El bozo

Les poils de la moustache de Lautréamont

Glossaires, dont le Glossaire des hispanismes
et des structures grammaticales espagnoles
dans l'oeuvre d'Isidore Ducasse

Étude du « colimaçon monstrueux de l'idiotisme  ».
Notes de travail.

Par Guy Laflèche
Professeur retraité,
Littératures de langue française,
Université de Montréal,
guy.lafleche@umontreal.ca

Table

Les dix glossaires

  1. g - « G a l l i c i s m e s »
  2. f - Mots francais sans correspondant en espagnol
  3. e - Mots espagnols sans correspondant en français
  4. i - Mots de sens inattendus ou incorrects en français
  5. v - Vocabulaire spécifique non lié au bilinguisme
  6. d - Devinettes, énigmes et périphrases
  7. h - H i s p a n i s m e s
  8. s - Locutions et tournures syntaxiques
    Structures syntaxiques espagnoles
  9. q - Questions et notes grammaticales
     
  10. l - Liste alphabétique des vocables étudiés

Remarque préliminaire

On l'aura remarqué, ceci est un ouvrage interactif en cours d'élaboration

      Ces notes consignées au jour le jour doivent être considérées pour ce qu'elles sont : le brouillon d'un travail en cours. Et question de brouillon, je sais de quoi je parle. Je suis brouillonnologue !

      Un sommaire de ce dossier a été proposé à la curiosité de quelques intéressés, le 8 décembre 1995. Le premier état du travail a été mis en orbite sur l'internet petit à petit jusqu'au 15 juillet 1996. Puis ces fichiers ont été complétés et réédités périodiquement (mai 1999 et avril 2000, notamment). On trouve le détail des étapes de cet ouvrage dans le calendrier du travail

 


Introduction aux dix glossaires

Le colimaçon monstrueux l'idiotisme

      L'objectif de ce travail ne saurait se réduire à la recherche des « hispanismes lexicaux », c'est-à-dire des mots français employés dans des sens espagnols. Ce n'est là que le point de départ et la partie la plus facile d'un projet de recherche et d'analyse qui concerne le sens même de l'oeuvre d'Isidore Ducasse. La preuve en est que le premier glossaire s'intitule « gallicismes » et qu'il répertorie au contraire les mots français sur lesquels a porté la rêverie du poète.

      Si ces notes de travail se présentent sous la forme d'une dizaine de listes et de glossaires, il s'agit là d'une mise en ordre de la matière à l'étude. L'intérêt commence avec l'analyse de ces données, d'abord en contexte, au fil d'un nouvel établissement du texte, ensuite dans les enseignements et les conclusions qu'on ne manque pas d'en tirer.

      Or ces enseignements et conclusions ne sauraient se limiter au lexique, ni à la morphologie et à la syntaxe. Et encore moins à l'établissement de relevés. Il est bon de s'assurer qu'on ne confonde pas l'inventaire et l'investigation, les dépouillements et les analyses. Je le répète, c'est le sens de l'oeuvre d'Isidore Ducasse qui est en cause. Pour l'instant, et c'est déjà un bon point de départ, on doit considérer comme démontrées les propositions suivantes:

1. La langue espagnole. Il est impossible d'apprécier à sa juste valeur l'oeuvre d'Isidore Ducasse sans recourir à l'espagnol, celle-ci étant rédigée « en espagnol dans le texte ».

2. Les hispanismes (ce sont des fautes !). Le bilinguisme véritable, celui des individus et en particulier des artistes, comme celui du Montévidéen qui nous occupe, n'est jamais un phénomène de l'ordre de l'addition (un bilingue n'ajoute pas une autre langue à sa langue maternelle, comme nous le faisons généralement en apprenant de nouvelles langues). Dans le cas des enfants, cet apprentissage ne se fait jamais sans profits et pertes. D'ailleurs, si l'enfant est trop jeune et maîtrise encore mal sa langue maternelle, l'expérience est toujours plus dommageable que profitable, sur le strict plan linguistique. Tel n'a pas été tout à fait le cas, mais en grande partie, de l'apprentissage d'Isidore Ducasse, locuteur espagnol jusqu'à treize ans, puis locuteur français jusqu'à sa mort, à vingt-quatre ans, deux fois en expérience d'immersion totale.

3. La distanciation linguistique (comme celle théorisée par Brecht). En effet, l'hispanisme se répercute radicalement sur son oeuvre : il ne fait absolument aucun doute qu'on y trouve à tous les niveaux des fautes de français qui sont dues à son bilinguisme; mais on y trouve aussi des réussites qu'on ne rencontrera jamais sous la plume d'aucun francophone unilingue, des créations verbales à tous les niveaux de la langue, des figures grammaticales, lexicales et stylistiques, produisant des développements thématiques et narratifs de mentalité et de cultures hispaniques. La proposition s'entend au sens premier des deux volets : d'un côté il est impossible de considérer que l'auteur se soit amusé à produire volontairement des structures fautives étangères aux structures du français, des hispanismes au sens strict (et il s'en trouve beaucoup, à ce niveau où la langue est un simple moyen de communication); de l'autre, il est évident que le problème normatif est de peu de poids en face des mécanismes d'écriture, de création, voire d'inspiration (qu'ils soient conscients ou non, la question ne se pose plus à ce niveau où la langue est une manière de penser). Et la vérité n'est pas entre les deux, mais bien au-delà : la texture stylistique propre à Isidore Ducasse naît de ses incorrections linguistiques, exactement comme son expression poétique tient à ses outrances rhétoriques.

4. Une oeuvre de langue romane. Tous les traits de l'oeuvre d'Isidore Ducasse, toutes ses qualités et tous ses défauts, ne tiennent pas toujours, bien entendu, à son bilinguisme et ne nous viennent donc pas toujours de l'espagnol. Mais c'est très souvent le cas, et c'est bien ce qu'il s'agit d'apprécier ici. L'étude grammaticale n'est pas mécanique, ni ses résultats chaque fois univoques, mais l'état actuel du dossier fait évidemment la preuve qu'un très grands nombre de constructions verbales d'Isidore Ducasse tiennent à sa connaissance vivante de l'espagnol. Pour le meilleur et pour le pire, l'oeuvre d'Isidore Ducasse est profondément marquée de ce bilinguisme : elle a été pensée en espagnol tout autant et plus qu'en français avant d'être rédigée dans cette « langue seconde », je me permets de le souligner.

5. Une oeuvre de culture romane. Ainsi ce travail nous est-il aussi profitable qu'amusant. Si la recherche des hispanismes dans l'oeuvre d'Isidore Ducasse est un jeu auquel nous sommes plusieurs à nous adonner depuis quelques années, ce jeu devient passionnant lorsqu'on l'applique à la lecture de l'oeuvre. Plus encore, à l'occasion de cette étude sur des textes que nous sommes nombreux à compter parmi les chefs-d'oeuvre de la littérature moderne, c'est aussi l'espagnol et le français que nous pratiquons. Or, s'il y a une chose que les Chants de Maldoror nous auront apprise, c'est que l'espagnol, c'est beau aussi en français, n'en déplaise aux polices linguistiques du bon usage !

      Il suit de ces cinq propositions que les hispanismes lexicaux ne sont que la forme la plus spectaculaire de l'hispanisme des « Chants de Maldoror » et des « Poésies ». Mais pour cela il faut définir correctement ce qu'on doit entendre par le vocable hispanisme, comme je m'en expliquerai plus loin.


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