssens, Genève, Droz (coll. « Textes littéraires français »), 1989, 2 vol.

      C'est l'édition qui fait autorité. Pour l'analyse des songes, j'en rapporte deux variantes essentielles : (b) et (c).

Édition critique et traduction de Ian Short, Paris, Librairie générale française, Le Livre de Poche (coll. « Lettres gothiques »), 1990.

      C'est l'édition la plus accessible en librairie.

Traductions

Chansons de geste : Roland, Aimeri de Narbonne, le Couronnement de Louis, traduction de Léon Clédat, Paris, Garnier, 1899, rééd. « Les classiques Garnier », 2010, 356 p.

      Parmi les très nombreuses traductions de la chanson de geste, celle de Clédat doit être signalée pour son caractère très particulier, précieux : le traducteur rend « mot à mot » en français moderne le texte ancien. Avec pas plus d'effort qu'il n'en faut, on le comprend fort bien, mieux qu'un poème de Valéry. Et voilà qui illustre la puissance de la poésie.

La Chanson de Roland, extraits traduits d'après le manuscrit d'Oxford par Fernand Flutre, Paris, Hachette (coll. « Classiques illustrés Vaubourdolle »), 1935, 84 p.

      Quelques-unes des notes de F. Flutre sont reprises ici.


Situation matérielle

      On a l'habitude, dans les anthologies, de dépecer les quatre songes et la vision finale de Charlemagne, avec l'interprétation du premier songe. On trouvera ici ces six fragments dans l'ordre.

      On peut compter 241 laisses à la chanson (4002 vers), dans les manuscrits qui nous sont parvenus. Les deux premiers songes occupent les laisses 56 (vers 717-724) et 57 (v. 725-736). Le premier de ces deux songes est repris et « interprété » à la laisse 67 (v. 826-840). Les deux songes suivants se trouvent aux laisses 185 (v. 2525-2554) et 186 (v. 2555-2569). L'oeuvre s'achève sur une vision, à la laisse 241 (v. 3988-4002).


Situation narrative

      Argument. Ganelon, le comte félon, a négocié à Saragosse une paix fourrée avec les Sarrasins d'Espagne. Le roi Marsile, après une guerre de sept ans, fera mine d'accepter la reddition de son royaume et lorsque le roi de France rentrera avec ses armées, il attaquera d'abord son arrière garde, avant de massacrer tous les Français qui se porteront à son secours. Ganelon fera en sorte que l'arrière garde soit dirigée par Roland, le comte le plus redoutable des armées françaises. Et, en effet, Roland sera tué et tous ses hommes défaits au passage de Roncevaux. Mais pas Charlemagne. Grâce à Dieu, à l'ange Gabriel et au courage des armées françaises, les Sarrasins seront défaits et Ganelon et les siens exécutés.

      Le premier songe de Charlemagne et son « interprétation » annoncent clairement la mort de Roland à l'arrière-garde et la trahison du comte Ganelon. D'autant mieux qu'il sera plus tard exposé et « expliqué » par Charlemagne.

      La vision qui achève l'oeuvre donne l'ordre à Charlemagne de poursuivre ses « croisades », ce dont il doit se désoler.

      Les trois autres songes, qui mettent en scène des « animaux symboliques » décrivent des combats et des événements qui sont laissés à l'interprétation du lecteur. Comme on peut le voir dans les notes, même les savants médiévistes ne s'entendent pas toujours sur leur interprétation — particulièrement sur le deuxième songe : cf. n. (3).


Bibliographie

Pierrot, 36.
Planète, 17.

Alexander Haggerty Krappe, « The dreams of Charlemagne in the Chanson de Roland », PMLA, vol. 36 (1921), p. 134-141.

Jean Garel, « La guerre religieuse » (section qui porte largement sur les songes de Charlemagne) dans « La chanson de geste », Histoire littéraire de la France, vol. 1, Des origines à 1600, Paris, Éditions sociales, 1971, p. 92-139, notamment p. 132-133.

D. D. R. Owen, « Charlemagne's Dreams, Baligant and Turoldus », ZRPh, vol. 87 (1971), p. 197-208.

Jean Dufournet, « Les rêves de Charlemagne », Cours sur « La Chanson de Roland », Paris, Sorbonne (Paris III), 1972, cahier polycopié, 250 p., p. 109-115.



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